La Monade Hiéroglyphique de John Dee

THÉORÈME XI

Le signe mystique du Bélier, constitué par deux semi-cercles, connexes en un point commun, est très justement attribué au lieu de la Nycthemère [5] Æquinoxiale. Car la période de vingt-quatre heures, partagée par le moyen de l’Æquinoxe, dénote nos Secrétissimes proportions. Je dis nos par rapport à la Terre.

THÉORÈME XII

Les très anciens Sapients et Mages nous ont transmis cinq signes hiéroglyphiques des Planètes, tous composés des caractères de la LUNE et du SOLEIL, avec le signe des Éléments ou le signe hiéroglyphique du Bélier, comme l’indiquent ceux qu’on voit figurés ici :

Monade 6

Chacune de ces figures ne sera pas difficile à expliquer, suivant le mode hiéroglyphique, au moyen de nos principes fondamentaux déjà posés. D’abord, nous parlerons paraphrastiquement de ceux qui possèdent le caractère de la Lune ; ensuite de ceux qui possèdent le caractère du Soleil. Lorsque notre nature LUNAIRE, par la science des Éléments, eut accompli une première révolution autour de notre Terre, elle était appelée mystiquement SATURNE.

Puis, à la suivante révolution, elle avait nom JUPITER et gardait une figure plus secrète. Enfin la Lune, élémentée par un troisième tour, était représentée plus obscurément encore par cette figure qu’ils avaient coutume d’appeler MERCURE. Voyez comment celui-ci est LUNAIRE, Qu’il soit conduit à une QUATRIÈME Révolution, ceci ne sera pas contraire à notre secret dessein, quoi que prétendent certains Sages. De cette manière, le Purissime Esprit Magique, à la place de la Lune, administrera l’Œuvre de l’albification, et par sa vertu spirituelle, SEUL avec nous, et comme au milieu du Jour Naturel, il parlera Hiéroglyphiquement sans paroles, introduisant et imprimant ces quatre figures géogamiques dans la Terre purissime et simplicissime préparée par nous, ou cette dernière figure au lieu de toutes les autres [6].

THÉORÈME XIII

Donc le caractère mystique de Mars n’est-il pas formé des hiéroglyphes du SOLEIL et du BÉLIER, le Magistère élémental intervenant en partie ? Et celui de VÉNUS, je le demande ; n’est-il pas formé de celui du SOLEIL et des Éléments suivant la meilleure explication ? Donc ces planètes regardent la Périphérie SOLAIRE et l’œuvre de revivification (anazwpurhsiz). Dans la progression de laquelle nous verrons apparaître cet autre Mercure qui est vraiment le frère utérin du premier [7]. Et comme par la complète Magie Lunaire et Solaire des Éléments, cet Hiéroglyphe messager [8] nous parle très distinctement, nous allons plus attentivement l’examiner et l’écouter. Et (par la VOLONTÉ de DIEU) il est le MERCURE des Philosophes, ce très célèbre MICROCOSME et ADAM. Cependant, quelques-uns parmi les très experts avaient coutume de placer au lieu et rang de celui-ci le SOLEIL lui-même.

Ce que nous ne pouvons pratiquer à notre époque, à moins que nous n’ajoutions à cet œuvre chrysocorallique une certaine AME, séparée du CORPS par l’art Pyronomique. Ce qui est difficile à accomplir, et très périlleux à cause des feux et des soufres que l’esprit (halitus) apporte avec lui. Mais cette AME, certes, pourra accomplir des choses merveilleuses. Par exemple, lier par d’indissolubles liens au disque de la LUNE (ou au moins de MERCURE) LUCIFER [9] et même Mars (Pyroenta). Et en troisième lieu comme us le veulent), nous montrer pour achever notre nombre septénaire) le Soleil des Philosophes lui-même [10]. Voyez combien exactement, combien clairement cette Anatomie de notre Monade Hiéroglyphique répond à ce que signifient les arcanes de ces deux théorèmes.

THÉORÈME XIV

Il est donc déjà clairement confirmé que c’est du Soleil et de la Lune que dépend tout ce magistère. Le trois fois grand Hermès nous en a avertis autrefois en affirmant que le Soleil est son Père et la Lune sa Mère ; et nous savons vraiment qu’il est nourri de la terre rouge (terra lemnia) par les rayons lunaires et solaires qui exercent autour de lui une singulière influence.

THÉORÈME XV

Nous proposons donc aux Philosophes de considérer les exaltations (labores) du Soleil et de la Lune autour de la Terre. Elles adviennent, pour celle-ci, lorsque la clarté solaire entre dans le Bélier ; alors la Lune reçoit dans le signe suivant (c’est-à-dire du Taurrau) une nouvelle dignité ; de Lumière, et se hausse au-dessus de ses vertus naturelles. Les anciens expliquaient cette proximité ; des luminaires (la plus remarquable de toutes) par un certain Signe mystique, sous le nom insigne du Taureau. Il est très certain que c’est là cette exaltation de la Lune, comme il en a été porté témoignage par écrit (dans les traités des Astronomes) dès les temps les plus anciens. Et ceux-là, seuls, comprennent ce mystère, qui sont devenus les Pontifes absolus des mystères. Et c’est pour la même raison qu’ils ont dit que le Taureau était la maison de Vénus, c’est-à-dire de l’amour conjugal, chaste et prolifique, la Nature (Fusiz) se délectant de la Nature, comme le grand Ostanès l’a tenu caché en ses secrétissimes mystères.

Elles (les exaltations) adviennent pour le Soleil lorsque celui-ci, après avoir reçu plusieurs éclipses de sa lumière, reçoit la force Martienne, et il est dit alors triompher dans son exaltation dans cette même maison de Mars (qui est notre Bélier). Notre Monade démontre très clairement et très parfaitement ces secrétissimes mystères par la figure hiéroglyphique du TAUREAU qui es ici représentée, et par celle de MARS que nous avons placée aux théorèmes XII et XIII, et qui indique le SOLEIL, tendant par une ligne droite vers le BÉLIER. Par la présente théorie, une autre Anatomie kabbalistique de notre MONADE s’offre donc d’elle-même, dont la véritable et ingénieuse explication est celle-ci : LES EXALTATIONS DE LA LUNE ET DU SOLEIL AU MOYEN DE LA SCIENCE DES ELEMENTS.

ANNOTATION Il est deux choses que je crois devoir être très expressément remarquées ; la première, que cette figure hiéroglyphique du Taureau nous représente exactement la Diphtongue des Grecs [11] qui est toujours la terminaison du génitif singulier ; la seconde, par une simple métathèse de lieu, nous montre doublement la lettre ALPHA (a) par un cercle et un demi-cercle, soit simplement tangents, soit se coupant mutuellement, comme ici.

THÉORÈME XVI

Il nous faut maintenant philosopher un peu en vue de notre sujet, sur la CROIX. Bien que notre CROIX soit formée de deux droites (comme nous l’avons dit) et vraiment égales entre elles, celles-ci cependant ne se décomposent pas mutuellement en longueurs égales. Mais nous avons voulu employer en la distribution mystique de notre croix des parties tant égales qu’inégales. Elles montrent ainsi qu’une vertu se cache aussi dans la puissance des divisions binaires de la croix Æquilatère, puisqu’elles sont d’égale grandeur. Car, en général, la croix devant être formée de droites égales, la justice de la nature elle-même demande qu’elle soit faite par la décussation [12] parfaitement égale des lignes. Selon la norme de cette justice, nous proposons d’examiner avec soin ce qui va suivre, sur la Croix Æquilatère (qui est la vingt et unième lettre de l’alphabet latin). Si, par le point commun de section et les angles opposés par le sommet de la Croix Rectiligne, Rectangulée et Æquilatère, on suppose une droite la traversant de part en part, de chaque côté de la ligne ainsi traversante, se trouvent formées deux parties de la Croix, parfaitement égales et semblables. Et la figure de celles-ci est semblable à cette lettre des Latins qui est regardée comme la cinquième des voyelles et qui était très usitée par les très anciens Philosophes Latins pour représenter le nombre cinq [13]. Ce que je conçois n’avoir pas été fait par eux hors de propos, puisqu’elle est l’exacte moitié de notre Dénaire. De ces parties de la figure ainsi doublée (par cette division hypothétique de la Croix) qui en provient, nous sommes conduits par la raison qu’elles représentent chacune le Quinaire (bien que l’une soit droite, l’autre renversée) à imiter ici la multiplication carrée des Racines carrées. (ce qui advient ici merveilleusement dans le nombre circulaire [14], c’est-à-dire le Quinaire) ; d’où le nombre vingt-cinq se trouve, en effet, produit (puisque cette lettre est la vingtième de l’alphabet [15] et la cinquième des voyelles).

Nous considérerons maintenant un autre aspect de cette même Croix Æquilatère ; c’est le suivant, qui est semblable à la position de notre Croix Monadique. Nous supposons qu’une semblable division de la Croix en deux parties, est faite ici (comme plus haut). Alors se montre la figure géminée d’une autre lettre de l’Alphabet Latin : l’une droite, l’autre renversée et opposée ; cette lettre est usitée (d’après la très ancienne coutume des Latins) pour représenter le nombre cinquante. De là me semble qu’il faut d’abord établir ceci : de ce que ce signe du Quinaire est essentiellement tiré de notre Dénaire de la Croix, mais que celle-ci est placée au sommet de tous les mystères, il s’ensuit que cette CROIX est le signe hiéroglyphique parachevé. D’où, renfermant dans sa force quinaire la puissance du dénaire, elle s’éjouit du nombre cinquante comme de sa propre production [16]. O mon DIEU, combien profonds sont ces mystères ! et le nom EL donné à cette lettre ! Et même, pour cette raison, nous voyons qu’elle se rapporte à la vertu dénaire de la Croix, puisque, à partir de la première lettre de l’Alphabet, elle marque ce même dénaire de la Croix, et qu’elle se trouve également au dixième rang, en partant de la dernière [17]. Et puis que nous montrons qu’il y a dans la Croix deux parties intégrales semblables à celle-ci (en considérant maintenant leur seule vertu numérale), il est très clair que le nombre centenaire en est produit. Et si, par la loi des carrés, ces deux parties supportent une multiplication mutuelle, elles nous donnent comme produit deux mille cinq cents ; et ce carré, comparé au carré du premier nombre circulaire et appliqué à lui, présente encore une différence d’un centenaire [18], de sorte que la Croix elle-même, s’expliquant suivant la puissance de son dénaire, est reconnue être une centurie ; et cependant, puisque tout ceci n’est que dans une seule et même figure de la Croix ; elle se trouve représenter aussi l’Unité. Ici donc, par ces théories de la Croix (les plus dignes de toutes), nous sommes déjà induits à nombrer et progresser de cette manière : Un, dix, cent. Et c’est ainsi que la proportion dénaire de la Croix se présente à nous.

THÉORÈME XVII

Comme il est évident, d’après le dixième Théorème, on peut considérer quatre angles droits, en notre Croix, à chacun desquels le précédent Théorème nous apprend à attribuer la signification du quinaire, suivant une première manière de les placer ; et en leur donnant une autre position, le même théorème admet qu’ils deviennent les signes hiéroglyphiques du nombre quinquagénaire, de sorte qu’il est très évident que la Croix, vulgairement, indique le dénaire, et de plus, dans l’ordre de l’Alphabet Latin, elle est la vingt et unième lettre (c’est pourquoi il est advenu que les Sages, appelés Mecubales, désignent le nombre vingt et un par cette même lettre). Enfin, il peut être très simplement considéré comme étant un simple signe, quelque autre puissance qualitative et quantitative qu’il possède. De toutes ces choses, nous voyons qu’il peut être conclu, par la meilleure démonstration kabbalistique, que notre Croix, par un merveilleux abrégé, peut signifier, pour les Initiés : deux cent cinquante-deux. Car quatre fois cinq, quatre fois cinquante, dix, vingt et un et un, additionnés, font deux cent cinquante-deux. De même que nous pouvons extraire ce nombre par deux autres moyens encore, précédemment énoncés, nous recommandons aux kabbalistes encore inexpérimentés de le produire également, en étudiant ainsi sa brièveté et en jugeant digne de la considération des Philosophes la production variée et ingénieuse de ce nombre magistral. Et je ne vous cacherai pas ici une autre mystagogie mémorable. En considérant que notre Croix déployée se divise encore en deux autres lettres, si nous examinons d’abord d’une certaine manière leur vertu numérale, de sorte que nous conférions pareillement ensuite leur force verbale avec cette même croix, nous comprendrons avec une suprême admiration que c’est de là que naît la Lumière (LVX) le Verbe final et magistral (par cette union et conjonction du Ternaire, dans l’unité du Verbe) [19].

THÉORÈME XVIII

De nos théorèmes douzième et treizième, il peut être inféré que l’Astronomie céleste est comme la source et la directrice de l’Astronomie inférieure. Ayant donc élevé au ciel nos yeux kabbalistiques (illuminés par la contemplation des mystères susdits), nous apercevons très exactement l’Anatomie de notre Monade se montrant ainsi à nous toujours dans la Lumière et la Vie de la Nature, et découvrant très explicitement, de son propre mouvement, les très secrets mystères de cette Analyse physique. Enfin lorsque nous avons contemplé les actions célestes et divines de ce céleste messager, nous avons été conduits à appliquer à cette coordination la figure de l’Œuf. Car il est très connu de tous les astronomes que, dans l’Æther, le circuit qu’il forme par sa course est figure par un ovale [20].

Et, puisque le Sapient doit comprendre à demi-mot, voici nos interprétations (ici hiéroglyphiquement proposées) de ce céleste conseil, complètement conformes à tout ce qui a précédé .

Ici avertis, que les misérables Alchimistes [21] apprennent donc à reconnaître leurs nombreuses erreurs, et comprennent ce qu’est l’eau du blanc d’œuf, — ce qu’est l’huile de jaune d’œuf ou la coquille calcaire des œufs [22] ; qu’ils comprennent donc à leur désespoir, ces inhabiles imposteurs, toutes les expressions semblables, si nombreuses ! Ici nous avons presque tout proportionné selon la nature. Ceci est l’œuf même de l’Aigle, que le Scarabée brisa autrefois à cause de l’injure que la cruauté et la violence de cet oiseau avait causée aux hommes timides et simples. Car il en avait même poursuivi quelques-uns qui fuyaient jusque dans l’antre du Scarabée où ils venaient implorer son secours. Mais le Scarabée, seul, estimant, à cause de tant d’insolence, que, de toute manière, cette injure devait être vengée par lui, puisqu’il était d’un caractère ardent, préparé à accomplir ceci par la constance et la volonté, et qu’il ne manquait ni de force ni d’intelligence, ce scarabée poursuivit l’aigle de tous ses efforts et una de cette très subtile ruse, de laisser choir une ordure dans le sein de Jupiter où l’œuf était déposé, de telle sorte que ce dieu, en s’en débarrassant, précipita à terre l’œuf qui s’y brisa [23]. Et le Scarabée, pour cette raison ou pour d’autres, eût complètement exterminé de la terre la race entière de l’aigle, si Jupiter, pour obvier à un si grand mal, n’eût décidé que, pendant le temps de l’année où les aigles veillent attentivement sur leurs œufs, nul scarabée ne vînt voltiger autour de ceux-ci. Je conseille donc à ceux qui sont maltraités par la cruauté de cet oiseau, qu’ils apprennent cet art très utile de ces insectes du Soleil (Heliocanthari) (qui vivent ainsi, cachés par longs espaces de temps). Par les indices et signes desquels il leur serait vraiment très agréable, bien qu’ils ne le fassent pas encore eux-mêmes, de pouvoir tirer vengeance de leur ennemi [24]. Et ils avoueraient (ô Roi !) que ce n’est pas Æsopus, mais Œdipus qui m’incite à agir, s’ils étaient présents, ceux aux âmes desquels il entreprit pour la première fois de parler des suprêmes mystères de la Nature. J’ai su parfaitement qu’il y en a eu certains qui, par l’artifice du Scarabée, s’ils eussent dissous l’œuf de l’aigle et sa coquille avec l’albumine pure, et eussent formé d’abord un mélange du tout ; puis, s’ils eussent enduit ce mélange de toute la liqueur du jaune, par un procédé habile, en le roulant et l’enroulant sans cesse, comme les scarabées agglomèrent leurs pelotes de terre, alors la grande métamorphose de l’Œuf se fût accomplie [25], l’albumine elle-même disparaissant et comme enveloppée (comme si un grand nombre de cercles hélicoïdes étaient révolus) dans cette même liqueur du Jaune.

La figure hiéroglyphique ci-contre de cet artifice ne déplaira pas aux Économes (ordonnateurs) de la Nature. Nous lisons que dans les premiers siècles, cet artifice fut célébré par les plus graves et les plus anciens philosophes, comme très certain et utile. Anaxagoras forma ensuite de ce Magistère une très excellente médecine, comme on peut le voir dans son livre περι τ εχςρφων φυσιχων [26]. Celui qui s’adonne sincèrement à ces mystères verra clairement ici que rien ne peut exister sans la vertu hiéroglyphique de notre Monade.

THÉORÈME XIX

Que le Soleil et la Lune, beaucoup plus que toutes les autres Planètes, déversent leurs forces corporelles dans tous les corps inférieurs élémentés [27], c’est ce que démontre, en effet, l’Analyse Pyronomique de toutes les choses qui ont un corps, puis que celles-ci laissent échapper (dans cette analyse) l’humeur aqueuse de la Lune, et la liqueur ignée du Soleil par lesquelles se sustente toute la corporéité terrestre des choses mortelles [28].

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