Introduction à l’Archixode Magique

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Introduction à l’Archixode Magique par Marc Haven. 

Les progrès faits chaque jour par la science moderne sont près d’avoir une conséquence fort remarquable, et fort inattendue : la mise en lumière des vérités découvertes par les alchimistes et méprisées il y a encore moins d’un demi-siècle. Que ne reprochait-on pas aux alchimistes ? Le but même qu’ils poursuivaient avec tant d’opiniâtreté, leurs doctrines, leurs méthodes empiriques et leur facilité d’apriorisme. À dire vrai, il entrait dans cette série de griefs une part de légèreté et une autre plus grande de précipitation. Sans réfléchir à l’état encore embryonnaire, quant aux théories d’ensemble, des connaissances modernes, on tenait rigueur à l’école des souffleurs d’avoir osé concevoir une science d’après une philosophie, et une philosophie d’après une science peut-être trop faible. Puis, sans chercher à discerner l’allégorique du littéral, on prenait pour des thèses scientifiques ce qui, bien souvent, relevait de la métaphysique ; de ces deux chefs d’accusation, grand mépris qui n’allait pas sans injustice.

En somme, quel était le but des alchimistes ? Point autre chose que l’application à la science des théorèmes philosophiques. L’unité de substance, d’où résultait l’unité de la matière, l’évolution de cette matière, la conscience des forces, tels étaient les principes qui se drapaient sous les recherches du Grand Œuvre. Que la méthode fut empirique et trop aprioriste, soit ! Mais qu’importe le chemin, si l’on arrive à la vérité ? Partir de l’ensemble pour arriver aux détails peut très bien conduire aux mêmes résultats que la méthode analytique, et ne serait-il pas de quelque piquant que les découvertes récentes corroborent les recherches et les théories si décriées des Lulle, des Rupescissa et des Paracelse ?

En chimie, les dernières expériences de Ramsay par la transformation de sels de cuivre en sels de lithium sembleraient promettre dans un bref délai la preuve académique de la possible transmutation des métaux. Et, conséquence inattendue de travaux récents, l’ombre de Martinès de Pasqually se réjouira peut-être de trouver un appui expérimental à sa théorie de la réintégration des êtres dans l’hypothèse de la probable et très lente évolution de l’uranium vers le plomb. Cette insensible transformation de la matière inanimée aurait pour résultat, le jour où elle serait définitivement établie, de montrer l’ascension de la vie universelle vers un idéal dont l’homme ne serait qu’un des stades.

Si l’unité de matière apparaît comme plausible, l’unité de force est, jusqu’à présent, nécessaire à la physique pour donner une généalogie à l’ensemble des grandes manifestations des forces naturelles. La Lumière, la Chaleur et l’Électricité pénètrent jusqu’au vide le plus rigoureusement obtenu. Ces trois ordres de phénomènes seraient donc le résultat d’ondes ou vibrations provenant d’une source inconnue dans sa substance, mais non dans ses manifestations.

L’Éther, léger, impalpable, supérieur en fluidité à l’état gazeux comme celui-ci l’est â l’état liquide, éminemment compressible, se trouverait répandu partout, en puissance de tout pénétrer et de traverser toute surface même la plus dense et la plus épaisse ; il serait à la fois, pour ces courants de force, origine et organe de transmission. Voici qui nous ramènerait, ou je me trompe fort, à l’unité de force opposée à l’unité de matière promise par la chimie. La prochaine théorie sera, peut-être, démontrable scientifiquement, l’unité de substance, production à la fois de force et de matière. Ce jour-là verra la réhabilitation de toute une longue série de générations si injustement méprisée : le travail, même s’il se trompe, a droit au respect, en raison directe de la constance que l’homme y a mise.

Les théories de Paracelse, pour si étranges et si charlatanesques qu’elles paraissent, deviennent parfaitement lucides, sans que l’on ne se laisse plus prendre à la glu des mots et à la piperie des verbes, nous devons, avant de déclarer absurdes les pratiques des siècles passés, étudier le temps où elles avaient cours. Pour faire saisir aux masses une théorie qui leur est destinée, il faut l’envelopper dans l’ambiance qui, émanant de ces masses, les enferme et les régit. « Tout homme, dit un vieil axiome, obéit au maître qu’il s’est choisi ». Il n’y en a pas de plus terrible et de plus exigeant, on le sait, que celui que l’on s’est créé : le vieux savant d’Andersen était un esclave d’autant plus despotiquement conduit qu’il obéissait à sa propre ombre. La croyance d’une époque régira donc la génération du moment avec la verge de fer de l’Écriture. Pour élever cette génération, l’arracher à son mal, il faudra lui présenter dans l’ambiance d’elle-même les germes d’idéal qui la sauveront quand le médecin présente le remède sous une apparence agréable. C’est à la fois un mélange d’apparente homéopathie et d’allopathie réelle.

À ce moment de la Renaissance, les esprits traversaient une crise religieuse dont nous subissons encore le contrecoup. Le médecin, l’être quasi-surnaturel d’aujourd’hui, le dieu d’alors, puisqu’il était le résumé de la science générale de l’époque, avait donc pour devoir de donner d’abord ses soins ; puis, chose admirable, de transformer – tout n’est-il pas dans tout – l’erreur courante en vérité enveloppée de mythe. Il est à constater que la plupart des malentendus viennent d’avoir, pris au sens littéral des fables, paraboles, axiomes, livrés aux foules sous un sens figuré. Bien des aphorismes de ce « charlatan », nombre de boutades de « cet illuminé », pris dans un sens général, deviennent des éclairs de génie et nous ouvrent des horizons d’une grandeur insoupçonnée par la philosophie à la mode. Car nul n’est, à proprement parler, un novateur ; le novateur se contentera d’exprimer en termes nouveaux des idées courantes, en quelque sorte porte-parole de son temps et de son milieu.

Je ne puis, la matière serait trop vaste, montrer, d’après l’œuvre générale de Paracelse, l’ensemble complet de ses théories ; mais je puis, me basant sur l’interprétation des traités de l’Archidoxe Magique, donner un aperçu de ses idées métaphysiques.

Le point initial sera, comme il est d’usage chez tous les êtres de foi, l’infini, c’est-à-dire Dieu lui-même. Dieu possède, d’après Paracelse, une influence prépondérante sur la nature. Mais, c’est une conséquence des influences astrales, Dieu n’est pas séparé de la vie et de la matière universelle, le créateur ne fait qu’un avec l’ensemble de ses créatures. La vie de Dieu, sera la vie universelle ; la substance infinie, productrice de la matière et de la force, sera la substance divine ; la conscience de Dieu sera l’ensemble des lois de la vie universelle ; la loi pure, à la fois principe et résultat des conflits perpétuels des Êtres entre eux. Paracelse fait-il profession de catholicisme ? Prenez ses affirmations comme le plus sûr bouclier contre le bûcher ou l’in pace. Quand je dis vie universelle, je ne fais que prendre une de ses articulations. La matière, en apparence inanimée, est, selon lui, douée d’une vie propre, donc d’une existence évolutive, car nul ne peut donner que ce qu’il possède. Les métaux pourraient-ils guérir, donc recréer de la vie, s’ils ne possédaient pas une vitalité propre ? Il y a dans cette assertion comme un pressentiment des influences radio-actives. En tout cas, du moment que toute la matière est douée de la vie, du moment que les corps – en apparence les plus inertes – sont capables d’influence magnétique, les astres n’ont-ils pas un pouvoir sur les hommes ? C’est que la vie est universelle, quelles que soient les modalités adoptées par elle, et par conséquent que Dieu, synonyme de vie infinie, réside dans toutes les parcelles de la substance générale.

Car toujours, selon lui, les astres ont une grande influence sur tous les êtres, organisés ou non. Cet influx astral fait sentir son pouvoir tant sur le corps humain que sur les remèdes à préparer pour lui. Dans une étude des plus approfondies, ESP, de l’École Polytechnique, a démontré l’existence de relations magnétiques entre les astres et des courants dans lesquels peut être entraînée la vie répandue sur la surface – et j’ajouterai dans la masse – de la machine monde. L’homme serait « un feuillet magnétique ». Cette affirmation procède des méthodes et des constatations modernes. Si donc l’homme est soumis à Saturne ou à Vénus, d’après les savants modernes, Paracelse aurait donc été dans le vrai, et avec lui l’ensemble de son système caché. Gardons-nous, du reste, d’attribuer le mérite de telles découvertes à notre Salzbourgeois, car quelque dix mille ans avant lui, des bergers sémites et des « rêveurs » aryens avaient non seulement connaissance de cette loi, mais même en avaient tiré toutes les conséquences qu’elle pouvait comporter.

Tout s’enchaîne. Si les astres inanimés ont une influence d’un ordre général, les êtres organisés doués d’une volonté auront une influence particulière, par déplacement et par fixation de leur magnétisme personnel, sur eux-mêmes ou sur d’autres êtres, sciemment ou inconsciemment. Les cas inconscients sur d’autres êtres seraient, je suppose, la jettatura, et sur soi-même, la suggestion personnelle. Nous reviendrons sur ce dernier point pour expliquer les divers remèdes apportés dans l’Archidoxe Magique.

Cette puissance du magnétisme personnel fait partie de ce que les traités anciens appelaient le verbe ; les modernes la nomment pouvoir hypnotique. Les savants ont étudié cette transmission de la volonté, ce commandement à distance, principalement dans les relations entre êtres organisés. Combien plus grand sera ce pouvoir des êtres doués d’une volonté consciente sur les êtres inconscients. Les expériences scientifiquement constatées des fakirs hindous en sont une preuve éclatante. Si donc ce pouvoir d’un être organisé se double de la connaissance des influx astraux, la faculté de commandement de cet être sera immense. Et s’il est appliqué par son possesseur à guérir les malades, à coup sûr la cure des maladies en traitement n’est qu’une affaire de jours.

Paracelse avait certainement un très grand pouvoir magnétique ; mais, de plus, il se targuait de connaître, jusqu’au plus profond l’universalité des lois astrologiques. Le bon de l’affaire était la confiance absolue de ses malades en lui, leur guérisseur. Bien des cas soumis aux vertus de l’Usnée prenant naissance dans un crâne humain, de la Momie, ou de la graisse d’ours, ont peut-être de leur guérison à la suggestion personnelle des malades affectés. Paracelse connaissait-il ce pouvoir d’autosuggestion ? Il n’est pas impossible, et j’en trouverais une preuve dans le traitement des blessures par l’arme enduite du sang du blessé. Il y a là une fixation de volonté de la part du patient sur cette pommade qui lui apportera, croit-il, la guérison, et telle est la réaction des influx nerveux que cette cure, maintes et maintes fois, dut être couronnée de succès.

En résumé, voici quelle serait la théorie générale, en quelque sorte la philosophie de Paracelse : L’Unité serait la loi dominante de l’Univers, unité de la force, unité de la matière, et l’ensemble de ces unités serait Dieu, l’infiniment unique et l’uniquement infini. L’essence de notre uni vers serait la Loi, ensemble des règles qui régissent les actions et les réactions des modalités vitales.

Car la matière tout entière est imprégnée de vie qui se manifeste sous autant d’apparences et par l’intermédiaire d’autant d’organes que d’êtres. La vie étant unique et ses seules modalités variables, tout n’est donc que rapports et tout n’est qu’harmonie. Quand le poète disait que

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent,

il ne faisait que constater l’existence des rapports esthétiques, eux-mêmes indices de rapports dynamiques primordiaux.

La philosophie de Paracelse, par suite, se trouve, en réalité, beaucoup plus élevée qu’on a bien voulu le croire. Le médicastre a donc eu deux existences, l’une toute de forfanteries et de charlatanisme, l’autre toute de grandeur et de beauté, ne vivant que de conceptions fortement charpentées et ne se nourrissant que d’idéal. Mais, si l’on veut réfléchir que, dans les manifestations scientifiques, le charlatan marchait toujours de pair avec le penseur, on se dira peut-être que toute la mauvaise foi apparente n’était qu’un sacrifice à l’idée pure, et que cet homme si décrié, mis en demeure de choisir entre sa considération et de bien à répandre, avait, pour faire triompher ses idées, choisi le martyre – mais le martyre le plus pénible et le plus amer pour tout esprit élevé – le martyre par le ridicule.

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Plus sur le sujet :

Introduction à l’Archixode Magique, Marc Haven, 15 sept. 1909.

Image par Barbara A Lane de Pixabay

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