L’architecture bas de plafond

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L’architecture bas de plafond par Melmothia.

C’est au cours d’une conférence en 1947 que Le Corbusier présente au public sa grande et belle idée : Le Modulor. Un manifeste architectural révolutionnaire ayant comme ambition de mettre l’habitat à échelle humaine. Rien d’original me direz-vous – trahissant ainsi votre grave mécompréhension du génie, en général on s’arrange pour que le chambranle de la porte soit plus haut que la tête et la baignoire plutôt au sol qu’au plafond. Mais c’est que Le Corbusier n’a pas la médiocre ambition de créer des habitations pratiques. Il veut renouer avec l’humanisme de la Renaissance, appliquer le nombre d’or au placard à chaussures et la suite de Fibonacci au nombre de haricots dans le cassoulet du dimanche. Car l’homme est un animal « qui doit pouvoir s’ébrouer tout à son aise dans l’espace de sa maison ».

Merveilleuse idée. Et on fait quoi pour ça ? Eh bien, on va réduire l’espace. Ne cherchez pas à comprendre, c’est ce qu’on appelle de la logique d’architecte : pour que l’humain évolue plus à l’aise, on va le tasser un peu. Les mauvais esprits diront qu’il s’agit d’empiler un maximum de personnes dans un minimum de place, d’autant qu’on est en pleine crise du logement, mais c’est une fois de plus le signe de votre déplorable étroitesse d’esprit. En réalité, il s’agit de « ramener à la mesure humaine la démesure de l’univers ». Or, d’après notre génie, « on a démontré – et principalement à la Renaissance – que le corps humain obéit à la règle d’or ». Le Corbusier définit donc son modulor (le terme lui-même étant une contraction de module et nombre d’or) comme une « mesure harmonique à l’échelle humaine applicable universellement à l’architecture et à la mécanique ».

Pour ceux qui auraient égaré leur canne d’arpenteur, rappelons que le nombre d’or est une proportion et qu’il faut bien partir de quelque chose pour l’utiliser. Le Corbusier va donc se chercher un étalon et après réflexion, élire ce qui lui semble le plus représentatif de l’humanité : l’homme anglais d’un mètre quatre-vingt-trois avec un bras levé.

Schéma de la fonctionnalité à l’échelle humaine du Modulor :

L’homme étalon du modulor mesure 1,83 m et 2,26 m le bras levé. Son plexus est à mi-hauteur soit 1,13m. De là est définie la série rouge correspondant à la suite de Fibonacci établie sur l’unité de 1,13 m et la série bleue établie sur 2,26 m.

Que les Français de l’époque soient plus courts est un peu gênant, mais on n’arrête pas un génie en marche. On ne va pas non plus s’embarrasser de l’existence d’un deuxième sexe, encore moins des pygmées ou des Asiatiques. Quelques années plus tard, on se demande quand même « et les femmes ? » Ah tiens, on a oublié les femmes, mais ce n’est pas bien grave. L’homme étalon fera 1m83 et gardera le bras en l’air.

Et puis, tandis que les bonnes idées ont tendance à rester au fond des tiroirs, dès qu’un quidam en a une à la noix, il se trouve rapidement d’autres crétins pour l’appliquer. On ne va pas se mettre à questionner la pertinence du système puisqu’on a déjà construit l’Unité d’habitation de Marseille (terminée en 1952), également appelé la « Cité Radieuse », et plus prosaïquement rebaptisée par les Marseillais « La maison du fada », bâtiment qui servira de référence les années suivantes en matière de logement social.

La Cité Radieuse, classée monument historique.

Image extraite du site du New York Sun.

Entre temps, notre architecte génial a terminé en 1948 la rédaction de son livre, Le Modulor, qui sera suivi d’un second tome en 1955 : Modulor. La parole est aux usagers. On peut notamment y lire que le modulor a la capacité de produire des designs qui sont « déplaisants, mal mis ensemble » ou « des horreurs », puis ce conseil fort sage : mieux vaut « faire confiance au jugement des yeux » [1]. Tout ça pour ça ? Oui.

En guise de conclusion, je passe la parole à un blogueur qui a l’air d’avoir apprécié sa visite : « Le Corbusier rêvait d’un autre monde. En visitant la cité radieuse à Marseille, je suis sidéré par sa rigueur et son imagination. Tout est si cartésien qu’en regardant le plongeoir construit sur le toit, au neuvième étage, on a du mal à imaginer autre chose qu’une invitation au suicide. On dit qu’il rêva la cité radieuse si emblématique que l’on aurait envie de choisir son immeuble pour en finir avec la vie. Et Le Corbusier de construire ce promontoire au-dessus du vide, à côté du gymnase, de la pataugeoire pour les enfants, de la salle de spectacles et de l’écran en plein air. Tous les deux ans, un désespéré ne manque d’ailleurs pas de sauter. Depuis deux ans, la fréquence s’est accrue, deux par trimestre » [2].

Image extraite du Blog de Jean-Jacques Birgé.

Doit-on comprendre qu’à défaut d’avoir trouvé la proportion idéale, Le Corbusier nous incite à prendre un raccourci vers le divin ? Ou bien est-ce que, pour notre architecte, le vrai souci à éliminer pour que l’habitat soit enfin parfait ne serait pas l’habitant ?

L’architecture bas de plafond, Melmothia 2007. Illustration : Lempkesfabriek [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

[1] Article « Photographie métrique », sur le site Gallery 101.

[2] Extrait du Blog de Jean-Jacques Birgé.

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