La sexualité face à la Haute Magie du Tantrisme

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La sexualité face à la Haute Magie du Tantrisme par Serge Hutin.

C’est vérité d’évidence de constater le rôle si prenant (c’est le moins qu’on puisse dire) que la sexualité joue pour le genre humain) au niveau du psychisme individuel comme à celui des groupes et collectivités. Quelle que puisse être l’importance (elle pourra certes prendre des dimensions énormes) d’éventuels facteurs mercantiles (le sexe n’a-t-il pas engendré toute une industrie aux formes variées ?) il s’agit bien d’un domaine humain capital, au point de vue psychologique et social.

La sexualité, c’est certes un instinct primordial, et particulièrement fort, prenant appui sur des infrastructures organiques précises. L’homme, à cet égara, ne fait pas exception aux déterminismes instinctifs qui enchaînent tous les mammifères supérieurs.

Il existe pourtant chez l’homme une caractéristique propre à l’instinct sexuel, par rapport à ses autres instincts vitaux. Laquelle ? Celle de pouvoir être purement et simplement contrecarré ou ignoré par un sujet : aussi déplaisant qu’elle puisse se révéler pour lui, une frustration sexuelle (même totale) ne mettra pas ses jours en danger. Alors que, pour les besoins naturels vraiment vitaux que sont la faim et la soif, fait d’évidence, il existe un point de non-retour (beaucoup plus bref pour le second cas) au-delà duquel l’organisme physique se trouverait en danger mortel. Aucun être (à l’exception des cas miraculeux relatés pour quelques saints) ne pourrait se passer complètement de manger et de boire. Même prolongés – leurs jeûnes ont leur limite d’endurance.

Mais (cela se révélerait déjà vrai même pour les autres instincts) les pulsions sexuelles seraient-elles, qui plus est, réductibles au seul fonctionnement physique des organes correspondants ? Il existe bel et bien pour la sexualité humaine toute une composante parallèle, touchant directement, elle, au psychisme. D’où l’association indissoluble (c’est un élément que nous retrouverons bientôt dans notre exposé) de l’instinct sexuel avec le pouvoir spécifique de l’imagination. Sans ce lien, l’érotisme n’existerait pas ; et ce n’est nullement quelque chose d’artificiel que nous constatons, mais, tout au contraire, un fait indéniable et troublant.

On en trouverait même une anticipation dès le stade animal. Les bêtes supérieures ne se réduiraient absolument pas, pour ce qui concerne leur sexualité, au simple jeu mécanique des pulsions engendrées par les organes physiques appropriés. Un phénomène tel, par exemple, que les parades nuptiales (elles sont fort complexes chez certaines espèces) attesteraient ce lien direct entre la sexualité et le psychisme.

Il existe certes ce curieux adage familier : « l’homme fait l’amour avec son cerveau (sous-entendu : en laissant courir son imagination) alors que la femme, elle, le fait avec son ventre (autrement dit : donne la primauté à l’instinct viscéral). »

Pourtant, une étude exhaustive de l’instinct sexuel chez les deux sexes attesterait (compte tenu certes de multiples variations à travers le temps et l’espace) le rôle capital joué par l’imagination aussi bien chez la femme que chez l’homme.

Aspects Occultes de la Sexualité

Mais, ainsi va maintenant s’agencer notre exposé, quelle place attribuer donc à la sexualité, si nous tentons de l’envisager d’un point de vue « occulte » ?

Cette place se révélerait singulièrement importante en fait, aussi bien en considérant « ça » (comme on dit familièrement) au niveau le plus inférieur qu’en essayant de le voir à celui d’une forme particulièrement élaborée de l’ésotérisme.

Au niveau le plus inférieur, la magie sexuelle se déploie assurément suivant le pur et simple registre des impératifs utilitaires. De quelle manière donc ? Un ensemble de recettes secrètes destinées (on a l’embarras du choix) à augmenter le plaisir charnel, à procurer la maternité lorsque celle-ci refuse d’être de la partie, ou encore à forcer un sujet récalcitrant (un homme ou une femme suivant les cas) à céder aux convoitises sexuelles du demandeur d’envoûtement. A cet égard, la lecture des annonces passées dans les journaux et revues de la presse « occultiste » serait édifiante !

Mais ce serait une erreur de penser que ces offres si mirifiques d’une satisfaction d’impulsions charnelles ne correspondraient qu’à des besoins habilement fabriqués pour le bénéfice d’une faune de « professionnels » spécialisés. Ceux-ci ne font en somme, estimons-nous, que prendre le train en marche en quelque sorte : s’il y a « offres » ainsi proposées, c’est parce que la « demande » existe.

Fait significatif, il peut fort bien arriver que d’authentiques pratiques magiques populaires (leur origine se perdrait dans la nuit des temps) resurgissent d’une manière spontanée dans nos sociétés modernes. En voici (pensons-nous) un exemple significatif :

« Au vaste cimetière parisien du Père-Lachaise se trouve le beau monument funéraire de Victor Noir, tout jeune journaliste républicain (il avait 20 ans à peine) tué en duel sous le Second Empire, par un prince de la famille Bonaparte. Le sculpteur a représenté Victor Noir en bronze, grandeur nature, à l’instant même où, frappé par la balle meurtrière, il tomba à la renverse. Cette statue est d’un réalisme saisissant, au point qu’à un certain emplacement précis du pantalon de la victime le gonflement viril fait plus que se deviner. Et, alors que la statue (en bronze) dénote l’habituelle patine laissée par le temps, le dit emplacement anatomique présente, lui, une surface demeurée toujours brillante, comme toute neuve. Pourquoi ? À cause d’une curieuse superstition populaire (impossible d’en découvrir la première trace) née dès la fin du siècle dernier, et toujours vivante. En vertu d’elle, une femme qui n’aurait pas réussi à obtenir la maternité doit, pour obtenir satisfaction certaine, frotter son organe sexuel contre la virilité, si apparente, de la statue en bronze. Inutile de préciser que les femmes ignorantes qui satisfont à cette superstition populaire seraient bien embarrassées si on leur demandait qui était Victor Noir ! Et au surplus, précisons que ce dernier n’avait même pas eu le loisir, hélas, de faire parler de lui par les flatteurs exploits d’une virilité déchaînée.

La Maîtrise de la Sexualité

Mais une question se pose à nous maintenant. Puisque (nous le faisions remarquer) l’éventuelle non satisfaction des pulsions sexuelles ne déboucherait pas (à l’inverse de ce qui est le cas pour la soif et la faim) sur une fatale issue, serait-il donc possible aux hommes de s’en passer, purement et simplement ?

Il existe une solution extrême, qui serait illustrée par deux exemples historiques notoires d’un sacrifice sanglant de la virilité. Le premier, celui des prêtres de Cybèle qui, lors d’une impressionnante cérémonie publique exaltée, faisaient à la déesse l’offrande de leur virilité. L’autre serait celui de la fameuse secte russe des skoptzis, ces fameux eunuques volontaires, qui se décernaient la jolie désignation de « blanches colombes ».

Mais cette victoire sur les pulsions sexuelles s’est trouvée, dans l’immense majorité des cas, identifiée à l’atteinte par les humains d’un état de chasteté totale. Ainsi s’expliquerait l’allusion bien connue faite par Jésus aux eunuques par l’esprit, c’est-à-dire aux êtres qui, sans qu’il y ait eu mutilation corporelle, se trouvent parvenir à un état de pureté physique totale, dans lequel l’homme passerait au-delà des pulsions sexuelles, ne les éprouveraient même plus, ce qui la plupart du temps, passerait par les dures étapes préalables d’une longue et impitoyable répression de la chair (au sens théologique de l’expression).

C’est ce qui se trouve impliqué dans les diverses formes d’équivalents de l’ascèse monastique. Phénomène qui n’existe pas seulement au sein du christianisme, mais apparu aussi dans d’autres voies religieuses : l’hindouisme, le bouddhisme, le taoïsme. Dans le judaïsme moderne, un tel itinéraire n’existe pas ; mais il n’en fut pas toujours ainsi dans le passé (rappelons l’ascèse suivie par les Esséniens, celle pratiquée aussi par les Nazaréens comme Samson ou Saint-Jean Baptiste). Dans l’islam, une ascèse de type monastique existe certes dans certaines formes de soufisme mais toujours à titre temporaire (la condition normale pour tout homme étant celle de devenir époux et père de famille, comme dans le judaïsme). Le monachisme à vie n’ y existera qu’à titre vraiment exceptionnel : voir, par exemple, l’allusion faite, dans le soufisme d’Ibn Arabi, aux « cinq (sous-entendu : ascètes, maîtres spirituels) qui sont à La Mecque ».

Un point mériterait d’être signalé : dans l’Église catholique, l’eunuque (quelle que soit l’origine de sa mutilation) se trouve exclu par principe de toute admission dans une communauté monastique. Pourquoi donc ? À cause du principe même de l’ascèse spirituelle, qui n’est autre que celui-ci : en se servant de sa force sexuelle, non pour elle-même, mais pour la retourner en quelque sorte vers le spirituel, le moine réalise son ascèse. Il ne s’agit pas de détruire l’animalité en l’être humain (tâche herculéenne, et qui plus est, à l’efficacité contestable), mais (nuance absolument capitale) de parvenir à en maîtriser toutes les énergies, afin de pouvoir les utiliser en vue d’une progression du moine vers l’idéal spirituel.

On pourrait, je pense, utiliser une analogie avec les représentations de la victoire céleste remportée par l’archange saint Michel sur le dragon, identifié aux énergies inférieures, telluriques et animales. Saint Michel ne tue pas le dragon, il le maîtrise ; autrement dit, il en devient le guide, capable de l’obliger à le servir désormais au lieu (comme c’est le cas chez tous les êtres ordinaires) d’être l’esclave des forces instinctives.

On notera la différence (qui n’est pas simple question de terminologie) entre le voeu ecclésiastique de célibat que prononcent les prêtres catholiques et celui de chasteté, que prêtent les seuls moines et religieuses. L’usage moderne suivi dans l’Église a certes tendu depuis des siècles à identifier plus ou moins les deux ; alors qu’une différence fondamentale entre les deux états se révélerait importante. Le voeu de célibat prononcé par les prêtres ne constitue qu’une exigence canonique disciplinaire, impérative certes, alors que le voeu de célibat des moines implique l’atteinte d’un état de continence totale. D’ailleurs, ne suit-on pas depuis des siècles, dans les rites orientaux rattachés à Rome, la pratique observée dans l’Orthodoxie : possibilité pour un prêtre de se marier avant l’ordination ?

Tantrisme de la Main Droite

Il semblerait tout à fait logique d’établir une analogie directe entre les diverses formes de l’ascèse monastique (en Occident comme en Orient) et ce qui se trouve désigné dans la tradition ésotérique du tantrisme sous la désignation (elle n’a rien à voir avec la politique) de « voie de la main droite », celle de l’ascèse solitaire.

À une sublimation corporelle obtenue par la continence ascétique bien intériorisée, se joint, en parallèle, la réalisation idéale d’un mariage spirituel entre les deux composantes de l’âme (qui existent aussi bien chez la femme que chez l’homme), masculine et féminine. Réalité de fait redécouverte par la moderne psychologie des profondeurs : Carl-Gustav Jung fait à cet égard usage des mots latins significatifs animus et anima pour désigner les deux formes complémentaires (masculines et féminines réciproquement) qui constituent la personnalité subconsciente.

Qu’est-ce donc que le tantrisme ? Disons que c’est une voie ésotérique visant à procurer à ses adeptes l’illumination progressive puis totale, également une libération effective par rapport aux limitations qui caractérisent l’existence humaine dans le monde sensible. Il s’agit pour l’initié de parvenir à effectuer sa traversée victorieuse à travers les apparences. Le sens étymologique du mot sanskrit tantra n’est-il pas justement : « trame » ? Quelle trame donc ? Celle du vaste filet des apparences qui, dans le monde sensible, manifestent les facettes multiples de l’Illusion (Mâyâ) qui est cette réalité trompeuse et fugitive.

Si le tantrisme, sous ses diverses codifications ésotériques, semblerait appartenir en propre à l’Orient, on en retrouverait néanmoins l’équivalent exact (certes sous un vocabulaire différent) dans notre Occident. C’est par exemple, en fin de compte, le tantrisme qui donnerait sa physionomie propre et sa véritable face à l’alchimie occidentale. Mais ne se révélerait-il pas volontiers artificiel d’instaurer des oppositions structurales entre l’ « Orient » et l’ « Occident » ? Les mêmes attitudes fondamentales se découvriraient en fait dans l’un comme l’autre de ces deux grands édifices idéologiques.

La Voie de la Main Gauche

Dans le tantrisme aussi bien hindou que bouddhiste, à la « voie de la main droite » (celle de l’ascèse soli taire) s’opposera en contrepoint ce qu’on appelle la « voie de la main gauche ». Là encore, l’adjectif ne présente aucun rapport avec la politique. De quoi s’agit-il ?

La « voie de la main gauche » prend appui (à l’inverse de son homologue dit « de droite ») sur un maniement occulte concret de la sexualité elle-même. Perspective qui semblerait étonnamment paradoxale, puisque la chair (pour user du langage théologique courant) se trouve si volontiers identifiée tout de suite à ce qui entrave, asservit l’homme aux réalités les plus basses, franchement négatives. En Occident, on identifie volontiers le péché originel qu’aurait commis Adam et Eve au fait d’avoir (comme on dit) « croqué la pomme », c’est-à-dire accompli l’acte sexuel. Mais on retrouverait aussi bien en Orient qu’en Occident ces récits types qui nous montrent l’homme en quête d’avancement spirituel, voire l’ascète qui se croyait triomphant, « chuter », échouer, pour avoir succombé à la fascination d’une belle tentatrice. Souvenons-nous (mais les exemples pourraient être multipliés) de l’épisode d’Ulysse affrontant les sortilèges de la magicienne Circé, responsable d’une transformation en pourceaux des compagnons du rusé navigateur grec. Transformation (celle des hommes en pourceaux) qui transposerait d’une manière frappante ce fait pour les hommes de succomber à l’esclavage de l’animalité avec ses instincts dégradants.

Souvenons-nous également de cet épisode d’un récit de l’auteur italien Collodi : Pinocchio (popularisé par le grand dessin animé de Walt Disney) sous l’apparence d’un conte pour enfants, récit initiatique en fait. Quel épisode donc ? Celui de l’ « Île Enchantée », dont le maître trompeur qui y règne n’est autre que le Diable, qui transforme en ânes (cela commence par un allongement soudain des oreilles) les malheureux gosses ayant succombé à ses prodiges fallacieux. On pourrait y voir aussi, dans cette métamorphose bestiale, la clef que voici : tant que les âmes ne se seront pas libérées de la tyrannie des bas instincts de l’animalité, elles seront obligées, d’une manière inexorable, de se réincarner encore et encore dans un corps physique.

L’idée même de concevoir un itinéraire spirituel qui prendrait appui sur la sexualité, ne serait-ce pas notion fallacieuse par nature, puisque la « chair » s’identifie à la chute ténébreuse dans les abîmes de l’animalité ?

Au surplus, parler de la « voie de gauche » ne serait-ce pas la caractériser dès l’abord comme mauvaise et maléfique par nature ? On retrouverait toutes les ancestrales conceptions populaires qui entachent la gauche (la main comme le côté) d’une connotation mauvaise, sinistre. Et il est de fait que, parfois, on trouvera l’expression « voie de gauche » employée pour désigner purement et simplement la recherche des pouvoirs que procurerait le recours systématique à la magie noire.

Pourtant, lorsque le tantrisme se présente sous l’une des formes dites de la “voie de la main gauche”, ce serait alors totale erreur de l’assimiler systématiquement à quelque chose de mauvais, dégradant et sinistre par nature. À cet égard, la gauche caractériserait l’une des deux polarités du Divin : celle féminine, c’est-à-dire le côté de la Mère (perpétuellement unie au Père), Prakriti en sanskrit (la matière première, d’abord indifférenciée puis activée lors du processus créateur) complémentaire de Purusha (la partie masculine du Divin), pour continuer la terminologie sanskrite.

Mais il ne faudrait évidemment pas manquer de remarquer que cette si mauvaise réputation de la « voie de gauche » s’est trouvée amplifiée, ô combien, par l’utilisation malsaine d’une étiquette abusive « tantrisme » par des groupes fort suspects, sans différence en fait (si ce n’est par leur dite étiquette abusivement prestigieuse) par rapport aux officines et personnages qui organisent disons d’excitants divertissements pornographiques (individuels ou collectifs) au bénéfice d’amateurs disposés à payer le tarif.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’existence d’une authentique « voie de gauche », à rites sexuels concrets, correspondrait à une effective réalité psychique et spirituelle. On la connaît certes surtout, pour ce qui concerne les études modernes qui lui ont été consacrées, sous ses formes développées dans l’hindouisme et le bouddhisme. À cet égard, le livre classique de Mircea Eliade : Le Yoga, Immortalité et Liberté (chez Payot), constitue toujours un point de départ indispensable pour les recherches.

Pourtant, on la découvrirait (avec une terminologie différente certes) cette « voie de la main gauche », en Occident aussi : Voyez cette autre étude classique (déjà ancienne mais si remarquablement approfondie et complète : La Métaphysique du Sexe (chez Payot également), de Julius Evola. Nous nous permettrions de renvoyer aussi (je m’excuse) à ces deux études personnelles : Serge Hutin, L’Amour Magique (Albin Michel, collection « Les Chemins de l’Impossible ») – Les Secrets du Tantrisme (Marabout, collection « Univers Secrets », 1973).

Il y aurait lieu de se pencher, tout spécialement, sur une forme spéciale de l’alchimie occidentale (celle où l’alchimiste oeuvre non pas en isolé, mais conjointement avec une compagne), et aussi sur l’érotique sacrée qui se découvrirait à la lumière d’une étude approfondie des Mille et Une Nuits, sans compter, à l’époque contemporaine, les réalisations de personnalités (largement méconnues, à tort, voire vilipendées) comme P.B. Randolph (1825-75), la « Sophicale » Maria de Naglowska (1863-1936) ou le fameux « mage » britannique Aleister Crowley (1875-1947). De ce dernier, rappelons la si belle formule dont il faisait usage pour caractériser le fait que l’être humain recèle en lui-même la plus prodigieuse sans doute des libérations magiques : « Chaque homme et chaque femme est une étoile. »

Il n’est pas jusqu’à certaines célébrités bien connues de l’histoire littéraire française qui seraient à même (à condition de bien savoir les interpréter) de se révéler comme ayant intimement connu l’itinéraire tantrique « de la main gauche ». Le cas d’Arthur Rimbaud, le génial jeune poète, serait à envisager au tout premier chef. Aussi merveilleuse que soit par elle-même son oeuvre, il serait absolument exact de voir dans la tentative rimbaldienne l’expression d’une quête personnelle occulte acharnée de l’intuition libératrice. Rappelons ce passage célèbre de sa Lettre du Voyant (à Georges Izambard, datée du 13 mai 1871) : « Il s’agit d’arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens (…). C’est faux de dire : je pense. On devrait dire : On me pense. » Affirmation identique dans l’autre Lettre du Voyant, celle à Paul Demeny du 15 mai 1871 : « Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. » Il s’agit bel et bien d’apprendre à transformer toute la perception sensible, de manière à devenir capable de déboucher sur toute autre chose : les réalités d’un autre plan.

Dans le poème Soleil et Chair, on trouve ce vers révélateur : « L’Homme est Dieu ! Mais l’Amour, voilà la grande Foi. »

Le tout jeune Arthur Rimbaud aurait-il rencontré très tôt, sa vraie compagne prédestinée ? L’identité de celle-ci se laisserait préciser : cette jeune fille aux yeux de violette (les propres termes de Rimbaud) se prénommait Henrika, elle était fille d’humbles parents polonais immigrés à Charleville. C’est avec elle qu’Arthur accomplira sa troisième fugue de collégien, lorsqu’il gagne Paris par le train. Le poème Rêvé pour l’Hiver en est un écho :

« L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose

Avec des coussins bleus.

Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose

Dans chaque coin moelleux.« Arthur et la jeune fille erreront quelque temps dans la »zone« de la ceinture parisienne. Voyez le poème en prose Ouvriers : » Henrika avait une jupe de coton à carreau blanc et brun, qui a dû être portée au siècle dernier, un bonnet à rubans, et un foulard de soie. »

Après leur rapide (hélas) séparation, Henrika semble avoir rejoint les rangs des femmes qui prendront les armes pour la Commune. Elle aurait figuré (pourrait-on imaginer) parmi les prisonnières envoyées à la Nouvelle-Calédonie…

Mais un problème se pose : que s’était-il donc passé entre les deux jeunes gens pour qu’ils se séparent ? On trouve dans Une Saison en Enfer (écrite d’avril à août 1873) ces deux lignes qui, nous allons nous en apercevoir) cessent d’être obscures pour prendre leur sens, au contraire, très précis :

« Un soir j’ai assis la Beauté sur mes genoux

Et je l’ai trouvée amère,

Et je l’ai injuriée. »

Mais, dans l’érotique sacrée du tantrisme de la main gauche, la position essentielle n’est-elle pas celle où l’homme assoit sa partenaire sur ses genoux, dans la position du lotus ? Et, malheureusement, il se produisit pour le couple cette catastrophe : le fait que Rimbaud ait, à sa jeune compagne prédestinée, inexplicablement préféré Verlaine.

Vous connaissez tous l’orageux épisode homosexuel (entre les deux poètes), au sujet duquel Arthur portera ce jugement rétrospectif tellement sévère : J’ai aimé un porc, écrira-t-il textuellement dans Une Saison en Enfer.

Il semble qu’après son orageuse rupture avec Verlaine, Rimbaud ait connu, malgré tout, d’ultérieures relations avec des partenaires éphémères, mais formées à une pratique effective des rites tantriques complets (en couple). Voyez, dans les Illuminations le poème en prose Dévotion et quelques autres, pièce où surgissent de mystérieuses figures féminines, auxquelles les stances se trouvent dédiées. La première était ainsi apostrophée : « A ma soeur (en un sens initiatique du terme) Louise Vanaen de Voringhem ». Ce si beau nom à la résonance flamande, était-ce une identité réelle ou bien un flatteur pseudonyme ? Rappelons l’allusion qu’y faisait André Breton, ce si grand admirateur de Rimbaud, et lui-même fervent au surplus des amours magiques : « L’une des plus mystérieuses passantes qui traversent les Illuminations. »

On peut même s’interroger sur ce qui se passa au cours des quelques semaines de l’année 1872 où, après qu’il soit monté jusqu’en Écosse, on perd la trace de Rimbaud. Serait-il monté bien plus haut en latitude ? Ainsi s’expliquerait l’avant-dernier paragraphe de la pièce Dévotion, dans laquelle le poète s’adresse à une femme qui semblerait avoir été de race esquimaude :

« Ce soir à Circeto des hautes glaces, grasse comme le poisson, et enluminée comme les dix mois de la nuit (polaire) rouge… »

L’Union Sexuelle Magique

Il est d’évidence que la puissance dynamique de la Nature s’identifierait au sexe. La Nature se confondrait alors avec la partie féminine de la Divinité perpétuellement unie à son autre moitié, masculine : nous y trouverions, en cette union, l’archétype premier d’une conjonction indissoluble des deux polarités, de l’androgynie fondamentale et primordiale.

L’union charnelle d’un homme et d’une femme ne pourrait-elle pas, si elle est sacralisée, reproduire la conjonction des deux composantes divines, indissolublement complémentaires du cosmos : Mère et Père de toutes choses ? Comme il nous est affirmé au début même de la Table d’Emeraude d’Hermès Trismégiste :

« Ce qui est en haut est comme ce qui en bas, et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, pour accomplir les miracles d’une seule chose. »

L’union sexuelle magique, tel est le grand secret thaumaturgique dans la prodigieuse « voie de la main gauche ». L’énergie érotique une fois poussée à son intensité maximale, l’union charnelle (maithuna en terminologie sanskrite) devient alors un rituel magique et divin.

Si le coït sacré se trouve intégralement réalisé, la conjonction des deux partenaires se réaliserait (pas seulement au niveau de leurs corps physiques tendrement unis mais aussi entre leurs enveloppes psychiques respectives) » le tout débouchant pour le couple sur un vivant reflet vécu de l’union fondamentale primordiale et archétypique, entre le Père et la Mère, c’est-à-dire entre les deux moitiés (opposées mais étroitement conjointes) qui composent le Divin.

Il est assurément vrai qu’à l’inverse, l’acte sexuel pourra, s’il est abaissé à la simple débauche, déboucher sur toute la gamme des déchéances humaines. À propos du sexe tout spécialement, s’appliquerait à merveille cette remarque si frappante invoquée dans son roman Le Christ Recrucifié par Nikos Kazantzakis :

« Les portes du ciel et de l’enfer se touchent et sont exactement semblables. »

En ritualisant, en sacralisant l’extase érotique, il deviendrait bel et bien possible au couple de parvenir à l’Illumination suprême. En fait, l’énergie sexuelle, qui tire sa source corporelle, traditionnellement à la base de la colonne vertébrale, doit être envisagée de deux manières. Première modalité : celle de la sexualité animale, avec toutes ses formes et déviations possibles. Deuxième modalité : l’inverse de celle-ci, son retournement. Que s’agit-il donc de réaliser par l’érotique sacrée ? Retourner, inverser en quelque sorte la sexualité animale de manière à ce que (pour user de la terminologie tantrique) la puissance de la kundalini (figurée par l’image d’une déesse-serpent lovée au bas de l’échine) puisse grimper, s’enrouler au tour de l’épine dorsale, devenant capable d’éveiller ainsi tour à tour chacun des centres psychiques subtils (les chakras) qui, pour l’homme conditionnent l’Illumination.

Ce serait totale erreur de considérer la sexualité comme une force inférieure et mauvaise par nature. Tout dépendra de la manière dont elle se trouvera utilisée par le magicien.

On pourrait d’ailleurs faire cette remarque significative : on trouverait, même dans la vie courante, une sorte d’écho lointain, de pressentiment (les deux à la fois plutôt) des unions magiques, aussi rares que puissent être celles-ci. Voici un beau passage tiré de cet extraordinaire roman symbolique : La Maison aux Mille Étages, de l’auteur tchèque Jan Weiss, initié à la kabbale hébraïque :

« … cette sève merveilleuse qui enflamme les yeux de l’ homme devant la femme et ceux de la femme devant l’homme, et qui fait du corps humain avec tous ses volumes et ses courbes, une île de béatitude où s’enivre le rêve du paradis perdu. »

Donnons un verset (II, 26) du Livre de la Loi, qui contenait toute une révélation médiumnique donnée à Aleister Crowley :

« Je suis le Serpent secret (c’est-à-dire la Kundalini ) lové, sur le point de bondir ; il y a joie dans mon enroulement. »

Alchimie du Verbe

Nous allons maintenant retrouver Arthur Rimbaud, et découvrir que l’un de ses poèmes les plus connus : le sonnet Voyelles, se trouvait exprimer en fait une connaissance très précise des secrets du point culminant dans la « voie de la main gauche », ceux précisément de l’union érotique sacrée, culminant en l’extase divine.

Je vous en rappelle les vers bien connus :

« A noir, E blanc, l rouge, U vert, 0 bleu : voyelles,

Je dirai quelque jour vos naissances latentes :

A, noir corset velu des mouches éclatantes

Qui bombinent autour des puanteurs cruelles ;

Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,

Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;

I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles

Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,

Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides

Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein de strideurs étranges,

Silences traversés des Mondes et des Anges :

O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! »

Pour ce qui concerne ces fameuses voyelles, il existe assurément l’interprétation usuelle : le jeune poète aurait, pour nourrir son audition colorée, simplement gardé à l’esprit les images de l’un de ces vieux abécédaires (on était alors lien avant l’apparition dans l’enseignement primaire de la si controversée méthode globale) où, pour bien ancrer les voyelles dans l’imagination des enfants, on associait celles-ci à telle ou telle couleur, choisie car apte à frapper l’imagination. Il ne s’agissait nullement de cela. Reportez-vous à ce passage (Alchimie du Verbe) dans la seconde partie d’Une Saison en Enfer. On y trouve cette précision :

« J’inventai la couleur des voyelles ! A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert. Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne… »

Un point essentiel : le verbe inventer (« J’inventai la couleur des voyelles ») n’a pas du tout ici sa signification familière moderne mais son sens étymologique originel, du latin invenire, voulant dire « trouver » ou « découvrir ».

Mais ces voyelles du poème ne seraient autres, en fait, que des mantras syllabiques particuliers, ceux qui, dans le tantrisme, sont appelés (en sanskrit) : ijas, littéralement : les « formules germinatrices ». Chacune d’elles, dans son ordre de succession, équivalant alors à une formule magique censée ouvrir l’accès e l’oeil intérieur du mage à tel ou tel des plans psychiques supérieurs visités en imagination par le couple ayant réalisé l’union magique.

Si le sonnet Voyelles se trouve connu de longue date, ce qui nous semble étrange c’est que sa clef essentielle de déchiffrage n’ait été décelée qu’à une date tardive. C’est en 1961 seulement que Robert Faurisson dans un numéro spéciale la défunte revue Bizarre, consacré aux poèmes d’Arthur Rimbaud, remarquait que le sonnet Voyelles prend un sens singulièrement précis : constituer une sorte de « blason » du corps féminin ; plus précisément, le poète adresse ces vers à sa partenaire qu’il tient sur ses genoux face à lui, et dans le regard de laquelle il plonge ses yeux.

Il semble que la constatation selon laquelle il y a des découvertes qui apparaissent seulement à la date voulue, et volontiers d’une manière simultanée (sans que les responsables en cause aient pu se copier l’un l’autre), se révélerait fort juste en l’occurrence. C’est en effet à la même période (les années 60 et 61) que me vint tout d’un coup l’explication profonde du sonnet Voyelles, sans que j’aie eu connaissance de la subite trouvaille de Faurisson, ni lui de la mienne.

Ma propre lecture des Voyelles de Rimbaud dépasserait néanmoins (en prenant certes appui sur le même point de départ : une certaine position érotique), la perspective de Robert Faurisson. En quoi ? Par le fait d’y considérer la réalité charnelle décrite comme donnant le départ d’une aventure magique tentée par le couple prédestiné. Deux passages d’Une Saison en Enfer de Rimbaud nous le laissent fort bien entendre. Celui-ci :

« L’amour divin seul octroie les clefs de la science, »

Et cette toute dernière phrase de l’oeuvre :

« (…) et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps. »

C’est là justement, une caractéristique essentielle de l’amour magique dans le tantrisme dit de la main gauche (celui des rites sexuels concrets).

Il est un curieux poème considéré, à juste titre, comme le prolongement direct du sonnet Voyelles. Voici ces vers, apparemment sibyllins :

« L’étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,

L’infini roulé blanc de ta nuque à tes reins,

La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles,

Et l’Homme saigné noir à ton flanc souverain. »

Le second vers du poème ne décrirait-il pas la redescente de la Kundalini, après son ascension brûlante le long de l’épine dorsale ?

Revenons au sonnet Voyelles. Voici, en fin de compte, notre clef décisive d’interprétation : chez les deux partenaires, la modulation simultanée des mantras entonnés par eux (dans l’ascension imaginative) ouvre l’accès aux plans psychiques supérieurs. On y aura remarqué, en passant, mention explicite de l’alchimie. Au point culminant du rituel, ce sera l’atteinte de l’extase illuminatrice : en plongeant son regard dans les yeux violets de la bien-aimée, l’amant s’identifie au Père (le Purusha en terminologie tantrique hindoue) éternellement conjoint à la Mère divine (Prakriti, la Matière primordiale, vivante et intelligente, source de toute la création manifestée). Vous aurez remarqué dans le dernier vers’ du sonnet, la double majuscule à : « Ses Yeux. »

Dans les Illuminations d’Arthur Rimbaud, poèmes en prose d’allure si énigmatiques en dépit de leur langue très claire et simple, il est nombre d’entre eux qui ne sauraient s’expliquer que par l’écho de voyages en imagination magique, accomplis à travers les régions du plan astral .f Voici, exemple significatif, la pièce Fleurs :

« D’un gradin d’or, parmi les cordons de soie, les gazes grises, les velours verts et les disques de cristal qui noircissent comme du bronze au soleil, je vois la digitale s’ouvrir sur un tapis de filigranes d’argent, d’yeux et de chevelures. .

Des pièces d’or jaune semées sur l’agate, des piliers d’acajou surmontant un dôme d’émeraudes, des bouquets de satin blanc et de fines verges de rubis entourent la rose d’eau.

Tels qu’un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses. »

Il ne faudrait pas oublier, dans ces voyages accomplis en imagination magique, une alliance étroite entre images concrètes et symboles. Dans le poème en prose que nous venons de reproduire, vous aurez remarqué (entre autres) des symboles alchimiques, comme le rubis (caractéristique de l’oeuvre au rouge de la pierre philosophale).

Reportons-nous à cette phrase célèbre (qui serait à interpréter, elle, d’une manière toute littérale) d’Une Saison en Enfer, où Rimbaud caractérisait sa quête systématique d’émerveillements vécus lors des voyages en imagination vécus dans les plans supérieurs : « Je devins un opéra fabuleux : je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur. »

Rappelons cette autre formule, devenue elle aussi célèbre, qui se trouvait dans la seconde Lettre du Voyant (celle à Paul Demeny, 15 mai 1871) : « La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance entière. »

En quoi consisterait l’aboutissement magique triomphal à rechercher par l’adepte du tantrisme ? En une Illumination totale, une extase faisant déboucher sur l’expérience directe du Divin. Relisons le si court poème (mais tellement révélateur en un minimum verbal) L’Éternité daté de mai 1872) :

« Elle est retrouvée.

Quoi ? L’Éternité.

C’est la mer allée.

Avec le soleil. »

La sexualité face à la Haute Magie du Tantrisme
Eternelle idole, Auguste Rodin. Image extraite du site Art in The Picture.

En un mot : vision finale de la conjonction sacrée des deux principes (indissociables, masculin et féminin) de la Divine Source de toutes choses…

Revenons à l’érotique sacrée « de la main gauche ». Partant d’un point d’appui concret au possible (l’union charnelle d’un homme et d’une femme), elle débouche (dans cette forme de l’érotisme tantrique) sur une réalisation en parallèle, par le couple magique, du mariage sacré prenant pour théâtre les plans subtils, supérieurs au monde sensible. Prétention absurde ? Pas du tout ! N’est-il pas enseigné en philosophie occulte que le corps astral (qu’il soit d’un homme ou d’une femme) comporte bel et bien, en strict parallélisme, tous les organes propres à l’enveloppe physique, y compris ceux du sexe ? Chez les amants tantriques, l’un des buts de la magie érotique consisterait justement en la formation, pour l’un comme pour l’autre, de ce que le tantrisme appelle un corps de foudre. Ainsi il faudrait comprendre cette phrase étrange (mais très précise en fait) qui figure dans l’une des pièces, Being beauteous, des Illuminations d’Arthur Rimbaud : « Oh ! nos os sont revêtus d’un nouveau corps amoureux. »

S’ils parviennent à réaliser l’union en corps astral, les amants tantriques devraient alors pouvoir devenir capables (tous n’y parviennent pas hélas) a pouvoir s’unir même en cas de séparation physique entre eux deux. Y compris même, à la limite, si l’un deux périt : les désincarnés ne conservent-ils pas leur corps astral ?

La sexualité face à la Haute Magie du Tantrisme, Serge Hutin, docteur es-lettres, 1995 e.v. Copyright Fondation Hutin.

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