Qu’advienne le règne d’Élie Artiste !

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Qu’advienne le règne d’Élie Artiste ! Par Melmothia.

 « Voici, je vous enverrai Élie, le prophète, avant que le jour de l’Éternel arrive, Ce jour grand et redoutable » – Livre de Malachie, 4.

Personnage messianique appelé à instaurer un âge d’or des sciences dans les œuvres de Paracelse, Elias Artista, également connu sous ses déclinaisons Élie Artiste, Elias Athirsata, Elisha, Helia, Heliseus, Elias Artifex, Helios, etc., fut réinvesti diversement par les auteurs des générations suivantes, jusqu’à sa récupération par la Rose+Croix dont il devint une figure tutélaire.

Elias, Reparator Omnium

La première mention de notre héros se trouve chez Paracelse, mais l’historien Walter Pagel pense qu’il convient de remonter au Moyen Âge pour trouver l’origine d’un mythe qui selon lui : « est étroitement lié à une solide tradition médiévale relative aux activités de l’ordre franciscain, en premier lieu à Frère Élie de Cortone, compagnon et successeur de saint François. Lorsque celui-ci fut déposé en 1239, il dut faire face, entre autres, à l’accusation d’avoir pratiqué l’alchimie. Des traités alchimiques, très probablement apocryphes, lui furent donc attribués. Arnaud de Villeneuve est également connu pour ses liens intimes avec les théologiens franciscains et des adeptes de conceptions millénaristes et joachimites, y compris les béguines en France. Lui aussi est devenu un grand nom de l’Alchimie » [1].

Chez Paracelse et Gérard Dorn, son disciple et traducteur en latin qui s’est permis quelques ajouts, Elias Artista est présenté comme un prophète dont le règne est destiné à inaugurer une nouvelle ère de connaissance et de justice.

Ne lisant pas l’allemand, nous avons dû limiter nos recherches aux versions latine et anglaise de ces œuvres. On peut ainsi lire, dans La teinture des Physiciens, chapitre 4 : « Il y a plusieurs arcanes permettant de transmuter ; peu de personnes les connaissent : car, lorsque Dieu veut bien les enseigner à quelqu’un, celui-ci ne doit pas aussitôt les répandre partout, il doit les tenir cachés jusqu’à l’arrivée d’Hélias Artiste (usque adventum Heliae Artistae), jour où tout ce qui est caché apparaîtra. Vous verrez de vos propres yeux la merveilleuse Teinture de pierres dans le feu du soufre ».

Et, dans le Traité des Minéraux, chapitre 16 : « Dieu laisse connaître aux hommes les informations de valeur moindre, mais la plus importante est gardée occulte jusqu’au temps de la Connaissance et la venue d’Elias. Ces arts ne sont rien sans leur Elias ».

Dans sa principale œuvre métaphysique, la Philosophia sagax, Elias / Heliseus domine déjà la scène comme un mage susceptible de faire advenir des événements surnaturels. Ailleurs, sans citer nommément le personnage, Paracelse évoque un âge d’or à venir durant lequel l’être humain ne vivra plus comme une bête, mais se consacrera à l’étude du « grand secret de la nature ».

Le mythe est clairement millénariste et progressiste : l’avènement du prophète marquera à la fois le triomphe des sciences et celui des pauvres et des humbles sur les puissants : « Helias sert ici la vision optimiste d’un avenir messianique durant lequel l’adepte philosophe accomplira des exploits qui ne sont pas encore à la portée des humains. Ces prouesses seront liées à la transmutation. Ailleurs, dans un contexte plus métaphysique, la transmutation du fer en cuivre est présentée comme étant une œuvre de « magie céleste », comme la transformation de l’homme en loup, du saphir en diamant et d’autres métamorphoses. Elle est associée au pouvoir de devenir invisible, à la transfiguration du Christ et donc considérée comme « céleste » [2].

L’une des influences de Paracelse est très probablement le théologien Joachim de Flore, connu pour sa lecture eschatologique de l’histoire et source d’inspiration de l’ordre franciscain. Dans ses œuvres, le célèbre moine calabrais évoque trois grandes ères, subdivisées en différents âges et correspondant à trois règnes : celui du Père, du Fils puis du Saint-Esprit, à trois états de l’humanité et à trois sortes d’écritures divines : l’Ancien Testament, le Nouveau et l’Évangile à venir. La troisième ère, inaugurée par l’Apocalypse, marquera le couronnement de la destinée humaine et la révélation de l’Évangile éternel :

« Le moine bénédictin Joachim de Flore donne ses lettres de noblesse au millénarisme. On a dit de ses prédictions qu’elles constituaient le système prophétique le plus influent que l’Occident ait connu avant Marx. Fervent lecteur de l’Apocalypse, Joachim eut une vision telle que, non seulement il mieux le passé de l’humanité, mais s’estima en mesure de prédire son avenir. Le paradis se trouvait au terme de cet avenir, et non plus hors du temps, dans une autre dimension. Dans sa marche vers ce paradis, l’humanité devait franchir trois stades correspondant aux trois personnes de la trinité […]. Joachim croyait que l’humanité était déjà entrée dans le troisième stade et il situait la fin du monde, c’est-à-dire l’entrée dans le millénaire bienheureux, en l’an 1260. À ses yeux, le développement des arts mécaniques était un excellent moyen de préparer l’humanité aux lendemains qui chantent » [3].

Chez des auteurs ultérieurs, Elias Artista sera qualifié de «  reparator omnium » : le réparateur de toute chose.

Le prophète Élie

Si le terme « artista » désigne au 14e siècle « celui qui pratique un métier, un artisan » (il ne prendra son sens moderne qu’au 18e siècle), le nom « Elias » fait directement référence au prophète biblique. Celui-ci apparaît d’ailleurs dans plusieurs textes de Paracelse, parfois orthographié « Hélias ». Il est également question du prophète Élie dans L’Aurore des Philosophes où il est dit qu’il « pratiquait l’art kabbalistique ».

Parmi les prophètes bibliques, Élie occupe une place à part : après avoir accompli des prodiges contre les adorateurs du dieu Baal, enlevé vivant au ciel dans un char de feu, il échappe donc à la fatalité de la mort et, d’après le Livre de Malachie, il est censé revenir avant le jugement dernier : « Voici, je vous enverrai Élie, le prophète, avant que le jour de l’Éternel arrive ».

« Elias » est proche du nom grec du Soleil, Hélios. Et son ascension au Paradis se déroule sur un char de feu, semblable à la Merkavah, ce qui favorise encore le rapprochement.

La tradition juive, qui lui octroie des pouvoirs et des connaissances supérieures (certains le donnent comme le père de la kabbale), attend toujours son retour. Lors de la fête juive de la Pâque, un siège inoccupé est réservé au prophète, attendu comme précurseur immédiat du Messie.

Dans le Nouveau Testament, Élie sera parfois assimilé à Jean Baptiste. On peut ainsi lire dans Matthieu 17 : « Il est vrai qu’Élie doit venir et qu’alors il rétablira toutes choses. Mais Je vous déclare qu’Élie est déjà venu et qu’ils ne l’ont pas reconnu ».

Dans son célèbre ouvrage sur les R+C, Sédir reprendra la comparaison : « Il n’est pas la Lumière ; mais, comme saint Jean-Baptiste, sa mission est de rendre témoignage à la Lumière de gloire, qui doit rayonner d’un nouveau ciel sur une terre rajeunie. Qu’il se manifeste par des conseils de force et qu’il déblaie la pyramide des saintes traditions, défigurée par ces couches hétéroclites de détritus et de plâtras que vingt siècles ont accumulées sur elle ! Et qu’enfin, par lui, les voies soient ouvertes à l’avènement du Christ glorieux, dans le nimbe majeur de qui s’évanouira – son œuvre étant accomplie – le précurseur des temps à venir, l’expression humaine du saint Paraclet, le daïmon de la science et de la liberté, de la sagesse et de la justice intégrales : Élie Artiste ! » [4].

L’une des inspirations de Paracelse pourrait être le cabaliste chrétien Pic de la Mirandole qui associe dans son interprétation de la Genèse (l’Heptaple) le nom d’Elias à l’accomplissement des temps, mais plus largement : « La croyance voulant qu’Élie revienne avant le second avènement du messie semble faire consensus dans le Nouveau Testament et Jésus lui-même la valide. Dans le texte apocryphe L’Apocalypse d’Élie, il est annoncé qu’Élie et Enoch combattront l’antéchrist, durant les derniers jours. L’Apocalypse de Jean, acceptée comme canonique, évoque simplement deux guerriers sans les nommer, mais une tradition, remontant aux Pères de l’Église, les identifie comme étant Élie et Enoch. Bien que la popularité et l’importance du prophète Élie dans le christianisme ait été sujet à de grandes fluctuations, le caractère apocalyptique de la figure d’Élie conserve son importance symbolique durant tout le Moyen Âge. L’influence de cette tradition est également très importante dans le folklore et les superstitions allemandes » [5].

Ascension du prophète Élie. Icône bulgare, 18e siècle.

Salia Artis

Par la suite, plusieurs disciples et continuateurs de Paracelse vont rebondir sur le personnage. On trouve ainsi la mention « Hélias qui doit venir » chez Basile Valentin et Alexander von Suchten. Certains ont même prétendu être eux-mêmes ce prophète de la nouvelle ère – c’est le cas, par exemple de Guillaume Postel ou Francis Bacon.

Walter Pagel développe le cas de l’allemand Johann Rudolph Glauber (1604 -1670) dont le traité De Elia Artista stipule que le prophète est destiné à sortir de l’oubli la véritable médecine spagyrique des philosophes de l’Égypte antique, à laquelle viendront s’ajouter de nouvelles inventions, qu’il réformera la médecine, apportera de grands bouleversements dans le monde et sera couronné roi – mais sa monarchie sera différente de tout ce que le monde a connu, précise Glauber. Selon lui, le nom d’Elias doit être lu à l’envers : Salia ou Artis Salia, c’est-à-dire le sel de l’art, assimilé par Paracelse au vitriol. Dans le traité Miraculum Mundi, Elias Artista est assimilé au « Sal Artis Mirificum », la « plus haute médecine parmi les plantes, animaux et minéraux », et l’on peut y lire :

« ELIAS AR TISTA, connu de peu,

Et ART IS SALIA, vanté par beaucoup ».

Ailleurs, Glauber assimilera ce sel de l’art à sa propre découverte : le sulfate de sodium, également connu sous le nom : sel de Glauber. Et il ne sera pas le dernier à couverture, car le personnage va gagner de plus en plus en prestige. Il faut dire que l’attente du prophète promis par Paracelse s’est intensifiée après 1604, l’année de l’apparition de la « Nouvelle Étoile » (la supernova de Kepler) qui fut parfois interprétée comme annonçant la naissance du nouveau Messie.

Les allusions à Elias Artista, avec ses connotations magiques et messianiques vont devenir monnaie courante à partir 17e siècle. Dans les traces de Paracelse, l’alchimiste Jean-Baptiste Van Helmont se présentera comme un précurseur du prophète dont il affirme la venue prochaine et auquel il fera de nombreuses allusions dans ses œuvres et dans le traité Vitulus Aureus, paru en 1667, Johann Friedrich Schweitzer, plus connu sous le nom de John Frederick Helvetius rapporte avoir fait la rencontre d’un mystérieux inconnu en possession de la Pierre Philosophale. Son visiteur est bien entendu Elias Artista : « Les conversations que j’ai eues avec Elias Arista sur la nature de cette pierre, dont la splendeur (plus resplendissante que l’aube, plus brillante qu’une escarboucle, plus lumineuse que le soleil ou l’or) n’ont pas encore disparu de mon esprit. Je n’ai que mépris pour les railleries et l’ignorance des insensés. Leur bavardage éphémère sera bientôt emporté par la rivière de l’oubli ; mais notre art triomphant, reposant sur un socle de diamant et la vérité divine elle-même, se maintient inébranlable à travers les âges ».

De nombreux autres exemples pourraient être relevés. Parallèlement, la figure devient une métaphore pour désigner l’alchimie en général, le Grand Œuvre ou tout principe alchimique censé permettre de créer la Pierre Philosophale.

L’Ange des Rose+Croix

Là-dessus arrivent les premiers manifestes Rose+Croix. Si Elias Artista n’est pas nommément cité dans ces textes, ce n’est pas le cas de son créateur. Ainsi que le souligne Roland Edighoffer : « Il est intéressant d’observer que parmi ces promoteurs d’une nouvelle réformation, un seul nom est cité dans la Fama Fraternitatis et évoqué de façon cryptée dans les Noces chymiques de Christian Rosenkreutz : c’est celui de Paracelse » [6].

L’influence du fameux alchimiste semble en effet majeure dans les traités. On y trouve par exemple, le même rejet des « livres de papiers » selon ce principe que « le seul livre valable est le livre de la nature ». La Fama Fraternitatis repousse tout « ce qui ressemble à un codex ». Et dans la Confessio Fraternitatis, on peut lire : « il existe peu de gens capables de lire et de comprendre le grand livre de la nature, bien qu’il soit ouvert aux yeux de tous ».

Déchiffrer ce Liber Mundi signifie savoir identifier les « signatures » révélant la nature occulte des objets du monde, l’empreinte de Dieu dans le monde ou, comme l’écrit le même commentateur « détecter l’invisible à travers le visible » :

« De même que dans chaque pépin se trouve un arbre ou un fruit tout entier, de même le grand monde, dans sa totalité, est recelé dans la petitesse de l’homme : la religion, la politique, la santé, les membres, la nature, la langue, les paroles et les œuvres de ce microcosme vibrent en accord tonal et mélodique avec Dieu, avec le ciel et avec la terre. » (Fama Fraternitatis).

« Ne serait-ce pas une chose précieuse de pouvoir lire, comprendre et conserver en un seul livre tout ce qui a été découvert, tout ce qui le sera et ce qui pourra jamais l’être dans l’ensemble des livres qui ont jamais existé, qui existent encore et qui paraîtront dans l’avenir ? » (Confession Fraternitatis)

Se retrouve également la lecture eschatologique de l’histoire, héritée de Joachim de Flore : « L’histoire des hommes est, selon Paracelse, « temps et mûrissement de la Parole divine », et dans le Commentaire des dix commandements, il voit, comme Joachim de Flore, succéder à l’âge du Père et à celui du Fils le royaume de l’Esprit Saint. Rappelons que dans la Fama Fraternitatis, l’histoire est une succession de cycles, que les Frères de la Rose-Croix annoncent « le suprême et ultime âge du monde » et […] que la Confessio Fraternitatis parle de l’achèvement d’un cycle du monde » [7].

À cela s’ajoute un contexte historique de crise religieuse et politique portant aux prophéties apocalyptiques : « Tel est bien l’esprit dans lequel Adam Haselmayr a rédigé sa Réponse aux Rose-Croix de 1612, commente Roland Edighoffer, selon lui, la fin des temps est toute proche. En 1613 apparaîtront les juges de ce monde – ce sera le Tempus judicum -, et le grand jugement, Judicium, aura lieu en 1614. C’est pourquoi il attend la venue du nouvel Élie, Elias Artista »[8].

L’absence de référence directe au prophète dans les traités sera très vite comblée sous la plume du premier commentateur de la Fama Fraternitatis. Dès 1612, Adam Haselmayr publie une Réponse à la louable Fraternité des théosophes de la Rose-Croix, qui sera reprise dans la première édition de la Fama Fraternitatis, en 1614. On peut y lire : « Ainsi nous pressentons et nous concluons que vous êtes ceux que Dieu a choisis, ceux qui étaient appelés à développer l’éternelle vérité théophrastienne et divine, réservée jusqu’ici de façon mystérieuse, sans doute dans l’attente du moment où il s’agira d’être attentif à la venue d’Élie Artiste dont il a été prophétisé ».

De son côté, Gabriel Naudé, dans son Instruction à la France sur la vérité de l’histoire des Frères de la Rose-Croix (1623) identifiera Paracelse comme étant «  la pierre fondamentale de toute cette Congrégation ».

Nombreux sont ceux qui, dans la foulée, tiendront la fraternité rosicrucienne comme étant elle-même le nouvel Élie annoncé. C’est le cas, par exemple, d’Adam Bruxius qui fait paraître un Helias Tertius (troisième Élie) en 1616 dans lequel il déclare aux Frères Rose+Croix : « Je vous tiens pour le troisième Élie ». Et l’alchimiste Robert Child écrira dans une lettre : « Certains disent (et ils sont bien renseignés) que Helia Artista est né. J’ai vu à ce propos des lettres émanant des Frères de la R+C, qu’un savant Dr. a reçues, mais il [Helia Artista] n’est pas de notre nation ».

Ainsi que le souligne Antoine Faivre : « Au cours de ces décennies le nom d’Élie Artiste sert souvent à désigner non pas un personnage, mais plutôt un ensemble de philosophes et de savants dont on pense qu’ils œuvrent en vue d’une rénovation spirituelle, religieuse, scientifique ».

La postérité

Après un bon siècle d’absence, Elias Artista refait son apparition à la fin du 19e siècle, dans la littérature occultiste. Arthur Edward Waite l’évoque à plusieurs reprises, dans son étude sur les Rose-Croix, parue en 1887, puis dans sa Nouvelle Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie (1921) : « Nous ne pouvons que comprendre trop bien les Fils d’Hermès dans l’attente de leur Elias. Nous aussi, en Maçonnerie, nous attendons un Maître de l’Art Royal […] Rien n’est davantage certain que notre besoin de l’Élie Artiste ».

Dans la version corrigée et augmentée de son ouvrage Au seuil du mystère, Guaïta émaille son commentaire de la préface de Zanoni d’allusions à Elias Artista. On peut notamment y lire : « Elias Artista ! Génie recteur des Rose-Croix, personnification symbolique de l’Ordre, ambassadeur du saint Paraclet ! Paracelse le Grand prédit ta venue, ô Souffle collectif des généreuses revendications, Esprit de liberté, de science et d’amour qui doit régénérer le monde ! ».

Yvon Leloup plus connu sous le pseudonyme de Sédir, citera in extenso les commentaires de Guaïta, qu’il enrichit des siens, pour son Histoire des Rose-Croix, parue en 1910. Le succès de l’ouvrage va asseoir définitivement la postérité moderne du personnage.

À son tour, Victor-Émile Michelet désigne les Rose+Croix par la périphrase « les inspirés d’Élie Artiste ». Pour Antoine Rougier, Élie Artiste est « l’invisible inspirateur des R+C, le génie tutélaire dont le geste fait fleurir la rose au bras de la croix ».

À noter qu’entre temps, Elias Artista est allé décorer la boutonnière d’Aleister Crowley qui n’en est plus à un avatar près : « Et quant à moi, je tiens que la prophétie est maintenant accomplie, écrit J. F. C. Fuller. Aleister Crowley est l’artiste Elias, l’être merveilleux à qui Dieu a permis de faire une découverte de la plus haute importance… dans la lumière éblouissante et éclatante de laquelle il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert » [9].

Athirsata 

Même s’il va d’évidence qu’il n’y a aucun mystère dans l’expression « Élie des Artistes », de nombreuses étymologies ont été proposées. Le terme a notamment été rapproché d’Hélios, l’iconographie de la Renaissance représentant souvent le prophète Élie à la mode antique, c’est-à-dire sur le char du Soleil, la métaphore du prophète venu « éclairer » le monde est par conséquent inévitable.

Plus récemment, certains ont voulu y reconnaître un terme biblique : « Athirsata » ou « Athersata », un terme araméen dont le sens pourrait être « prêtre » ou « sage » et que l’on peut trouver, à condition de bien chercher, dans le premier et le second Livre d’Esdras. Pourquoi rattacher ce terme à Elias Artista ? Eh bien si on le prononce en tournant la tête et en éternuant, l’homophonie va de soi. Athirsata a notamment été utilisé comme nom de charge dans la franc-maçonnerie. Son emploi dans ce contexte est discuté dans un exposé rédigé, en 1951, par Georges-Henri Luquet :

« Le mot Athirsata (ou Athersata) se trouve dans la Bible, au premier livre d’Esdras, et dans Néhémie […]. Athirsata est le nom d’une dignité ou fonction de Néhémie. Sur la nature exacte de cet office, les commentateurs restent quelque peu dans le vague. Ils semblent toutefois d’accord pour penser qu’Athirsata n’est pas un mot hébreu, et par suite il est difficile d’en trouver l’étymologie hébraïque […].

La plus ancienne mention que je connaisse du titre de Président d’un Chapitre de Rose-Croix se trouve dans un Rituel de Rose-Croix du Grand Chapitre général de France. Ce Rituel daté du 14 août 1788, est la copie collationnée d’un Rituel plus ancien. Dans ce Rituel, le Président du Chapitre est appelé Très Sage […]. Dans le Rituel de Rose-Croix du Régulateur, le Président d’un Chapitre est appelé Très Sage ou Très Sage et Parfait Maître, et jamais Athirsata. II en est de même dans tous les Rituels officiels du Grand Orient que j’ai pu consulter […]. En résumé, l’expression complexe Très Sage Athirsata n’est jamais employée dans les Rituels du Grand Orient de France et ne s’est introduite dans ceux du Suprême Conseil de France qu’assez récemment et graduellement. À mon avis (opinion personnelle, qui n’engage en aucune mesure le Grand Collège des Rites), ses Chapitres n’ont aucun intérêt à ajouter au litre traditionnel : Très Sage et Parfait Maître le qualificatif Athirsata, dont même les hébraïsants n’arrivent pas à donner une traduction précise. »

Plus sur le sujet :

Qu’advienne le règne d’Élie Artiste ! par Melmothia, 2014.

Bibliographie

  • « The Paracelsian Elias Artista and the Alchemical Tradition », Walter Pagel, Religion and Neoplatonism in Renaissance Medicine, Varioru, 1985.
  • « Élie Artiste, ou le messie des philosophes de la nature » 1 & 2e partie, Antoine Faivre, Aries 2003 & 2004.
  • Lucien Braun, « Paracelse aujourd’hui. Le lire encore ? », Aries n° 19 : Paracelse et les Siens, Actes du colloque des 15 et 16 décembre 1994 à la Sorbonne, La table d’Émeraude.
  • Herbert Breger, « Elias Artista : A Precursor of the Messiah in Natural Science », Nineteen Eighty-Four : Science Between Utopia and Dystopia, Editions Everett Mendelsohn & Helga Nowotny, 1984.
  • « Les Rose-Croix et Paracelse », Roland Edighoffer, Aries n° 19, 1998.

Notes :

[1] « The Paracelsian Elias Artista and the Alchemical Tradition », Walter Pagel, Religion and Neoplatonism in Renaissance Medicine, Varioru, 1985.

[2] Walter Pagel, Ibid.

[3] Jacques Dufresne, Après l’homme, le cyborg ? Multimonde, 1999.

[4] Histoire Des Rose-Croix, Sédir, 1973.

[5] Herbert Breger, « Elias Artista : A Precursor of the Messiah in Natural Science », Nineteen Eighty-Four : Science Between Utopia and Dystopia, Editions Everett Mendelsohn & Helga Nowotny, 1984.

[6] « Les Rose-Croix et Paracelse », Roland Edighoffer, Aries n°19, 1998.

[7] « Les Rose-Croix et Paracelse », Roland Edighoffer, Aries n°19, 1998.

[8] « Les Rose-Croix et Paracelse », Roland Edighoffer, Aries n°19, 1998.

9 Johann Frederick Charles Fuller, The Star in the West, 1907.

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