Mais il est vrai que Jean XXII a la rĂ©putation de sâadonner lui-mĂȘme aux arts occultes ; un traitĂ© dâalchimie lui est mĂȘme attribuĂ© : LâArt Transmutatoire (Lyon, 1557). Ses ennemis l’accuseront d’hĂ©rĂ©sie, il reniera ses croyances sur son lit de mort et dĂ©cĂ©dera en Avignon le 4 dĂ©cembre 1334 Ă l’Ăąge de 90 ans.
L’Alchimie et Rome
« Le 4 dĂ©cembre 1334. Le pape Jean XXII mourut en Avignon nonagĂ©naire Ă ce qu’on escrit, outre tant de belles choses qu’il avoit fait Ă l’avantage de l’Ăglise, il la laissa riche de vingt-cinq millions d’or. » (François Nouguier, Histoire chronologique de l’Eglise, Evesques et Archevesques d’Avignon, 1660)
Dâune façon gĂ©nĂ©rale, les autoritĂ©s de lâĂglise ainsi que les docteurs de lâuniversitĂ© opteront le plus souvent pour une tolĂ©rance Ă lâĂ©gard de lâalchimie Ă partir du moment oĂč celle-ci se pratique sans intervention de la magie ou de la tromperie. En outre, la majoritĂ© des alchimistes occidentaux se remettant Ă Dieu pour la rĂ©ussite de leurs Ćuvres â Dieu seul peut octroyer Ă leur art son efficacitĂ© â il devient difficile de les accuser dâapostasie (Jean-Pierre Baud, Le procĂšs de l’alchimie. Introduction Ă la lĂ©galitĂ© scientifique, Strasbourg, Cerdic Publications, 1983).
« On citera plus spĂ©cialement Albert-le-Grand et Roger Bacon, Albert inscrivant, entre autres, sa rĂ©flexion sur lâalchimie dans le contexte du commentaire quâil donne dâExode 7 et de celui du pouvoir dĂ©moniaque. Quant Ă R. Bacon, qui distingue lâalchimie spĂ©culative de lâalchimie opĂ©rative, il accorde Ă cette derniĂšre de fabriquer des mĂ©decines soignant efficacement le corps humain jusquâĂ le conserver dans lâĂ©tat oĂč il sera Ă lâheure de la Grande RĂ©surrection. » (« Lâalchimie mĂ©diĂ©vale est-elle une science chrĂ©tienne ? » par Antoine Calvet – Texte de lâintervention Ă la sĂ©ance collective sur Alchimie et irrĂ©ligion qui sâest dĂ©roulĂ©e Ă lâEHESS le 22 janvier 2007.)
DĂšs le 13e siĂšcle, des auteurs parsĂšment leurs Ă©crits de citations des Saintes Ăcritures. Se dĂ©veloppera par la suite une vĂ©ritable lecture alchimique de certains des Ă©pisodes bibliques les plus importants de la croyance chrĂ©tienne : la GenĂšse, Jonas, la Passion du Christ, lâApocalypse. Puis, vers le milieu du XIVe siĂšcle, le Pseudo-Arnaud de Villeneuve compare pour la premiĂšre fois, dans son Tractatus parabolicus le Christ Ă la pierre philosophale. A lâimage de celui-ci qui sâest incarnĂ© pour la rĂ©demption des pĂ©chĂ©s humains, lâalchimie est une Ćuvre qui tend Ă rĂ©tablir la matiĂšre vile dans sa puretĂ© et sa noblesse. La Passion sera mĂȘme comparĂ©e au Grand Ćuvre.
Si lâĂglise ne mĂšne pas de croisade contre les adeptes, de lâalchimie, les autoritĂ©s les considĂšrent cependant avec suspicion. Ainsi, en 1313, la Constitution generalis antique des franciscains leur interdit formellement de pratiquer lâalchimie, en 1317, lâordre de CĂźteaux interdit toutes recherches sur le sujet, jugeant celles-ci incompatibles avec les rĂšgles monacales.
Le danger est bien entendu que lâadepte alchimique verse dans la sorcellerie et lâinvocation dĂ©moniaque pour fabriquer lâor. Thomas dâAquin, dans son Commentaires des Livres des Sentences, cite le De Mineralibus dâAlbert le Grand, et relie les dĂ©mons Ă lâalchimie : « De plus, les dĂ©mons ne peuvent opĂ©rer quâavec le secours de lâart (lâalchimie). Mais lâart ne peut confĂ©rer une forme substantielle, comme il est dit dans le chapitre Des MinĂ©raux : âLes artisans de lâalchimie devraient savoir que les espĂšces ne peuvent ĂȘtre transformĂ©es.â »
Ainsi que lâĂ©crit en 1599 le jĂ©suite M.-A. Delrio dans ses Disquisitionum Magicarum [Livre I, chap. V, sect. 2], le dĂ©cret Spondent ne suffit pas pour condamner ceux qui produisent de lâor « bon et parfait, et pour le seul contentement de leur esprit ». Dans certains cas, cependant, la pratique de lâalchimie peut ĂȘtre dangereuse : si le but est le gain ou si les procĂ©dĂ©s relĂšvent de la superstition, ou encore si lâadepte se dĂ©tourne des Ćuvres religieuses au profit de lâalchimie :
« Le spĂ©cialiste es sorcellerie et hĂ©rĂ©sies, dont la sĂ©vĂ©ritĂ© Ă©tait extrĂȘme, dĂ©montra que rien ne prouve la faussetĂ© de l’alchimie, que rien ne la condamne, pas mĂȘme les Saintes Ăcritures, le droit laĂŻc, Ă©piscopal ou pontifical. Elle ne serait interdite qu’aux pĂ©cheurs impĂ©nitents. D’ailleurs, le nombre de clercs rĂ©guliers et sĂ©culiers de tous rangs qui pratiquĂšrent ou professĂšrent cette philosophie chymique est vĂ©ritablement impressionnant. » (Noize Michel, « Le Grand Ćuvre, liturgie de l’alchimie chrĂ©tienne. », Revue de l’histoire des religions, tome 186 n°2, 1974. pp. 149-183.)
Plus sur le sujet :
L’Alchimie et Rome, Spartakus FreeMann, juillet 2010 e.v.