Le Talisman de Charles Fourrier par Spartakus FreeMann.
Le Talisman de Charles Fourrier
Ou comment faire la rencontre dâun occultiste inconnu.
Nous avons dĂ©couvert dans un curieux ouvrage, Le Livre Rouge, signĂ© dâun pseudonyme tout aussi mystĂ©rieux, Hortentius Flamel, un chapitre consacrĂ© Ă un talisman dont la paternitĂ© est attribuĂ©e Ă Charles Fourier. Bien quâorthographiĂ© pour lâoccasion « Fourrier », câest bien au philosophe utopiste Ă qui la postĂ©ritĂ© doit la notion de « phalanstĂšre » quâil est fait allusion, lâauteur du Livre Rouge citant en fin de chapitre la ThĂ©orie des quatre mouvements, un ouvrage fameux de Charles Fourier, Ă©ditĂ© pour la premiĂšre fois en 1808.
Une trace plus rĂ©cente de ce talisman se trouve dans la publication de P.V. Piobb l’AnnĂ©e Occultiste et Psychique, premier volume (1907) aux pages 143 Ă 145. Cependant cette version est incomplĂšte â il manque le pantacle â et ne cite pas la source que Piobb semble avoir Ă©garĂ©e ou ignorer.
Le Livre Rouge et Hortentius Flamel.
PubliĂ© chez Lavigne Ă©diteurs, Ă Paris en 1841 â bien que cataloguĂ© Ă la BibliothĂšque Nationale comme datĂ© de 1842 â le Livre Rouge est attribuĂ© Ă un auteur du nom dâHortentius Flamel dont lâidentitĂ© porte Ă maintes conjectures.
Un certain nombre de commentateurs, dont A.E. Waite, attribuent ce pseudonyme Ă Eliphas Levi. Ainsi, une notice bibliographique insĂ©rĂ©e dans un exemplaire de lâouvrage, prĂ©cise : « La plupart des spĂ©cialistes accepte la thĂ©orie selon laquelle Hortensius Flamel Ă©tait en rĂ©alitĂ© le grand occultiste français Eliphas LĂ©vi (1810 – 1875) ce qui fait du Livre Rouge son premier livre de magie publiĂ© » [1].
Selon Stanislas de GuaĂŻta, sous ce pseudonyme se cacherait plutĂŽt l’Ă©crivain maçonnique Jean-Marie Ragon (1781-1862) :
« Ce serait lĂ le premier ouvrage d’Eliphas LĂ©vi sur ces matiĂšres. Du moins c’est ce que prĂ©tend Chuquot. Ce qui tend Ă faire croire qu’il a raison, c’est la traduction de l’Asch Mezareph, publiĂ©e ensuite par Eliphas dans la ClĂ© des Grands MystĂšres. Mais le style du Livre Rouge n’est guĂšre de l’abbĂ© Constant. J’ai tout lieu de croire que l’auteur (un enthousiaste de Fourier) n’est autre que le F.-. Ragon. Des pages entiĂšres de son Orthodoxie maçonnique sont transcrites d’ici. » (St. De Guaita).
De son cĂŽtĂ©, Paul Chacornac est persuadĂ© quâHortentius Flamel est en rĂ©alitĂ© lâĂ©crivain P. Christian (1811-1881), alias Jean Baptiste Pitois, un ami dâEliphas LĂ©vi. Cette piste semble la plus probable. Dans lâarticle « Le talisman de Charles Fourier : complĂ©ment dâenquĂȘte », Philippe Audoin Ă©crit en 1965 :
« A l’Ă©poque oĂč parurent les libelles d’Hortensius Flamel, soit de 1841 Ă 1843, l’ex-abbĂ© se passionnait exclusivement pour les questions religieuses et sociales et passait pour un dangereux agitateur. Sa Bible de la LibertĂ© (1841) ne tĂ©moigne d’aucun souci d’Ă©sotĂ©risme et ce n’est qu’en purgeant la peine de prison que lui valut la publication de cet ouvrage qu’il eut le loisir de lire Swedenborg. Encore, de son propre aveu, n’en aurait-il saisi toute la portĂ©e que plus tard, dans les annĂ©es qui prĂ©cĂ©dĂšrent sa rencontre avec Wronski (1852). Il ne peut donc avoir Ă©tĂ© l’auteur d’ouvrages qui supposent des lectures dĂ©jĂ Ă©tendues dans le domaine des sciences occultes et sont empreints, par surcroĂźt, d’un esprit rĂ©actionnaire tout Ă fait Ă©tranger, Ă l’Ă©poque, Ă l’ami d’Esquiros et de Flora Tristan.
De son vrai nom Christian Pitois, P. Christian naĂźt en 1811. A 19 ans, aprĂšs avoir accompli son noviciat, il renonce Ă entrer Ă la Trappe et achĂšve ses Ă©tudes Ă Strasbourg. En 1836 il part pour la Martinique et ne rentre en France qu’en 1839. Il obtient alors un poste Ă la BibliothĂšque du MinistĂšre de l’Instruction Publique oĂč il est chargĂ© d’inventorier un fonds d’ouvrages provenant de monastĂšres fermĂ©s pendant la RĂ©volution. C’est Ă cette occasion qu’il eut, Ă l’en croire, la rĂ©vĂ©lation des Sciences occultes, particuliĂšrement de l’Astrologie qui lui valut plus tard une rĂ©putation flatteuse Ă la Cour de NapolĂ©on III.
Sous le nom de P. Christian â et sous quelques autres pseudonymes â il a publiĂ© de nombreux ouvrages de vulgarisation historique, des traductions d’Ossian, d’Hoffmann, de Machiavel, des Ă©tudes sur l’Afrique du Nord (oĂč il avait en 1844, accompagnĂ© en qualitĂ© d’historiographe, le corps expĂ©ditionnaire de Bugeaud) et enfin plusieurs livres d’occultisme « romancĂ© » parmi lesquels : L’Homme Rouge des Tuileries (1863) et une Histoire de la Magie (1870).
La publication de ses premiers essais, sous le pseudonyme Ă sensation d’Hortensius Flamel (de 1841 Ă 1843) suit de prĂšs son entrĂ©e « initiatique » Ă la BibliothĂšque de l’Instruction Publique. Leur dĂ©sordre tĂ©moigne de la hĂąte d’un homme encore jeune, dĂ©sireux de se « lancer » Ă tout prix dans les lettres en utilisant tout ce qui lui tombe sous la main. Dans le temps mĂȘme oĂč il sollicite, sous le masque, les amateurs de mystĂšre au rabais, il tente de sĂ©duire un autre public par des compilations historiques et des traductions, affirmant d’emblĂ©e sa vocation de polygraphe mondain. Son sĂ©jour en AlgĂ©rie fera l’objet de plusieurs oeuvrettes dont l’une dĂ©diĂ©e « Ă la jeunesse » et son passage aux Antilles sera le prĂ©texte d’une Histoire des Pirates. Cette activitĂ© fĂ©brile de touche-Ă -tout suffit Ă accrĂ©diter la thĂšse de Chacornac » (extrait de la revue La BrĂȘche, Volumes 1-8, 1965).
Jean Baptiste Pitois
Jean Baptiste Pitois est nĂ© le 15 mai 1811 Ă Remiremont, en France. Sa famille le destinait Ă la prĂȘtrise et il entra ainsi dans un ordre monastique. Cependant, il quitta vite celui-ci et sâĂ©tablit Ă Paris oĂč il entra en contact avec Charles Nodier et le mouvement des Romantiques. Pitois devint alors journaliste et Ă©crivit abondamment sous le nom de Paul christian. Il fut le co-auteur avec Charles Nodier du Paris Historique (1837-1840). Sous lâinfluence probable de Nodier, Pitois commença a sâintĂ©resser Ă lâocculte et en 1859 il entreprit lâĂ©criture de Historie de la Magie, du monde Surnaturel et de la fatalitĂ© a travers les Temps et les Peuples qui sera publiĂ©e en 1870.
Adepte des pseudonymes, il Ă©crira divers ouvrages dâoccultisme. On lui doit, sous le nom de plume de FrĂ©dĂ©ric de La Grange, Le grand livre de destin : RĂ©pertoire gĂ©nĂ©ral des sciences occultes (Paris, 1850) et, dans la foulĂ©e du Livre Rouge, de nouveau sous le nom de Flamel, un Livre dâor consacrĂ© Ă la voyance et au tarot.
Le Tarot
« C’est Ă Paul Christian (Jean-Baptiste Pitois, 1811-1877) que nous devons l’emploi des termes lames et arcanes, devenus classiques dans la littĂ©rature Ă©sotĂ©rique pour dĂ©signer les cartes de tarot » (Thierry Depaulis, article « Tarot » de lâEncyclopedia Universalis). Câest en effet Ă partir de 1863, que les occultistes divisent les cartes en deux groupes en utilisant le terme « arcane », pris chez Paracelse, pour dĂ©signer les cartes : les cartes d’atouts sont dĂ©signĂ©es par le terme arcanes majeurs, et les autres cartes, cartes de points dites numĂ©rales et figures ou honneurs, sont dĂ©signĂ©es comme arcanes mineurs (Thierry Depaulis, Tarot de Paris, AndrĂ© Dimanche, Marseille, 1984).
Il semble Ă©galement quâil faille lui attribuer la paternitĂ© du Tarot Belline. BibliothĂ©caire au MinistĂšre de lâInstruction publique, attachĂ© Ă la fameuse bibliothĂšque de lâArsenal, Pitois se voit confier la tĂąche de cataloguer les anciens livres stockĂ©s dans les bibliothĂšques dĂ©partementales et câest lĂ quâil serait tombĂ© sur manuscrit intitulĂ© Jugements astrologique sur les nativitĂ©s, dĂ©dicacĂ© Ă Catherine de MĂ©dicis, reine de France et signĂ© Auger Ferrier. Cette dĂ©couverte sera le point de dĂ©part de son engouement pour le tarot qui culminera avec la publication de LâHomme Rouge des Tuileries, un ouvrage qui semble avoir influencĂ© bon nombre de « tarologues » de lâĂ©poque. Pour la premiĂšre fois est employĂ© le terme « Arcane » et les 78 cartes y sont prĂ©cisĂ©ment dĂ©crites par le biais de symboles Ă©gyptiens, description que lâon retrouvera dans son Histoire de la Magie.
LâHomme Rouge des Tuileries raconte la rencontre de NapolĂ©on et dâun moine bĂ©nĂ©dictin possĂ©dant un manuscrit occulte dĂ©crivant 78 maisons symboliques ou clĂ©s imagĂ©es selon le symbolisme Ă©gyptien. Le Bateleur devient le Mage (initiĂ© aux mystĂšres dâIsis) ; la Papesse est indiquĂ©e comme Ă©tant le porte du sanctuaire occulte ; lâImpĂ©ratrice devient Isis-Uranie ; la Pape devient le MaĂźtre des Arcanes ; etc. Ce symbolisme Ă©laborĂ© par Christian a sans nul doute influencĂ© la confection des jeux de tarot qui ont suivi, y compris ceux de Falconnier, Papus, Wirth et mĂȘme Waite.
Il meurt Ă Paris le 12 juillet 1870.
CHAPITRE VI DU LIVRE ROUGE SECRETS COMMUNIQUĂS PAR CHARLES FOURRIER.
TALISMAN CONSTELLĂ POUR PRESERVER DE TOUS MAUX ET PRINCIPALEMENT DES BLESSURES D’ARMES A FEU.
Comme la composition de ce talisman et la combinaison des signes dont il est formĂ© sont fort compliquĂ©es et exigent des soins et une attention particuliĂšre, nous avons cru devoir en donner un dessin exact, dans la figure ci-jointe, afin que personne ne put prendre le change Ă la lecture de l’explication que nous en allons faire.
Il doit avoir au moins cinq centimĂštres de diamĂštre, et peut sans inconvĂ©nient ĂȘtre portĂ© jusqu’Ă sept, mais ce dernier nombre ne peut ĂȘtre dĂ©passĂ©.
Vous prendrez un morceau de parchemin vierge de la dimension voulue, et vous tracerez sur le bord deux cercles concentriques, lâun avec de lâencre rouge, et lâautre avec de lâargent en coquille dĂ©layĂ© dans de lâeau distillĂ©e, chargĂ©e dâune dissolution de gomme arabique. On aura soin de les tenir Ă une distance suffisante lâun de lâautre, et lâon divisera lâespace contenu entre eux en douze parties Ă©gales sĂ©parĂ©es par une double barre tracĂ©e avec de lâargent comme toute cette partie de la figure et lâon dessinera dans les espaces ainsi divisĂ©s les douze signes du zodiaque en commençant par le BĂ©lier et en suivant lâordre naturel.
Au centre de la figure, on tracera une étoile disposée comme on peut voir dans la figure ci-contre [2].
Chacune des branches de cette Ă©toile sera tracĂ©e au moyen dâune des couleurs du prisme, et l’Ă©toile mĂȘme sera disposĂ©e de maniĂšre que chacune de ses pointes s’arrĂȘte Ă une distance suffisante pour tracer dans lâintervalle le nom de l’une des planĂštes, disposĂ© comme on le voit dans notre gravure. On se servira, pour tracer le nom de la planĂšte, de la mĂȘme couleur qui aura servi pour la branche de l’Ă©toile, et l’on Ă©crira le nom de cette couleur au milieu du triangle formĂ© par cette branche et sur une ligne perpendiculaire Ă sa base. Dans l’intervalle qui sĂ©pare les branches, on Ă©crira le nom des sept mĂ©taux en latin et en français, indiffĂ©remment avec de l’encre noire, et plus bas ceux des sept notes qui leur correspondent ; enfin on tracera dans l’espace central demeurĂ© libre par la prolongation des lignes formant les branches des Ă©toiles, on y tracera, disons-nous, l’image du soleil avec de l’encre rouge sur un bord dorĂ© en plein. Toute cette opĂ©ration doit ĂȘtre faite de nuit, et l’image de chaque planĂšte doit ĂȘtre tracĂ©e Ă l’heure de sa domination.
Les choses ainsi faites, on prendra une plaque circulaire dâargent battu, aussi pur qu’il sera possible de se le procurer et assez large pour que l’on puisse y appliquer la figure sans la plier ni la froisser, et on la fixera dessus, par les bords, au moyen d’une colle qui doit ĂȘtre tirĂ©e du gui de chĂȘne. Mais il faut avoir bien soin d’appliquer sur la plaque d’argent le cĂŽte du parchemin sur lequel se trouve tracĂ©e la figure, afin qu’elle ne puisse pas ĂȘtre vue par ceux qui pourraient apercevoir le talisman qu’on aura soin, pour plus de prĂ©caution, de placer dans un sachet de satin vert, el qu’on portera sur le cĆur suspendu Ă un cordon de soie verte. La vertu de ce talisman est hors de contestation. Jamais accident dâaucune sorte n’est arrivĂ© Ă Charles Fourrier, depuis le jour oĂč, aprĂšs en avoir dĂ©terminĂ© la formule, il a pu le construire et le porter sur lui.
Quant Ă lâĂ©preuve des balles, tout le monde a pu voir l’auteur de la ThĂ©orie des quatre mouvements, rĂ©el apĂŽtre de l’humanitĂ© au milieu de nos discordes civiles, se trouver au travers de la mĂȘlĂ©e pour tacher d’amener, par la persuasion, les malheureux Ă©garĂ©s par les passions politiques. Plusieurs fois, en accomplissant cette noble tĂąche, Fourrier fut exposĂ© Ă subir le feu de deux partis, plusieurs fois il fut exposĂ© Ă la dĂ©charge de toute une compagnie, et jamais une balle n’effleura sa peau, jamais elle ne dĂ©rangea seulement les plis de ses vĂȘtements.
Plus sur le sujet :
Le Talisman de Charles Fourrier, Spartakus FreeMann, 2010
Note :
[1] Cette notice, datée de 1950, se trouve insérée dans un exemplaire du livre ayant appartenu à E. M. Butler, professeur et auteur de Myth of the Magus (1948) et de Ritual Magic (1949) : « Most authorities accept the theory that Hortentius Flamel was in fact the great French occultist Eliphas Levi (1810-1875), which would make Livre Rouge his first published book on magic. »
[2] Suite Ă la publication de cet article, nous avons reçu ce commentaire de Jean-François Lecompte accompagnĂ© de la figure ci-dessous : Cher Spart, je viens de lire avec grand intĂ©rĂȘt l’article sur le talisman de Fourier. En effet Piobb ne donne pas toutes les clĂ©s pour le construire. Je te livre donc une mise en image des correspondances planĂštes mĂ©taux signes qui me semble plus exacte que le joli tracĂ© illustrant l’article. Ce schĂ©ma, provenant d’un cercle d’Ă©tudes piobbiennes auquel j’ai participĂ© activement naguĂšre, est construit en fonction du domicile des planĂštes. Du reste en langue Ă©gyptienne Saturne et Plomb sont le mĂȘme mot : djehouty.
A PROPOS D’UN TALISMAN DE CHARLES FOURIER
Analyse critique et essai de reconstitution
Parmi les documents relatifs Ă Charles Fourier, celui dont l’AnnĂ©e Occultiste et Psychique nous rĂ©vĂšle l’existence reste, sans doute, un des plus Ă©nigmatiques. Voici le texte de la communication figurant dans le premier volume (1907) de cette publication de P.V. Piobb, consacrĂ©e aux sciences Ă©sotĂ©riques :
Le Talisman protecteur de Charles Fourier :
« Charles Fourier, le fondateur de l’Ă©cole phalanstĂ©rienne, Ă©tait-il rĂ©ellement un occultiste ? La question peut ĂȘtre controversĂ©e, encore que certaines parties de la ThĂ©orie des Quatre Mouvements soient en parfaite conformitĂ© avec les idĂ©es hermĂ©tistes. Voici cependant un fait qui tendrait Ă prouver l’affirmative.
Un collectionneur russe a dĂ©couvert un document contenant la formule du talisman protecteur que portait habituellement le cĂ©lĂšbre philosophe. Cette formule aurait Ă©tĂ© composĂ©e par lui ; elle est analogue Ă celles que l’on rencontre dans les anciens rituels magiques et laisse Ă penser que son auteur Ă©tait au courant de la tradition Ă©sotĂ©rique. Elle se rĂ©sume en ceci :
1° Prendre un morceau de parchemin vierge fait de la peau d’un agneau mort-nĂ© ;
2° Tracer sur ce parchemin deux cercles concentriques, l’un avec de l’encre rouge, l’autre avec une encre faite de poudre d’argent ;
3° Diviser la couronne, c’est-Ă -dire l’espace compris entre les deux cercles, en douze parties Ă©gales par des traits doubles avec la mĂȘme encre d’argent ;
4° Dans chacune des cases ainsi obtenues inscrire chacun des douze signes du zodiaque ;
5° Dans la partie centrale des cercles, dessiner une étoile à sept branches ;
8° Peindre chacune des branches de l’Ă©toile avec chacune des sept couleurs du spectre solaire ;
9° Dans chaque branche de l’Ă©toile inscrire le nom de la planĂšte, le nom du mĂ©tal et le nom de la note musicale correspondant Ă la couleur de la branche ;
10° Au centre de l’Ă©toile tracer, avec de l’encre rouge, l’image du soleil et en peindre le centre avec de l’or ;
11° Ces diverses opĂ©rations doivent ĂȘtre faites la nuit, les couleurs et les noms divers des mĂ©taux, planĂštes et notes doivent ĂȘtre apposĂ©s pendant l’heure correspondant Ă chaque planĂšte dont on s’occupe, le travail dure donc sept heures inĂ©gales ;
12° Prendre ensuite une lame d’argent pur assez large pour que l’on puisse y coller le parchemin sans que la figure soit repliĂ©e ;
13° Le parchemin doit ĂȘtre collĂ© avec de la colle de gui et la figure doit ĂȘtre apposĂ©e face au mĂ©tal ;
14° Faire ensuite un sachet de satin vert, y mettre le talisman et porter le tout autour du col Ă l’aide d’un cordon de soie verte.
Charles Fourier ajoutait que, depuis le jour oĂč il a composĂ© ce pantacle et qu’il s’est mis Ă le porter, il n’a plus eu ni accident, ni ennui d’aucune sorte. »
Il convient, sans doute, d’accueillir avec prudence la communication de l’AnnĂ©e Occultiste et Psychique. En effet, c’est bien lĂ , semble-t-il, le seul indice qui nous soit parvenu sur un document dont personne d’autre que Piobb ne paraĂźt avoir eu connaissance. Par ailleurs il faut reconnaĂźtre que l’ordre de prĂ©occupations qui nous est ici rĂ©vĂ©lĂ© est loin de trouver une confirmation trop immĂ©diate dans les Ćuvres de Charles Fourier.
âŠ
MĂȘme si rien n’autorise Ă suspecter d’emblĂ©e son authenticitĂ© il faut reconnaĂźtre que le texte publiĂ© par Piobb nous laisse plutĂŽt dans l’expectative quant aux conceptions Ă©sotĂ©riques dont peut relever la formule du talisman qu’il nous dĂ©crit. En effet son attribution Ă Charles Fourier ne va pas sans conduire Ă d’assez inextricables problĂšmes. Ils rĂ©sultent surtout des difficultĂ©s que rencontre la mise en concordance, d’une part des idĂ©es traditionnelles, concernant, en l’occurrence, la science des pantacles â correspondances Ă Ă©tablir en respectant diverses prescriptions dont l’observance rigoureuse conditionne, comme on sait, les vertus du talisman â et d’autre part, les vues personnelles de Fourier relatives Ă des correspondances, parfois du mĂȘme ordre mais souvent diffĂ©rentes, auxquelles, au demeurant, rien dans ses Ă©crits ne permet de croire qu’il ait jamais attribuĂ© une valeur magique.
Les rapports de dĂ©pendance, voire d’identitĂ©, Ă©tablis par les doctrines thĂ©urgiques entre le signe et la chose signifiĂ©e â rapports sur lesquels se fonde la magie opĂ©rative â ne paraissent en aucune maniĂšre impliquĂ©s par les correspondances analogiques signalĂ©es par Fourier. Celles-ci paraissent seulement rester, Ă ses yeux, les indices indiscutables d’une harmonie universelle dont le rĂ©tablissement impose, avant tout, la transformation sociale de notre planĂšte.
C’est surtout dans la construction du talisman que les donnĂ©es traditionnelles sont respectĂ©es (parchemin – planĂ©taires – colle de gui – lame d’argent). Par contre, pour les couleurs, l’utilisation du spectre solaire reste Ă©trangĂšre Ă la Tradition et relĂšve bien du systĂšme de correspondances de Fourier, tout comme le recours aux notes de la gamme, assez rarement mises en Ă©vidence du cĂŽtĂ© Traditionnel, du moins par voie d’inscription.
Sans doute n’est-il pas exclu d’admettre que l’idĂ©e de ce talisman puisse ĂȘtre antĂ©rieure Ă l’Ă©laboration des thĂ©ories par lesquelles Fourier nous est connu et qu’il ait momentanĂ©ment rĂ©solu, d’une maniĂšre que nous ignorons, l’amalgame des vues traditionnelles avec celles qui laissaient pressentir ses conceptions futures. Mais nous serions tout au plus conduits, alors, Ă mettre l’accent sur des prĂ©occupations et des thĂ©ories que lui-mĂȘme n’aurait pas cru devoir confirmer par la suite. A dĂ©faut de toute possibilitĂ© d’information dans ce sens il paraĂźt prĂ©fĂ©rable d’en rester aux idĂ©es qu’il a affirmĂ©es.
Il semble donc que la correspondance avec les couleurs du spectre solaire ne puisse ĂȘtre envisagĂ©e suivant les thĂšmes septenaires â planĂ©taires et mĂ©talliques â de la Tradition (absence du noir et du blanc, prĂ©sence du violet, de l’indigo, de l’orangĂ©).
âŠ
Adrien Dax.
LA BRĂCHE N°4, fĂ©vrier 1963, pages 19-22.