Judas ou les Conditions de la Rédemption 3

IV – Les trente Deniers

« Si elle a renversé ce parfum sur mon corps, c’est en vue de mon ensevelissement. Oui, je vous le dis, où que soit proclamé cet évangile de par le monde, on parlera aussi de ce qu’elle vient de faire, et on se souviendra d’elle. Alors l’un des douze, appelé Judas Iscariote, alla vers les grands prêtres et dit : Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai ? Ils lui comptèrent trente pièces d’argent. Et dès lors il cherchait une occasion pour le livrer« . (Matthieu XXVI, 12-17)

Marie de Béthanie renverse le parfum sur le corps du Christ et ce signe, le Seigneur le considère comme étant en rapport étroit avec Son ensevelissement : alors Judas considérant ce beau geste (Marc XIV, 6) alla voir les grands prêtres en ce qu’il fut compris comme un signal.

Il importe de noter que ce n’est pas l’Apôtre qui fixe le prix de son apparente trahison : « Que voulez-vous me donner ? » et alors s’accomplissent les Ecritures en ce qu’il était écrit, et il convient de citer intégralement le chapitre 11 de Zacharie dont nous offrons quelques extraits :

« Celle qui doit mourir, mourra, celle qui doit disparaître, disparaîtra, et celles qui restent mangeront chacune la chair de sa compagne ». Puis je pris ma houlette Grâce et je la brisais, pour rompre mon alliance, celle que j’avais conclue avec tous les peuples ; elle fut rompue en ce jour-là et les marchands de brebis qui m’observaient surent que c’était une parole de Iahvé. Puis je leur dits : « Si cela semble bon à vos yeux, donnez-moi mon salaire, sinon n’en faites rien ». Ils pesèrent donc mon salaire, soit trente sicles d’argent. Et Iahvé me dit : « Jette au trésor, ce prix magnifique auquel j’ai été prise par eux ! « Je pris donc les trente sicles d’argent et je les jetai dans la Maison de Iahvé, au trésor. Puis je brisai ma deuxième houlette, les liens, pour rompre la fraternité entre Judas et Israël. Alors Iahvé me dit : « Procure-toi encore un outil de pasteur Folâtre« . (Zacharie XI, 9-16)

Celui que fait témoigner Zacharie, c’est Judas – dont le nom phonétiquement est rappelé – qui s’était procuré deux houlettes, l’une qu’il avait appelé Grâce, l’autre Lien (Zacharie XI, 7), et à qui Dieu avait dit : « Fais paître les brebis de boucherie« . (Zacharie XI, 4)

Quodvultdeus en son Livre des Promesses ne cite que le verset 12 du chapitre XI de Zacharie lorsqu’il déclare :

« Ils donnèrent le prix de celui qui a été mis à prix, trente pièces d’argent (Zach. XI, 12, Matthieu XXVII, 9). C’est le prix que Judas a reçu des Juifs selon le récit des évangélistes« . (56)

Mais à l’encontre de la façon dont les Pères citèrent – pour ce qui concerne l’Apôtre – les Ecritures, il convient une fois encore de ne pas extraire un verset de son contexte ni ôter l’intégralité des Ecritures qui se rapporte à celui-ci.

Marcel Pagnol dont on regrette qu’il n’ait point été un exégète et un théologien de surcroît, avait parfaitement compris le Mystère de ces trente pièces d’argent lorsque, dans l’acte 2 de son pièce Judas, il fait refuser par l’Apôtre deux mille deniers en pièces d’or pour livrer le Christ :

 » – Caïphe : accomplissons donc les Ecritures. Donnez-lui trente pièces d’argent !

– Judas : Trente pièces d’argent d’une denier si vous les avez, ce sera le signe et je ne pourrai plus douter.

(Judas ayant pris l’argent).

« (Un soldat s’avance avec des fers) ».

– « Judas il n’est pas nécessaire de me charger de fers. Les chaînes d’or des prophéties sont rivées autour de mon cou… » (57)

Ce déterminisme prophétique, l’Apôtre le connaît car Zacharie indique une obligation à propos des brebis : le « doit« . Et si les marchands de brebis sont les grands prêtres, ils n’ont pas l’excuse de l’inconnaissance en ce qu’il « surent que c’était une parole de Iahvé« , pour que s’accomplisse le scénario décrit par Zacharie.

La brebis, l’Agneau qui doit mourir, mourra, et les brebis qui restent mangeront chacune la chair de l’Agneau sacrifié. Cela nous introduit à la Sainte Cène ; l’une d’elle se devra de disparaître, car il était écrit : « Celle qui doit disparaître, disparaîtra » ; et Judas qui est, non seulement l’une des brebis de la Bergerie, mais celle-là même, mettra fin à ses jours !

Il n’est pas possible de s’associer une fois encore au manichéisme qu’en cette circonstance, à nouveau, les Pères de l’Eglise manifesteront dans leur compréhension du Christianisme, lorsque par exemple un Saint-Jérôme qu’évoque Guillaume de Bourges pour asseoir ses thèses, déclare : « Judas a offensé davantage Dieu par sa pendaison que par sa trahison« . (58)

La brebis qui doit disparaître, Judas, demande aux marchands de brebis c’est à dire aux grands prêtres, si la proposition qu’il leur fait, pour accomplir les Ecritures, semble bonne à leurs yeux, et parce que tel est le cas, ils pèseront « son salaire » en lui donnant trente sicles d’argent.

Si l’alliance rompue par l’Apôtre – en ce qu’elle est une rupture volontaire semble-t-il, comme actualisation des Alliances antérieures, car il est écrit : « Mais mon âme perdit patience avec elles et leur âme aussi fut dégoûté de moi. Je dis alors : « Je ne vous ferai plus paître » (Zacharie XI, 8 ) – laisserait entendre une volonté délibérée de Judas de mettre fin à ses relations avec Dieu ; le mystère de la complicité du Créateur avec l’Iscariote se laisse aisément entrevoir en ce que fait sa mission n’est pas achevée.

Si Matthieu met sous le coup du remords – et en cela il est le seul évangéliste à le manifester -, la restitution par l’Apôtre des trente sicles d’argent : « Alors Judas, qui l’avait livré, le voyant condamné se repentit, retourna les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens et dit : « J’ai péché, j’ai livré un sang innocent ». Mais ils répondirent : « Que nous importe ? A toi de voir ! Et il rejeta l’argent dans le sanctuaire, se retira et s’en alla se pendre« . (Matthieu XXVII, 3-6) ; il importe de considérer selon le témoignage de Zacharie, que c’est Dieu qui invite l’Apôtre à restituer cet argent du fait que ce n’est pas Judas qui livre le Christ contre ce prétendu salaire : « Ce prix magnifique auquel j’ai été prisé par eux » ne correspond pas à ce prix magnifique auquel, j’ai été prisé par toi !

Alors l’Apôtre s’en alla se pendre, parce que Zacharie avait prophétisé, en le faisant par avance témoigner. « Puis je brisai ma deuxième houlette, les Liens, pour rompre la fraternité entre Judas et Israël » (Zacharie XI, 14) ; et si l’on devait s’imaginer que la mission de l’Apôtre s’arrêtait à ce geste, il conviendrait alors de se souvenir que Zacharie témoignera que Dieu avait demandé à Judas cette autre fonction : « Procure-toi encore un outil de pasteur folâtre« . (Zacharie XI, 15) que l’Ecole Biblique de Jérusalem, Segond, Crampon, transcrivent : « d’un pasteur insensé » et Maredsou : « Prends encore l’attirail d’un mauvais berger« .

L’Apôtre parut tellement insensé que les Pères et les exégètes ne comprirent jamais les raisons de ses actions, et depuis deux mille ans de Christianisme, non seulement aucun théologien ne comprit la mission de l’Apôtre, mais celui-ci obéit si bien à tout ce qui lui avait été demandé, qu’il passera toujours pour un mauvais berger !

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