Eugène Vintras

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Eugène Vintras par Jean Bricaud.

Il y a eu le 7 décembre dernier, cinquante ans qu’est mort à Lyon un étrange personnage qui fut pour les uns, un escroc et un fou ; pour les autres, un voyant et un prophète.

Pour nous, il fut un Révélateur et un grand Illuminé.

Illuminé ! Ce mot, aujourd’hui souvent répété par des lèvres ignorantes, a fini par devenir une épithète confuse et douteuse, dont les esprits sérieux se méfient volontiers.

Il faut, en effet, savoir ce que c’est qu’un illuminé.

À notre époque, où les pédants et les excentriques abondent, il faut se méfier de ceux qui clament volontiers : « Je sens, je crois, je vois : je suis un illuminé. »

Ceux-là ne sont, la plupart du temps, que des non-valeurs bruyantes, des scories, pour qui l’Illuminisme n’est qu’une attitude, un genre.

Ils parodient les plus beaux des sentiments humains.

Les véritables illuminés – on peut les compter dans un siècle – sont au-dessus des rumeurs du monde et des réclames tapageuses, des coutumes passagères et des goûts du temps. Aussi, leur sort est ineffablement âpre : Vivant dans le silence du monde intime, ils ne connaissent guère du monde extérieur que les mépris et les insultes dont il les abreuve, les haines et les calomnies dont il les accable.

C’est le cas de l’extraordinaire personnalité dont je vais entretenir mes lecteurs, de celui qu’on a appelé « un grandiose aventurier du mystère », et que je considère comme un des plus grands illuminés des temps modernes : Pierre-Michel-Eugène Vintras.

Eugène Vintras
Eugène Vintras

Il naquit à Bayeux, en 1807. Homme obscur, sans nom — sans fortune –, sa mère malade et forcée de garder le lit avait dû le confier, dès l’âge de dix ans, à un prêtre qui l’avait placé à l’hospice général ; sans instruction, il n’avait guère appris que son catéchisme et savait tout juste lire et écrire – dépourvu de tout ce qui paraissait nécessaire pour l’accomplissement d’une grande œuvre, il était comme dit saint Paul, ce qu’il y avait de plus vil et de plus misérable, selon le monde. Et, cependant, il fut choisi pour révéler au monde une Gnose qui dévoile certains mystères du kosmos supérieur et jette des vues toutes nouvelles et très profondes sur l’économie et l’ésotérisme du christianisme.

Afin de l’élever à toute la hauteur de la grande mission à laquelle il avait été appelé, l’Esprit révélateur le cultiva lui-même, le façonna, le pétrit pour ainsi dire ; et, du degré d’ignorance où il se trouvait, le fit arriver à la perception, à l’intuition d’une immense Vérité.

Mais n’anticipons pas. Nous avons vu Vintras confié à l’âge de dix ans à l’hospice général de Bayeux. Peu après, on lui apprit la mort de sa mère. À douze ans et demi, il quitta l’hospice pour apprendre le métier de tailleur.

Le mauvais état de sa santé l’obligea-t-il renoncer à cet état.

Il s’en alla à Paris, où il resta deux ans. De retour en Normandie, il reprit son ancien métier ; puis, s’étant marié, il acheta un magasin de lingerie. Il fit faillite. Dès lors, commença pour lui une vie étrange que nous renonçons à suivre dans toutes ces vicissitudes. Il subit la haine des hommes, les persécutions, les faux témoignages, la condamnation, la mort morale et tout cela avec résignation, non sans protester cependant de sa bonne foi et de son innocence.

Il avait trente ans. Cet homme, dont la vie, exempte d’ambition aurait dû s’écouler paisible et inconnue, était seulement au début de son existence vagabonde et tourmentée. Les épreuves ne faisaient que commencer.

L’esprit désemparé, sans but, à la suite de tant d’infortunes et de déboires, Vintras allait vraiment désespérer lorsqu’une situation s’offrit à lui. Il fit la connaissance d’un M. Geoffroy, ancien notaire et ancien secrétaire du sous-gouverneur des pages de Charles X, qui lui procura la gérance d’un moulin pour la fabrique du carton, dans les environs de Caen, à Tilly-sur-Seulles.

Tilly-sur-Seulles ! Pour la plupart aujourd’hui, ce nom ne signifie rien. De rares initiés connaissent l’importance de cet humble bourg de Normandie, au point de vue psychique et magique. D’autres se souviennent peut-être que c’est là qu’eurent lieu, il y a quelques années, à des enfants d’abord, à toute la population ensuite, des apparitions de la Vierge, dont la presse d’alors fit grand bruit.

Tilly-sur-Seulles est, avec Paray-le-Monial, Ars-en-Dombes, Lourdes, un des plus importants centres mystiques et psychiques de France.

C’est là, dans ce village de Normandie, que Vintras devait avoir ses premières visions, ses premières révélations ; là, qu’il allait recevoir la visite des anges !

Swedenborg raconte qu’étant un jour à table, mangeant de grand appétit, il vit apparaître, devant lui, un homme qui lui dit : « Ne mange pas tant ! » et disparut. Cet événement qui n’avait en lui-même, rien de bien spirituel fut le point de départ d’une vie mystique qui dura vingt-sept ans.

Eugène Vintras
Retable de l’adoration de l’agneau mystique (détail), Jan Van Eyck, 1432. Cathédrale Saint-Bavon de Gand – Belgique.

La vie prophétique et mystique de Eugène Vintras dura trente-six ans. Son origine fut l’apparition le 5 août 1839, à la fabrique de papier carton de Tilly, où Vintras était contremaître, d’un vieillard déguenillé qui lui demanda l’aumône. Quelques jours plus tard, Vintras que ses affaires avaient appelé à Paris, revit le même vieillard pendant la messe à Notre Dame des Victoires, puis de nouveau à Tilly-sur-Seulles. Un beau jour le vieillard déclara qu’il était l’archange Saint-Michel. Il apparut dans sa gloire et, afin de convaincre Vintras, il fit des prodiges. Dès lors, commencèrent les révélations, et se multiplièrent les visions. Parfois le vieillard entrait, les portes fermées, et restait debout. D’autres fois, il apparaissait dans les églises. Il conversait avec Vintras et disparaissait comme il était apparu.

Souvent, il se montrait dans son état angélique, comme revêtu de lumière. De même, saint Joseph et la Vierge lui apparaissaient dans leur état glorieux, environnés d’anges. Les communications obtenues par Eugène Vintras se composaient : 1° Des Révélations faites par l’archange saint Michel sur l’ensemble de l’Oeuvre de la Miséricorde ; 2° Des entretiens de saint Joseph sur l’Union de Jésus-Christ avec les hommes ; 3° Des apparitions de Jésus et de Marie ; 4° des Visions ; 5° Des songes prophétiques.

Peut-être pensera-t-on que Vintras n’était qu’un médium extraordinaire sans doute, mais rien qu’un médium.

C’est faux, dirons-nous, Vintras était plus qu’un médium, il était un voyant et un illuminé. Alors que le médium est un être absolument passif, qui, revenu à son état normal ne se souvient de rien de ce qui s’est passé pendant sa transe, Vintras conservait, après ses extases, mot pour mot, et jusqu’à la moindre syllabe, l’allocution parfois très longue qu’il venait d’entendre et pouvait au besoin la rectifier si elle n’avait pas été reproduite d’une façon identique.

Il est difficile d’analyser les innombrables visions et révélations de Vintras. Quelques-unes ont été réunies par l’abbé Charvoz, sous le titre de Livre d’Or.

Comme bien l’on pense, ces révélations et ces apparitions avaient excité la curiosité générale dans la région, d’autant plus que des étranges phénomènes se produisaient sur l’autel de Vintras. Des dessins bizarres et des signes inconnus apparaissaient en caractères de pourpre sur des hosties immaculées quelques instants auparavant ; des hosties sanglantes tombaient, sur l’autel venant on ne sait d’où ; un vin délicieux ruisselait dans le calice devant nombre de témoins sans trêve renouvelés. Pendant ses extases, il parlait le latin, sans savoir le premier mot de cette langue. On a même remarqué que ses manuscrits abondaient en citations de Pères, de Docteurs de l’Église, de textes bibliques, etc., qu’il jetait sur papier à tout hasard et sans souci de vérification. Or, les témoins de ces extases affirmèrent qu’il n’avait lorsqu’il écrivait ses révélations, aucun livre sous les yeux et cependant les références des textes cités étaient exactes.

L’inspiré de Tilly, pour qui le clergé n’avait eu jusqu’à lors que de l’admiration, ne tarda pas à devenir suspect. Bientôt, il ne trouva plus de confesseur. On lui refusa la communion.

Des gens se réunirent autour de lui et il reçut la révélation de l’Oeuvre de la Miséricorde.

Dès lors, il allait devenir, pour le pouvoir civil et religieux, un danger. Condamné d’abord par l’évêque diocésain, en novembre 1841, il fut, l’année suivante, le 8 avril 1842, arrêté et traduit devant les tribunaux sous la double accusation d’escroquerie et de fraude.

Vintras n’eut pour accusateur que le ministère public.

Les personnes qui étaient censées parties plaignantes protestèrent devant le tribunal contre l’interprétation qu’on donnait à sa conduite.

Vintras fut néanmoins condamné à cinq années de réclusion, après onze mois de prévention.

Entre temps, le pape Grégoire XVI, dans une lettre adressée le 8 novembre 1843, à l’évêque de Bayeux, condamnait ce qu’il appelait la nouvelle hérésie.

Sorti de prison le 25 mars 1848 sur les démarches de son avocat, alors ministre de la Justice, Eugène Vintras revint à Tilly-sur-Seulles, auprès de ses adhérents. C’est vers cette époque qu’il reçut l’ordre d’instituer un corps d’apôtres et de pontifes chargés d’annoncer la nouvelle Révélation. De toutes parts, les adhérents affluèrent ; le Carmel fut fondé et, en 1850, plus de vingt pontifes furent consacrés sur divers points de la France. Eugène Vintras resta à Tilly, jusqu’en 1851. Le 13 mai, le pouvoir religieux tenta de le faire arrêter de nouveau. 11 réussit à s’enfuir en Belgique où il resta un an. N’ayant pu faire arrêter le Prophète, le curé de Tilly accompagné des gendarmes, vint mettre à sac sa maison et fit emprisonner les personnes qui s’y trouvaient.

Pendant ce temps, Eugène Vintras reçut l’ordre de quitter la Belgique pour se rendre en Angleterre, à Londres, où il resta dix ans. C’est là qu’il publia l’Évangile éternel et, plus tard, Le Glaive sur Rome et ses complices. De retour en France, en janvier 1863, il fit de fréquents voyages en Italie, à Florence et à Rome, où il avait de nombreux adeptes, et il s’en vint mourir à Lyon le 7 décembre 1875.

Telle est, esquissée à grands traits, la vie de l’extraordinaire prophète et mystique que fut Eugène Vintras.

Nous reviendrons, par la suite, sur sa doctrine et son œuvre.

Plus sur le sujet :

Eugène Vintras, Jean Bricaud. ANNALES INITIATIOUES, Sixième Année N°24 1925.

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