Les Stigmates

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Les Stigmates par Melmothia

En grec ancien, le terme « stigma » rĂ©fĂšre aux marques de propriĂ©tĂ© que les Ă©leveurs font sur leurs animaux et les Grecs aisĂ©s sur leurs esclaves. Rien de religieux donc ; les stigma sont de simples signes d’allĂ©geance. Le terme n’apparaĂźt d’ailleurs qu’une fois dans le Nouveau Testament. Dans son ÉpĂźtre aux Galates, l’apĂŽtre Paul Ă©crit : « car moi, je porte en mon corps les marques de JĂ©sus ». Cette formule est possiblement une allusion aux sĂ©vices subis au nom de la foi, ou peut-ĂȘtre Paul se prĂ©sente-t-il ainsi comme le serviteur du Christ, mais rien dans ce passage ne laisse supposer qu’il ait Ă©tĂ© physiquement affectĂ©.

Un millĂ©naire plus tard pourtant, ces « stigma » deviendront des « stigmates ». L’expression dĂ©signe dĂ©sormais des plaies apparaissant de façon surnaturelle sur le corps de croyants aux endroits oĂč le Christ a Ă©tĂ© meurtri durant son supplice, Ă  savoir des plaies sur les mains et les pieds, lĂ  oĂč ont Ă©tĂ© enfoncĂ©s les clous de la crucifixion, Ă  l’emplacement de la couronne d’épines, enfin au flanc qui a supportĂ© le coup de lance du soldat.

Maladie Divine

Les Stigmates - ThérÚse Neumann (1898-1962). Image extraite du site Qui était Catherine Emmerich.
ThérÚse Neumann (1898-1962).
Image extraite du site Qui Ă©tait Catherine Emmerich.

Les premiers cas apparaissent au moyen Ăąge, aprĂšs qu’un prĂ©dicateur italien a reçu les stigmates en 1224. Deux ans avant sa mort, alors qu’il priait sur le mont Alverne aprĂšs un jeĂ»ne de 40 jours, Saint François d’Assise aurait eu la vision d’un sĂ©raphin clouĂ© Ă  une croix dont le sang irradiait des blessures. Un jet de feu et de sang lui aurait alors transpercĂ© les membres. Une fois la vision dissipĂ©e, le saint aurait constatĂ© la rĂ©alitĂ© des plaies qui demeurĂšrent jusqu’à sa mort.

Durant les siĂšcles suivants, quelques centaines de personnes verront ce type de blessures apparaĂźtre sur leur corps, sans que la science ni mĂȘme l’Église n’arrive Ă  trancher entre supercherie, maladie mentale, phĂ©nomĂšne paranormal ou mystique. Le plus cĂ©lĂšbre de nos stigmatisĂ©s modernes est sans conteste Padre Pio dont la ville natale a Ă©tĂ© surnommĂ©e la « Las Vegas des croyants » en raison des 7 millions de pĂšlerins qu’elle accueille chaque annĂ©e. Ce prĂȘtre, qui avait la rĂ©putation de guĂ©rir les malades et possĂ©der un don d’ubiquitĂ©, aurait perdu l’équivalent d’une coupe pleine de sang durant une cinquantaine d’annĂ©es sans jamais avoir besoin d’une transfusion. Padre Pio portait en permanence des mitaines pour dissimuler les marques qui traversaient de part en part ses mains. Mais Ă  sa mort, les stigmates avaient disparu – preuve pour les sceptiques qu’ils n’avaient existĂ© et pour les croyants que les blessures Ă©taient d’origine surnaturelle. Presque aussi cĂ©lĂšbres sont les cas de Marthe Robin ou de ThĂ©rĂšse Neumann (1898-1962) qui aurait saignĂ© des pieds, des mains et versĂ© des larmes de sang, tous les vendredis pendant prĂšs de 40 ans.

Face Ă  ces phĂ©nomĂšnes, l’Église demeure rĂ©ticente Ă  reconnaĂźtre le caractĂšre d’authenticitĂ© des stigmates. Sur plus de 300 cas recensĂ©s, 20% Ă  peine ont Ă©tĂ© canonisĂ©s par Rome et plutĂŽt en raison de leur choix de vie que de leurs indĂ©lĂ©biles blessures. Parmi ceux-ci se trouve Catherine Emmerich, la nonne dont les visions servirent de base au film de Mel Gibson, La passion du Christ.

Quant Ă  la science, elle prĂ©fĂšre comme de coutume Ă©voquer en premier lieu la supercherie, un certain nombre de pseudo-stigmatisĂ©s ayant Ă©tĂ© pris en flagrant dĂ©lit de simulation, et le passage des tissus sains aux blessures n’ayant jamais Ă©tĂ© observĂ© et encore moins filmĂ©. En l’absence de fraude avĂ©rĂ©e, les scientifiques se tournent du cĂŽtĂ© de la pathologie mentale. Des chercheurs contemporains ont ainsi soulignĂ© un point commun entre les diffĂ©rents stigmatisĂ©s : le jeĂ»ne, souvent associĂ© au manque de sommeil. Ces conditions, en provoquant une chute du taux de sĂ©rotonine, pourraient favoriser une perte du sens de la rĂ©alitĂ© et conduire les personnes Ă  s’automutiler, puis Ă  oublier leur geste. Explication quelque peu simpliste, mais qui satisfait Ă  l’exigence rationnelle.

Avant et aprĂšs Barbet

Dans les annĂ©es 40, les recherches anatomiques d’un certain Pierre Barbet vont jeter un nouveau pavĂ© dans la marre en soulevant la question de la localisation des blessures. Bien que la crucifixion ait Ă©tĂ© un chĂątiment trĂšs courant dans l’AntiquitĂ©, il n’existe aucune description ni reprĂ©sentation des exĂ©cutions. C’est donc aux anatomistes modernes d’en reconstituer les conditions. Or, en effectuant Ă  cette fin des expĂ©riences sur des cadavres, Pierre Barbet dĂ©montra en 1937 que les tissus tendres et le cartilage de la main sont incapables de soutenir plus de 30 ou 40 kilos. Il en dĂ©duisit que les clous devaient ĂȘtre enfoncĂ©s au niveau des poignets, lĂ  oĂč l’os est suffisamment solide pour rĂ©sister Ă  la traction due au poids du corps.

Sa dĂ©couverte eut deux consĂ©quences : le discrĂ©dit du phĂ©nomĂšne des stigmates, les mains du Christ n’ayant pu ĂȘtre transpercĂ©es de la façon couramment montrĂ©e dans les tableaux et sur les crucifix. Et consĂ©cutivement un phĂ©nomĂšne Ă©tonnant : un certain nombre de stigmatisĂ©s sans doute soucieux de s’adapter Ă  la modernitĂ© prĂ©sentĂšrent dĂ©sormais les plaies « au bon endroit » 

En accord avec son temps, c’est aux poignets que la jeune stigmatisĂ©e jouĂ©e par Patricia Arquette dans le film Stigmata de Rupert Wainwright (2000) voit apparaĂźtre ses premiĂšres blessures, auxquelles succĂšdent d’autres, au dos et au front. La mĂ©decine Ă©choue Ă  comprendre sa pathologie, a fortiori Ă  la soigner, d’autant qu’autour de la jeune femme se dĂ©chaĂźnent des manifestations pour le moins Ă©tranges (tĂ©lĂ©kinĂ©sie, visions, etc.). C’est un prĂȘtre du diocĂšse de Pittsburgh qui prendra le relais de la science impuissante Ă  aider Frankie Page. Mais rapidement, l’homme d’Église se heurte Ă  deux problĂšmes majeurs : son interlocutrice se dit athĂ©e et dans son discours, elle Ă©voque un manuscrit aramĂ©en censĂ© contenir des paroles du Christ que Rome tiendrait Ă  tout prix Ă  dissimuler. Et tandis que notre prĂȘtre se retrouve tiraillĂ© entre sa conviction et son vƓu d’obĂ©issance Ă  l’Église, les blessures de la jeune stigmatisĂ©e commencent Ă  mettre ses jours en pĂ©ril


Durant une heure trente, Stigmata nous promet une rĂ©vĂ©lation, celle du « vrai » message du Christ. L’intrigue du film s’inspire de The Dead Sea Scrolls Deception, sorti en 1993, un ouvrage de Michael Baigent et Richard Leigh, auteurs dont les oeuvres avaient dĂ©jĂ  inspirĂ© Dan Brown pour son Da Vinci Code. Ils y filent l’hypothĂšse que l’extrĂȘme lenteur avec laquelle les manuscrits de QumrĂąn sont rĂ©vĂ©lĂ©s au public tient Ă  la volontĂ© de l’Église de conserver ces informations secrĂštes. Si elle constitue un bon sujet de fiction, la thĂšse du complot ne tient pas, le temps Ă©coulĂ© entre la dĂ©couverte des manuscrits de la Mer Morte et leur dĂ©cryptage s’expliquant simplement par l’état de dĂ©gradation des rouleaux. La fameuse rĂ©vĂ©lation de Stigmata s’avĂšre d’ailleurs assez dĂ©cevante, puisqu’il s’agit de la nĂ©cessitĂ© pour chaque croyant de bĂątir sa propre Ă©glise dans son cƓur. Rien de susceptible de renverser Rome, donc.

Nouveau bouleversement

Soixante ans aprĂšs les travaux de Pierre Barbet, un mĂ©decin lĂ©giste, le Docteur Frederik Zugibe, s’applique Ă  en contredire les conclusions. Durant ses expĂ©riences, Pierre Barbet semble en effet n’avoir jamais tenu compte de la position des pieds durant la crucifixion, pensant qu’il ne s’agissait que d’un paramĂštre trĂšs secondaire. Or Frederik Zugibe a dĂ©montrĂ© ces derniĂšres annĂ©es que si le poids du corps entraĂźnait en effet la dĂ©chirure des mains lorsqu’il y Ă©tait entiĂšrement suspendu, une planchette posĂ©e sous les talons ou un clou plantĂ© dans la cheville changeaient considĂ©rablement la rĂ©partition de la masse. Ce qui rend finalement possible le type de crucifixion classique de l’imagerie religieuse. On peut donc s’attendre Ă  ce que, pour les gĂ©nĂ©rations futures de stigmatisĂ©s, les plaies reprennent leur place au milieu des mains.

Quelque trente cas de stigmatisation sont Ă  l’heure actuelle recensĂ©s Ă  travers le monde. Si l’Église est toujours rĂ©ticente Ă  leur Ă©gard, la plupart sont des croyants convaincus chez qui les stigmates sont apparus lors de visions ou d’extases mystiques. Certains, cependant, comme Giorgio Bongiovanni cultivent une version du dogme trĂšs personnelle. Ce Silicien, stigmatisĂ© d’une croix au front, prophĂ©tise rĂ©guliĂšrement le retour du Christ qui, selon lui, devrait revenir trĂšs prochainement sur terre avec la vierge Marie
 au volant d’un OVNI.

Les Stigmates, Melmothia 2009 – Article rĂ©digĂ© pour le compte du site Sci Fi.

Image by José Manuel de Laå from Pixabay

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