Homo Imaginus et l’Eros de l’Imagination

Libre de rêver, Rêve de liberté

L’imagination érotique concerne la capacité de voir au-delà du statu quo. C’est l’intention profonde d’un autre groupe de maîtres de la sagesse qui créditent la libération de l’Égypte au pouvoir de l’imagination.

Le grand Exode débuta par un homme qui fit un rêve. Il était connu sous le nom de Nun, un esclave hébreu sous le loi d’Égypte. Un matin il se réveilla, abasourdi par ses rêves de la nuit. Il avait rêvé ce qui semblait inimaginable : il avait vu un temps où les hébreux seraient libres ! Plus que libres, ils étaient de courageux guerriers responsables de la dignité de leur propre destinée. La nouvelle de ces rêves se propagea. Il est dit que l’espoir enflammé par cette vision déchaîna les dynamiques de la révolution qui mena enfin à la liberté.

Bien que cela puisse prendre de nombreuses années dans le monde de la realpolitik, ce rêve fut le véritable commencement de l’Exode. L’esclavage finit lorsque nous pouvons nous re-imaginer en tant que personnes libres. Nun n’était autre que le père de Josué, le successeur de Moïse qui mena le peuple vers la Terre Promise. Toute liberté commence avec notre volonté de nous tenir debout et de dire « J’ai un rêve ! » Et même si nous n’obtenons pas la Terre Promise, nous pouvons mettre en mouvement les courants de la rédemption qui guérira notre monde. Si nous n’arrivons pas là, nos enfants le feront. La génération entière de Nun mourut avant d’atteindre Canaan. Cependant tous leurs petits enfants grandirent dans la Terre Promise.

La Possibilité de la Possibilité

Le prophète de l’imagination Nikos Kazantzakis écrit : « Vous avez vos pinceaux et vos couleurs, peignez le paradis et allez-y ». C’est une proche description de l’esprit qui anime le rituel biblique qui célèbre chaque année l’Exode de l’Égypte. Chaque année à l’anniversaire de l’Exode hébreu, les gens se rassemblent pour un rituel mythique et biblique, la Pâques. Contrairement aux autres commémorations, celle-ci évolue non autour du souvenir mais de l’imagination.

Le principe de cette fête est « chaque personne est obligée de se voir comme si elle quittait l’Égypte ». Cet épigramme talmudique, le mantra guidant le rituel, est expliqué par les kabbalistes comme une invitation à une re-imagination personnelle fantastique. Vous êtes en Égypte – votre propre Égypte personnelle. L’Égypte, Mitsraïm en hébreu, signifie littéralement « le lieu étroit », le passage étroit du flux de notre vie. L’Égypte – signifie kabbalistiquement la gorge – symbolise tous les mots qui restent en travers de notre gorge ; les mots que nous ne disons jamais. Les histoires de nos vies qui restent non vécues, non-chantées, non imaginées.

Nous sommes des esclaves. L’esclavage pour le kabbaliste est principalement une crise de l’imagination. Par conséquent, la guérison de l’esclavage est un rituel de l’imagination. Pendant une soirée entière, nous devenons dramaturges, chorégraphes et acteurs inspirés. Nous re-imaginons nos vies comme premier pas de notre cheminement vers la liberté. Comme Georges Bernard Shaw nous le rappelle : « L’imagination est le commencement de la création. Vous imaginez ce que vous désirez ; vous désirez ce que vous imaginez ; et enfin vous créez ce que vous désirez ».

Dieu est la possibilité de la possibilité – l’imagination sans limite. Michaël Lerner avait raison dans son oeuvre « Le Renouveau Juif » lorsqu’il identifiait cette notion comme essentielle à la compréhension hébraïque de la divinité. Le premier des Dix Commandements est « Je suis Dieu ». Lorsque Dieu se voit demandé à s’identifier, Il répond « Je suis ce que Je serai ». C’est-à-dire « Vous ne pouvez m’emprisonner dans une image inerte du temps ou de l’espace. Agir ainsi serait de l’idolâtrie et me détruirait ». Nous sommes commandés d’agir contre l’idolâtrie car précisément l’idolâtrie est une immobilisation de Dieu sous une image statique, une violation de l’imagination, une limitation de la possibilité.

Homo Imaginus.

Bachelard avait raison lorsqu’il écrivait que l’imagination est « plus que tout autre pouvoir, c’est ce qui distingue la psyché humaine ». Ou écoutons le prophète de l’Eros du 20e siècle, Norman O. Brown : « L’homme se fait lui-même, son propre corps, dans une liberté symbolique de l’imagination. Le Corps Eternel de l’Homme est l’Imagination ». Rabbi Nachman de Braslav, le mystique hébreu, écrit : « C’est pour cette raison que l’homme fut appelé Adam : Il est formé de la Adamah, la poussière physique, et cependant il peut s’élever au-dessus du monde matériel au travers de l’utilisation de son imagination et atteindre le niveau de la prophétie ». Le mot hébreu « j’imaginerai » est « adameh » !

Pour Nachman, le mouvement humain principal qui donne naissance à notre esprit est l’évolution de la adama vers adameh. Adamah est le sol, la terre, Gaïa. Cependant, on peut lire ce mot adameh, « J’imaginerai ». L’homme émerge de la Nature afin de vivre de que le philosophe Joseph Soloveitchik appelle « une existence issue de la fantaisie ».

L’imagination n’est pas un détail de nos vies, elle n’est pas un outil méthodologique. C’est l’essence de qui nous sommes. Nous nous voyons généralement comme des animaux doués de pensée, homo sapiens. Le « Je pense donc je suis » de Descartes est imprimé dans nos gènes culturels. Cependant, le mythe biblique offre une alternative de compréhension du concept d’humanité. Le mot le plus proche en hébreu à notre mot français « humain » ou au latin « homo » est « adam ». Le mot « Adam » dérive de la racine hébraïque signifiant « imagination » (d’mayon). L’implication étonnante de cela est que l’être humain n’est pas principalement un homo sapiens, mais ce que je nommerait un « homo imaginus ».

A l’aube de l’existence humaine, l’homme est décrit comme étant créé à l’image de dieu. « Image divine » ne signifie pas une copie fixe et idolâtre de la divinité. Dieu n’a pas de forme fixe. Dieu est la possibilité de la possibilité. Par conséquent, l’être humain est l’image divine qui doit être comprise de deux manières. Primo, l’humanité n’est tant créée à l’image de Dieu que créé selon l’imagination de Dieu, un produit de la fantaisie Divine. Secundo, en tant qu’êtres humains, nous participons nous-mêmes à l’imagination divine – homo imaginus.

Combien différente est cette compréhension de la dépression de la pensée existentielle moderne ! Notre recherche de du bon est écartée par Sartre comme une « passion inutile ». L’imagination humaine, écrit Camus, nous condamne à la misère, car elle est absurde. Nous avons soif de bonté, de beauté, de gentillesse dans un monde perpétuellement sale, mauvais et injuste.

Mais, pour le mystique biblique, nos imaginations érotiques d’un monde de justice et de paix marque l’immanence de Dieu dans nos vies. Notre mécontentement créatif, qui nous mène vers l’imagination d’une réalité alternative, est l’image/imagination de Dieu battant notre poitrine. Le cosmos est empli de traces qui guident nos imaginations. Nous sommes appelés à guérir le monde à l’image de plus belles imaginations. L’éros de l’imagination est l’élixir de Dieu coulant au travers de l’univers.

Dieu créateur

L’imagination est puissante. Très puissante. « Pense le bien et cela sera bien », écrit Menahem Mendel Schneerson, le dernier maître du mysticisme Chabad. C’est vrai non seulement du fait de la puissance psychologique de la pensée positive, mais aussi par la moindre imagination donnant naissance à quelque chose de réel qui se manifeste elle-même dans l’univers.

L’imagination est transformatrice non seulement sur le plan humain ; elle a le pouvoir d’affecter l’échelle divine également. Les kabbalistes enseignent que chaque dimension de la divinité, connues sous le nom de Sephirah dans la Kabbale, a une couleur qui l’incarne. En imaginant esthétiquement les couleurs des Sephiroth et en les combinant selon les instructions mystiques adéquates, on peut en vérité avoir un impact sur le travail intérieur de la force divine.

Le Zohar va plus loin dans une audacieuse formulation qui, à première lecture, décrit l’homme créant Dieu à son image – c’est-à-dire, selon son imagination. Au contraire du philosophe Feuerbach, qui appelle l’imagination humaine de Dieu, une simple projection, pour le Zohar, une telle imagination renforce simplement la réalité substantielle de Dieu. Ou, dit légèrement différemment, tandis qu’il n’existe qu’une vérité limitée dans l’affirmation que Dieu est une face de l’imagination humaine, nous devons nous souvenir que l’imagination est une face de Dieu.

L’imagination n’est pas un jeu infantile. C’est une réalité spirituelle invoquée par l’enfant sacré intérieur. Le Dieu que nous ne créons pas n’existe pas. Oui, il y a une force divine qui existe au-delà de nous. Cependant, il y a également une puissante manifestation de la divinité qui est nourrie par notre être. Nous sommes des miroirs érotiques de Dieu. Le premier ensemble de lettres dans la Bible, « bereshit bara Elohim… » peut être relu comme « b’roshi tbara elohim » – « en mon esprit Dieu est créé ».

Plus sur le sujet :

Homo Imaginus et l’Eros de l’Imagination. Rebbe Mordechai ©2003-2004 Tikkun Magazine. Mordechaï Gafni in Tikkun Magazine Jan. Fév. 2003. Traduction Spartakus FreeMann, Nadir de Libertalia, novembre 2005 e.v.

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