Hakim Bey & TAZ : idoles ou outils ?

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Hakim Bey & TAZ : idoles ou outils ? Par Spartakus FreeMann 

La TAZ – ou Zones Autonomes Temporaires – proposée par Hakim Bey ne serait-elle qu’un cheval de Troie visant à disséminer et/ou à justifier la pédophilie ? C’est ce que l’on devrait comprendre par la lecture de certains articles sur le net (je vous laisse googliser à votre aise). La TAZ serait le laboratoire privilégié d’une conspiration propédophilie, une conspiration mondiale digne de celle des illuminati, mais en plus fort, car bien plus silencieuse et pernicieuse. Selon ces théories, la TAZ n’aurait d’autres buts que de soumettre la volonté de ses participants (pour s’en convaincre, il suffit de lire au trente troisième degré le texte et tout devient clair) et de permettre aux pédophiles de tous acabits de satisfaire leurs perversions. Dans l’esprit torturé de certains, ces lieux deviennent alors des lupanars putrides et infects où les seules préoccupations sont la jouissance de jeunes corps d’enfants ! Pour y arriver, rien de plus simple : intoxiquer les esprits non critiques des anarchistes et autres libertaires ; les convaincre que l’anarchisme est le droit de violer les enfants et le tour est joué. Vous savez, les anarchistes sont tellement cons qu’il est facile de les manipuler en posant l’équation simplissime : liberté = droit de faire tout et nawak !

Ainsi résumée la TAZ serait un nouveau Baal réclamant le sacrifice de milliers d’enfants et son prophète serait Hakim Bey himself !

Modeste traducteur amateur des œuvres de Bey, je ne peux que constater que Bey parle, effectivement, dans certains textes de l’amour pour de « jeunes garçons », qu’il y fait l’apologie de leurs corps (Enfants Sauvages) et qu’il semble aimer l’esthétique des corps d’éphèbes. Mais encore, il ne s’agit là que de deux ou trois lignes tirées d’une œuvre de plusieurs centaines de pages ! Cela suffit-il à lire le livre « Zones Autonomes Temporaires » comme un pamphlet pro-pédophile ? Je ne le pense pas. Et ceux qui le pensent doivent avoir un léger problème d’interprétation et de mesure.

Non que la lutte contre la pédophilie ne se justifie pas. Je suis belge et donc assez sensibilisé par l’« affaire Dutroux », je suis également une victime de ce fléau, et, par conséquent, je ne puis qu’aller dans le sens de la lutte contre les pédophiles, de la lutte pour l’information sur ce sujet, de la lutte tout court. Cependant, faire un procès général et stalinien d’un auteur et de ses œuvres et de son travail, sur base de ses penchants – contestables selon ma morale et mon cadre sexuel – n’est-ce pas appliquer une censure facile et réductrice ?

Les comportements de Bey s’ils justifient une action de sauvegarde de l’intérêt des enfants se fera, un jour où l’autre (le plus rapidement possible) s’il s’avère, et uniquement alors, que ces « accusations » sont avérées, vérifiées et réelles ! Pendre haut et court un auteur sur des rumeurs, des extraits de ses livres, de ses participations (douteuses) à des magazines pédophiles ferait la belle affaire de ceux que nous combattons. On se débarrasse de l’homme et de ses idées (politiques je veux dire) sans autre forme de procès, quoi de mieux si, en plus, ce sont les anarchistes eux-mêmes qui font le travail à la place du pouvoir, hein, je vous le demande ? Car, c’est bien de cela qu’il s’agit : effacer Bey de la mémoire collective par un procès de Moscou rapidement mené, un procès ou accusateurs, juges et défenseurs ne pourraient qu’être d’accord sur la peine de mort prononcée au vu de la gravité des actes ! « Enfin, monsieur, toucher un enfant, cela suffit à justifier l’autodafé des livres de cette personne sur la place publique ! » Et là, personnellement, je ne suis pas d’accord. Je pense que l’on doit, si l’on est bien constitué intellectuellement, différencier l’œuvre et l’homme, le message et le messager. Je pense que l’on peut, avec assez d’esprit, retirer les éléments « douteux » de l’ensemble, Bey ne demande à personne (et il suffit de le lire pour s’en convaincre) de le suivre dans ses penchants, et s’il le fait, accessoirement, il ne nous oblige pas à la suivre sur ce terrain. Si nous lisons Sade et Mein Kampf, si nous lisons les œuvres de Khadafi et de Khomeni avec esprit critique, si même, nous lisons Bakhounine et son antisémitisme avec un esprit ouvert et critique, pourquoi ne pourrions nous le faire avec Hakim Bey ?

L’autre accusation que l’on rencontre assez souvent : les lecteurs de Bey ne seraient que des idolâtres sans jugeote et sans esprit critique ; de simples fanatiques « bobocool » et surnumérisés. Ceux qui osent lire et défendre les idées de Bey ne peuvent être, aux yeux de ces critiques du dimanche, que d’exécrables adulateurs, de vulgaires fans chasseurs d’autographes écrits avec le sperme de l’auteur. Je ne doute absolument pas que certains agitent le vide de leur pensée au moulin de la TAZ, mais je ne suis pas vraiment certain que tous ceux qui ont lu ou qui utilisent les idées de Bey soient de simples décérébrés porteurs de bannières incompréhensibles à leur intellect stérile. Les anarchistes n’échappent certes pas au besoin humain de se forger des idoles humaines, de s’attacher à un livre saint et de psalmodier slogans et vœux pieux. Par expérience, je peux toutefois dire que je ne connais aucun beyolâtre junkie des taz et autres paz. Ceux-ci n’existent-ils que dans les pays anglo-saxons ? Mystère…

La question doit alors se poser : Hakim Bey et sa TAZ ne sont-ils que des idoles des Temps modernes pour activistes de salon ? Ne sont-ils que de faciles justifications intellectuelles à l’inaction de pseudolibertaires embourgeoisés ? Sans doute, en partie – dans l’absolu tout est vrai et possible –, mais Bey et la TAZ sont avant tout des outils et non des fins ultimes ! Il y a de grands vides dans les thèses de Bey, dans la TAZ aussi et dans le reste ses écrits, mais l’incompréhension des critiques provient, à mon sens, d’une incompréhension des buts de l’auteur. Bey ne veut pas poser un système figé et indestructible, tout-puissant et non critiquable. Bey pose une vision poétique de la critique du monde, dans le sens surréaliste et situationniste. Bey pose les jalons d’une formulation physique de la contestation, physique dans un sens corporel, car Bey nous demande, en le lisant, de bouger et non de fonder des syndicats, des partis politiques ou antipolitiques. Bey nous demande de lire le monde avec des yeux différents. De lire le monde avec nos tripes, avec notre sang, avec notre foutre ! Non de tergiverser sans fin sur les modalités structurelles d’une révolution illusoire ! Le Grand Soir, selon lui, serait que nous soyons tous nus dans la rue à nous foutre de la gueule des étoiles et de la lune, non que nous commencions à flinguer les flics, les bourgeois, les curés ! Bey n’est pas Bakhounine, Bey n’est pas Marx, Bey n’est pas Lénine, Bey n’est pas Baader ! Bey est un poète, bon ou mauvais selon l’affect et la sensibilité du lecteur, mais un poète avant tout. Il nous propose une vision de l’homme, de la société (ou de sa fin); il nous propose une vision festive de l’insurrection ; là où nos bons révolutionnaires posent les principes de la violence et de la mort, Bey nous pose les principes de la Vie et de la Joie !

Alors, Bey, selon moi, n’est qu’un outil, ses écrits sont une boîte à outils et je me sers quand et comme j’en ai envie. Si je suis un petit connard de bourgeois avec le cul coincé dans mon fauteuil, cela me regarde. Mais, si le cul dans mon fauteuil, Bey me demande de me lever et d’essayer de changer non le monde, non l’homme, mais la vision du monde, de l’homme et de la vie en général. S’il me le demande, de manière incomplète et maladroite, il se peut que je me lève alors et que j’agisse de manière spontanée et autonome. Il se peut même que je vienne pisser dans votre boîte aux lettres juste pour terroriser poétiquement votre glacis de pensées ! Il se peut même que je me barre sur les routes en essayant de fonder des Tongs aux buts tout aussi cryptiques que la pensée intime de Bey elle-même. Il se peut que tout se puisse.

Hakim Bey & TAZ : idoles ou outils ? Spartakus FreeMann, mai 2008 e.v., au Nadir de Libertalia.

Si vous êtes intéressé par les écrits de Hakim Bey, vous pouvez les retrouver sur ce site ou bien en visitant Anarchisme Ontologique.

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