Le Kitsune

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Le Kitsune par Gabri-el. 

L’esprit renard dans le folklore japonais

« Kitsune » est un terme japonais provenant de l’amalgame des mots Kitsu (renard, ou le jappement qu’il produit) et ne (qui désigne un sentiment affectueux). Dans le folklore oriental, il désigne un esprit renard, qui prend une forme humaine généralement féminine et séduisante, et joue fréquemment des tours élaborés à ceux qui croisent son chemin. D’autres fois, il prend l’apparence d’une femme sublime et épouse le chasseur qui l’a épargné sous sa forme animale. Parfois, ils sont dépeints sous un jour plus cruel. C’est le cas de Tamamo-no-Mae, responsable de la mort directe et indirecte de milliers d’êtres vivants. Mais la culture japonaise leur attribue plus fréquemment le rôle de messager d’Inari, particulièrement s’ils sont de couleur blanche. Ainsi, deux représentations de renard sont souvent utilisées pour flanquer les entrées des temples dédiés à cette divinité, principalement concernée par la prospérité des cultures de riz.

De l’animal à l’homme

Un Kitsune a l’enveloppe physique d’un renard commun, mais peut choisir de se manifester sous forme humaine de trois façons ; soit il mêle son esprit à celui d’un enfant à naître, soit il possède une personne, soit il se métamorphose.

Dans le premier cas, le Kitsune incarne son esprit dans le corps d’un nourrisson. Il contrôle complètement ce réceptacle, impossible à différencier de celui des humains normaux. Il doit se nourrir, dormir, et vieillit selon un rythme normal, bien que la mort naturelle ne survienne qu’après environ 900 ans. Dans le second cas, le Kitsune impose sa volonté à un être vivant. En sapant la volonté de sa victime, l’esprit renard gagne petit à petit le contrôle du corps de son hôte, qui ne gardera aucun souvenir de cette possession ou des actes commis pendant celle-ci. Le Kitsune doit sustenter physiquement le corps qu’il parasite sous peine de le voir dépérir. Le kami, lui, se nourrit de la volonté de son hôte, moyen par lequel il récupère l’énergie spirituelle qu’il peut venir à dépenser. Bien entendu, à force d’être ainsi drainée de son essence, la victime dépérira, jusqu’à succomber de faiblesse si le Kitsune prolonge délibérément son séjour. Un Kitsune possédant une personne peut se voir exorcisée par un pratiquant bouddhiste ou taoïste. Enfin, le troisième cas voit le Kitsune prendre la forme d’un être humain. Pour ce faire, le Kitsune renard doit poser un crâne sur sa tête (s’il désire prendre la forme d’un homme) ou une plante de rivière (s’il désire prendre la forme d’une femme) et prier jusqu’à ce que sa pétition soit éventuellement exaucée. Ce processus éprouvant mobilise un flot d’énergie spirituelle continu, au terme duquel le Kitsune deviendra un être humain de chair et de sang, à un défaut près ; ses queues. Celles-ci restent apparentes même sous forme humaine, et il est nécessaire de dépenser continuellement une petite quantité d’essence pour les dissimuler.

Les 13 éléments

La plupart des esprits sont traditionnellement associés à un ou plusieurs éléments. Les Kitsune, eux, sont liés aux treize éléments. Ceux-ci sont ; le Vent, la Terre, le Feu, les Rivières, les Cieux, le Tonnerre, les Montagnes, le Vide, les Esprits, le Temps, les Forêts, l’Océan, et la Musique. Malgré leurs liens avec l’ensemble de ces éléments, chaque Kitsune a une affinité particulière avec l’un d’eux, et aura souvent une personnalité, des méthodes et des objectifs en rapport avec celui-ci.

On notera plus particulièrement les « Hauts Kitsunes » ; Kitsunes des cieux, ou « célestes » : Les plus fréquents à se manifester. Ils sont les descendants directs d’un couple de Kitsune qui a jadis prêté dix serments à Inari, en échange de la protection du temple. Kitsunes du Vide, ou « sombres » : Il existe peu d’informations à leur sujet, mais on peut supposer que, arrivés à un stade d’importante illumination, ces Kitsunes ont choisi d’équilibrer le rapport de forces et de rejoindre une obscurité conceptuelle. Ils n’en sont pas plus mauvais que les autres de leur race, mais considèrent que les traditions ont fait leur temps et doivent être détruites pour laisser la place à un renouveau.

Les autres races sont des Kitsunes « sauvages » ou « bas », aussi appelés Nogitsune. Malgré les oppositions qu’il semble exister entre les différents types de Kitsune, ils forment une race très soudée et jamais ils n’iront jusqu’à s’entretuer.

Se nourrir

Un Kitsune tire sa subsistance de nourritures physiques (notamment s’il est incarné) mais aussi spirituelles, tout particulièrement s’il utilise ses capacités spéciales. Le plus couramment, il absorbera une partie de l’essence des éléments qui l’entourent, par exemple des objets, mais aussi des choses plus éthérées comme la connaissance contenue dans un livre, l’inspiration, ou le vent. Avec l’âge, ces sources deviendront insuffisantes pour nourrir les besoins croissants du Kitsune, et celui-ci devra alors tourner sa faim vers des producteurs d’essence plus importants. Sans grande surprise, c’est l’âme humaine qui reste la source la plus nourrissante, puisqu’elle est capable de régénérer sa propre essence très rapidement. Et si lors de son premier « repas », le Kitsune doit toucher physiquement la personne qu’il désire drainer, il pourra le faire par la suite depuis n’importe quelle distance. Une personne consentante est plus nourrissante et tirera même un grand plaisir du drain, raison pour laquelle le Kitsune choisit souvent une forme séduisante et charme autant de personnes que possible. Seul un drain excessif peut blesser un être ainsi vampirisé, mais un Kitsune mal attentionné pourra aller jusqu’à tuer sa cible s’il y passe le temps voulu. Pour des raisons évidentes, nous considérerons toutefois qu’il est impossible à un personnage Kitsune de tuer par ce biais.

Quel que soit l’objet, l’élément ou l’être sur lesquels le Kitsune se repaît, il en sera affecté. Ainsi, une personne drainée peut se trouver affaiblie, un champ verra ses pousses mourir, un feu s’éteindra… Bien entendu, la plupart des Kitsunes réduiront autant que possible ces effets néfastes, le plus couramment en se nourrissant simultanément d’un grand nombre de sources différentes.

Plus un Kitsune vieillit, plus ses besoins en essence sont grands. Le conte de Tamamo-no-Mae raconte comment, sous forme d’un rocher, ce Kitsune de plus de 900 ans d’âge tuait implacablement tout ce qui l’approchait, et avait fini par créer une zone stérile et désolée autour de son repaire.

Azuki-meshi… est parfois cité comme nourriture matérielle favorite des Kitsunes. Ce plat se compose de riz bouilli avec des haricots rouges.

Moralité ?

Un Kitsune est fondamental amoral, prenant des décisions spontanées, le plus souvent centrées sur ses propres intérêts. Comme tous les esprits, un Kitsune ne pense jamais en termes de « bien » ou de « mal » mais arpente le chemin qui équilibre les deux. Il sera donc plus susceptible de catégoriser les actions et les personnes en « juste » ou « injuste ». Toutefois, le code d’éthique des Kitsunes dépend de nombreux facteurs, incluant le temps qu’il a passé dans le monde physique et son élément d’affinité, et peut évoluer au contact des mortels. Il y a autant de contes qui dépeignent le caractère positif des Kitsunes que de contes mettant en avant leur côté destructeur. Un personnage Kitsune peut donc passer invariablement d’un extrême à un autre, sans raison apparente. La seule véritable constante dans le comportement des Kitsunes est relative à la façon dont ils ont été traités ; lorsqu’il a été offensé, un Kitsune se montrera mauvais et malicieux, tandis que s’il se juge estimé, il sera amitieux et généreux.

Les Kitsunes raffolent de farces. Loin d’être vaines, celles-ci sont destinées à faire prendre conscience à la victime de ses faiblesses (un orgueil mal placé, une timidité excessive, etc.). Plus un Kitsune est âgé, plus ses farces sont d’ampleur, et finissent par devenir tellement subtiles qu’elles peuvent s’étendre sur plusieurs dizaines d’années.

Paradoxalement, un Kitsune accorde une très grande importance à une promesse, et pourra aller jusqu’à mettre fin à ses jours s’il est incapable de tenir sa parole. De même, le regret pourra pousser un Kitsune à se laisser dépérir.

Le Kitsune
Daji, par Katsushika Hokusai

Nature spirituelle

Un Kitsune ne peut être définitivement tué que par des armes magiques. Si ce sont des armes normales qui sont utilisées, elles ne feront que détruire son enveloppe physique et le renvoyer dans le monde des esprits. Du côté des faiblesses, on notera que, malgré leur lien avec Inari, les Kitsunes sont particulièrement vulnérables à la religion et aux dévots. Les prières et les exorcismes peuvent ainsi les forcer à quitter un corps possédé. De plus, les religieux sont naturellement immunisés aux illusions causées par les Kitsunes. Ils peuvent également dissiper ces illusions, détruire le lien qui existe entre un Kitsune et une de ses victimes, ou encore protéger une personne au moyen de prières ou de talismans.

Dans certains contes, les Kitsunes possèdent une petite balle, semblable à un jouet d’enfant, dont ils refusent de se séparer. Cette petite balle est un résidu de possession, composé de l’âme de l’hôte et d’une portion de la puissance du Kitsune. Celui qui parvient à mettre la main sur une balle de Kitsune pourra exiger de grands services de la part de celui-ci.

Enfin, comme tous les autres esprits, le nom véritable d’un Kitsune permet de l’affecter très efficacement.

Parmi les ennemis « naturels » des Kitsunes, il convient de citer les dragons, et les démons, pour lesquels les Kitsunes éprouvent une peur panique.

Lorsqu’un Kitsune meurt, c’est-à-dire lorsque son enveloppe physique est détruite, il retourne dans le monde des esprits. Il peut toutefois sacrifier une queue et survivre dans le monde physique.

Se mouiller les sourcils : parmi les ragots des paysans, le meilleur moyen de se protéger contre les ensorcelants Kitsunes était de se mouiller les sourcils avec de la salive. Par extension, ce geste était exécuté par les Japonais lorsqu’ils entendaient une histoire difficile à croire.

Les queues d’un Kitsune

Les Kitsunes sont souvent représentés arborant un nombre changeant de queues, la plupart du temps une seule, cinq ou neuf. Cela représente la puissance du Kitsune. La généralité veut qu’à chaque queue corresponde un siècle de vie, mais il y a également d’autres moyens de « gagner » des queues. Parmi ceux-ci, le plus courant est de se voir offrir une queue supplémentaire par un Kitsune plus âgé en échange d’un service rendu, plus ou moins compliqué selon la puissance du Kitsune. Il est également possible de gagner une queue lorsqu’un grand prestige a été amené à la famille.

S’il peut gagner des queues, le personnage peut également en perdre. C’est le cas lorsqu’il échoue une tâche particulièrement importante, ou lorsqu’il meurt physiquement.

Certaines rares légendes font état qu’un unique Kitsune ayant plus de neuf queues. Il s’agirait de « La Dame », la première de sa race, et qui arborerait dix, voire mille queues.

Parmi les pouvoirs des Kitsunes, il convient de citer :

La capacité de créer le Kitsune-Bi, un feu illusoire toutefois capable de blesser. Ce feu est produit par le frottement de plusieurs queues entre elles.

La possibilité de créer des poches de réalité spirituelle dans le monde physique. Ces domaines, plus ou moins grands, sont hors du temps et de l’espace courants, et sont peuplés en fonction des désirs du Kitsune. Traditionnellement, il s’agit de terriers ou d’espaces situés sous les planchers qui sont transformés en riches demeures. Plusieurs contes racontent comment une pauvre victime demeure prisonnière de cet endroit merveilleux pendant ce qui lui semblait être des années, et qui n’étaient en fait qu’une poignée de jours.

Créer des illusions à volonté.

Se métamorphoser en n’importe quel être, objet, plante ou animal.

Imposer sa volonté d’un simple regard.

Altérer l’écoulement du temps.

Munechika : réputé pour être le plus grand forgeron de son époque, son œuvre majeure restera Kogitsune-maru, le « jeune renard », un katana d’une qualité exceptionnelle, commandé par l’Empereur de l’époque. La légende dit qu’un Kitsune serviteur d’Inari aurait possédé le marteau (l’assistant compagnon) de Munechika lors de la création de cette arme.

Ouvrage de référence :

Nozaki Kiyohsi : Kitsune : Japan’s fox of mystery, romance & humor. Cette édition de 1961 n’est hélas plus éditée. C’est de cette source que proviennent la majorité des informations reprises dans ce guide. On peut en trouver une partie sur Foxtrot’s Research on Kitsune Lore.

Plus sur le sujet :

Le Kitsune par Gabri-el. 

Illustration : Utagawa Kuniyoshi [Public domain], via Wikimedia Commons

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