Joséphin Péladan

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Joséphin Péladan par Jean-Pierre Bonnerot. 

Présenter Péladan (Lyon 28 mars 1858- Neuilly sur Seine 27 juin 1918) en quelques lignes relève de la gageure dont il m’a été demandé de relever le défi. Beaucoup tentèrent d’écrire sur l’homme, ils le considérèrent généralement comme une sorte de camelot ; d’autres crurent exposer sa pensée religieuse, ils en firent un occultiste ; certains perçurent son œuvre esthétique, ils oublièrent qu’il posa les règles de l’art symboliste ; et il n’est toujours pas compris l’homme qui, sous bien des aspects encore mais dans une unité à ce jour non soupçonnée, voulut – à travers toute son œuvre – en cette fin du XIX° siècle, alerter l’occident chrétien de ce qu’il pouvait mourir, lorsqu’il convenait, face à la décadence latine, de rappeler les bases de la Foi.

Péladan est un gnostique chrétien, c’est-à-dire que selon les dispositions du triptyque habilement synthétisé par Papus, il est posé comme axiomes :

  • la Chute a été universelle et la Réintégration le sera aussi,
  • l’homme est l’agent divin de cette Réintégration,
  • l’être pervers lui-même sera réintégré par l’Amour.

Dans la mesure où le principe d’Église Intérieure est inhérent à l’ésotérisme chrétien, exposé par Lopouckhine (1) et cet autre ouvrage anonyme le Règne de l’Esprit Pur (2), il était évident que Péladan, dépositaire de réelles filiations agisse, en sensibilisant d’abord par le Tiers Ordre ceux qui avaient pour vocation de manifester dans le visible, le Mystère de l’Incréé, les Artistes, nous entrons dans la théologie de la Lumière et de l’icône. Replacées dans un contexte latin, les règles nouvelles définies pour les Salons de la R+C, allaient donner naissance laïquement à l’art symboliste, et spirituellement à une conscience partagée et par l’artiste et par le contemplateur, de l’œuvre (3) : « Artiste tu es prêtre : l’Art est le grand mystère, et lorsque ton effort aboutit au chef-d’œuvre, un rayon du divin descend comme sur un autel…

Artiste tu es roi : l’Art est l’empire véritable ; lorsque ta main écrit une ligne parfaite, les chérubins eux-mêmes descendent s’y confondre comme dans un miroir…

Artiste tu es mage : l’Art est le grand miracle et prouve notre immortalité. » (4).

Cette conscience préalable de La Présence possible par l’Art, est la voie initiale proposée par Péladan, conduisant ensuite, à travers son œuvre, l’être de Désir, vers un devenir de co-rédempteur :

« Le sujet de La Décadence Latine n’est pas de peindre une société finissante, mais à travers l’évolution d’un certain nombre de personnages de montrer en quoi il est possible au prêtre tel Alta, de réaliser une messe pour les âmes du purgatoire qui effectivement n’existe pas dans la liturgie, tout en rappelant sans cesse la conscience que nous devons avoir de la Communion des Saints : Toute souffrance sans but serait une condamnation de la Divinité ; celui qui souffre expie ou mérite, qu’il s’agisse de Jésus, de Satan, ou d’un chien, celui qui expie ou mérite, monte du degré où il est à un autre plus élevé » (5) par exemple, lorsque le sujet de cette éthopée est au travers des volumes 1, 7, 14 et 21, d’expliquer le projet de toute une vie d’Adepte : « l’Ordre laïque de la Rose+Croix du Temple et du Graal, est une confrérie de charité intellectuelle, consacrée à l’accomplissement des œuvres de miséricorde selon le Saint-Esprit, dont il s’efforce d’augmenter la Gloire et préparer le Règne » (6).

Les Mages vinrent adorer Jésus alors que les prêtres ignoraient Sa naissance ; pour Péladan ce sont les Mages qui feront arriver le Règne de Dieu : « Jésus a tout révélé ; tout ce que nous pouvons recevoir. L’adoration des Mages signifie l’abdication des ésotérismes devant l’incarnation de la Vérité. Ce qu’il y a de vrai de fécond dans la magie, se trouve dans les paroles que Jésus a prononcées et l’Évangile annule les clavicules et les grimoires, puisqu’il les surpasse. Un catholique qui cherche la vérité dans les débris de la gnose et les méandres de la kabbale ressemble à un insensé qui s’obstinerait à fouiller les débris d’Eleusis dans l’espoir d’y trouver le Livre de ses mystères. L’Occulte est sorti du Temple et il y retournera, comme les hommes de l’occulte meurent tous, quand ils sont lucides, dans le giron de l’Eglise » (7).

Portrait du Sâr Mérodack Joséphin Péladan, Marcellin Desboutin, 1891.

A travers ses articles, ses livres, ses conférences, ses expositions artistiques, Péladan souhaita manifester la gloire de Dieu et inviter ses frères à préparer Son Règne. Il n’est pas impossible que le Graal qui constituait une section de la R+C ait eu pour souhait non pas seulement de prier à travers les âmes du purgatoire,- selon la messe offerte dans le volume dernier de la Décadence Latine : La torche renversée, – pour toute la création qui attend dans la douleur la révélation des fils de Dieu (Romains VIII, 18-26) ; mais aussi de réformer l’Eglise comme en témoigne sa Supplique à S.S. le Pape Pie X pour la réforme des canons en matière de Divorce (8), livre attaché à l’Amour, cet Amour qui amène naturellement Péladan à clamer le salut de Satan en de nombreux ouvrages (9). Pour Péladan l’Eglise de Rome et particulièrement l’Eglise de France sont soumises à une modification, prophétisée : « L’Eglise est éternelle mais sa fille aînée va mourir de mort suicide » (10), cette préoccupation n’est pas étrangère à son ami Alta, l’abbé Mélinge, qui écrivait à Schuré qu’il « attendait la conversion du pape romain et ne désespérait pas, au fil des années, de fonder une Eglise nouvelle et de révolutionner le Christianisme » ( 11) et, sous le nom de Jean II, Alta ne manquera pas de rédiger une Encyclique antimoderniste : Objections à Pie X ( 12)…

Péladan n’ignorait pas que l’œuvre n’était pas achevée. A Gabriel Boissy dédiant son Traité des Antinomies il ne manquait pas d’écrire : « La doctrine inaltérablement vermeille n’aura subi qu’un retard d’expansion. Le vœu demeure, si je ne trouve pas la forme moderne de la vérité, j’aiderai les prédestinés à cette découverte par la leçon même de mon aventure…Les guerres de l’idée sont des guerres de mille ans…, jusqu’au jour où chacun se rangera sous la bannière de son ordre, il n’y a qu’un ralliement : la croix, et qu’un Maître, notre ineffable Seigneur vrai Dieu et vrai homme Jésus, dont le Nom soit uniquement invoqué. » (13)

Plus sur le sujet :

Joséphin Péladan, Jean-Pierre Bonnerot – Président de la Sté J.Péladan. 

Illustration : Internet Archive Book Images [No restrictions], via Wikimedia Commons

NOTES :

1- Quelques traits de L’Eglise Intérieure, Moscou 1810, rééd. Paris, Amitiés Spirituelles

2- Règne de l’Esprit Pur, Nantes 1896, rééd. Richelieu 1998, Ed du Pélican

3- Cf notamment, V. Loosky Théologie mystique de l’Eglise d’Orient, Paris, Aubier Ed

4- J. Péladan Constitutions de la R+C du Temple et du Graal, Paris 1893 ; rééd. in Œuvres Choisies, Paris1979, Les Formes du Secret Ed,

5- J. Péladan La Torche renversée, Paris 1925, Aux Editeurs Associés

6- J. Péladan Constitutions, op. cité

7- J. Péladan L’occulte contemporain, 1er éd in Œuvres Choisies, op. cité

8- J. Péladan Supplique à S.S. le Pape… Paris 1904, Mercure de France Ed,

9- Pour un résumé certes hâtif, Cf. notre introduction aux Oeuvres Choisies op. cité

10- J. Péladan Le Vice Suprême, nombreuses Ed, rééd. 1979, Slatkine Ed

11- A. Mercier : Edouard Schuré et le renouveau idéaliste en Europe 1980, Slatkine Ed

12- Jean II L’Encyclique antimoderniste…, Heliopolis 1908, Mickael Ed

13- J. Péladan Traité des antinomies, Paris 1901, Chacornac Ed

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