Va vers Toi

Va vers Toi Par Cirdec et Françoise Renoirte. 

לֶךְ־לְךָ Va vers toi ! Un article écrit par une amie Françoise Renoirte avec qui j’ai travaillé et rédigé ce texte.

Cirdec

לֶךְ־לְךָ וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל־אַבְרָם לֶךְ־לְךָ מֵאַרְצְךָ וּמִמּוֹלַדְתְּךָ וּמִבֵּית אָבִיךָ אֶל־הָאָרֶץ אֲשֶׁר אַרְאֶךָּ ׃

Le לֶךְ־לְך adressé, par Adonaï à Abram, ce « Va vers toi » étudié dans son contexte, c’est-à-dire mot à mot, lettre par lettre, permet une multitude de découvertes dont la moindre n’est pas celle-ci : deux petits mots en disent infiniment plus que leur sens littéral, le « Pschat ».

L’hébreu distingue en effet quatre sens, chacun commençant par une lettre du mot « PaRDèS », jardin, verger, clos, Ct. 3, 13. Pschat : sens littéral, obvie. Remez : sens allusif. Darasch : sens approfondi, qui a donné « Midrasch ». Sod : le secret.

Le « Pschat » représente donc le premier niveau d’interprétation d’un texte. Pour la plupart, pas pour tous. En effet, les SéPhaRaDeS, déplacent le Samekh ס en tête du mot « Pardes ». Lévinas écrit à ce propos : « Les sépharades aiment à dire que la lecture d’un texte biblique commence par le « Sod », « le secret ». Les autres, les Askenases, suivent la Torah, convaincus que celle-ci n’est que la trace de la parole de Dieu, laquelle n’a jamais fini d’être découverte. Figurez-vous quelqu’un qui pénètre dans une chambre où sont amoncelés des trésors et la lumière de ces trésors lui montre, avant tout, qu’il y a une porte au fond de la pièce qui s’ouvre sur une autre chambre pleine de trésors éclairant une troisième porte donnant accès au secret ».

L’étude de la Torah, c’est cette découverte jamais achevée, où la lumière gagnée éclaire avant tout l’insuffisance de la lumière acquise. Inachèvement ? Où infinitude ? Dans le sens de St Exupéry : « Ce qui importe, c’est d’aller vers et non d’être arrivé. » Adonaï dit : « Va vers toi ». On peut lire cette injonction comme ceci : à partir de ce que tu es : un homme né à tel endroit, ayant telle hérédité, tel père, c-à-d. un homme unique dans ses limites, pas un homme idéal, rêvé, un homme parmi les hommes, à partir de cela, « Va vers toi ». Je t’ai créé, comme tout humain, à mon image, ou plutôt à notre image (Gn 1, 26) ; pas tout seul, car il n’est pas bon que l’homme soit seul (Gn 2, 18). Je t’ai créé être de relation. מֵאַרְצְךָ de ta terre (Gn 12, 1) Tu es né quelque part. Toi, Abram, à Our en Chaldée (Gn. 11, 31). Tu en es sorti avec ton père pour aller en Canaan. Vous vous êtes arrêtés à Haran où ton père vient de mourir. Repars, ouvert à d’autres rencontres car tu es un être de relation. וּמִמּוֹלַדְתְּךָ À partir de ta parenté, de ton hérédité. Tu as des ancêtres nombreux (Gn. Ch. 5 généalogie d’Adam) (Gn. Ch. 10 généalogie de Noé) (Gn. 11, 18-32 généalogie de Shem) Tu en connais tous les noms. Chacun, pour sa part, bonne ou mauvaise, a contribué à ce que tu es, un être de relation. וּמִבֵּית אָבִיךָ et de la maison de ton père.

Le père d’Abram, Terah, vient de mourir à Haran (Gn. 11, 32). N’est-ce pas lui qui a quitté son fils ? Pourquoi les commentateurs admirent-ils la foi d’Abram qui quitterait les siens et tous ses biens ? Le texte dit autre chose : C’est Terah, le père qui, sans appel divin décide de quitter Our en Chaldée pour Canaan. En reprenant la route avec les siens après le décès de son père, Abram ne fait que rester fidèle à la démarche de celui-ci. Il reprend la route avec Lot, son neveu orphelin, Saraï sa femme et tous ses biens, bétail et gens (Gn. 12, 5).

Comment Elie Munk, qui a développé les commentaires de Rachi, peut-il traduire לֶךְ־לְךָ « lekh-lekha » par « Va pour toi seul », ce qui s’oppose à Genèse 2, 18 ? A-t-il lu Genèse 12, 5 quand il affirme qu’Abram abandonne volontairement toutes les affections familiales et ses biens, ne connaissant qu’un seul devoir, suivre Dieu aveuglément partout où celui-ci le conduira ? En effet, Dieu ne dit pas « Viens vers moi » mais « Va vers toi ». De même, le bien-aimé du Cantique des Cantiques ne dit pas à sa bien-aimée : « Viens ». Il lui dit et lui répète : « Lève-toi et va vers toi-même » (Ct. 2, 10 et 2, 13).

Dans le Psaume 32, 8 Adonaï dit : « Je t’éclaire sur le chemin, quel qu’il soit, celui où tu vas ». Le verbe « je t’éclaire » contient en hébreu le mot « lumière ». Quel qu’il soit, n’apparaît pas tel quel dans ce verset. En hébreu, il est dit littéralement : « et je t’éclaire dans un chemin celui tu vas ». C’est pour rendre l’article indéfini tout en respectant le français, que j’ai associé « le » chemin et « quel qu’il soit ». Osty, qui se veut très fidèle au texte hébreu, puisqu’il dit dans son avant-propos qu’il respectera dans sa traduction l’ordre de Deutéronome 13, 1 « S’efforcer de garder la parole du Seigneur, sans rien ajouter, sans rien retrancher, Osty traduit pourtant ce verset ainsi : « je t’apprendrai le chemin que tu dois suivre ». Or, la fidélité au texte permet d’entendre une promesse de lumière sur bien des chemins susceptibles d’être pris par les hommes, ce qui implique un respect réel de la liberté humaine. L’infidélité de la traduction ne suggère-t-elle pas la « tentation de Babel ?» (Gn. 11, 1 et 4). Toute la terre avait une langue (lèvre) unique et des mots uniques, une ville, une tour, afin de ne pas être dispersés. N’y aurait-il qu’un chemin à suivre ? On saisit mieux le sens du mythe de Babel en lisant l’interprétation, très fidèle au texte, d’André Wenin dans L’homme biblique et celle de Marie Balmary dans Le sacrifice interdit.

Dieu crée en séparant ; Dieu ordonne de se multiplier, d’emplir la terre ; Dieu se retire pour permettre à l’homme de continuer la création. Dieu ordonne à Abram d’aller vers l’humain en lui… et l’on nous convierait à l’admiration d’une foi aveugle ? Dieu relie l’homme à sa terre, son hérédité, la maison de son père – Comment pourrait-il faire autrement, c’est ainsi qu’il a façonné l’humain ? Et il lui ordonnerait de tout quitter ? L’homme aurait-il une mentalité d’esclave telle qu’il veut faire de son Dieu un maître qu’il veut suivre aveuglément ? Ce Dieu-là n’est-il pas une idole ? Idole dont profitent les manipulateurs avides de pouvoir, et qui justifie la soumission des esclaves potentiels que nous sommes tous à un moment ou un autre ?

Lire, traduire, commenter un texte « modifié » n’entraîne plus de paradoxes mais des contresens. D’une opinion allant à l’encontre de ce qui est généralement admis on passe à une interprétation contraire à la signification véritable d’un texte. Nombreux sont ceux qui dans le passé se sont efforcés d’accepter comme vérité de foi les dépassant, ces contresens. Par humilité, par peur d’accusation d’hérésie, de sanction d’excommunication. Cette peur n’existe plus guère. Nettement moins nombreux sont ceux qui continuent à se soumettre à l’autorité de l’Eglise, à croire sans chercher à comprendre. Leur esprit critique s’incline devant une parole d’Évangile, un dogme de l’Église, l’infaillibilité du pape… Un très grand nombre a tout rejeté en bloc : les contresens et le sens, le bébé avec l’eau du bain… Certains se révoltent violemment. Contre Dieu ? Ils le croient. N’est-ce pas plutôt contre l’idole qui leur est proposée ?

Ainsi, Arthur Rimbaud, le poète révolté qui déclare dans « Ma Bohème » : « Je m’en allais les poings dans mes poches crevées », (et non les mains dans mes poches trouées, découvrait une élève qui avait saisi le sens des mots, le poids des mots.). Marie Balmary est frappée par une phrase de Rimbaud : « Je ne suis pas prisonnier de ma raison, j’ai dit : Dieu. ». Elle souligne qu’après avoir « posé le Nom de Dieu » il s’arrête. Pour elle, le combat violent du poète n’était pas blasphématoire. Il n’était pas dirigé contre Dieu mais contre l’idole appelée Dieu, qui devait le dévorer pour l’éternité. Elle appuie cette interprétation par ce récit : Le prêtre qui le rencontra sur son lit de mort a déclaré à sa sœur Isabelle, d’un air troublé, d’un air étrange : « Votre frère a la foi, mon enfant. Que nous disiez-vous donc ? Il a la foi et je n’ai même jamais vu de foi de cette qualité ». Avant d’affirmer que la révolte est chose mauvaise, il faut s’interroger sur le sens de cette révolte. La révolte contre le bien, contre la justice est assurément mauvaise. Mais celle qui combat ce qui est faux, travesti, imposé, celle-là est saine, juste. Elle maintient l’homme debout. Toutefois, il vaut mieux ne pas en rester là et poser, par exemple, cette question : Est-ce que ce que je rejette est réellement la parole de Dieu ? N’est-ce pas au contraire la parole du serpent… C’est ce que fait Marie Balmary : Elle cherche ce qui est réellement dit, écrit. Ce faisant, elle ouvre des portes et, surtout, elle invite à aller voir par soi-même. Après avoir écarté l’interprétation d’un ordre de foi aveuglément soumise – Ordre qui manifestement n’est pas exécuté – il semble qu’on puisse comprendre ainsi le message de Gn 12,1 Qui que tu sois sur cette terre, Quelle que soit ton hérédité, Quoi qu’ait représenté pour toi ton père, Je t’invite à aller vers toi, au plus intime de toi, au plus humain de toi. Découvre tes richesses, tes limites. L’essentiel est que tu sois en marche. Et, sur ton chemin, quel qu’il soit, je t’éclairerai. Oui, tu vas vers une terre que je te ferai voir. Sois en marche, sur le chemin de l’approfondissement de ton humanité et je te bénirai et tu seras bénédiction (Gn. 12, 2).

Quelles découvertes permet l’étude lettre par lettre de ces deux mots ? On peut l’entreprendre avec Teresa Zielonko, qui a publié à compte d’auteur Aleph-beth sur nos chemins. Émerveillée par la beauté des lettres hébraïques, par leur richesse symbolique, elle les a dessinées. Face à chaque lettre, des extraits de Psaumes traduits par Robert Closset et un commentaire du symbolisme de chacune par Jacqueline Closset. וַאֲבָרֶכְךָ et-je-bénirai-toi ; בְּרָכָה bénédiction.

ב Beth-2. Sens premier : maison. Sens dérivé : ouverture à l’avenir, rencontre. Teresa fait reposer le fondement de la maison sur un monde obscur, gris-bleu ; elle s’élève sur un fond bleu-vert foncé ; elle s’ouvre sur une lumière orangée qui se dore dans les hauteurs. Teresa pose un couple dans la maison et ce couple, elle l’Auréole. Tout est rencontre de mondes visibles de la maison, invisibles derrière celle-ci. Rencontre d’un homme et d’une femme, car il n’est pas bon que l’homme soit seul. Le verbe « bénir » en hébreu, dans sa première lettre évoque des mondes et des êtres qui se côtoient et sont appelés à se rencontrer.

כ Kaph-20. Sens premier : paume. Sens dérivé : accepter de recevoir, ouverture dans l’échange. Teresa peint la coupe de deux paumes. Jacqueline souligne « creuset d’une paume ouverte qui émerge en solidité ». Bénir – BaRaKh – Beth, Resh, Kaph, les trois lettres du deux : dualité, rencontre, accueil, émergence de conscience, bénir c’est tout cela. Bénédiction – BaRaKhah – un Hé s’ajoute à la racine verbale pour former le nom. ה Hé-5. Sens premier : souffle. Sens dérivé : ancrage sur terre et aspiration à un plus. Un homme sur un chemin vert, un ciel vert qui se dore ; des chemins, orange et jaune, aboutissent aux traits du Hé. Un flot doré descend jusqu’à la pointe du Hé, un autre entre par l’ouverture sur la gauche et rejoint l’homme en marche, bras ouverts, tête levée vers ce souffle lumineux. Teresa ne représente plus seulement la réalité qui entoure l’homme, elle la peint ici, descendant à la rencontre de l’humain qui, s’il l’accueille, retrouve, selon la valeur numérique de la lettre Hé 5, son centre, sa quint-essence affirme Jacqueline.

A la racine verbale de la forme BaRaKh s’ajoutent trois éléments : un Vav, conjonction de coordination, un Aleph, signe de la première personne du singulier d’une forme inaccomplie et un pronom suffixé de la deuxième personne du singulier : et-je-bénirai-toi, וַאֲבָרֶכְךָ. ו Vav-6. Sens premier : jonction. Sens dérivé : relier partout, toujours. Le Vav est déployé par Teresa entre ciel et terre, à une certaine distance de la rencontre de deux chemins. Est-ce sa façon de poursuivre dans l’idée du couple, de la coupe des deux paumes ? Peut-être… Jacqueline dit : sens dérivé, relier la droite et la gauche, l’homme et la femme, le monde d’en haut et le monde d’en bas, c-à-d. accomplir l’œuvre de la création, projet pour toute l’humanité, ce qui, pour elle, correspond à la valeur numérique 6. א

Aleph-1. Sens premier : énergie. Sens dérivé : antériorité originelle. Le Aleph est blanc sur un fond de ténèbre gris, bleu, vert, évoquant le chaos, mais seulement par l’obscurité des couleurs car les lignes sont toutes en courbes harmonieuses, se quittant, se retrouvant, rencontrant le Aleph à chacune de ses extrémités. Jacqueline traduit : ouverture à tous les mondes, mouvement créateur. Aleph est une lettre muette, la seule consonne muette de l’alphabet hébreu, ayant besoin de s’appuyer sur la lettre suivante qu’elle engendre en même temps. Sa valeur numérique 1. exprime le dynamisme de rassemblement. Dans ce mot, Aleph indique la 1°psg. d’un verbe à la forme inaccomplie. Je bénis, je bénirai. Ce JE exprimé par une lettre muette, la seule de l’alphabet, suggère la différence existant entre la prise de conscience silencieuse d’un sujet et son ego égoïste, égocentrique : non-muet. LeKh-LeKha, Va vers toi, peut signifier aussi : « découvre ton JE, découvre-toi sujet de ta vie tout au long de ton chemin, en te dépouillant petit à petit de ton ego ». ך Kaph final-500. Sens premier : germe. Sens dérivé : vie reçue, qui, si elle est accueillie avec soin, peut grandir. La valeur numérique est de l’ordre du Hé 5. Ici, le Kaph indique la 2°psg. : toi, c-à-d. le JE de chacun : le sujet conscient, pensant, aimant, agissant. En tout cas, créé dans ce but dans le projet initial. Quand on prend conscience, en allant vers soi, de tout le potentiel de conscience, de pensée, d’amour, d’action qui se trouve en soi et de la confiance qui vous a été témoignée par celui qui vous a dit : « Va vers toi », alors on doit prendre conscience aussi de ce potentiel en chaque être humain et s’efforcer de témoigner la même confiance envers autrui. On peut alors faire des rencontres profondément humaines comme celle qui rayonne dans le Beth illustré par Teresa. N’est-ce pas cela aussi le sens du « à faire, pour faire » qui clôt le premier récit de la création, ce moment où Dieu a achevé son œuvre et où commence celle de l’homme. Abram ne serait pas l’individu élu par un Dieu qui en fait par là-même un modèle définitif de foi mais celui qui symbolise tous les êtres humains susceptibles, en théorie, d’entendre cet appel à l’humanité et qui tous, sans exception tomberont sur ce chemin-là et ne deviendront humains que s’ils acceptent de reconnaître leurs erreurs, de se voir tombés, à terre, mais ayant à chaque fois le courage de se relever. Tomber sept fois, se relever huit… וַאֲבָרֶכְךָ et-je-bénirai-toi contient donc, en un seul mot, le lien avec ce qui précède, Vav, le sujet du verbe, Aleph, le verbe lui-même : BaRaKh et l’objet de l’action, Kaph, toi. Par le fait de rassembler tous ces éléments en un mot, l’hébreu, langue de la Bible, est une des langues qui, implicitement, souligne l’interdépendance existant dans la création.

Cette interdépendance entre tous les composants créés est une réalité. Les liens entre les humains sont une réalité. « Fraternité » est un des noms que l’on peut donner à ces liens. Parler de fraternité, n’est-ce pas avant tout parler d’une réalité, dont on peut, ou non, prendre conscience ? Nous entendons ce mot comme un devoir. Ne serait-t-il pas plutôt, en profondeur, une attitude réaliste que Dieu souhaite bénir chaque fois qu’un homme l’adopte avec conscience, amour, dans l’harmonie.

Ainsi l’homme est invité, en Abram, à se découvrir partie d’un tout et solidaire de ce tout. La différence entre l’homme et le reste de la création consisterait moins dans la domination que dans la conscience qu’il est seul, apparemment, à pouvoir prendre de son interdépendance avec le monde, l’univers. Le chemin qu’Adonaï lui demande de suivre, et dont la destination est lui-même, dans le sens, non de son ego mais de son humanité, doit lui permettre de découvrir des liens entre le passé, le présent et l’avenir. Des liens d’ordres géographique, historique, génétique, psychologique, philosophique. Peut-on oser le « pléonasme » des liens d’ordre religieux ? Découvrir un réseau de liens – (revenir aux dessins de Teresa)- pouvant être positifs et négatifs ; tenter d’en faire, chacun pour ce qui dépend de soi, un réseau juste, ajusté, n’est-ce pas là la découverte d’une terre nouvelle ? La nation qui grandira, n’est-ce pas celle de tous ceux qui seront tombés et se seront relevés, auront commis des erreurs, des fautes et même des crimes mais se seront relevés, réajustés, encore et encore (Ezechiel 33, 7-20 à lire absolument !).

N’est-ce pas alors que le Seigneur peut promettre : Et je te bénirai ? dans ta maison, ouverte sur l’avenir : ב toi, conscience acceptant d’émerger : ר de recevoir dans ta paume ouverte : כ. Le message n’est-il pas : laisse-moi te bénir, moi qui t’ai fait homme, non-pas tout fait ni parfait, mais pouvant se faire, se parfaire : vivant, capable de réaliser mon projet ? Libre : pouvant aussi le refuser. Et si tu vas vers toi – car je ne te demande pas de venir vers moi, même si sur ce chemin tu me trouveras toujours – je pourrai bénir la vie en toi, vie qui accueille, reçoit, échange, découvre et ce, non malgré tes erreurs mais parfois voire souvent grâce à tes erreurs. Le Resh de BaRaKh, qui veut dire tête, conscience qui émerge, peut-il ne pas impliquer la notion de liberté ? Va vers toi : que ta conscience la plus profonde, la plus intime soit atteinte. Que la décision de prendre ce chemin vers toi relève de toi et de personne d’autre et je te bénirai. Toutefois, n’oublie pas les liens existant entre ce toi intime et ta terre, tes ascendants, tous ceux que tu as rencontrés depuis ta naissance. Si, tenant compte de ces liens, à l’invitation que je t’adresse tu réponds dans la durée, c-à-d. que, quel que soit le nombre de tes chutes tu te relèveras une fois de plus, alors la bénédiction que je te promets va de soi. Tu vas vers toi, je te bénis. Tu repars vers toi, tu es béni. Tu es par terre, ma bénédiction s’arrête, à côté de toi et dès que tu te remets debout, elle se pose à nouveau sur toi. C’est comme ça. C’est la réalité…

Cette bénédiction nous rappelle l’épisode du Buisson ardent (Ex. 3, 14). A Moïse qui lui demande son nom, Élohim répond : « Je suis qui je suis ou Je serai qui je serai ou encore Je serai qui tu me feras devenir ». En fait, ce serait Dieu qui dépendrait de l’homme, depuis qu’il s’est retiré de sa création, passant le relais à l’homme. Cependant Dieu reste présent, attentif, prêt à répondre à toute demande mais refusant de s’imposer. S’il te plaît, continue ma création (Gn. 2, 3). S’il te plait, fais-moi devenir (Ex. 3,14). S’il te plait, laisse-moi te bénir (Gn. 12, 2). Ainsi quand un humain va vers l’humain en lui, il est béni. Etre en marche vers soi, un bonheur, un bonheur transmissible : et tu seras bénédiction (Gn.12,2). On peut donc lier chemin et bénédiction, comme dans le premier Psaume.

ר Resh-200. Sens premier : tête. Sens dérivé : conscience qui émerge ; force créatrice de l’en-tête. Le Resh s’élève à partir d’une faille dans la terre brune. La faille : un chemin étroit qui se resserre à la base du Resh puis s’élargit et débouche sur la même lumière chaude orangée puis dorée. La bénédiction est là, dès la rencontre du couple dans la maison, mais elle requiert l’émergence d’une conscience sachant d’où elle vient et découvrant la lumière à laquelle elle est appelée. « Va vers toi » avec une conscience élargie, fais de ta vie une marche vers la lumière.

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Image par Jose Antonio Alba de Pixabay. 

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