Le Sepher Raziel, traduction par HieroSolis.
La rĂ©putation du SĂ©pher Raziel nâest plus Ă faire dans le monde kabbalistique. Il sâagit dâune compilation de textes magiques, certains remontant aux premiers siĂšcles de notre Ăšre, dâautres au douziĂšme ou au treiziĂšme siĂšcle, attribuĂ©s Ă ĂlĂ©azar de Worms, dâautres encore probablement plus rĂ©cents. Il a Ă©tĂ© imprimĂ© pour la premiĂšre fois en 1701, et nâavait jamais Ă©tĂ© traduit intĂ©gralement en français.
On y trouve entre autres des commentaires du SĂ©pher YĂ©tsirah, des explications sur les 72 noms du Shem ha-Mephorash, des mĂ©thodes pour fabriquer et consacrer divers talismans, des textes astronomiques et des traitĂ©s cosmogoniques rendant compte de lâorganisation de la crĂ©ation. Et surtout, une angĂ©lologie riche et complexe pour tous les moments du jour, de la semaine, du mois et de lâannĂ©e, et pour la plupart des phĂ©nomĂšnes auxquels on peut ĂȘtre confrontĂ©.
Il constitue un aperçu unique sur la conception du monde et les pratiques des kabbalistes et magiciens juifs du Moyen-Ăge et de la Renaissance.
L’ouvrage, qui sortira le 19 janvier 2017 aux Ă©ditions Hermesia, est disponible en prĂ©commande sur le site Alliance Magique.
Le traducteur :
PassionnĂ© depuis lâadolescence par le surnaturel et par la magie, HieroSolis Ă©tudie et pratique depuis plus de trente ans divers domaines de lâoccultisme, en particulier lâastrologie, le tarot, la Kabbale, la magie cĂ©rĂ©monielle, et le systĂšme Ă©nochĂ©en de John Dee.
Il y a quelques mois, HieroSolis a donnĂ© une entrevue au webzine Rat Holes, au cours de laquelle il s’est exprimĂ© sur sa traduction du SĂ©pher Raziel.
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Entrevue avec HieroSolis, Rat Holes, propos recueillis par Melmothia le 24 juin 2016.
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Melmothia : Bonjour, HervĂ©, et merci dâavoir acceptĂ© cet entretien. Pour commencer, pourrais-tu nous dire quelques mots sur ton parcours personnel dans lâĂ©sotĂ©rismeâ? Comment est-ce que tu es tombĂ© dans la marmiteâ?
HervĂ© : Mon point dâentrĂ©e dans lâoccultisme a Ă©tĂ© lâastrologie, dĂšs lâĂąge de seize ans. Pas avec les horoscopes, mais avec les ouvrages de Barbault, Volguine et HadĂšsâ; une astrologie «âclassiqueâ», donc (mĂȘme si ma pratique a Ă©voluĂ© par la suite dans deux directions, vers lâastrologie magique traditionnelle et vers lâastrologie humaniste de Rudhyar et de ses successeurs). De lĂ , je suis passĂ© assez vite au Tarot, qui mâa ouvert une porte sur la Kabbale. Ensuite, je me suis intĂ©ressĂ© de prĂšs ou de loin Ă un trĂšs grand nombre de domaines Ă©sotĂ©riques ou occultes. Pour en citer quelques-uns dans le dĂ©sordre : le Bouddhisme Zen, la ThĂ©osophie de Blavatsky et Bailey, le Futhark et la tradition nordique, la magie de F. Bardon, et, depuis une douzaine dâannĂ©es, la Golden Dawn et ses hĂ©ritiers.
Melmothia : Que retiens-tu de ce voyageâ? Est-ce que certaines traditions tâont paru plus intĂ©ressantes Ă explorerâ? Dâautres, dĂ©cevantesâ?
HervĂ© : Jâai trouvĂ© des choses intĂ©ressantes dans tous les domaines que jâai explorĂ©s, Ă des degrĂ©s divers. Surtout, certains ont Ă©tĂ© des ouvertures sur dâautres, et mâont permis dâapprofondir ma comprĂ©hension de lâĂ©sotĂ©risme et de lâoccultisme, tant sur le plan historique (on ne peut nier lâimpact de la ThĂ©osophie et de la Golden Dawn sur la pensĂ©e Ă©sotĂ©rico-occulte actuelle, par exemple) que sur les plans mĂ©taphysique et pratique. La seule qui mâa vraiment déçu est lâAnthroposophie, qui est un patchwork christiano-thĂ©osophico-aristotĂ©licien qui ne repose sur pas grand-chose dâautre que les visions trĂšs personnelles de son fondateur Rudolf Steiner. Pour celles que je prĂ©fĂšre, jâen citerai trois : la Kabbale, que je trouve dâune grande richesse et trĂšs adaptableâ; les Runes, avec lesquelles jâai une grande affinitĂ© personnelleâ; et la Golden Dawn (et ses hĂ©ritiers), Ă©galement, comme la Kabbale Ă laquelle elle emprunte largement, trĂšs riche et trĂšs adaptable.
Melmothia : Te dĂ©finirais-tu plutĂŽt comme traditionaliste ou moderneâ?
HervĂ© : Difficile Ă dire. Je nâoppose pas les deuxâ; ce qui se fait aujourdâhui est la continuation de ce qui sâest fait autrefois, mĂȘme lorsquâon croit observer une rupture. Je ne vois pas les traditions comme figĂ©esâ; elles vivent au travers de ceux qui les pratiquent, et qui doivent les manifester dans leur Ă©poque selon les modalitĂ©s qui conviennent. Pour moi, vouloir maintenir (ou faire revivre) des formes anciennes est dĂ©nuĂ© de sensâ; mais rejeter un texte ou une pratique au seul motif de son anciennetĂ© est tout aussi absurde.
Melmothia : Je me souviens dâinterminables discussions sur des forums sur la nĂ©cessitĂ© de lire Eliphas LĂ©vi ou Papus. ConsidĂšres-tu quâil y a des «âclassiquesâ» dans lâĂ©sotĂ©rismeâ?
HervĂ© : Oui, indiscutablement. LĂ©vi et Papus en font partie, surtout LĂ©vi, car il est en France lâinitiateur du renouveau de lâoccultisme (au sens large du terme). Mais mes prĂ©fĂ©rences vont aux textes plus anciens : les oracles ChaldaĂŻques, Jamblique, Platon (dont la pensĂ©e est fondamentale dans le dĂ©veloppement de lâHermĂ©tisme nĂ©o-platonicien). Et bien sĂ»r, plus tard, le Picatrix (longtemps indisponible) et Corneille-Agrippa. Pour les plus modernes, on ne peut ignorer Franz Bardon, Dion Fortune et Aleister Crowley. Il y a de nombreux auteurs contemporains intĂ©ressants, mais on ne peut pas encore dire que leurs Ćuvres sont des «âclassiquesâ»â; ils devront dâabord passer lâĂ©preuve du temps. Attendons quelques dizaines dâannĂ©es.
Melmothia : VoilĂ quelque temps dĂ©jĂ que tu travailles sur une nouvelle traduction du SĂ©pher Raziel, qui est lâun des rares ouvrages de kabbale traditionnelle que lâon pourrait qualifier de «âpratiqueâ». Pourrais-tu prĂ©senter briĂšvement ce livre pour nos lecteursâ? Quelle place occupe-t-il dans la kabbaleâ? Et quel est son intĂ©rĂȘt pour lâoccultisme contemporainâ? Ou pour faire court : câest quoi, le SĂ©pher Razielâ?
HervĂ© : Le Sepher Raziel, ou pour lui donner son titre complet le Sepher Raziel ha-Malaakh, est une compilation de textes kabbalistiques publiĂ©e en 1701. Il semble que lâessentiel du texte remonte au quatorziĂšme siĂšcleâ; mais certains passages sont plus anciens (en particulier des extraits du Sepher ha-Razim) et dâautres plus rĂ©cents.
Tout dans ce texte nâest pas orientĂ© vers la pratiqueâ; il y a des passages thĂ©ologiques, et de longues dissertations cosmogoniques. Mais il est vrai quâil contient une angĂ©lologie complĂšte et un certain nombre de talismans, avec leur mode dâemploi. Lâun des livres est consacrĂ© au Shem ha-Mephorash, câest-Ă -dire aux 72 noms Ă partir desquels la Kabbale chrĂ©tienne a construit les noms de 72 anges.
Ce livre a surtout la rĂ©putation de protĂ©ger la maison oĂč il se trouve de tout dommage : incendie, effraction, vandalisme. Mais il sâagit plus dâun argument de vente que dâune efficacitĂ© rĂ©elle.
Bien que son nom soit trĂšs connu et que sa rĂ©putation ne soit plus Ă faire, on ne peut pas dire quâil ait eu un gros impact sur la Kabbale que nous connaissons aujourdâhui. Il nâest pas particuliĂšrement bien vu dans le JudaĂŻsme moderne, Ă ma connaissance, surtout parce quâil propose des pratiques Ă proprement parler magiques, et non mystiques : des invocations et des talismans, et non pas des mĂ©ditations et des priĂšres. Bien quâil y en ait aussi quelques-unes.
Certains passages en ont Ă©tĂ© traduits, notamment par Georges Lahy dans Vie Mystique et Kabbale Pratique, oĂč lâauteur nous donne les noms dâun grand nombre des anges quâon trouve dans le S. Raziel, ainsi que quelques talismansâ; et dans Les 72 Puissances de la Kabbale, oĂč il a traduit un tiers du texte sur le Shem ha-Mephorash. Mais ma traduction sera la premiĂšre version intĂ©grale en français.
Melmothia : La seule version que je connaisse de ce texte est celle de Steve Savedow qui laisse la vague impression quâil a chiquĂ© plutĂŽt que traduit le manuscrit. Mais je sais que dâautres traductions existent, au moins en langue anglaise. Tu peux nous en dire quelques motsâ?
HervĂ© : Difficile de parler de la version du Raziel que Savedow a proposĂ© sans se montrer trĂšs critique Ă son Ă©gard. Il a commis dâinnombrables erreurs (il a par exemple confondu «âvers le champâ» (el shadeh) avec El Shaddayâ!), nâa pas identifiĂ© les citations bibliques (quâil a traduites nâimporte comment), sâest trompĂ© dans le dĂ©coupage des phrases (le texte original nâest pas vraiment ponctuĂ©), nâa jamais tenu compte de la conjugaison des verbes (quâil donne tous Ă lâimpĂ©ratifâ!) ni de la syntaxe de lâhĂ©breu, et jâen passe. Bref : sa «âtraductionâ» nâen est pas une, et on peut lâoublier sans regret. Malheureusement, elle est rĂ©guliĂšrement reprise sur Internet. Je me demande sincĂšrement comment on peut y comprendre quelque chose.
Dâautres livres portent le titre de Sepher Raziel, mais il ne sâagit pas du mĂȘme texte. Il sâagit principalement du Sepher Raziel : Liber Salomonis, qui est un manuscrit anglais du 16e siĂšcle, Ă©ditĂ© par S. Skinnerâ; et dâun autre Sepher Raziel hĂ©breu, traduit et publiĂ© par G. Grippo.
Melmothia : Ce sont dâautres ouvrages de magie pratiqueâ? En quoi ces textes sont-ils liĂ©s au SĂ©pher Raziel hormis une identitĂ© de titreâ?
HervĂ© : Ce sont, en effet, dâautres ouvrages de Kabbale pratique. Câest la cĂ©lĂ©britĂ© du titre qui a amenĂ© leurs auteurs Ă lâutiliser pour leurs livres. En effet, on parle dâun SĂ©pher Raziel avant mĂȘme lâexistence du volume que jâai traduit : dans lâĂpĂ©e de MoĂŻse, qui date de lâAntiquitĂ© tardive. La racine du nom de lâarchange Raziel signifiant «âsecretâ», un SĂ©pher Raziel est un livre contenant des secretsâ; et Ă ce titre, tout auteur voulant faire valoir le caractĂšre mystĂ©rieux et unique de son texte lâa intitulĂ© ainsi afin dâaugmenter son attrait.
Melmothia : Retrouve-t-on certains Ă©lĂ©ments de cet ouvrage dans des grimoires occidentaux comme les Clavicules ou Abramelin, ou est-ce que le contenu diffĂšre radicalementâ?
HervĂ© : Pas rĂ©ellement. Pour lâAbramelin, mĂȘme si le narrateur se prĂ©sente comme juif et si le texte contient de nombreuses rĂ©fĂ©rences au JudaĂŻsme, beaucoup de spĂ©cialistes considĂšrent que lâauteur est un ChrĂ©tien qui, voulant ajouter au mystĂšre et Ă lâautoritĂ© de son texte, a placĂ© ses paroles dans la bouche dâun Juif. LâopĂ©ration de lâAbramelin, et les carrĂ©s magiques qui y sont joints, sont Ă©trangers Ă la mentalitĂ© du Raziel. LâAbramelin se concentre sur le contrĂŽle des forces dĂ©moniaques, alors que le Raziel est uniquement tournĂ© vers la communication avec les entitĂ©s angĂ©liques et vers le contact avec la divinitĂ© par le biais des noms divins. Quant aux grimoires tels que les Clavicules de Salomon et le Lemegeton, malgrĂ© la prĂ©sence de noms divins hĂ©braĂŻques, ils sont fortement empreints de Christianisme, et participent, comme lâa dĂ©montrĂ© Aaron Leitch dans Secrets of the Magical Grimoires, dâune tradition magique beaucoup plus proche dâune forme de chamanisme que de la Kabbale. Par exemple, il nây a pas de cercle magique dans le SĂ©pher Raziel.
Melmothia : Et dans lâautre sens : existe-t-il des sources identifiables du Sepher Raziel ou des traitĂ©s de magie juive qui lui ressemblent comme un frĂšreâ?
HervĂ© : Des sources, oui, bien sĂ»r. Le SĂ©pher Raziel est une compilation de textes. Il intĂšgre une partie du SĂ©pher ha-Razim, qui remonte Ă lâAntiquitĂ© tardiveâ; un commentaire du SĂ©pher YĂ©tsirahâ; des Ă©lĂ©ments qui viennent directement de la tradition gaonique (grosso modo, de +600 Ă +1000). Il y a beaucoup de cosmogonie dans le S. Raziel, et cette cosmogonie se base sur les connaissances astronomiques hĂ©ritĂ©es de lâAntiquitĂ© et sur le texte biblique, qui reste au centre de la pensĂ©e des auteurs. Mais Ă ma connaissance, il n’existe pas de livre qui lui ressemble vraiment.
Melmothia : Ă quelles difficultĂ©s tâes-tu heurtĂ© durant cette nouvelle traductionâ?
HervĂ© : En dehors de lâhĂ©breu, que je connais un peu, mais que je ne maĂźtrise pas parfaitement, jâai Ă©tĂ© confrontĂ© Ă trois difficultĂ©s majeures : certains passages sont en aramĂ©en, pas en hĂ©breuâ; le texte est trĂšs peu ponctuĂ© (un point indique en gĂ©nĂ©ral la fin dâune citation biblique) et les paragraphes sont trĂšs longs (plusieurs pages, assez souvent)â; et enfin, les copistes et les imprimeurs ont commis pas mal dâerreurs, confondant certaines lettres entre elles. Je dois comparer quatre versions diffĂ©rentes, et parfois, toutes sont fautives. Mais avec patience et dĂ©termination, beaucoup de recherche et de rĂ©flexion, et un peu dâaide et dâintuition (et beaucoup de temps, aussi…), je mâen sors. De nombreuses ressources sont disponibles pour lâhĂ©breu, sur Internet par exemple.
Melmothia : Quand peut-on espĂ©rer lire ta version du Sepher Razielâ?
HervĂ© : Je pense avoir terminĂ© la correction pour septembre, novembre au plus tard. AprĂšs, tout dĂ©pendra de lâĂ©diteur. Je ne veux pas trop mâavancer, mais il est presque certain quâil sera disponible dâici mars 2017.
Melmothia : En avant-premiĂšre pour Rat Holes, pourrait-on en lire un court extraitâ?
HervĂ© : Oui, en sachant que la traduction nâest pas dĂ©finitive, elle doit encore ĂȘtre revue. Je vous propose ce passage, qui montre le caractĂšre trĂšs «âmoderneâ» et pas du tout dĂ©terministe de la pensĂ©e de lâauteur au sujet de lâastrologie : «âBien quâil ait calculĂ© la planĂšte et le signe de chaque homme avant de crĂ©er le monde, selon ses Ćuvres futures, il nâa pas donnĂ© aux planĂštes et aux signes du zodiaque la permission de faire le bien ou le mal dĂšs le dĂ©butâ; jusquâĂ ce quâil voie que lâhomme quâil avait crĂ©Ă© nâĂ©tait adĂ©quat sans sa jeunesse, comme il est Ă©crit : « car le penchant du cĆur de lâhomme est mauvais dĂšs son enfance » (Gen., 8, 21). Et pour cela, Ălohim, clĂ©ment et misĂ©ricordieux, et rĂ©confort dans lâiniquitĂ©, a organisĂ© et prĂ©parĂ© le repentir dĂšs le dĂ©but de la crĂ©ation, « avant que les montagnes fussent nĂ©es (etc.) » (Ps., 90, 2). Lâhomme se repent jusquâĂ la victoire, parce que sâil pĂšche et se repent, YHWH Ălohim le console. Ainsi, il nây a aucun signe immuable, parce que tout dĂ©pend de lâhomme et de son jugement, Ă chaque instant (âŠ)â». On reste dans une pensĂ©e religieuse orientĂ©e vers la nĂ©cessitĂ© du repentir, mais «âtout dĂ©pend de lâhommeâ» : le libre choix de chacun dĂ©termine son avenir.
Melmothia : Les Ă©ditions Alliance Magique ont rĂ©cemment lancĂ© une collection dĂ©diĂ©e Ă la Voie de la Main Gauche, Chronos Arenam, que tu as eu le plaisir dâinaugurer comme traducteur. ArrĂȘte-moi si je dis une bĂȘtise, mais il me semble que tu as longtemps Ă©tudiĂ© et pratiquĂ© le systĂšme magique de la Golden Dawn. Et lĂ , paf, tu nous traduis du Michael Ford et du Asenath Mason. Est-ce que tu serais soudain passĂ© du cĂŽtĂ© obscur ou bien est-ce que les distinctions RHP et LHP nâont pas de signification pour toiâ?
HervĂ© : Comme tu le dis, je suis traducteurâ; pas auteur. Les livres que je traduis ne reflĂštent pas nĂ©cessairement mes convictions ni mes pratiques. Quant Ă la division entre LHP et RHP⊠Eh bien, jâai deux mains : et je me sers des deux. Pour Ă©crire, planter un clou, conduire une voiture, faire la vaisselle⊠Puisque tu parles de la GD, au sujet de la division entre «âgaucheâ» et «âdroiteâ», je tâinvite Ă (re)lire le rituel de Zelator, qui a Ă©tĂ© traduit et publiĂ© en français il y a une vingtaine dâannĂ©es. Le chemin de lâInitiĂ© ne le mĂšne ni Ă gauche, ni Ă droite, mais entre les deux. Le «ânoirâ» et le «âblancâ» ne sont que les modalitĂ©s transitoires et limitĂ©es dâune rĂ©alitĂ© qui les dĂ©passe et les rassemble. Bref : jâestime que lorsquâon se limite Ă un cĂŽtĂ©, on se coupe dâune partie de soi-mĂȘme.
Melmothia : Parmi ces traductions, quels sont les textes qui tâont particuliĂšrement intĂ©ressĂ© ou que tu as trouvĂ© agrĂ©ables Ă traduireâ?
HervĂ© : Jâai trouvĂ© les livres de Sorita dâEste (sur HĂ©cate et sur les origines de la Wicca) trĂšs instructifs, mĂȘme si le premier mâa demandĂ© beaucoup de recherches sur les textes dâauteurs grecs et latins. Mais pour lâinstant, lâexpĂ©rience la plus agrĂ©able a Ă©tĂ© la traduction de Visions Nocturnes, dâAsenath Mason, qui comprend de vĂ©ritables trĂ©sors sur le pan Ă©sotĂ©rique. De plus, elle a un style trĂšs agrĂ©able Ă lire (et donc Ă traduire), ce qui nâest pas forcĂ©ment le cas de tout le monde.
Melmothia : Avant de travailler avec Alliance Magique, il me semble que tu collaborais avec les Ă©ditions Sesheta. Est-ce que cette collaboration se poursuitâ?
HervĂ© : Ăa remonte Ă dix ans dĂ©jĂ . Jâai dĂ» interrompre pas mal dâactivitĂ©s pendant deux ou trois ans pour des raisons de santĂ© Ă la fin des annĂ©es 2000. Pour lâinstant, câest au point mort, mais on ne sait jamais.
Melmothia : Si je ne me trompe, tu es enseignant dâanglais et traducteur, est-ce que tu traduis dâautres langues que lâanglais et lâhĂ©breuâ?
HervĂ© : Non, et pour lâhĂ©breu, câest une aventure unique. Je suis venu au SĂ©pher Raziel par curiositĂ© tout dâabordâ; je me suis engagĂ© dans sa traduction parce que je voulais voir par moi-mĂȘme ce quâil contenait, et quâaucune traduction faite par un spĂ©cialiste ne se profilait Ă lâhorizon.
Melmothia : Tu es autodidacte en hĂ©breuâ?
HervĂ© : Jâai fait un an dâhĂ©breu en universitĂ©, il y a bien longtempsâ; ça mâa donnĂ© les bases. Mais jâai longtemps travaillĂ© en Kabbale, avec les textes originaux de la Bible et du SĂ©pher YĂ©tsirah. Jâai donc une assez bonne facilitĂ© de comprĂ©hension de sa syntaxe. Je suis linguiste de formation : je maĂźtrise une dizaine de systĂšmes grammaticaux (latin, Ă©gyptien ancien, sanscrit, allemand, espagnolâŠ). La grammaire de lâhĂ©breu ne pose pas de problĂšmes particuliersâ; la morphologie est remarquablement rĂ©guliĂšre, quoique la syntaxe soit souvent trĂšs concise. Pour le vocabulaire, il existe de trĂšs bons dictionnaires quand on sait chercher. Les Ă©tudes et les sites sur lâhĂ©breu biblique ou talmudique ne manquent pas.
Melmothia : Tu signes parfois HervĂ© Solarczyk et parfois HervĂ© Solarzic. Câest pour coller une dĂ©pression nerveuse aux moteurs de rechercheâ?
HervĂ© : Solarzic, câest lâorthographe de mon nom pour mon compte Facebook (je ne veux pas que mes Ă©lĂšves le trouvent⊠mais je ne veux pas non plus me cacher derriĂšre un pseudonyme. DâoĂč une orthographe qui reflĂšte la prononciation francisĂ©e). Dans tous les autres cas, je signe Solarczyk. Mais pour cette traduction, ce sera HieroSolis, toujours par souci de sĂ©paration entre ma vie professionnelle comme enseignant et ma vie «âmagiqueâ».
Melmothia : Pour conclure, tu es Ă©galement membre de lâassociation GIRE, fondĂ©e ou plutĂŽt re-fondĂ©e par Vincent Lauvergne. Est-ce que tu dors la nuitâ?… Plus sĂ©rieusement, quâest-ce que cette association pourrait ou va apporter au paysage occulte contemporainâ?
HervĂ© : (Riresâ!) Oui, je dors la nuit, Ă peu prĂšs 6h. Le tout câest de gĂ©rer son temps. Pour le monde occulte contemporain, en particulier le monde francophone : nous avons Ă©normĂ©ment de retard sur le monde anglophone dans ces domaines. On dirait que, pour la majoritĂ© des gens intĂ©ressĂ©s par ces sujets, la magie (au sens large) se limite Ă une Wicca Ă©dulcorĂ©e, Ă un New Age fadasse, ou Ă de multiples rĂ©Ă©ditions de Papus. Les courants issus de la GD ou de Crowley sont soit violemment dĂ©criĂ©s, soit condamnĂ©s Ă rester souterrains et largement inconnusâ; quant aux courants issus dâune forme ou dâune autre dâantinomisme (satanisme, lucifĂ©risme ou magie du Chaos), ils sont eux aussi trĂšs minoritaires, trĂšs mal connus, et souvent condamnĂ©s sans procĂšs. Quand ils ne sont pas dĂ©tournĂ©s par des adolescents (attardĂ©s ou non) en manque de sensations fortesâ! Nous manquons dâun vĂ©ritable souffle nouveau. JâespĂšre que des initiatives comme celles dâArnaud Thuly avec Alliance Magique, de Vincent Lauvergne et al. avec le G.I.R.E., et dâautres encore, permettront lâĂ©mergence de rĂ©flexions, dâindividus, de courants, qui donneront lieu Ă une vraie reconnaissance des traditions magiques dans le monde francophone, comme ça commence Ă avoir lieu dans le monde anglophone. Mais je sais que je rĂȘve un peu : il y a trop de blocages, un poids trop lourd de certaines institutions. NĂ©anmoins, tout est possible, pour peu quâon soit dĂ©terminĂ© et persĂ©vĂ©rant.
Melmothia : Merci beaucoup pour cet entretienâ!
Hervé : Merci à vous !
Plus sur le sujet :
Le Sepher Raziel, traduction par HieroSolis.Â