La Prière Sacerdotale 2

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La Prière Sacerdotale 2 (seconde partie) par Jean Pierre Bonnerot. 

VII .

Père Saint, garde-les dans ton nom, dans lequel tu me les as donnés, afin que comme nous ils soient un. Lorsque j’étais avec eux dans le monde, je les gardais dans ton nom.

Quel est le nom de Dieu ? Un seul nom, que la recherche théologique à ce jour n’a su comprendre (39), est révélé par le Fils à l’égard de Son Père, nous l’avons évoqué à propos de notre méditation des versets 4, 5 et 6 : Abba.

Le nom de Dieu : Abba, Aleph Beith, aleph, nous l’avons perçu, c’est d’une part la fructification universelle dans l’unité, selon les idiomes antiques, et la volonté efficiente d’accomplir l’unité, la force générative qui est l’unité, selon l’hébreu !

Lorsque le Fils demande à Son Père de garder dans Son Nom ceux qui lui furent donnés, il est précisé que nous ne nous trompons pas, car il ajoute : « afin que comme nous ils soient un« , le nom de Dieu, c’est la fructification universelle dans l’unité, c’est la volonté efficiente d’accomplir l’unité, la force générative qui est l’unité : ainsi sommes-nous au coeur de la Prière Sacerdotale, Jésus a bien gardé dans l’unité ceux qui lui furent donnés lorsqu’Il vécut Son Incarnation : « et aucun d’eux ne s’est perdu » !

Dans ce verset 11 par l’expression « garde-les« , se trouve non pas un ordre – nous connaissons le mode de relation entre les Personnes Divines pour l’avoir entrevu en introduction à cette étude -, mais alors une supplique.

Supplique à l’égard des créatures données par le Père à Son Fils, ce qui sous-tend l’idée selon laquelle l’homme de par les éléments de la Loi du Père, pourrait ne pas se trouver naturellement gardé en Son Nom ! Cela nous introduit au rôle médiateur du Christ entre le Père et la créature. N’est-ce pas le Père – qui n’est pas Dieu de rigueur, mais d’Amour et donc de Justice – qui renvoya Adam du Jardin d’Éden, selon la traduction du Dr. Chauvet : « Le Père ne juge personne ; mais il a laissé au Fils la fonction de juge, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père« . (Jean V, 22, 23), et ce temps où s’accomplit cette « passation des fonctions », constitue un temps nouveau, qui n’est pas un jugement, mais une Réparation : « Car enfin nous étions sans valeur aucune lorsque le Christ, au moment fixé, est mort pour les impies » (Romain V, 6) et à ce moment nous nous sommes trouvés réconciliés comme le déclare l’apôtre, ajoutant : « Mais Dieu démontre son amour pour nous par ce fait que quand nous étions pécheurs le Christ est mort pour nous. À plus forte raison maintenant que nous avons été sanctifiés dans son sang serons-nous sauvés par Lui de la colère de Dieu ; car enfin, si étant haïssables par dieu, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de Son Fils, à plus forte raison serons-nous sauvés en vivant par Sa vie, maintenant que nous sommes réconciliés« . (Romains V, 8-11)

Le lecteur habitué à nos travaux le sait : il y a une distinction fondamentale à établir entre Dieu et le monde, car ce monde, que le Christ évoque n’est pas l’expression, la représentation de la Création dans sa pureté originelle, mais le lieu de la chute où réside le Prince du monde. Voilà pourquoi le Sauveur de ce monde peut dire à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde« . (Jean XVIII, 36) et il convient de ne pas confondre le monde de la chute avec le royaume de Dieu qu’il nous faut quérir : « cherchez premièrement le Royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus » (Mathieu VI, 33)

Parce qu’il y a plusieurs mondes et plusieurs royaumes, il y a aussi plusieurs bergeries, le Christ déclare-t-il aussi : « Moi je suis le bon pasteur ; et je connais mes brebis et elles me connaissent, comme mon père me connaît, et je connais mon Père. Je donne ma vie pour mes brebis. J’ai aussi d’autres brebis, qui ne sont pas dans cette bergerie, et j’ai mission de les amener : elles entendent ma voix ; et il n’y aura plus qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur« . (Jean X, 14-17)

Parce qu’Il est le bon pasteur, le Christ a donc bien gardé dans la bergerie de ce monde dans le Nom, dans l’unité de Dieu, mais si toutes les bergeries qui sont semblables à ce monde se sont trouvées gardées, il est d’autres brebis qui ne sont pas dans une semblable bergerie, qui entendent déjà la voix du Sauveur, mais qui ne sont pas déjà réunies, c’est le futur qui est employé : « il n’y aura plus qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur« .

De quel futur s’agit-il, comment s’exprime la mission du Christ à l’égard de ces autres brebis qui ne sont pas celles dont Il a dit ; selon un mode passé : Oui, ceux que tu m’as donnés, je les ai gardés…

Christ Pantocrator. Mosaïque byzantine sur une coupole de l’église de Pammakaristos, Istanbul. XIVe siècle.

VIII.

Oui, ceux que tu m’as donnés, je les ai gardés, et aucune d’eux ne s’est perdue ; si ce n’est le Fils de perdition, pour que l’Écriture fut accomplie.

Alta en sa traduction de l’Évangile de l’Esprit : « Saint Jean, ponctue par un point virgule les deux corps de ce verset : « et aucun ne s’est perdu » et par ailleurs : « si ce n’est le Fils de perdition ». Or, la Grammaire Supérieure de Pierre LAROUSSE, réalisé en la fin du dernier siècle où la langue française avait encore un sens, nous précise que le point virgule « sert à séparer entre elles celles (des propositions principales) qui, tout en étant courtes, présentent quelque contraste frappant dans les idées, ou quelque différence notable dans la forme » (41).

Cette différence est d’une importante capitale, car ce « si ce n’est » sépare les deux corps de la phrase par un sens signifiant par ailleurs !

– si le Fils de perdition a été donné au Christ, alors le dialogue en la réponse du Fils à l’égard de Son Père, est erroné : le terme « aucun » ne supporte pas d’exception et s’avère impropre !

– si le Fils de perdition n’a pas été donné au Christ, alors non seulement le terme « aucun » exprime sa réelle valeur, mais la ponctuation qui le précède, confirme le sens d’un par ailleurs !

Cet « en dehors » distingue en séparant deux corps de choses déjà séparés, car il convient de régler ce point définitivement et hors des aspects grammaticaux, il nous semble naturel de demander à l’exégèse biblique son avis : Est-ce donc « en dehors » des créatures données au Christ que figure le Fils de perdition, ou bien le Fils de perdition s’est-il mis « en dehors » de la Bergerie du Sauveur ?

« Aucun d’eux ne s’est perdu« , or la mission du Christ, Mathieu XV, 24 la relate : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël« , et comme les fonctions du Sauveur furent accomplies intégralement, non seulement, – nous avions déjà le Fils de perdition ne désigne pas Judas qui est une brebis d’Israël (7) – il ne s’agit pas d’un homme, mais d’une autre créature qu’évoquent clairement Paul et Jean : et lorsque nous comprendrons de quelle créature il s’agit, nous percevrons pourquoi elle ne correspond pas à l’une des brebis dont le Christ se trouve immédiatement chargé !

Si les commentateurs de la Bible ont toujours voulu faire porter sur Judas cette charge écrasante qu’est cette appellation Fils de perdition, le lecteur qui connaît nos travaux sait que les Écritures que l’on a tenté de lui faire endosser, ne s’appliquent pas à l’Apôtre (7), notre frère.

Il convient que les Écritures s’accomplissent, mais le temps de cette réalisation n’est pas indiqué : il ne s’agit ni d’un passé ni d’un futur, mais d’un présent non clos et rien n’indique que la manifestation de ce mystère n’est pas à venir. Relevons et écoutons les passages du Nouveau Testament où il est aussi question du Fils de perdition, ils seront en mesure de nous guider. « Il faut d’abord que se produise l’apostasie et que se dévoile l’Homme de péché, le fils de perdition, qui s’installera, qui s’élèvera au-dessus de tout ce qui est proclamé Dieu et honoré comme tel ; il faut qu’il trône dans le temple même de Dieu, et s’arroge les attributs de Dieu« . (II Thessaloniciens II, 3-5) proclame Paul, et Jean en sa Révélation déclare à l’égard de la troisième bête : « Elle doit monter de l’abîme et aller à sa perdition« . (Apocalypse XVII, 8 )… non pas perte, mais perdition, selon les traductions de Segond, synodale, Darby, Ostervald, Crampon 1905, notamment !

Judas ne s’est jamais proclamé Dieu, il n’a point trôné dans le temple de Dieu ni ne s’est arrogé les attributs de Dieu, et ce temps de la bête n’est pas encore venu. Des hommes, le Christ n’en a perdu aucun, or il reste le problème du salut de la bête, et sans avoir présentement la possibilité d’établir l’exégèse de l’Apocalypse – ce qui serait non seulement hors sujet, mais nécessiterait au moins un livre – du moins, nous nous rangeons à l’avis du Saint abbé Paul François Gespard LACURIA qui unit en sa Clef historique de l’Apocalypse la Bête du chapitre XVII – parce qu’elle était et qu’elle n’est plus et qu’elle reparaîtra (Ap. XVII, 8 ) – à la bête d’Apocalypse XIII, 11 : « Puis je vis monter de la terre une autre bête qui avait deux cornes semblables à celles d’un agneau, et qui parlait comme un dragon« . (43)

Qui donc peut s’arroger les attributs de Dieu, qui semble être comme un agneau, mais parle comme un dragon, quel est ce Fils de perdition, sinon celui et ceux qui s’opposent à Dieu en toute connaissance et de par ce fait accomplissent, de par leur refus volontaire du Souverain Bien, le péché contre l’Esprit-Saint : la théologie du péché ne réside pas dans la réalisation d’actes qui iront à l’encontre d’une nomenclature purement humaine ; le bien et le mal, ne sont pas accessibles à l’homme d’une part en ce qu’un tel manichéisme n’existe pas, d’autre part en ce que nous l’avons déjà évoqué : « Jésus-Christ seul a connu le mystère du problème du mal. Tous les sages n’en ont pas même l’intuition ; ils se sont arrêtés au pied de ce mur qui bornait leur horizon, sentant qu’il y avait quelque chose au-delà mais ils n’ont pas su dire quoi » (44), et le Christ l’a affirmé « Oui je vous le dis, tous les péchés seront remis aux fils des hommes, et les blasphèmes, autant qu’ils en blasphémeront ; mais quiconque blasphémera contre l’Esprit Saint n’aura jamais de rémission : il est à jamais coupable d’un péché« . (Marc III, 28-30)

Le péché contre l’Esprit, c’est le refus conscient – dans la connaissance totale de cet Amour – de l’Amour de Dieu, et une telle attitude est-elle possible en ce monde, en fait non ; et sur ce point les Pères de l’Église se trompèrent quand un Cyprien déclare par exemple en sa lettre à Magnus ; évoquant Novatien ? : « Il doit être compté parmi les adversaires et les antéchrists« . (45)

La Didaché XVI, 3-5 déclare (au futur) : « Aux derniers temps, les faux prophètes et les corrupteurs se multiplieront, les brebis se changeront en loups, et l’amour se changera en haine. Car à la suite du progrès de l’iniquité, les hommes se haïront les uns les autres, ils se poursuivront, ils se trahiront et alors paraîtra le séducteur du monde se donnant pour le Fils de Dieu et il fera des « signes et des prodiges », et la terre sera livrée entre ses mains et il fera des iniquités telles qu’il n’y en eut jamais depuis le commencement des siècles« .

Il est un point intéressant à noter : la terre sera livrée entre les mains de celui qui se fera passer pour le Fils de Dieu, or ; il y a une volonté divine qui ne s’oppose pas à cela, mais elle nous est confirmée par les Écritures, qu’évoque le Christ : « pour qu’elles s’accomplissent« , c’est le témoignage que nous avons en mémoire, de l’Apôtre lorsqu’il déclare à propos du Fils de perdition : « Il faut qu’il trône dans le temple de Dieu » (II thessaloniciens II, 4) ; il s’agit d’une nécessité sinon d’un ordre, et nous revenons au mystère de Ha Satan, comme obstacle que Dieu se fait à lui-même et que nous avons déjà évoqué (2 et 7).

Il est un autre point qui est certain, c’est que les créatures qui vivent del ‘obstacle que Dieu se fait à lui-même, ne sauraient manquer à leur fonction tant que le monde de la chute n’a pas achevé son devenir, et c’est la raison pour laquelle le Sauveur déclare : « J’ai aussi d’autres brebis qui ne sont pas dans cette bergerie, et j’ai mission de les amener : elles entendent ma voix ; et il n’y aura plus qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur« . (Jean X, 16), mais ce temps s’inscrit dans le futur. Il est un drame que la métaphysique chrétienne n’a jamais compris ni tenté sérieusement de percevoir, c’est d’une part le possible avènement plus proche du Jour de Dieu qui revient à l’homme : « quelle sainte conduite et quelle piété devez-vous avoir pour atteindre et hâter l’avènement du jour de Dieu » (II Pierre III, 11, 12), c’est d’autre part l’impossibilité – de par la justice rigoureuse qu’il s’impose – pour le Prince de ce monde de demander à Dieu miséricorde, ainsi Sainte Brigitte assistera-t-elle à ce dialogue : « Alors, Notre Seigneur repartit : Si je suis donc si miséricordieux que je ne refuse le pardon à aucun de ceux qui me le demandent, demande-moi humblement miséricorde, toi aussi, et je te la donnerai« , le diable lui répartit : « Je n’en ferai rien car quand je tombai, il fut ordonné une peine pour chaque péché, ou pour toute pensée et paroles inutiles, et tous les esprits qui sont tombés ont chacun une peine infligée. Pourtant, plutôt que de fléchir mon genou devant vous, j’aimerai mieux attirer sur moi et engloutir toutes les peines, tous les supplices, bien que leur rigueur fut incessamment renouvelée » (46) et c’est à l’homme que revient encore le retour à Dieu de ceux qui s’opposèrent à lui. Voilà pourquoi de telle sorte que s’accomplisse la conversion du Prince de ce monde et de ses légions Péladan déclare « Il serait temps non pas de les prier, la droite de Dieu les a marqués, mais de prier pour eux ; la droite de Dieu ne s’étend jamais pour barrer la charité » (47) ; aussi l’Église Gnostique Apostolique – Primitive d’une part invite-t-elle – si elles sont des âmes de bonne volonté – ces créatures à s’associer à la Sainte Messe : « Frères désincarnés qui continuez votre cheminement, martyrs et saints de l’Eglise Visible et Invisible qui intercédez pour nous, Anges gardiens qui assistez les membres de cette communauté et ceux qui ont besoin de prières, Hiérarchies célestes qui louez Dieu sans cesse, je vous invite à participer à cette célébration. Unissez-vous à notre prière à laquelle s’associent toutes les âmes de bonne volonté. Daignez communier spirituellement à cette anticipation du Royaume des Cieux que la Sainte Eucharistie actualise, pour la purification et l’unification de nos coeurs, en Dieu« , mais prie-t-elle aussi à deux reprises pour elles en cette Divine Liturgie : « Prions mes frères et bien-aimés pour tous ceux qui, malgré leur connaissance de Votre Amour, chutèrent en voulant changer de sphère, et que la grâce de Dieu éclaire en toute liberté ceux qui ayant quitté provisoirement l’harmonieuse Unité, reprendront leur place dans le plan originel de la Création« . (48)

Nous entrons par ce biais dans la mission qui – nous l’avons déjà entrevu – n’est plus la mission du Christ, mais à l’image du Christ-Jésus, celle de l’homme : si les grandes Églises Apostoliques, ignorèrent et ignorent toujours cette fonction fondamentale que l’Église Gnostique Apostolique Primitive a toujours enseignée et pratiquée, la kabbale pour son compte ne méconnaît pas cette responsabilité, et c’est là que réside l’intérêt d’Isaac LURIA et de son école en la théorie – pas du tout seulement théorique – du Tikkun que résume bien Henri SEROUYA en son petit livre sur la kabbale : « Luria considère que « le processus par lequel Dieu conçoit, se produit et se développe lui-même, n’atteint pas sa conclusion en Dieu« . Le rôle de l’homme est ici capital ; il peut agir efficacement dans le processus final. Le juif qui s’attache étroitement à la vie divine, en accomplissant les commandements prescrits par la Torah et la prière, peut accélérer le processus de « la restitution de toutes les lumières et de toutes les parcelles qui ont été dispersées et isolées« . Chaque acte de l’homme se rapporte donc « à cette tâche finale que dieu a fixée à ses créatures« . En ce sens pour Luria, l’apparition du Messie n’est « que la consommation du processus continue de la restauration« , c’est-à-dire le Tikkun ». (49) La véritable métaphysique chrétienne émettra sur ce point quelques réserves : ce n’est pas que Dieu ne puisse atteindre la conclusion, par le secours de sa grâce, de cette apocatastase, la responsabilité non pas seulement des juifs mais de tous les hommes dans la Restauration finale est un acte volontaire de la part du Créateur en ce qu’il a souhaité faire participer Sa créature au devenir de Son oeuvre, et nous aboutissons ainsi à l’essence de la Prière Sacerdotale, où le Tikkun, pour Scholem « apparaît dans ce sens comme la restauration de l’unité hors de la multiplicité, est toujours en rapport avec le Rédemption« . (50)

Cette participation de l’homme à la réalisation de l’Unité qu’évoque rapidement II Pierre III, 11, 12 ; conduit à la venue plus rapide de la Parousie, ou second avènement de Jésus-Christ et cela -que les grandes Églises Apostoliques ne cherchèrent pas même à percevoir – nous unit en tant que gnostique chrétien à la kabbale en ses fondements les plus mystiques puisque le Judaïsme orthodoxe – si l’on en établissait l’exégèse – attendait non pas la venue première du Christ, mais sa manifestation en gloire, selon la venue des « deux Messies« , dont le premier était annoncé comme fils de Joseph, et le second comme fils de David, et le Talmud de Babylone est à cet égard très instructif : Quelle est la raison du deuil dont parle ce passage ? R. Dossa et les autres rabbis ne sont pas d’accord sur ce point. L’un dit : « C’est parce que le Messie, fils de Joseph sera tué« , et les autres : « C’est parce que l’esprit du mal va être anéanti« . La raison qu’avance le premier est très plausible, puisqu’il est écrit : « Ils tourneront le regard vers moi, à cause de celui qu’ils ont transpercé. Ils pleureront sur lui comme on pleure sur son fils unique, ils pleureront amèrement sur lui comme on pleure sur un premier-né » (Zac XII, 10) … et du Messie de la lignée de David il est dit : « Alors régnera la paix. Lorsque l’Assyrien viendra dans notre pays et qu’il pénétrera dans nos palais, nous ferons lever contre lui sept pasteurs et huit princes du peuple » (Michée V, 4). Quels sont ces sept pasteurs ? David au centre ; Adam, Seth et Mathusalem à sa droite, Abraham, Jacob, Saül, Samuel, Amos, Sophonie, Ezéchias et le Messie » (51)… Et toutes ces prophéties s’appliquent à l’unique Messie qui est le Christ, qui sur l’arbre de la croix fut transpercé, descendant aux enfers avant Sa résurrection, il anéantit le mal, et c’est bien du Sauveur dont il est question en Michée commençant ainsi le chapitre V évoqué : « Quant à toi Bethléem. Ephratah, bien que tu sois petite parmi les clans de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit être dominateur en Israël et dont les origines sont de toute antiquité, depuis les jours d’antan ! C’est pourquoi Dieu les abandonnera jusqu’au temps où enfantera celle qui doit enfanter, alors le reste de ses frères reviendra vers les fils d’Israël« . (Michée V, 1-3) ; nous ne trahissons pas le Talmud, ce sont ses auteurs qui ne reconnaissent pas les prophètes !

Pour revenir à notre méditation, en clôturant la parenthèse sur le faux problème des deux Messies, il revient à l’homme, par ses oeuvres et par ses prières, de hâter l’avènement du Jour de Dieu, en ce qu’il se trouve dépositaire des conditions de cet avènement et qu’il se doit d’être présent en cette circonstance : « Nous les Vivants qui avons été laissés pour la parousie du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui sont gisants » (I Thessaloniciens IV, 15), de sorte que s’accomplisse ce qui plaît à Dieu que se réalise en lui : « Que le Dieu de paix qui a ramené d’entre les morts notre Seigneur Jésus qui, par le sang de l’alliance éternelle, est le grand pasteur des brebis, vous rende aptes à faire tout le bien qu’il veut. Et qu’il fasse en nous ce qui lui agrée par Jésus-Christ à qui soit la gloire dans des âges des âges – Amen« . (Hébreux XIII, 20-22).

Aussi, pour faire ce qui plaît à Dieu, l’homme doit notamment se souvenir de cet appel de l’Apôtre : « Fortifiez-vous dans le Seigneur, mes frères, et dans la puissance de sa force ; couvrez-vous de la panoplie de dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre la manoeuvre du Diable. Car notre lutte n’est pas contre un être de chair et de sang ; mais contre les archées, contre les extériorisations, contre les forces cosmiques de ce monde de ténèbres, et contre les mauvais esprits célestes« . (Ephésiens VI, 10-13).

Cette lutte n’est pas l’expression d’une guerre exterminatrice, mais modificative des situations que connaît dans son devenir la Création, c’est la raison pour laquelle il s’agit d’une action purificatrice, comme cela a déjà été clairement exposé en notre étude sur Satan, et selon les termes de l’Apôtre, ces extériorisations que le christianisme n’a pas souhaité comme telles avec les conséquences qui en découlent, entrevoir, mais que la métaphysique chrétienne ne saurait ignorer et que sa tradition gnostique connaît ; apparaissent dans la kabbale, comme la brisure des vases, qui donna naissance à l’Autre Côté, qui donna naissance à l’exil de la Chekhinah.

Que l’homme parvienne à la Restauration de toutes choses en Dieu, cela est d’autant plus certain que si d’une part aucun élément de la Création ne peut s’en aller à sa perdition, il viendra ce temps selon lequel « le règne de Dieu est au-dedans de nous » (Luc XVII, 21), cela lorsque transparaîtra « Le jour et que se lève dans vos coeurs Lucifer » (II Pierre I, 19), alors le Prince de monde et les démons purifiés – alors qu’ils sont actuellement au-dedans de nous et l’Apôtre reconnaît : « Et de peur que ne m’élève l’excellence de ces dévoilements, une écharde dans ma chair, un ange de Satan m’a été donné pour me souffleter, de pur que je ne m’élève » (II Corinthiens XII, 7) – bénéficieront de ce retour à l’unité selon cette espérance si attendue par l’Apôtre, et que le lecteur habitué selon cette espérance si attendue par l’Apôtre, et que le lecteur habitué à nos études connaît, pour que nous ne la répétions pas, en Romains VIII, 17-24.

IX.

Mais maintenant je viens vers toi, et je dis ces paroles dans ce monde, pour que mon bonheur soit en eux. Moi, je leur ai donné ton Verbe ; et le monde les hait, parce qu’ils ne sont pas de ce monde, non plus que moi je ne suis de ce monde.

Si le Christ dit « ces paroles dans ce monde« , c’est parce qu’il convient que la Lumière pénètre la Ténèbre, qu’il convient que l’exil des âmes depuis la chute adamique prenne fin, et à cet égard le Sauveur déclare : « pour que mon bonheur soit en eux« .

C’est par la Parole de Dieu, Père Fils et Saint-Esprit que la Création commença son devenir : « Dès le commencement, la Parole de Yahwé avec Sagesse créa » ainsi commence le Targum du Pentateuque quant à la Genèse (52) et sans revenir à notre méditation du Prologue de Saint-Jean dans la tradition chrétienne et l’exégèse scripturaire, nous percevons l’association des Trois Personnes divines ; la Parole ou le Verbe, Yahwé ou le Père, la Sagesse ou le Saint-Esprit ; dans l’oeuvre de création. Or, « Par la parole de Yahwé les cieux ont été faits et par le souffle de sa bouche toute leur armée« . (Psaume XXXIII, 6) et, c’est par la Parole que le monde subsiste, c’est à dire par le Verbe qui, lorsqu’il s’exprime amène la création potentielle à son existence virtuelle (17).

Comme le bonheur du Christ serait-il en ses disciples, si le Sauveur ne réalisait Ses paroles en ce monde, puisque le Psalmiste déclare : « Je prierai le Père, et Il vous donnera un autre consolateur pour être avec vous éternellement, l’Esprit de vérité que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas« , (Jean XIV, 16-17) c’est parce qu’Il est Lui, avant cet « Autre », qui est l’Esprit Saint, le Consolateur ; ainsi Jean déclare-t-il en son Épître : « Nous avons un consolateur auprès du Père, Jésus-Christ le Juste » (I Jean II, 1). Et qu’est donc ce bonheur sinon d’une part la Rédemption accomplie par le Christ : « Jésus, principe et perfection de la Foi, lui qui, à cause de la joie proposée, endura la croix au mépris de la honte et s’est assis à la droite du trône de Dieu ». (Hébreux XII, 2) ; pour que vienne le Royaume qui est « Justice et paix et joie dans l’Esprit Saint« . (Romains XIV, 17).

C’est en faveur de cette joie, de ce bonheur que le Sauveur dit « ces paroles », de telle sorte qu’incessamment ils reçoivent le Paraclet, ayant déjà reçu le Verbe fait chair lors de la Sainte Cène et qu’au soir de la Résurrection s’accomplisse la promesse en Jean XIV, 16, Jésus « souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint. Ceux dont vous aurez chassé les péchés, leurs péchés seront chassés, ceux dont vous les aurez maîtrisés, ils seront maîtrisés« . (Jean XX, 22, 24).

Ouvrons une parenthèse, la Pentecôte Johannique est la véritable manifestation de l’effusion en les Apôtres, celle des actes ne constituant que la manifestation – en une confirmation – des débuts de l’église évangélisant l’Univers, du moins en sa partie visible, Judas l’Apôtre ayant pour son compte achevé sa mission terrestre.

Que les Apôtres, que ceux pour qui le Christ prie à Gethsémani ne soient pas de ce monde, de même bien entendu que le Christ, le fait est évident, car si « dans la sagesse de Dieu le monde n’a pas reconnu Dieu à travers la sagesse » (I Corinthiens I, 21), ceux qui ne sont pas de ce monde ont eux, reconnu Dieu, et « leur rejet a été la réconciliation du monde« . (Romains XI, 15).

X.

Je ne demande pas que tu les ôtes de ce monde, mais que tu les gardes du mal. Ils ne sont pas de ce monde non plus que moi je ne suis de ce monde.

Si les disciples de Jésus étaient retirés de ce monde, comment ce dernier bénéficierait-il de sa restauration. Le problème de ce mystère de la présence, nous l’avions déjà introduit à propos de Pierre reniant par trois fois le Christ : ainsi celui que l’on croit le chef ou le premier parmi les égaux, aura de par son reniement, provisoirement – sur le plan terrestre – la vie sauve : Pourquoi ? Jésus ayant annoncé ce reniement, il devient de par son avertissement, une obligation dans l’ordre des choses, et ce provisoire avait ses raisons en ce qu’il produisit des fruits qui furent pour les apôtres – eux tous pour qui le sauveur avait dit : Vous trouverez tous en moi, cette nuit même, une occasion de chute. Il est écrit en effet : « Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées » (Zac XIII, 7) (Mathieu XXVI, 31) -, avec la dispersion des disciples, la fondation d’Églises en des lieux divers de ce monde qui toutes portèrent témoignage de la Résurrection du Christ.

Il ne s’agit donc pas que ceux pour qui le Christ prie soient ôtés de ce monde, si non comment s’accomplirait la réconciliation dont l’homme à la charge : « Comme le Père m’a envoyé, moi je vous envoie » (Jean XX, 21) déclare de Divin Réparateur avant qu’il ne souffle sur le apôtres en leur donnant le Saint-Esprit, et c’est dans une fonction de restauration ; que les disciples sont envoyés dans le monde et pour lui ; puisque cette mission est à l’image de celle que le Christ Jésus proclame : « Car Dieu n’a pas envoyé le fils en ce monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui« . (Jean III, 17)

Par cette participation à la Restauration ; de l’homme en union avec Dieu ; nous revenons à un thème fondamental de la kabbale, et Carlo Suares en l’une de ses pages inédites publiées par Emmanuel LEVYNE déclare, comme en un résumé : « le mot Béréchith par lequel commence la révélation du mouvement créateur dont l’univers est le lieu, a pour but de projeter en moi-même ce mouvement créateur, c’est-à-dire de me projeter au sein de ce mouvement créateur« . (53)

Il convient que l’homme demeure dans le monde pour qu’il parvienne à en modifier les conséquences actuelles, vu l’état de chute en lequel une partie de la création se trouve. Lorsque le Zohar déclare « Celui qui exécute les commandements de la loi, a autant de mérite que s’il avait créé Dieu (54), mais que si la créature exécute les motifs de sa mission qui est de restaurer et compléter le champ de la Création alors il participe à l’édification de l’univers en son devenir, et se trouve avoir autant de mérite que s’il avait créé non pas Dieu ; mais (Ba. R.A) fait surgir l’esprit dans la matière (55) de telle sorte que se manifeste le nom de Dieu, déjà étudié, la volonté efficiente d’accomplir l’Unité (A.B.A) ».

Le faux problème du mal a déjà été examiné (2), en faisant surgir l’esprit dans la matière de telle sorte que se manifeste la volonté efficiente d’accomplir (et d’accomplissement) de l’Unité, l’homme se trouve naturellement purificateur du prétendu mal, puisque ce dernier se peut résumer comme n’étant que les éléments qui, s’étant séparés de l’unité, aspirent à une vie autonome, distincte de Dieu et le règne de ces éléments ne saurait n’être que transitoire.

Que l’homme soit gardé du « mal », c’est un fait pour la créature qui aspire non seulement à demeurer en l’unité de Dieu, mais ne succombe pas en outre – comme Eve et Adam – au désir de rompre sa relation avec Son Créateur, aussi l’homme peut-il par la prière, en communion avec la Prière Sacerdotale, être délivré de tout risque du mal , « ne nous fait pas entrer en épreuve, mais délivre-nous du mauvais« . (Mathieu VI, 13)

Le lecteur habitué à nos travaux sait quel ‘homme est effectivement mis en situation d’épreuve pour que, victorieux de celle-ci l’Alliance puisse s’accomplir entre le Créateur et sa Créature : le mauvais, c’est Ha Satan, l’obstacle que Dieu se met à lui-même. Ce point ayant déjà examiné, il apparaît une chose évidente : aucune épreuve ne saurait être supérieure à la rencontre des forces de celui qui la vit ; aussi Jean CASSIEN nous précise : « la demande suivante : « Ne nous induisez pas en tentation« , soulève un difficile problème. Si nous prions Dieu de ne pas permettre que nous soyons tentés, quelle épreuve donnerons-nous de notre constance ? Car il est écrit : « L’homme qui n’a pas été tenté n’a pas été éprouvé« . (Ecclésiastique XXXIV, 10) et encore : « Heureux l’homme qui supporte la tentation« . (Jacques I, 12). Tel n’est donc pas le sens de cette parole : « Ne nous induisez pas en tentation« . Elle ne signifie pas : « Ne permettez pas que nous soyons jamais tentés, nous soyons jamais vaincus« . Job a été tenté ; il n’a pas été induit en tentation ; car il n’a pas accusé la divine Sagesse, il n’est pas entré dans la voie de l’impiété et du blasphème où la tentation voulait l’entraîner. Abraham a été tenté ; Joseph a été tenté, ni l’un ni l’autre n’a été induit en tentation, parce que ni l’un ni l’autre n’a donné son assentiment au tentateur. Puis cette dernière demande : « Mais délivrez-nous du mal« , c’est à dire : « Ne permettez pas que nous soyons tentés par le diable au-delà de notre pouvoir, mais avec la tentation, ménagez-nous les moyens d’en sortir victorieux, afin que nous la puissions supporter« . (56)

Ce monde est devenu, est, un lieu de ténèbre, sinon la ténèbre : évoquant le mystère de la conversion de Saül, celui qui va devenir Paul l’Apôtre, n’est-il pas passé par de temps où « Il exhalait encore la menace et le meurtre à l’égard des disciples du Seigneur » (Actes IX, 1) de telle sorte qu’il rencontre celui qui allait devenir Son Seigneur, aveugle, ne mangeant ni ne buvant durant trois jours, aveugle en ce que l’homme était entré au plus profond de lui-même en une nuit intérieure à l’image de sa descente antérieure dans la ténèbre ; il allait recevoir la grâce de la Lumière.

C’est après la ténèbre que vient la Lumière, en ce qu’elle vient éclairer, transfigurer l’abîme de la ténèbre : « Déjà pourtant la Ténèbre, Puissance de concentration et de compression agissait sur l’abîme » (Genèse I, 2) selon la traduction du Dr. Chauvet (57) et ce n’est en effet qu’après l’existence de cette situation que vînt la lumière : « C’est alors que l’Angélie exprimant et réalisant dans sa propre pensée, la pensée divine proféra : l’Énergie lumineuse et universelle sera ! Et l’Énergie fut » (57) (Genèse I, 3). Ainsi devons-nous comprendre ce passage du Zohar : « La lumière sort des ténèbres et le bien du mal ; de la punition d’Israël est sorti le grand bien que procure la Loi » (58), comme la manifestation selon laquelle s’accomplit, par ce passage, l’oeuvre de création qui est la transfiguration des éléments qui se dissocièrent de l’Unité en ce qu’ils reviendront à l’Unité : il fallait que Saül vécut le temps de la ténèbre pour recevoir l’événement selon lequel : « Une lumière du ciel l’éblouit soudain » (Actes IX, 3).

Qu’il soit demandé par le Christ que ceux qui sont déjà en union avec Lui en ce monde, soient gardés de la Ténèbre, est naturel en ce qu’il convient que les disciples ne retombent dans ce que la kabbale comme l’Autre Côté : ainsi, en ce passage du Zohar que cite Lévyne, mais que nous n’avons pas retrouvé en la traduction de Jean de Pauly, est-il dit : « Les paroles de la Tora ne trouvent leur sens que dans cet endroit (l’autre Côté). Il n’y a de lumière que celle qui sort des ténèbres. Lorsque l’Autre Côté est vaincu, alors le Saint Béni Soit-Il, s’élève et se glorifie. On ne peut servir le Saint Béni soit-Il, que dans les ténèbres, et il n’y a de bien que dans le mal. Lorsque l’homme s’engage dans une mauvaise voie et l’abandonne ensuite, alors le Saint, béni soit-Il, s’élève dans sa gloire. La perfection intégrale comprend le bien et le mal. Mais il fait s’élever finalement dans le bien. Il n’y a de bien que celui qui sort du mal et par ce bien, la gloire de l’Éternel s’élève. Tel est le culte intégral« . (59).

Entendons-nous bien, pour la métaphysique chrétienne il n’y a pas de mal, il ne saurait exister un quelconque manichéisme, dualisme mitigé, absolu ou tout autre, ce que l’on doit comprendre c’est qu’en l’absence d’unité réside un bien imparfait, et tout ce qui existe n’étant que la résultante de la volonté divine ; fut-elle permise lors de l’action provenant de forces distinctes, dissociées de l’Unité Divine ; il s’agira alors d’un bien imparfait ! Sur ce point, les Pères ont proclamé : du moins un Origène, un Didyme d’Alexandrie, un Grégoire de Nysse enseigneront la Rédemption de ceux qui s’opposèrent à l’Amour (2), « Il a délivré l’homme du vice et guéri l’acteur même du vice » (60) ; ce principe lorsque par exemple Denys l’Aréopagite déclare : « On ne trouve pas ici un mal absolu, mais un bien imparfait, car ce qui est entièrement dénué de bien n’existe à aucun titre. Le même raisonnement vaut en ce qui concerne les facultés et l’action des êtres« . (61)

Cette préservation par le Christ en faveur des disciples, de ce « mal », fait dire à Pierre : « Vous êtes une race élue, une royale prêtrise, une nation sainte, un peuple acquis pour proclamer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son étonnante Lumière« . (I Pierre, II, 9).

En réfléchissant sur la signification de cette élection, de cette royale prêtrise, qui fait que l’homme est appelé des ténèbres à la lumière, nous comprendrons peut-être ce qu’est cette préservation du « mal ». Cette royale prêtrise se trouve évoquée en ces termes : « A présent, si vous écoutez bien ma voix et si vous gardez mon alliance, vous serez pour moi privilégiés parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi. Et vous, vous serez pour moi une dynastie de prêtres et une nation sainte« . (Exode, XIX, 5, 6), et à l’égard de cette ancienne Alliance Origène proclame, ce qui ne choquera nullement l’esprit de la kabbale : « Comment rejetons-nous l’ancienne pour faire place à la nouvelle ? Comme « ancienne » nous avons la Loi et les prophètes ; et comme « très ancienne », ce qui fut avant la Loi, dès le commencement, quand le monde fut créé. Vinrent les Évangiles nouveaux, vinrent aussi les apôtres. Pour leur faire place, nous rejetons l’ancien. Dans quel sens le rejetons-nous ? Nous rejetons la Loi selon la lettre, pour maintenir la Loi selon l’esprit. On peut encore s’exprimer ainsi : avant que vienne l’homme « du ciel » et que naisse « l’homme céleste », nous étions tous « terrestres » et « portions l’image du terrestre » ; mais quand vînt « l’homme nouveau qui fut créé selon Dieu », nous avons rejeté, pour lui faire place, ce qui est ancien, « nous dépouillant du vieil homme et revêtant l’homme nouveau », « qui selon l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (62), car le Zohar déclare : les paroles de l’Écriture s’accompliront : « Et le Seigneur sera seul son conducteur, et il n’y aura point avec lui de dieux étrangers ». A cette époque, Israël ne dépendra plus de l’arbre du bien et du mal ; il ne sera plus soumis à la Loi qui édicte ce qui est permis et ce qui est défendu, ce qui est pur et ce qui est impur ; car notre nature, à cette époque, nous viendra de l’arbre de Vie, et il n’y aura plus ni questions qui viennent du mauvais côté, ni controverses qui viennent du côté impur, ainsi qu’il est écrit : « Je ferai disparaître l’esprit impur de dessus la terre ». (Zach XIII, 2) (63).

Par l’incarnation du Christ, l’homme se trouve, s’il l’accepte, préservé du « mal », en ce que n’étant plus sous le joug de la législation de l’Ancienne Alliance, il doit vivre non plus selon la lettre, mais selon l’Esprit, faisons nôtre cette parole du Maître alexandrin, déjà citée : « Nous rejetons la Loi selon la lettre, pour maintenir la Loi selon l’Esprit« , donc parce que – nous ne le répéterons jamais assez – la Loi c’est la création ; nous devons en tant qu’homme maintenir la création selon l’esprit du Créateur.

Or, l’homme qui maintient la création selon la volonté de l’Esprit, mérite réellement le qualificatif « d’homme », et se trouve tout à la fois posséder une âme humaine (6) et posséder « le ministère de cette réconciliation » (II Corinthiens V, 18) ; quant à la créature qui s’est soumise à ce monde, alors que « le monde entier gît dans le mauvais » (I Jean V, 19) le Zohar déclare qu’elle se trouve ramenée au niveau de la bête : « Les intrus ne sont pas des Israëlites, ils déshonorent le nom d’Israël et sont semblables aux bêtes » (64) ; et nous savons, pour avoir médité sur Genèse II, 7 que l’âme première donnée à l’homme c’est aussi la désignation des êtres vivants de Genèse I, 24, (6), c’est l’âme animale ; et ce point remet en cause – tout en étant parfaitement orthodoxe vis-à-vis de la métaphysique chrétienne – bien des idées reçues de la théologie classiquement admise, pour qui ne veut pas entendre Luc XXI, 19 : « Possédez (en acquérant) vos âmes par votre patience » : on comprend alors bien que le Christ – et les apôtres s’ils ont acquis leur âme – ne soient pas de ce monde.

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XI.

Sanctifie-les dans la vérité : c’est ta parole la vérité. Comment tu m’as envoyé vers le monde, moi aussi je les ai envoyés vers le monde ; et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’eux aussi soient réellement sanctifiés.

« C’est moi qui suis la Voie, et la Vérité et la Vie » déclare le Christ en Jean XIV, 6, que ceux qui seront sanctifiés dans la Vérité, c’est dans le Sauveur qu’ils se trouvent sanctifiés, en ce que si la parole est la Vérité, et que « si vous restez fidèles à ma parole, vous êtes réellement mes disciples ; et vous connaîtrez la Vérité et la vérité vous affranchira » (Jean VIII, 31-33). Ils se trouveront en cette situation qu’évoque l’Apôtre : « Il n’y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent non selon la chair, mais selon l’esprit : parce que la Loi de l’esprit de vie, qui est en Jésus-Christ, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort« . (Romains VIII, 1-3) (Ostervald).

Affranchis de la loi du péché et de la mort, les disciples, ceux pour qui le Christ vient de prier, sont-ils envoyés dans le monde, comme les Fils du Règne selon qu’il est écrit ; « Celui qui sème la bonne semence, c’est le Fils de l’homme, le champ c’est le monde, la bonne semence ce sont les Fils du Règne, l’ivraie ce sont les Fils du mauvais, l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable, la moisson c’est la Fin des âges, et les moissonneurs sont les anges » (Mathieu XIII, 37-40).

En réponse au témoignage de l’Apôtre déclarant que les Fils du Règne se trouvent affranchis – comme lui – de la loi du péché et de la mort, le Zohar déclare : « Les Justes dont les âmes émanent du côté de l' »Arbre du Bien et du Mal » sont tourmentés par l’esprit du mal ; mais ils finissent toujours par le dominer » (65), et quels sont ces autres Justes, sinon ceux qu’évoque le Christ au verset suivant que nous étudierons plus tard : ce sont « ceux qui par leur parole croiront en moi » ; tous ceux-là, les justes heureux comme les autres justes, comme toutes les créatures, hormis le Fils de perdition furent donnés au Christ, et à l’égard de ces autres Justes, qui plus tard croiront en Lui, ils appartiennent à ces brebis que nous évoquions déjà antérieurement : « J’ai aussi d’autres brebis qui ne sont pas dans cette bergerie, et j’ai mission de les amener ; elles entendent ma voix ; et il n’y aura plus qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur » (Jean X, 16) et dont nous savons qu’avec la grâce de Dieu, il revient à l’homme de les amener à la conversion.

Pour le Juste heureux, du Zohar ; le Fils du Règne, selon Mathieu ; le Sauveur accorde une grâce particulière en vue de la finalité de la mission : « pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’eux aussi soient réellement sanctifiés« .

Cette sanctification que le Christ se donne n’est pas la Sainteté, Il est de toute éternité Saint, le Sanctus de la Sainte et Divine Liturgie de l’Église Gnostique Apostolique Primitive nous éclairera sur le sens de cette Sainteté : « Saint, Saint, Saint, est le Seigneur, le Dieu de l’Univers, les cieux et la terre sont remplis de Votre gloire. Louange au plus haut des cieux. Bénit Soit Celui qui est Venu et qui viendra au Nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux. Saint êtes-vous, Roi des siècles, Seigneur et auteur de toute sainteté. Saint est Votre Fils unique Notre Seigneur Jésus-Christ, par qui tout a été fait. Saint est aussi très Saint Votre Esprit Saint qui scrute les profondeurs. O Dieu et Père« . (48)

Le Fils est Saint en ce qu’Il est Dieu, et qu' »Il a fait les mondes » (Hébreux I, 2), or, si les Fils du règne bénéficient de la sanctification du Christ, c’est donc qu’ils ont pour vocation, non pas exactement de faire, mais de participer à l’édification de ce monde de telle sorte que la Création parvienne à son total épanouissement selon la Volonté Divine ; ainsi est-il proclamé au cours de cette messe que nous évoquons :

1. à l’occasion de l’Asperges me, modifiant légèrement le verset 15 du Psaume 50 : « ‘J’enseignerai vos Voies à toutes Vos créatures, et par votre grâce, la Création entière reviendra vers Vous« .

2. à l’occasion du Kyrie, lors de la huitième intention ; prière qui sera reprise à l’occasion de l’offertoire : « Prions mes Frères et bien-aimés pour tous les hommes vivants ou morts, pour toutes les âmes qui attendent leur incarnation, pour la nature qui attend dans les douleurs de l’enfantement la révélation des Fils de Dieu, afin que Votre création entière, O Seigneur Notre Dieu, retrouve la pureté de son état originel et parvienne à son total épanouissement« . (48)

Nous le savons « la création sera libérée des servitudes de la corruption, dans ce glorieux affranchissement des Fils de Dieu. Car nous sentons bien que toute la Création gémit de concert et souffre les douleurs de l’enfantement« . (Romains VIII, 21, 22), et par qui s’accomplira cette libération sinon par les fils de Dieu ou du Règne, en ce qu’ils auront bénéficié de la sanctification du Christ qui est non seulement une suprême bénédiction, mais aussi la participation à l’oeuvre du Sauveur.

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XII.

Et ce n’est pas seulement pour ceux-ci que je prie : mais pour ceux qui par leur parole croiront en moi, afin que tous ils soient un : oui, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi en nous ils soient un, afin que le monde croie que c’est toi qui m’a envoyé.

En ce lieu réside un deuxième niveau de la Prière du Fils. Après être intervenu en faveur des disciples, des Fils du règne, le Christ prie pour ceux qui viendront par leur intermédiaire – et avec Sa Grâce – à Lui : nous entrons dans le mystère de la Communion des Saints « car si nous avons été implantés en Lui dans le symbole de sa mort, c’est pour ressusciter avec Lui » (Romains VI, 5), et cette résurrection concerne aussi bien ceux qui sont justes que les injustes ; « Il va y avoir une résurrection des justes et des injustes » (Actes XXIV, 15) qui trouveront quant à ces derniers une justification par les grâces acquises par les mérites des premiers, nous entrons ainsi dans le mystère de la Réparation qui n’est pas étranger au monde de la kabbale :

« Élie dit : Pasteur fidèle, le moment est venu où je dois monter en haut ; mais je te jure que c’est à cause de ton mérite que Dieu m’a autorisée à me révéler à toi dans ta raison, dans ton tombeau, et de te faire du bien, car tu expies les péchés du peuple, ainsi qu’il est écrit : Il a été brisé pour nos crimes » (Is. 53.5) (66)

Si le premier couple a succombé au péché, qui est le refus de la vie divine au profit d’une tentative de vie selon leurs propres ressources, et que nous sommes soumis aux lois du péché – non pas « par ce seul homme en qui tous ont péché » mais « parce que tous ont péché » (Romains V, 12) comme nous en avons perçu la distinction en une étude antérieure (6) – il est bon que le Christ prie pour toutes les créatures, de telle sorte qu’elles ne réitèrent pas l’erreur du couple originel.

Sans le secours de la grâce les Fils de Dieu pourraient-ils accomplir leur mission : non seulement la négative est évidente, mais l’Apôtre déclare : « Si c’était par la chute d’un seul que la multitude des hommes a subi la mort, bien mieux en est-il de la grâce de Dieu, de la munificence de grâce accumulée dans cet homme unique qu’est Jésus-Christ pour déborder sur la multitude des hommes » (Romains V, 15).

Or, qui donc a le droit au titre d’Homme, sinon les Fils du Règne, les Fils de Dieu, les Justes heureux ; car comme le note l’éminent kabbaliste Emmanuel LEVYNE, sans accepter l’exclusivisme de cette désignation en faveur des seuls kabbalistes (67) ; ceux-ci « seuls sont dignes de porter le nom d’Homme qui est également le nom de Dieu, car la valeur numérique du nom divin écrit en toutes lettres – Yod Hé Vau Hé – est égale à celle du nom d’Adam, soit 45 » (68). Quant aux autres , ils ne sont encore arrivés à ce stade qu’évoque l’Apôtre ; quant à ce corps : « semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel ; il y a un corps animal, et il y a un corps spirituel » (Corinthiens XV, 44 – Ostervald) ; sur la question de l’âme conférée à Adam, comme étant une âme animale, et non une âme humaine, nous renvoyons le lecteur au développement que nous lui avons consacré, en notre étude : « Approche d’une vision chrétienne de la Chevalerie« . (6)

Les « autres » ne sont pas méprisables en ce qui concerne l’interrogation de savoir qui, dans la tradition chrétienne, a connu la déification, cette transfiguration dont bénéficient par exemple Étienne, mais aussi antérieurement Pierre, Jacques et Jean et l’Apôtre Paul qui déclare : « Ce n’est plus moi qui vis maintenant, mais c’est le Christ qui vit en moi » (Galates II, 20), et cela, ces autres, nous concerne tous, en ce qui nous sommes ces autres pour qui le Christ prie maintenant !

Parce que ce que nous évoquons, est parfaitement conforme à la métaphysique chrétienne, à propos de I Corinthiens XV, 44, Jean Chrysostome ne conteste ni ne va à l’encontre de la révélation : « Mais ce n’est pas le corps spirituel qui a été formé le premier, c’est le corps animal, et ensuite le spirituel. L’apôtre ne dit pas pourquoi il se contente de l’ordre établi par Dieu ; le suffrage des événements lui garantit l’excellence de l’administration des choses par Dieu ; il montre que tout ce qui nous concerne s’avance toujours vers un état meilleur, et il assure par là l’autorité de ses paroles. Si le moindre est arrivé, à bien plus forte raison faut-il attendre ce qui est supérieur » (69) : toutefois l’Homélie n’explique pas ce passage des corps, qui pour Origène s’identifie à la distinction des êtres visibles et vairés de ce monde dans leur élévation vers la purification car cette « substance », « lorsqu’elle est, au contraire, au service ces êtres parfaits et bienheureux, elle brille dans l’éclat des corps célestes, elle orne « les anges de Dieu », et « les Fils de la résurrection » des vêtements du « corps spirituel » (I Cor. XV, 40-44) ».(70)

Quant à la « réalisation » (Dr Chauvet) d’Adam, – alors que l’ensemble des traductions use du mot « faisons » -, la Bible de Jérusalem transcrit : « Alors Yahwé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol » (Genèse II, 7) et ce verbe est d’une certaine importance, lorsque l’on écoute les leçons d’Origène ; quant à sa réponse à Celse : « Il nous reproche de présenter l’homme comme modelé par les mains de Dieu. Mais le livre de la Genèse ne parle des mains de Dieu ni quand Dieu forme l’homme ni quand il le modèle. Seuls Job et David disent : Tes mains m’ont formé et m’ont modelé » (Job X, 8 et Ps. CXVIII, 73) : sur quoi il faudrait une longue explication pour établir la pensée de ceux qui parlent ainsi, non seulement de la différence entre faire et modeler, mais encore des mains de Dieu« . (71)

Ce n’est bien entendu pas le faux problème des « mains de Dieu » qui nous intéresse puisque le Créateur ne possède pas de corps, mais la distinction entre faire et modeler, le premier Verbe s’appliquant à la création ; « Elohim acheva au septième jour l’oeuvre qu’il avait faite » (Genèse II, 2) ; à la création des éléments immuables en sa volonté de Dieu ; comme le firmament, comme le fait que les arbres fruitiers fassent des fruits, comme les deux grands luminaires, comme le fait que la terre fasse sortir des animaux, mais aussi comme la création de l’homme, « faisons », – mais alors selon Son Image et Sa Ressemblance. Il n’y a pas le récit d’une double création, la chose est absurde, mais une précision, le Verbe « faire » employé pour les choses n’étant pas soumises au changement ; malgré le péché, l’image et la Ressemblance demeurent ; se distingue du verbe « modeler » selon lequel l’homme est appelé en tant qu’Image à tendre à la Ressemblance, il n’a pas d’état primitif immuable, puisqu’il lui faut acquérir une âme humaine et qu’il ne reçoit dans son origine qu’une âme animale : c’est de l’Image et de la Ressemblance seule qu’il est dit « faisons », le modelage suppose une progression dans l’oeuvre de l’artiste, et la distinction faite par les Pères entre le modelage appliqué au corps et la création appliquée à l’âme, s’avère selon notre pensée, erronée, d’autant qu’il est dit que

Les verbes « former » et « modeler » ont le même sens, celui de façonner, donner une certaine forme : ainsi il est clair que le corps comme l’âme en Adam sont soumis au changement, que ces éléments n’ont rien d’immuable.

Qu’il existe différentes classes, une hiérarchie, dans la Création et parmi les créatures, nous en avons déjà entrevu l’affirmation, dans le Zohar par exemple, ce que confirme le Psaume XLIX, 13 : « l’homme dans les honneurs ne comprend pas, il ressemble aux bêtes réduites au silence » ; mais si comme le déclare Ménandre que cite Clément d’Alexandrie : « l’homme bon est partout un sauveur » (72), sauveur il est en faveur de ceux qui ressemblent aux bêtes, puisque dans sa fonction de prédateur, Jacques enseigne à ceux-ci : « Rejetez donc toute crasse et le reste de méchanceté et accueillez avec douceur la parole implantée qui peut sauver vos âmes » (Jacques I, 21), ainsi progressant dans l’acquisition de leur âme, pourront-ils déclarer à la suite de l’Apôtre : « Nous sommes gens de foi pour acquérir notre âme » (Hébreux X, 39).

L’acquisition de la Parole, qui n’est pas seulement prières et bonnes actions, mais l’acquisition du Logos, fait dire à Clément d’Alexandrie : « Le Logos ne s’est caché de personne; c’est une lumière commune, il brille pour tous les hommes ; il n’y a pas de Cimmériens par rapport au Logos ; hâtons-nous vers le Salut, vers la renaissance ; hâtons-nous, nous qui sommes le grand nombre, de nous réunir à un seul troupeau selon l’unité de la substance monadique ; puisqu’elle nous fait du bien, poursuivons à notre manière l’unité et attachons-nous à la bonne monade« . (73)

L’acquisition du Logos, s’accomplit comme une guérison. Évoquant l’Apôtre, tel un médecin, Jean Chrisostome déclare : « Car il n’avait qu’un but pour ceux qui l’entendaient, qui le voyaient, les sauver tous. Voilà pourquoi tantôt il exalte la Loi, tantôt il la détruit… Si vous acceptez le médecin qui pratique ainsi des traitements contraires, à bien plus forte raison, il faut louer Paul qui sait si bien s’accommoder à nos maladies. Car, autant que ceux dont le corps est malade, ceux que tourmentent les maladies de l’âme, ont besoin bien entendu de la diversité des traitements« .(74)

« Ce ne sont pas les vigoureux qui ont besoin d’un médecin, mais les malportants » (Mathieu IX, 12), et qui sont les médecins sinon les Fils du Règne, et n’est-il pas dit par l’Apôtre à l’égard de l’un d’entre eux : « Luc, le très aimé médecin » (Colossiens IV, 14), non en ce qu’il exerce la profession profane de médecin, mais – contrairement à l’exégèse habituelle -, qu’il est un thérapeute des âmes. Or, si comme le déclare Origène pour l’Ancien Testament : « Les prophètes, eux aussi, sont comme des médecins des âmes et passent tout leur temps là où il y a des gens à guérir » (75) ; pour le Nouveau Testament le Père des Pères témoigne : « le chrétien en appelant les mêmes individus quel e brigand, leur lance un appel différent, pour bander leurs blessures par le Logos, et verse dans l’âme enflammée de maux les remèdes du Logos qui, comme le vin, l’huile, le lait et les autres médicaments, soulagent l’âme« .(76)

Ainsi les Fils du Règne, les chrétiens peuvent-ils guérir – comme médecins des âmes – par le Logos, en ce qu’ils « croiront en moi« , ceux pour qui Jésus-Christ adresse Sa prière : alors l’unité sera accomplie dès lors que cette guérison sera intervenue « afin que tous ils soient un« , mais avant, « c’est Lui qui a donné aux uns d’être apôtres, l’autres prophètes, d’autres évangélistes, d’autres pasteurs et instructeurs, pour le progrès des Saints dans l’oeuvre du ministère, dans la construction du corps du Christ, jusqu’à ce que nous aboutissions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’homme parfait, à la mesure de l’âge du plérôme du Christ » (Éphésiens IV, II, 14), et cette unité de la foi et de la Connaissance du Fils de Dieu constitue la demande de Jésus : « afin que le monde croie que c’est toi qui m’as envoyé« .

Lire la troisième partie de cet article : La Prière Sacerdotale [3].

Revenir à la première partie de cet article : La Prière Sacerdotale [1].

Plus sur le sujet :

La prière sacerdotale 2, ou les fondements de la métaphysique chrétienne, Jean-Pierre Bonnerot, publié dans la revue Société du souvenir et des études cathares, Narbonne, 1949.

Cet article a été publié avec l’aimable autorisation de son auteur, Jean-Pierre Bonnerot, pour le site EzoOccult. @Jean-Pierre Bonnerot, tous droits de reproduction interdits.

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Notes :

(1) ALTA : Saint-Jean, traduit et commenté. Paris Henri DURVILLE Ed. 1919, pages 359 à 361. Comme il est habituel en nos travaux pour les textes de Jean et de Paul nous usons toujours des traductions de l’abbé ALTA ; et, en général pour l’A-T, de l’édition établie par Édouard DHORME, pour le N-T de l’édition établie par Jean GROSJEAN, toutes deux publiées dans la bibliothèque de la Pléiade, sauf indication contraire ; ainsi nous tenons compte de même : duDiatessaron de Tatien, de la Vulgate traduite par le Maître de Sacy, des diverses éditions de Segond, de la version de Darby, de la version Synodale, des éditions des moines de MAREDSOU, des versions 1905 de Crampon et sa révision actuelle, de la version d’OSTERVALD, des diverses éditions de la Bible de Jérusalem, et parfois pour les variantes des manuscrits les plus anciens du N.T, de la recension Nestle-Aland, notamment.

(2) J-P BONNEROT : « Satan, Lucifer, le Prince de ce monde et les démons dans la tradition chrétienne et l’exégèse scripturaire« . Cahiers d’Études Cathares n° 96.

(3) René NELLI : Le Phénomène Cathare. Toulouse, Privat Ed.; 1978, page 58.

(4) J-P BONNEROT : « Consolamentum, Réincarnation et Évolution Spirituelle dans le Catharisme et le Christianisme Origine« . Cahiers d’Études Cathares n° 98.

(5) Dr. A-E CHAUVET : Ésotérisme de la Genèse, traduction ésotérique commentée des dix premiers chapitres du Sepher Bereschit. paris, SIPUCO Ed. 1948, tome 4, page 961.

(6) J-P BONNEROT : « Approche d’une vision chrétienne de la chevalerie« . Cahiers d’Études Cathares n° 107, mais aussi confer la note n° 2.

(7) J-P BONNEROT : « Judas ou les conditions de la Rédemption« . Cahiers d’Études Cathares n° 104.

(8) Alfred HAELH : Vie et Paroles du Maître Philippe. Lyon, Paul Derrain Ed. 1959, page 263 ; nlle. Ed. Dervy Livres Ed.

(9) JUSTIN : Dialogues avec Tryphon 72, in : l’oeuvre de Justin, Paris Desclée de Brouwer Ed, Coll. les Pères dans la Foi 1982, page 249.

(10) Origène : Contre Celse II, 43. Paris, Ed du Cerf. Coll. Sources Chrétiennes n°132, 1967, page 383.

(11) Pasteur d’Hermas : Similitudes IX, 16, 5. in Les Écrits des Pères Apostoliques, Paris, Ed du Cerf, Coll Chrétiens de tous les temps n° 1, 1969, pages 426 et 427.

(12) Origène : Sur l’Évangile de Jean, I, 9286, 256 et 258. Paris, Ed du Cerf, Coll Sources Chrétiennes n° 120, 1966, pages 187 et 189.

(13) Origène : Contre Celse V, II, op cité, Coll S.C n° 147, 1969, page 41.

(14) Rappelons que nous usons des leçons de la Langue Hébraïque Restituée de Fabre d’Olivet, Paris, Ed de la tête de Feuille et Lausanne, l’Age d’homme Ed, 1971.

(15) Origène : Homélies sur le Lévitique VI, 2, Paris Ed. du Cerf, Coll Sources Chrétiennes n° 286, 1981, pages 275 et 277.

(16) Emmanuel LEVYNE : Lettre d’un kabbaliste à un rabbin. Paris, Tsedek Ed., 1978 ; en tous nos travaux nous avons rappelé ce travail, – de même que tous les autres aussi – remarquable, de cet éminent kabbaliste.

(17) J-P BONNEROT : « Le Prologue de Saint Jean dans la tradition chrétienne et l’exégèse scripturaire« . Cahiers d’Études Cathares n° 102.

(18) Emmanuel LEVYNE : La kabbale du commencement et la lettre B (eith), Cagne sur Mer, Tsedek Ed, 1982, page 59.

(19) Denys L’AEROPAGITE : Des Noms Divins, II, 7, in : oeuvres. Paris Tralin Ed, 1932, page 176.

(20) Jean Damascène : La Foi Orthodoxe, I, 8. Paris, Institut Orthodoxe Français de Théologie de Paris Saint Denys Ed., 1966, page 27.

(21) Gervais DUMEIGE : Textes doctrinaux du magistère de l’Église sur la Foi Catholique, Paris, Éditions de l’Orante, 1977, page 117.

(22) Nicolas BERDIAEFF : De la destination de l’homme, Paris, Ed. « Je sers », 1935, page 170.

(23) IbidEssai d’autobiographie spirituelle. Paris, Buchet Chaste Ed., 1979, page 261.

(24) J. de Pauly : Zohar, I, 5 a traduit par, Paris, Maisonneuve et Larose Ed. 1975, tome 1, page 26.

(25) IbidZohar III, 7b, op. cité, tome 5, page 19. Une note de J. de P. précise : Le Zohar traduit le mot « hésed » (inceste) par « grâce », ibid, page 19.

(26) Rachi : le Pentateuque, Paris Fondation Samuel et ODETTE LEVY, 1981, tome 3 : Le Lévitique, page 149.

(27) Ephrem de Nisibe : Commentaire de l’Évangile Concordant ou Diatessaron. Paris, Ed. du Cerf, Coll Sources Chrétiennes n° 121, 1966, page 358.

(28) Alfred HAEHL : Op cité, page 97.

(29) Bréviaire Romain, 5e Ed. Desclée de Brouwer Ed. 1951, tome 1, page 14.

(30) Jean Chrysostome : Sur l’incompréhensibilité de Dieu, IVe Homélie, Paris, Ed. du Cerf, Coll Sources Chrétiennes n° 28 bis, 1970, page 237.

(31) Origène : Traité des Principes, Préface § 7. Paris Études Augustiniennes Ed, 1976, page 26.

(32) Origène : Ibid, II, 3, 4, op. cité, tome 4 pages 89 et 90.

(33) Alfred HAELH : Op. cité, page 146.

(34) Philon d’ALEXANDRIE : De Opificio Mundi § 16, Paris, Ed. du Cerf, 1961, pages 151 et 153.

(35) Basile de Césarée : Homélies sur l’Hexaéméron, II, 5. Paris, Ed. du Cerf, Coll Sources Chrétiennes n° 26, 1950, page 163.

(36) J. de PAULY : Zohar II, 166 b, op. cité, tome 4, page 113.

(37) Philon d’Alexandrie : Legum Allegoriae § 5 et 6. Paris, Ed. du Cerf, 1962, pages 41 et 42.

(38) J. de Pauly : Zohar I, 31 b et 32 a, op. cité, tome 1, page 198.

(39) W. MARCHEL : Abba Père ! La Prière du Christ et des Chrétiens. Rome, Biblical Institute Press, 1971.

(40) Dr. A-E CHAUVET : Op cité, tome 4, page 961.

(41) Pierre LAROUSSE : Grammaire Supérieure, Paris, Lie Larousse Ed, sd, page 275 et 276.

(42) Tatien : Diatessaron, XLVII, 30. Beyrouth, Imprimerie Catholique Ed. 1935, page 453.

(43) De ce traité actuellement inédit, nous préparons une édition critique à praître prochainement.

(44) Alfred HAELH : Op. cité, page 105.

(45) Cyprien : Lettre 69, 1, 1. in Lettres, Namur, Editions du Soleil levant, 1961, page 133.

(46) Sainte Brigitte de Suède : Les révélations célestes et divines, I, 34. Avignon, Seguin-Aîné Ed, 1850, tome 1, page 102.

(47) Joséphin PELADAN : Istar. Paris Edinger Ed. 1888 page 36 ; nlle. Ed. par nos soins : Genève, Slatkine Ed. 1979.

(48) Nous remercions S.B. Tau Irénée II, Patriarche de l’E.G.A.P. de nous avoir communiqué le texte de la Sainte et Divine Liturgie.

(49) Henri SEROUYA : La kabbale, Paris, P.U.F. Ed, Coll. Que sais-je n° 1105, 1977, page 108.

(50) G-G. SCHOLEM : La kabbale et sa symbolique, Paris, Payot Ed. Coll. P.B.P., 1975, page 147.

(51) Aggadoth du Talmud de Babylone : Soucca, § 29 et 33. Paris, Verdier, Ed, Coll. les dix Paroles, 1983, pages 404, 405 et 407.

(52) Targum du Pentateuque : Genèse I, 1. Paris, Ed. du Cerf, Coll. Sources Chrétiennes, n° 245, 1978, page 74.

(53) Emmanuel LEVYNE : La kabbale du commencement, Op. cité, page 88.

(54) J. de Pauly : Zohar III. 113 a, op. cité, tome 5, page 284.

(55) Emmanuel LEVYNE : La kabbale du commencement, op. cité, page 65.

(56) Jean CASSIEN : Conférences, IX, § 23. Paris, Edition du Cerf, Coll Sources Chrétiennes, n° 54, 1958, pages 60 et 61.

(57) Dr. A-E. CHAUVET, Op. cité, tome 4, page 951.

(58) J. de Praly : Zohar II, 184 a, op. cité, tome 4, page 159.

(59) Emmanuel LEVYNE : La kabbale du Aleph. Paris, Tsedek Ed, 1981, page 98, mais aussi du même auteur : Petite anthologie de la mystique Juive, Ibid, 1979, page 58. Il s’agirait d’un passage du Zohar II, 183 b, 184 a.

(60) Grégoire de Nysse : Catéchèse de la Foi, § 26. Paris Desclée de Brouwer Ed. Coll les Pères dans la foi, 1978, page 73 et 74.

(61) Denys l’Aéropagite : Des Noms Divins, IV, 23. op. cité, page 210.

(62) Origène : Homélies sur le Lévitique XVI, 7, op. cité, sc n° 287, pages 297 et 299. Pour les références non incluses dans la citation : Luc XVI, (Luc 16, 29) – I Cor. XV, 47 ss – Eph. IV, 24 – Eph. IV, 22 ss – II Cor. IV, 16.

(63) J. de Pauly : Zohar III, 124 b, op. cité, tome 5, page 322.

(64) Ibid : Zohar III, 125 a, op. cité, tome 5, page 323.

(65) Ibid : Zohar II, 117 b, op. cité, tome 3, page 452.

(66) Ibid : Zohar III, 125 b, op. cité, tome 5, page 323.

(67) Si l’on considère toutefois – ce que je pense, Emmanuel LEVYNE acceptera -, que les Fils du Règne, les Fils de Dieu sont identiques aux Justes heureux qui agissent dans la Création, selon l’univers de la kabbale ; cette désignation réductrice de « kabbaliste » à l’endroit des disciples du Christ, me paraît alors parfaitement acceptable, en ce fait que le kabbaliste agit en vue de la Restauration des mondes, selon que Dieu l’a demandé à l’Homme sa Créature ; il s’avère que réside présentement la synthèse de la métaphysique chrétienne.

(68) Emmanuel LEVYNE : Lettre d’un kabbaliste à un Rabbin, op. cité, page 30.

(69) Jean Chrysostome : Sur la Ire Épître aux Corinthiens, 41, in : Oeuvres Complètes, Bar le Duc, L. Guérin et Cie Ed., 1866, Tome 9, page 590.

(70) Origène : Traité des Principes II, 2, 2, op. cité, page 85. Par ailleurs, les commentateurs de l’édition des S.C. n’ont malheureusement rien compris à la pensée d’Origène ; comme cela est malheureusement trop souvent le cas pour les exégètes du « génie du Christianisme », ainsi écrivent-ils, il existerait « une certaine inconséquence qu’on ne peut manquer de sentir dans les autres textes d’Origène : Si Genèse II, 7 exprimait la création du corps dans son état terrestre, comment se fait-il, dans les perspectives d’Origène, qu’elle soit antérieure à la faute qui n’intervient qu’en Genèse III » (S.C., n° 253, page 139). Il ne convient pas d’émettre des « si » quand Origène s’avère très clair ! Je convie ces exégètes romains à lire mon étude : « Pour une vision Chrétienne de la Chevalerie », à leur ignorance, ils auront ainsi une réponse.

(71) Origène : Contre Celse IV, 37, op. cité, Coll SC n° 136, 1968, page 277.

(72) Clément d’Alexandrie : Le Protreptique § 105, Paris Ed, du Cerf, Coll. Sources Chrétiennes n° 2. sd (1941), page 165.

(73) Ibid, § 88, page 147.

(74) Jean Chrysostome : Éloge de Saint Paul, Ve Homélie, in : Oeuvres Complètes, op. cité, tome 3, pages 353 et 354.

(75) Origène : Homélie sur Jérémie XIV, 1. Paris, Ed. du Cerf, Coll. Sources Chrétiennes n° 238, 1977, page 65.

(76) Origène : Contre Celse III, 61, op. cité, Coll. sc. n° 136, Ibid, page 143.

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