Qu’est ce que l’alchimie ? Par AndrĂ© Savoret.Â
I. – De Quelques MĂ©prises
Pour le commun des mortels, comme sans doute pour certains alchimistes (ou se croyant tels), lâalchimie est essentiellement « lâart de faire de lâor ». Lâunique diffĂ©rence entre ceux-ci et ceux-lĂ , câest que les premiers tiennent un tel art pour chimĂ©rique alors que les seconds en affirment la rĂ©alitĂ©.
Quant aux profanes «éclairĂ©s», voire aux gens de science, leur apprĂ©ciation est plus nuancĂ©e. Sâils supposent, en gĂ©nĂ©ral, que la chimie a fait prompte et roide justice des recettes bizarres ou fallacieuses dont foisonnent les Ă©lucubrations des adeptes, ils concĂšdent, en revanche, que les thĂ©ories scientifiques les plus rĂ©centes recoupent sur bien des points les idĂ©es des hermĂ©tistes (leurs « rĂȘveries », disait-on encore aux jours, pas si lointains, de la chimie lavoisienne). Les conceptions dâaujourdâhui sur lâunitĂ© de la matiĂšre, sur lâinanitĂ© de la notion de corps « simples », sur la possibilitĂ© dâen opĂ©rer la transmutation, sur lâanalogie universelle (lâatome, disent les savants, est un petit systĂšme solaire), etc., sont un involontaire hommage rendu aux hermĂ©tistes qui, de tous temps, nâont jamais dit autre chose.
Peut-ĂȘtre, avant de condamner en bloc des opĂ©rations et manipulations apparemment dĂ©fectueuses, les savants en place feraient-ils bien de se demander comment ces fols dâalchimistes ont pu tirer des principes aussi justes dâexpĂ©riences aussi fallacieuses, alors que la chimie, depuis Scheele et Lavoisier, partant dâexpĂ©riences rigoureuses, a dĂ» brĂ»ler plus dâune fois ce quâelle adorait la veille ? Inutile dâentamer ici des controverses superflues. Au surplus, lâalchimie – vraie – nâa nul besoin dâaller quĂ©mander quelque justification que ce soit chez les tenants de la moderne physicochimie.
Bien au contraire ! Car câest peut-ĂȘtre pour avoir succombĂ© Ă cette manie dâapprobativitĂ©, pour avoir cĂ©dĂ© au chimĂ©rique espoir de convertir quelques profanes aux convictions des fils dâHermĂšs que, de concessions en abandons, la plupart des hermĂ©tistes ont fini par se cantonner au seul domaine de la transmutation mĂ©tallique, surtout depuis deux ou trois siĂšcles – du moins dans leurs Ă©crits publics. Et lâimpression que lâalchimie nâest rien de plus quâune sorte de mauvaise chimie, compliquĂ©e dâidĂ©es biscornues et de prĂ©tentions extravagantes, est bien celle que doit Ă©prouver le profane en les lisant sans prĂ©paration.
Or, ce qui devait arriver arriva. Quelques chimistes, sĂ©duits par la largeur des vues philosophiques des disciples dâHermĂšs et impressionnĂ©s par leur unanimitĂ© doctrinale, ont cru de bonne foi quâil suffirait de « rajeunir » une terminologie dĂ©suĂšte, de transposer en termes de chimie moderne des manipulations dĂ©crites Ă demi-mot et de faire abstraction de la partie « mystique » de la doctrine pour rĂ©concilier les inconciliables. Mais leurs efforts, en porte-Ă -faux, nâaboutirent quâĂ crĂ©er un monstre hybride, baptisĂ© « hyperchimie » et dont – Ă juste titre – ni chimistes ni alchimistes ne se souciĂšrent dâendosser la paternitĂ©, nul nây reconnaissant plus les siens !  Les hyperchimistes, dont François Jollivet-Castelot fut le type le plus reprĂ©sentatif (1), restĂšrent Ă une ou deux exceptions prĂšs (Delobel, par exemple) des « souffleurs » patients et tenaces autant que mal inspirĂ©s et malchanceux.    PrĂ©cĂ©dent Ă mĂ©diter…
II. – La vivante Alchimie
Certes, la transmutation des mĂ©taux par voie alchimique est – toute thĂ©orie mise de cĂŽtĂ© – un fait sur lequel il est difficile dâergoter. Et le seul livre du trĂšs officiel Louis Figuier, LâAlchimie et les Alchimistes, mentionne deux ou trois exemples de transmutations par projection (dont celle du savant Van Helmont, adversaire dĂ©clarĂ© de lâAlchimie, offre toutes les circonstances de contrĂŽle et dâimpartialitĂ© souhaitables), dont une seule suffirait Ă prouver la rĂ©alitĂ© de lâart transmutatoire et lâavance considĂ©rable prise par les hermĂ©tistes sur MM. les physico-chimistes, nonobstant leur manque de fours Ă©lectriques et de cyclotrons.
Mais la partie nâest pas le tout et si lâAlchimie nâĂ©tait quâune sorte de chimie transcendante ou de mĂ©tallurgie secrĂšte, nous ne pourrions lâestimer au point de rompre une lance en sa faveur.
Si lâor et les passions quâil suscite, lâor et les maux quâil provoque, lâor et les crimes qui lui font cortĂšge avait Ă©tĂ© lâunique ou le principal but poursuivi par les alchimistes, si son Ă©clat fascinateur avait Ă©tĂ© lâunique lumiĂšre de leur Ăąme, nous ne pourrions que les plaindre et tenir Ă bon droit pour folie leur prĂ©tendue sagesse.
Mais en est-il vraiment ainsi ?
Si nous lisons de vĂ©ritables initiĂ©s Ă la science dâHermĂšs, tels que Khunrath, Jacob Böhme, dâEckhartshausen, Grillot de Givry ou lâadmirable auteur de lâHortulus Sacer, nous finissons par nous apercevoir que tout en discourant aussi de lâĆuvre mĂ©tallique, ils parlent surtout dâautre chose.
Quâest-ce Ă dire ?
Exposons le comme nous lâavons compris, sans prĂ©tendre avoir tout compris.
LâAlchimie vraie, lâAlchimie traditionnelle, est la connaissance des lois de la vie dans lâhomme et dans la nature et la reconstitution du processus par lequel cette vie, adultĂ©rĂ©e ici-bas par la chute adamique (2) a perdu et peut recouvrer sa puretĂ©, sa splendeur, sa plĂ©nitude et ses prĂ©rogatives primordiales : Ce qui, dans lâhomme moral sâappelle rĂ©demption ou rĂ©gĂ©nĂ©ration (3) ; rĂ©incrudation dans lâhomme physique ; purification et perfection dans la nature, enfin, dans le rĂšgne minĂ©ral proprement dit : quintessenciation et transmutation.
Son domaine embrasse donc tout le crĂ©Ă© (4) et, pour lâhumanitĂ© militante, toute la portion du crĂ©Ă© quâelle a entraĂźnĂ©e avec elle dans sa dĂ©chĂ©ance et qui doit ressusciter avec elle et par elle, telle quâelle fut avant la Transgression.
Quoique son domaine le plus central soit le plan spirituel, lâAlchimie connaĂźt cent applications plus ou moins contingentes, Ă tous les degrĂ©s et sous tous les aspects de la vie.
Il existe donc une alchimie intellectuelle, une Alchimie morale, une sociale, une physiologique, une astrale, une animale, une vĂ©gĂ©tale, une minĂ©rale, et bien dâautres encore. Mais lâAlchimie spirituelle demeure le modĂšle, la clĂ© et la raison des autres. Et, conformĂ©ment Ă lâĂ©noncĂ© dâHermĂšs dans la fameuse Table dâĂmeraude, la connaissance dâune quelconque de ces adaptations (5) dĂ©couvre implicitement celle de toutes les autres. Lâunivers est un et cette unitĂ© est le sceau de la VĂ©ritĂ©.
Or le suprĂȘme Grand-Ćuvre, le seul qui se puisse appeler sans outrance « la Voie de lâAbsolu », câest la rĂ©intĂ©gration de lâhomme dans sa dignitĂ© primordiale (6) selon un processus rarement rĂ©alisĂ© ici-bas (mais non irrĂ©alisable), processus que les anciens appelaient, croyons-nous, « lâĆuvre du PhĂ©nix » et quâon peut lire, ici et lĂ , entre les lignes de certains passages de la Bible, des Ăvangiles, de lâApocalypse et de quelques ouvrages, rosicruciens ou autres, dont plus dâun ne semble pas traiter, Ă premiĂšre vue, de ce quâon entend vulgairement par « alchimie ».
Et cet Ćuvre-lĂ nâest ni du goĂ»t, ni dans les cordes des amateurs de « petits particuliers », des collectionneurs de recettes bonnes seulement Ă torturer inutilement les mĂ©taux, des fabricants dâhomuncules, des distillateurs dâherbes, de sang, de moelle ou de sperme, ni de ceux qui ne rĂȘvent de longĂ©vitĂ© corporelle que dans lâespoir misĂ©rable de rĂ©Ă©diter les folies et les dĂ©sordres dâune jeunesse tumultueuse !
Il est mĂȘme, assez probablement, hors de la portĂ©e de plus dâun adepte admirĂ© comme tel pour sa rĂ©ussite, rĂ©elle ou supposĂ©e, dans le domaine de lâAlchimie mĂ©tallique.
Car cette science (Ă tous les degrĂ©s de sa rĂ©alisation, y inclus la Pierre transmutatoire) est science de vie, science vive, science vivante Ă jamais – et science des Vivants (7). Et seuls les « Vivants » peuvent la pratiquer intĂ©gralement sans mensonge et sans dommage (8).
Telle est lâorigine des malheurs qui ont Ă©maillĂ©, et parfois clos, lâexistence de pas mal de faiseurs dâor qui nâĂ©taient, hĂ©las, rien de plus que des « faiseurs dâor » – sans parler de ceux qui ne furent que des « voleurs dâor » (9).
Il nây a que celui qui a rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©, avec lâassistance dâEn-Haut, ses propres mĂ©taux microcosmiques et les a dĂ©pouillĂ©s de la lĂšpre des sept pĂ©chĂ©s qui peut de plein droit, de droit divin, rĂ©gĂ©nĂ©rer Ă son grĂ© les mĂ©taux physiques. Celui-lĂ nâagit quâĂ bon escient, dans la LumiĂšre du Verbe (10).
Les autres – qui nâen sont pas lĂ – ou bien font du Grand-Ćuvre une simple opĂ©ration magique (car lâon peut rĂ©aliser des transmutations apparentes par voie magique, mais ceci nâa rien Ă voir avec lâAlchimie) ou bien ont vu leurs efforts, leurs souffrances, leurs travaux, leur persĂ©vĂ©rance et leur charitĂ© couronnĂ©s dâor – physique – par la bontĂ© du Ciel toujours indulgent envers les dĂ©butants de bon vouloir ; ou bien encore ont eu pour toute sagesse lâart dâĂ©couter aux portes et dâespionner par le trou des serrures (11). Ceux-lĂ , sâil en est qui aient rĂ©ussi, se sont forgĂ© avec leur or maudit une chaĂźne plus lourde que celle de bien des criminels de droit commun.
Il a Ă©tĂ© fait mention, quelques lignes plus haut, dâune catĂ©gorie de chercheurs, parfois heureux, qui reprĂ©sentent, pensons-nous, lâhonnĂȘte moyenne des hermĂ©tistes. Ceux-lĂ en sont, intĂ©rieurement, aux prĂ©liminaires de lâĆuvre du PhĂ©nix. Le Ciel (eu Ă©gard ĂĄ leur bonne volontĂ© et aux difficultĂ©s du dĂ©but de la Voie) les inspire soit directement par une rĂ©vĂ©lation intĂ©rieure, soit indirectement en les orientant vers un vĂ©ritable MaĂźtre, leur permet dâaccĂ©der aux connaissances adĂ©quates Ă telle partie de la science et met Ă leur portĂ©e les moyens de rĂ©alisation. Ceux-lĂ ont aussi mandat dâagir, mais dans certaines limites et sous certaines conditions (dont le dĂ©sintĂ©ressement, la patience dans les Ă©preuves, la charitĂ© et lâhumilitĂ© sont le plus universellement requises).
Mais ce droit est une grùce spéciale, par laquelle le Ciel escompte leur bonne volonté et fait crédit à leurs mérites.
III. – De lâĆuvre mystique et de lâĆuvre physique
En rĂ©sumĂ©, lâhomme rĂ©gĂ©nĂ©rĂ© est la pierre philosophale de la nature dĂ©chue, de mĂȘme que lâhomme non rĂ©gĂ©nĂ©rĂ© est la materia bruta de ce Grand-Ćuvre dont le Verbe divin est lâAlchimiste et lâEsprit Saint le feu secret : il y a deux Voies dans lâĆuvre, mais il nây a quâun Agent : lâAmour ! Et tous les vrais hermĂ©tistes chrĂ©tiens (12) – non les souffleurs – sont unanimes sur ce point (13) comme sur celui de la subordination de lâĆuvre physique Ă lâĆuvre mystique (14).
Quant Ă lâhomme « physique », son Grand-Ćuvre est sa transformation en « corps glorieux », en corps rĂ©gĂ©nĂ©rĂ© et incorruptible (15). Et cette transformation (dâune absolue raretĂ©) nâest possible que parce quâil nâen diffĂšre que du fait de cet accident, de cet obscurcissement que la tradition chrĂ©tienne nomme la Chute. Le corps glorieux, câest le corps de lâhomme tel quâil Ă©tait avant la Chute (et ceci touche Ă un des aspects de la « rĂ©surrection de la chair ») ; le corps physique, câest le corps glorieux tel que lâa transformĂ© la Chute, rendu corruptible par les impuretĂ©s hĂ©tĂ©rogĂšnes de tous les lieux traversĂ©s par lui lors de sa descente ici-bas (impuretĂ©s dont la racine est le « gluten » ou matiĂšre du pĂ©chĂ© dont parle Ă diverses reprises ce vĂ©ritable alchimiste que fut dâEckhartshausen).
Comme dans lâinterne des mĂ©taux, il y a dans lâinterne de lâhomme une certaine « terre vierge », que les Aphorismes Basiliens nomment avec Paracelse le « limbe du grand et du petit monde » et que doit dĂ©gager des « immondices de la terre » et revivifier un « esprit tant du grand que du petit monde », pour suivre la mĂȘme terminologie. Comme le dit Jacob (RĂ©vĂ©lation alchimique) : « La fin du grand Ćuvre est (pour lâadepte) de se dĂ©barrasser quand il voudra de la chair corruptible sans passer par la mort ».
Et St Paul ne nous dit-il pas que ce qui est semĂ© corruptible est fait pour renaĂźtre incorruptible ? Non pour ĂȘtre « dĂ©truit » mais pour ĂȘtre « transfigurĂ© ». Et ceci vaut universellement.
Le Grand-Ćuvre physique et le Grand-Ćuvre mystique sont analogues mais point identiques. Avoir rĂ©alisĂ© le dernier câest pouvoir rĂ©aliser souverainement le premier ; avoir rĂ©alisĂ© le premier, câest savoir quel chemin peut conduire Ă la rĂ©alisation du dernier mais ce nâest pas forcĂ©ment avoir parcouru ce chemin. La nuance est de premiĂšre importance.
IV. – MĂ©thode Alchimique et MĂ©thodes Profanes
Puisque nous parlons du Grand-Ćuvre, profitons-en pour revenir sur un point capital, dĂ©jĂ effleurĂ©, câest-Ă -dire sur lâabĂźme qui le sĂ©pare des essais de transmutation par voie physico-chimique, essais auxquels la dissociation atomique donne un regain dâactualitĂ©.
Tout dâabord, remarquons Ă quels frais, avec quel gaspillage dâĂ©nergie, dans quels laboratoires titanesques (que nulle fortune privĂ©e ne pourrait sâoffrir le luxe de financer) opĂšrent, en rangs serrĂ©s, nos modernes Faust. Cela pour aboutir dâailleurs Ă des « transmutations » de lâordre de un dix-millioniĂšme de gramme.
Câest la montagne qui enfante dâune souris !…
En regard, le Grand-Ćuvre physique ne nĂ©cessite que quelques corps assez rĂ©pandus, un peu de charbon, deux ou trois vases trĂšs simples, aucune des sources dâĂ©nergie que consomme, en vĂ©ritable ogresse, la science actuelle et peut ĂȘtre accompli en entier par un seul homme avec patience et longueur de temps. Ceci pour obtenir des transmutations Ă©ventuellement massives.
Autre chose. La science dâaujourdâhui, dans sa furie de dissĂ©quer la matiĂšre aboutit, somme toute, Ă faire exploser lâatome en le dĂ©sintĂ©grant brutalement. Cet aboutissement lui interdit Ă©videmment tout nouveau pas en avant dans la connaissance des choses, du moins par cette voie. Pour faire une comparaison grossiĂšre et regrettablement irrĂ©vĂ©rencieuse, nous ne voyons pas une bien fondamentale diffĂ©rence entre le geste du savant qui met lâatome en charpie afin de le mieux connaĂźtre et le geste de lâenfant qui brise un jouet mĂ©canique dans le naĂŻf espoir de « savoir ce quâil a dans le ventre », comme on dit ! Seulement, le premier jeu sâavĂšre infiniment plus dangereux que le second..
Et, en dĂ©pit dâune terminologie barbare qui sâallonge tous les jours, oĂč les ions, les Ă©lectrons, les protons, les neutrons, les deutons et autres ingrĂ©dients de la cuisine nuclĂ©aire jouent un rĂŽle impressionnant, la matiĂšre demeure « terre inconnue ».
Comme si lâon pouvait, dâailleurs, expliquer la matiĂšre par la matiĂšre ? …
Aussi, le bombardement atomique nâa pas fait exploser que lâatome. Il a mis en piĂšces du mĂȘme coup tout lâĂ©difice scientifique moderne. Et câest au seuil de nos super-laboratoires quâon pourrait graver la phrase fameuse : « Vous qui entrez ici, laissez toute espĂ©rance ? »
Et ceux qui y entrent – les « initiĂ©s » tout au moins – ont en effet peu dâillusions quant Ă la valeur philosophique et mĂ©taphysique (16) de leurs recherches. Et sans doute Ă©galement quant Ă leur contribution au bonheur de lâhumanitĂ©…
Puisque nous parlons de désintégration atomique, rappelons un petit fait qui pourrait nous rendre enclins à quelque modestie.
Lors de certaines expĂ©riences mĂ©tapsychiques on a vu des objets matĂ©riels – une bague en or, par exemple – dĂ©matĂ©rialisĂ©s sous les yeux des spectateurs, sans bruit ni explosion gigantesque, ni cyclotron. Puis on les a vus se rematĂ©rialiser quelques minutes plus tard, sans altĂ©ration de poids, de substance ou de forme.
Câest que, dans la dĂ©sintĂ©gration de la chimie nuclĂ©aire, les seuls Ă©lĂ©ments mis en Ćuvre sont des forces physiques, matĂ©rielles, et des agrĂ©gats de matiĂšre physique. Le rĂ©sultat ne peut donc ĂȘtre quâun changement dâĂ©quilibre matĂ©riel entre les dits Ă©lĂ©ments, quel que soit le degrĂ© de subtilitĂ© quâon accorde Ă certains dâentre eux. Il ne sâagit toujours que de la matiĂšre en action sur de la matiĂšre, sous cette mĂȘme modalitĂ© qui constitue la forme du monde oĂč nous passons en tant que matĂ©riellement vivants. La vie et la matiĂšre, en tant que revĂȘtues dâautres Ă©tats – parfaitement inaccessibles aux investigations de la physico-chimie moderne – interviennent dans la dĂ©sintĂ©gration mĂ©tapsychique ci-dessus relatĂ©e, comme dans tout travail hermĂ©tique normal.
Non, cent fois non, la voie royale de lâhermĂ©tisme ne passe pas et ne passera jamais par les laboratoires de la science officielle, lucifĂ©rienne dans ses principes et dans son inspiration, comme aussi dans ses rĂ©sultats humains.
Et la possession de cette science extĂ©rieure, nâest pas faite pour favoriser lâaccĂšs du sanctuaire alchimique, au contraire. Notre ami regrettĂ© Auriger (qui joignait Ă ses connaissances hermĂ©tiques celles de lâingĂ©nieur-chimiste et Ă©tait donc bien placĂ© pour juger) nous Ă©crivait peu avant sa mort : « LâAlchimie est Ă©videmment sĆur de la mystique, il suffit de lire Jacob Böhme pour sâen convaincre, et câest dans ce sens que jâai rĂ©pondu ces jours-ci Ă votre ami N.., qui mâavait Ă©crit. Il sâexcusait presque dâignorer la chimie ; câest au contraire un atout dans son jeu et il ne risquera pas dâavoir lâesprit faussĂ© par les thĂ©ories modernes sur la constitution de la matiĂšre. La chimie, telle que nous la concevons Ă lâĂ©poque actuelle, peut sans doute jouer un rĂŽle utile en biologie et parfois en thĂ©rapeutique, mais quant au reste je lui dĂ©nie tout intĂ©rĂȘt. Son rĂŽle pendant lâaccomplissement du Grand-Ćuvre ne vaut guĂšre plus que celui de la chaisiĂšre pendant le Saint Sacrifice de la Messe ! Je crois que sa connaissance constitue plutĂŽt un obstacle Ă la perception claire des buts et des mĂ©thodes de lâalchimie. » Tout commentaire affaiblirait la portĂ©e de cette opinion particuliĂšrement autorisĂ©e.
V. – Simples aperçus sur le Grand Ćuvre
En rĂ©sumĂ©, dans lâĆuvre mĂ©tallique, lâartiste utilise comme agent – et câest par lĂ quâil se diffĂ©rencie le plus profondĂ©ment du chimiste – une Ă©nergie vivante et universelle quâil nâest pas utile de prĂ©ciser pour lâinstant. Comme substrat, il se sert dâune substance purifiĂ©e, ranimĂ©e par cette Ă©nergie universelle et portĂ©e progressivement par lui au degrĂ© requis pour opĂ©rer la transmutation ou rĂ©incruder le composĂ© humain.
Dans lâĆuvre spirituel, mĂȘme processus : purification, simplification, descente de lâEsprit (non plus universel ou cosmique mais divin). Ce qui constitue le vĂ©ritable et dĂ©finitif « baptĂȘme de feu » dont parlait St Jean-Baptiste et que le Verbe de Dieu peut seul confĂ©rer.
Non seulement la description de lâĆuvre physique sâadapte strictement aux phases de lâĆuvre spirituel, mais il est possible de tirer dâune description de lâĆuvre spirituel une adaptation parfaite Ă lâĆuvre physique (pourvu quâon ait de lâun ou de lâautre un peu plus quâune connaissance simplement livresque et superficielle).
La premiĂšre partie de lâApocalypse de Jean sâadresse « aux Sept Ăglises qui sont en Asie » et promettent au « vainqueur », entre autres rĂ©compenses, « les fruits de lâArbre de Vie », « la Manne cachĂ©e et le caillou blanc oĂč est Ă©crit un nom nouveau », « lâEtoile du Matin », etc., autant de symboles voilant des rĂ©alitĂ©s qui, pour ĂȘtre « spirituelles » nâen sont pas moins prĂ©cises et fort peu nuageuses.
Or, fait digne de mĂ©ditation, tout ceci a ses palpables correspondances dans lâAlchimie Ă©lĂ©mentaire, oĂč lâĆuvrant sâadresse « aux sept mĂ©taux qui sont en la terre » et oĂč le « vainqueur du dragon » doit aussi trouver successivement lâarbre de vie (qui pourrait ĂȘtre le Mercure des Sages), la manne cachĂ©e, lâĂ©toile du matin, et ainsi de suite.
Ceux qui sont familiarisĂ©s avec lâhermĂ©tisme comprendront parfaitement ce dont il sâagit et nous sauront grĂ© dâen remettre lâinterprĂ©tation Ă des temps meilleurs.
Quant aux autres, nous ne leur conseillons nullement de se livrer aux difficiles travaux de lâĆuvre, sâils ne se sentent intĂ©rieurement appelĂ©s. Câest ici le lieu de citer lâavertissement qui clĂŽt la lettre dâinvitation aux Noces chimiques, de Valentin Andreae :
Examine-toi toi-mĂȘme.
Si tu ne tâes pas purifiĂ© assidĂ»ment
Les Noces te feront dommage.
Malheur ĂĄ qui sâattarde lĂ -bas.
Que celui qui est trop lĂ©ger sâabstienne.
Avertissement qui rappelle, non fortuitement, lâĂ©pisode Ă©vangĂ©lique du convive qui nâavait pas revĂȘtu son habit de noces et qui est rejetĂ© « dans les tĂ©nĂšbres extĂ©rieures oĂč il y aura des pleurs et des grincements de dents » (17) (Matthieu XXII).
Tout ce qui peut ĂȘtre dit sur la partie matĂ©rielle de lâĆuvre lâa Ă©tĂ© par les vrais adeptes, aussi complĂštement que possible. Ils ont seulement rĂ©servĂ© ou dĂ©crit par Ă©nigmes lĂ©s travaux prĂ©paratoires, leur feu vivant et le nom de la matiĂšre brute dâoĂč proviendra la pierre des philosophes. Ceux qui se sentent lâinspiration de travailler dans cette voie doivent sâadresser Ă eux et non Ă nous. Il nous suffira de leur donner quelques conseils trĂšs simples ou plutĂŽt de les leur rappeler :
1° La vie minĂ©rale nâest pas une figure de rhĂ©torique ; le minĂ©ral a sa fleur, son fruit, son temps de maturitĂ©.
2° Les opĂ©rations alchimiques sont – matĂ©riellement – simples. Parfois dâautant plus simples que leur description se fait plus compliquĂ©e.
3° Les conditions de temps et de température jouent un rÎle capital. Comme les « vitamines » des aliments, les ferments métalliques se détruisent si la température dépasse le régime de cuisson requis.
4° Que lâinquisiteur de science se dĂ©fie des petites recettes, qui traĂźnent dans tant de bouquins : la Voie de lâUniversel est universelle. Ce nâest pas que de telles recettes soient sans enseignement, mais elles ne valent que rapportĂ©es Ă la recherche de la voie, comme sujets de rĂ©flexions sur la marche de la nature et le sens de ses opĂ©rations.
5° Comme le dit Jacob, lâartiste doit prĂ©parer lui-mĂȘme ses instruments de travail et purifier lui-mĂȘme – prĂ©cautionneusement – ses matiĂšres.
6° Une seule matiĂšre est la vraie matiĂšre. Une autre cependant est matiĂšre adjuvante. Câest lĂ le nĆud dâun problĂšme dĂ©licat Ă rĂ©soudre et impossible Ă Ă©luder.
7° Lâalchimiste nâest pas un magiste. Et le feu quâil emploie pour son Ćuvre nâest pas, malgrĂ© lâopinion de certains modernes, son propre « astral ». Câest cependant un feu « astral » si on lâenvisage Ă un certain point de vue. Rien dâalchimique ne se fait sans lui, rien de chimique ne se fait avec lui. ConnaĂźtre ce feu est aussi nĂ©cessaire avant de rien entreprendre que connaĂźtre ou soupçonner quelle est la matiĂšre.
8° Ne pas sâhypnotiser sur des questions de terminologie. Sous les Ă©tiquettes des termes de lâart se cachent des rĂ©alitĂ©s fixes. Si certains ont changĂ© les Ă©tiquettes, les rĂ©alitĂ©s quâils dĂ©signent sont toujours semblables Ă elles-mĂȘmes et câest leur connaissance qui importe. Dans sa RĂ©vĂ©lation alchimique, concise mais assez explicite, Jacob dit (§§ 15 et Ă6) : « Toutes choses ont trois principes : le soufre, le sel, le mercure des sages. Tous trois forment lâAzoth vivant qui est le quatriĂšme principe. Ces trois principes sont extraits de la matiĂšre premiĂšre par lâAzoth des Sages. Cet Azoth est attirĂ© des cieux par la glaise rouge, appelĂ©e Adama, lĂ oĂč la rosĂ©e est neutralisĂ©e par les vapeurs souterraines. » Câest un bel exemple de piĂšge terminologique ! Ăventer ce piĂšge porte en soi sa prĂ©cieuse rĂ©compense.
9° Il y a deux voies : la voie sĂšche ou voie abrĂ©gĂ©e, et la voie humide. La plus longue nâest pas moins riche en enseignements que la plus courte. La plupart des auteurs les mĂ©langent assez inextricablement.
10° Dans la vĂ©ritable Alchimie des Rose-Croix, un axiome doit ĂȘtre mĂ©ditĂ© soigneusement : « Le grand Arcane est un esprit cĂ©leste descendant du soleil, de la lune et des Ă©toiles, qui est rendu parfait dans lâobjet saturnin par une cuisson continuelle jusquâĂ ce quâil ait atteint le degrĂ© de sublimation et la puissance nĂ©cessaire pour transformer les mĂ©taux vils en or. Cette opĂ©ration sâaccomplit au moyen du feu hermĂ©tique. La sĂ©paration du subtil et du grossier doit se faire avec soin, en ajoutant continuellement de lâeau ; car plus les matĂ©riaux sont terrestres, plus ils doivent ĂȘtre diluĂ©s pour ĂȘtre rendus mobiles. Continuez ce procĂ©dĂ© jusquâĂ ce que lâĂąme sĂ©parĂ©e soit rĂ©unie de nouveau au corps. »
Tout le processus est donc de sĂ©parer et de rassembler : corporiser lâesprit et spiritualiser le corps, ce, lâun par lâautre. Et lâAlchimie spirituelle procĂšde de la mĂȘme mĂ©thode. Câest pourquoi JĂ©sus nous dit dâĂ©lever notre Ăąme vers Dieu par la priĂšre et de la rĂ©incorporer derechef par lâexercice de la charitĂ©, afin que nous devenions « un », comme il est « un » avec le PĂšre.
11° La thĂ©orie prĂ©cĂšde la pratique et lâaccompagne. La pratique ne supplĂ©e point Ă la thĂ©orie mais la dĂ©montre ou la condamne. Qui pratique sans une connaissance suffisante des principes et des mĂ©thodes risque fort de mourir dans la peau dâun souffleur. Lâanalyse spagyrique des mĂ©taux – comme par exemple la donne Roger Bacon – les notions essentielles de soufre, de sel, de mercure, de feu, et ainsi de suite doivent ĂȘtre Ă©tudiĂ©es et mĂ©ditĂ©es avec assiduitĂ©, jusquâĂ comprĂ©hension suffisante, avant tout travail vraiment utile.
12° Observez la nature !… Conseil souvent donnĂ© et rarement suivi. De mĂȘme que celui-ci qui lui est analogue : Lâart doit commencer son Ćuvre au point oĂč la nature laisse la sienne. IĂ faut donc ouvrir ses yeux et regarder autour de soi. La terre enseigne quelque chose. La voĂ»te Ă©toilĂ©e aussi… Quel bon alchimiste pourrait faire un jardinier intelligent et pieux !
13° Les herbiers nâapprennent rien. Les mĂ©taux morts non plus. Une mine, fut-elle abandonnĂ©e, vaut dix laboratoires ; une promenade en forĂȘt est parfois plus profitable Ă lâintellect et Ă lâĂąme que dix salles de musĂ©e. Il y a aussi une Alchimie esthĂ©tique : comment un beau clair de lune, une aurore rosĂ©euse profitent Ă lâesprit et au cerveau sont un grave sujet de mĂ©ditation !
14° LâĆuvre mĂ©tallique et les prĂ©parations spagyriques ont quelque analogie dans certaines opĂ©rations (en particulier dans le processus de la voie humide). Il y a toutefois des diffĂ©rences irrĂ©ductibles entre ces deux sortes de travaux. Celui qui sâexerce Ă comprendre et Ă manipuler spagyriquement, comme prĂ©face ou prĂ©paration Ă ses travaux sur les mĂ©taux nâa pas tort, mais Ă la condition de se souvenir que tirer la quintessence dâun mixte est chose diffĂ©rente de tirer lâElixir de la matiĂšre. Câest tout au plus une moitiĂ© de lâĆuvre.
15° Evitez-vous des complications superflues et des dangers possibles en laissant au mercure vulgaire son emploi le plus utile, qui est, sans conteste, de remplir la boule des thermomÚtres.
16° Travailler sur le vrai sujet et de la juste façon entraĂźne Ă un certain moment des dangers signalĂ©s, plus ou moins ouvertement, par les auteurs sĂ©rieux. Sachez que les connaissances les plus Ă©tendues en chimie ordinaire ne vous permettent pas de les prĂ©voir et dây parer. Fiez-vous plutĂŽt Ă lâaide et Ă lâinspiration du Ciel : Orare et Laborare !
17° Etudiez les vieux auteurs et nâacceptez pas sans rĂ©serve les propos des spagyristes des dix-septiĂšme et dix-huitiĂšme siĂšcles. Lisez et relisez sans dĂ©couragement et avec simplicitĂ©. NâĂ©tudiez pas un hermĂ©tiste mĂ©diĂ©val avec une mentalitĂ© de scientiste du vingtiĂšme siĂšcle. Souvenez-vous parfois quâon peut ĂȘtre dâautant plus hyperbolique quâon serre de plus prĂ©s la rĂ©alitĂ© opĂ©ratoire.
18° NĂ©gligez les fantaisies des occultistes modernes : Ni « lâĂ©lectricitĂ© magnĂ©tisĂ©e» dâEliphas LĂ©vi, ni la « pile Ă©lectrique » de Stanislas de Guaita, ni la « VolontĂ© du Mage » de Jollivet-Castelot premiĂšre maniĂšre, ne provoqueront jamais la moindre transmutation alchimique.
19° Les grandes Ă©poques de foi – et dâart – furent les Ă©poques bĂ©nies de lâAlchimie. Les Ă©poques de scepticisme marquĂšrent son dĂ©clin. Ătre alchimiste, câest avoir la foi !
20° La Voie est Ă©troite qui mĂšne Ă la Vie ; Ă©troite et pierreuse. Les chemins spacieux et faciles ne manquent pas pour ceux qui craignent de se blesser les pieds ou qui rĂȘvent de faire fortune rapidement !… Le corps a faim de repos ; lâĂąme a soif dâĂ©preuves. Nul nâa jamais cueilli la « rose des neiges » sans se blesser dâabord Ă ses Ă©pines. Comme les dĂ©buts de lâĆuvre physique, les dĂ©buts de lâĆuvre spirituel sont « travaux dâHercule », mais, comme son Mercure, lâalchimiste acquiert des forces en marchant.
21° Qui veut la LumiĂšre, doit la demander dâabord Ă Dieu, le PĂšre des LumiĂšres. Qui veut parcourir la voie doit suivre Celui qui est La Voie. Vivre selon la vĂ©ritĂ© quâon connaĂźt, câest faire descendre en soi un peu de la vĂ©ritĂ© quâon ignore.
22° Que lâEsprit divin sâincarne dans les doubles eaux pour les glorifier, voilĂ tout le programme de lâĆuvre : Ignis et Azoth tibi sufficiunt, disent les Adeptes. Trouve dâabord en toi cette eau, dĂ©gage-la des superfluitĂ©s et des tĂ©nĂšbres infernales, câest lĂ le travail prĂ©paratoire du vĂ©ritable Grand-Ćuvre. Quand cette purification qui tâincombe sera terminĂ©e, lâEsprit descendra. Mais ceci ne tâincombe pas. Câest Dieu qui choisira son heure. Tel est le vrai Grand-Ćuvre, par lequel ton nom sera Ă©crit dans le Livre de Vie. Lâautre, le Grand-Ćuvre physique, te sera donnĂ© par surcroĂźt.
Les quelques remarques qui prĂ©cĂšdent pourront, croyons-nous, rendre de menus services Ă ceux qui se croiraient « appelĂ©s ». Il ne dĂ©pend que de Dieu et dâeux quâils soient un jour « Ă©lus ». Nous nâavons pas voulu faire de ces quelques pages un « cours dâHermĂ©tisme ».
Nous espĂ©rons avoir montrĂ© ce quâest lâAlchimie vĂ©ritable, dĂ©gagĂ©e de ses contrefaçons.
Au lecteur de juger si nous nâavons pas Ă©tĂ© trop prĂ©somptueux.
Plus sur le sujet :
Qu’est ce que l’alchimie ? AndrĂ© Savoret, 1947.
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Notes :
1. « M. Jollivet-Castelot dont jâadmire la persĂ©vĂ©rance …, me permettra sans doute une remarque sur le qualificatif dâalchimiques quâil donne Ă ses expĂ©riences : … Par les matĂ©riaux mis en oeuvre et les procĂšdes employĂ©s, elles ressortissent au domaine de la chimie pure et simple. Si elles Ă©taient alchimiques au vrai sens du mot, il nây aurait point, au moins Ă ma connaissance, de professeur en Sorbonne, quelle que soit son Ă©rudition, capable de les contrĂŽler. Dâailleurs M. Jollivet Castelot rĂ©clame uniquement le contrĂŽle des chimistes, câest donc que les transmutations quâil affirme obtenir sont effectuĂ©es par voie chimique sans plus.» Auriger, « lâAlchimie devant la Science » (Revue Le Voile dâIsis, n° 84, 1926).
2. « La vraie science royale et sacerdotale est la science de la rĂ©gĂ©nĂ©ration, ou la science de la rĂ©union de lâhomme tombĂ© avec Dieu. » DâEckhartshausen (NuĂ©e sur le Sanctuaire).
3. « Il nây a pas de diffĂ©rence entre la naissance Ă©ternelle, la rĂ©intĂ©gration et la dĂ©couverte de la Pierre philosophale. Tout Ă©tant sorti de lâĂ©ternitĂ©, tout doit y retourner dâune mĂȘme façon. » Jacob Böhme (De Signatura Rerum).
4. « En traitant du Soufre, du Mercure et du Sel, je nâentends parler que dâune chose unique, spirituelle ou corporelle; toutes les crĂ©atures sont cette chose unique ; mais les propriĂ©tĂ©s la diffĂ©rencient. Quand je parle dâun homme, dâun animal, dâune plante ou dâun ĂȘtre quelconque, tout cela est la mĂȘme chose unique. Tout ce qui est corporel est une mĂȘme essence, plantes, arbres et animaux; mais chacun diffĂšre selon quâau commencement le Verbe fiat y a imprimĂ© une qualitĂ©. » J. Böhme (De Signatura).
5. Toute la Table dâEmeraude est bien, ainsi quâil y est Ă©crit, la base de la doctrine de lâunitĂ©, des analogies universelles et des correspondances entre toutes les parties de la crĂ©ation, comme entre la crĂ©ation et le CrĂ©ateur, entre lâĆuvrant et son oeuvre. Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, comme le chercheur sagace doit le constater en portant ses regards des choses terrestres sur les cĂ©lestes et vice versa. (Nâest-ce pas ainsi que le Sage Fo-Hi est dit avoir crĂ©Ă© les caractĂšres sacrĂ©s?) Sâil sait sĂ©parer le subtil de lâĂ©pais, contempler spirituellement les choses spirituelles et observer physiquement les choses matĂ©rielles, « avec dĂ©licatesse et prudence», il dĂ©couvrira, en lui et hors lui, le Soleil et la Lune hermĂ©tiques, Aourim et Thumim, et la terre vierge qui est leur matrice.
6. « Tu es la matiĂšre mĂȘme du Grand-Ćuvre »… «La noblesse de lâĆuvre requiert la noblesse de lâoeuvrant»… Grillot de Givry (Le Grand-Ćuvre).
7. « Un mort nâen rĂ©veille point un autre. il faut que lâArtiste vive, sâil veut dire Ă la Montagne: LĂšve-toi et te jette dans la mer. » Böhme (De Signatura).
8. « Jâavertis le chercheur, sâil veut prendre soin de son salut temporel et Ă©ternel, de ne pas se mettre dans le chemin du procĂ©dĂ© terrestre avant de sâĂȘtre tout dâabord dĂ©barrassĂ© de la malĂ©diction de la mort par le Mercure divin… autrement ses travaux seront vains et sa science inutile. » Böhme (I cit.).
« Lâalchimie ne peut ĂȘtre pratiquĂ©e sans danger que par ceux qui sont protĂ©gĂ©s par la Puissance divine et que Dieu autorise Ă se servir de la pierre philosophale. Les autres en deviennent fous ou malheureux. » Jacob (RĂ©vĂ©lation alchimique).
9. «Vous qui aspirez Ă lâaccomplissement du grand oeuvre, soyez grands et simples comme ElisĂ©e. Ce que vous voulez, câest une royautĂ© et non un brigandage. Vous devez quĂ©rir et non usurper la richesse. » Asch Mezareph.
10. « Le but du sage est de faire servir les avantages quâil acquiert et lâinfluence quâil exerce sur les autres hommes Ă les gagner Ă JĂ©sus-Christ leur RĂ©dempteur, et Ă les rendre heureux. Câest lĂ le vrai grand oeuvre Ă©ternel. » Jacob (I. cit.).
11. « Il doit toujours y avoir Ă la porte du laboratoire une sentinelle armĂ©e dâun glaive flamboyant pour examiner tous les visiteurs et renvoyer ceux qui ne sont pas dignes dâĂȘtre admis. » Madathanus.
12. Lâaspect spĂ©cial du Verbe pour les traditions autres que chrĂ©tienne engendre la Voie spĂ©ciale qui convient Ă chacune et non aux autres. Le plus court chemin – sauf cas extraordinaires – est toujours celui de la tradition ancestrale. En matiĂšre initiatique, le « dĂ©racinement », le changement de Voie est toujours pĂ©rilleux et rarement profitable. Quant au syncrĂ©tisme, sâil est un amusement de thĂ©oricien, il est initiatiquement ou impossible ou catastrophique.
13. Voir lâadmirable petit poĂšme de lâHortulus Sacer, « LâAmour chasseur ».
14. LâĆuvre mĂ©tallique fait partie de ce que les Rose-Croix nomment le Parergon ou oeuvre secondaire. Quoiquâils nâaient pas indiquĂ© nommĂ©ment quel Ă©tait leur oeuvre principal ou Ergon, tout porte Ă croire quâil sâagit de lâĆuvre du PhĂ©nix ou de la rĂ©gĂ©nĂ©ration intĂ©rieure que Fludd, un de leurs porte-parole probables, exprime ainsi: «A celui qui possĂ©dera le Verbe profĂ©rĂ© de la nue, et sâunira Ă lâEsprit rutilant de splendeur divine appartiendra la destinĂ©e de MoĂŻse ou dâElie». Ajoutons que câest aussi celle dâHĂ©noch, que câest Ă HĂ©noch que remonterait la tradition rosicrucienne, et que, dans ce cas, il sâidentifierait spirituellement Ă Elias Artista, gĂ©nie protecteur des Rose-Croix.
15. « Dans notre sang, il y a une matiĂšre gluante (appelĂ©e gluten) cachĂ©e, qui est … la matiĂšre du pĂ©chĂ©… » « La RĂ©gĂ©nĂ©ration nâest autre chose quâune dissolution et quâun dĂ©gagement de cette matiĂšre impure et corruptible, qui tient liĂ© notre ĂȘtre immortel et qui tient plongĂ©e en un sommeil de mort la vie des forces actives opprimĂ©es… » « La renaissance est triple : premiĂšrement la renaissance de notre raison ; deuxiĂšmement, celle de notre cĆur ou de notre volontĂ©. Et enfin la renaissance de tout notre ĂȘtre. La premiĂšre et la seconde sont appelĂ©es la renaissance spirituelle ; et la troisiĂšme la renaissance corporelle. Beaucoup dâhommes pieux et qui cherchaient Dieu ont Ă©tĂ© rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s dans lâesprit et la volontĂ© ; mais peu ont connu la renaissance corporelle. » DâEckhartshausen (NuĂ©e).
16. «Quand nous parlons dâun atome, nous avons en vue, selon le but que nous nous proposons, tantĂŽt le systĂšme planĂ©taire de Bohr, tantĂŽt lâatome matriciel de Heisenberg ; nous savons que câest celui-ci qui rĂ©pond le mieux au comportement prĂ©vu de ce que nous avons baptisĂ© atome, mais nous serions vraiment dâune candeur incurable si nous nous figurions que ce dernier nâest effectivement rien dâautre quâun tableau de nombres. DerriĂšre ce tableau de nombres, il y a quelque chose, de mĂȘme quâil y a quelque chose derriĂšre lâonde-corpuscule de Louis de Broglie. Câest ce quelque chose que nous appelons rĂ©alitĂ©. Que peut bien ĂȘtre cette rĂ©alitĂ© ? Comment pouvons-nous imaginer un atome en tant que gondolement local de lâespace ?…
Nous savions dĂ©jĂ que les objets que nous manions journellement… nâĂ©taient que des agglomĂ©rations de particules dont les mouvements rapides Ă©taient dĂ©crits au mieux par le mathĂ©maticien. Nous devons maintenant accomplir un dernier pas et nous avouer que cette peinture mathĂ©matique elle-mĂȘme nâest quâune image plus ou moins fidĂšle de lâinconnaissable rĂ©alitĂ©.
« Oui, nos sept constantes, et ces groupes, et ces matrices, et tout ce vaste arsenal dont nous avons Ă©talĂ© ici une Ă une les piĂšces compliquĂ©es, ne sont que des ombres de quelque chose qui est au-delĂ de nous et hors de notre comprĂ©hension, parce quâil est hors de notre espace et de notre temps. » Pierre Rousseau (La conquĂȘte de la Science, pp. 338-339).
17. Toute cette parabole peut sâinterprĂ©ter alchimiquement, tant au physique quâau spirituel.