Epitre du Feu Philosophique

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Epitre du Feu Philosophique par Jean Pontanus.

Lettre concernant la pierre dite philosophale

In Theatrum Chemicum (1614 T III)

Moi, Jean Pontanus, qui suis allĂ© en plusieurs rĂ©gions et royaumes – afin de connaĂźtre certainement ce que c’est que la Pierre des Philosophes –, aprĂšs avoir parcouru tous les cĂŽtĂ©s du monde, je n’ai trouvĂ© que des faux Philosophes et des trompeurs. NĂ©anmoins, Ă©tudiant toujours dans les livres des Sages, et mes doutes s’augmentant, j’ai trouvĂ© la vĂ©ritĂ© ; mais nonobstant que j’eusse la connaissance de la matiĂšre, j’ai errĂ© deux cents fois avant que de trouver l’opĂ©ration et pratique de cette vraie matiĂšre. PremiĂšrement, j’ai commencĂ© mes opĂ©rations par les putrĂ©factions du Corps de cette matiĂšre, pendant neuf mois, et je n’ai rien trouvĂ©. Je l’ai mise au bain-marie pendant quelques temps, et j’ai semblablement errĂ©. Je l’ai tenue et posĂ©e dans un feu de calcination pendant trois mois, et j’ai mal opĂ©rĂ©. Tous les genres et maniĂšres de distillations et sublimations, comme disent ou semblent dire les Philosophes – tel GĂ©ber, ArchĂ©laĂŒs et presque tous les autres – je les ai tentĂ©s et essayĂ©s, et n’ai pareillement rien trouvĂ©. Enfin, j’ai tĂąchĂ© de parvenir et parfaire le sujet de tout l’Art d’Alchimie, de toutes les maniĂšres imaginables, qui se font par le fumier, le bain, les cendres, et par mille autres genres de feux, dont les Philosophes font mention dans leurs livres ; mais je n’ai rien dĂ©couvert de bon.

Epitre du Feu Philosophique
Epitre du Feu Philosophique

C’est pourquoi je me mis pendant trois ans continuels Ă  Ă©tudier les livres des Philosophes, entre autres le seul HermĂšs, les brĂšves paroles duquel comprennent tout le magistĂšre de la Pierre ; quoiqu’il parle assez obscurĂ©ment des choses supĂ©rieures et infĂ©rieures, du Ciel et de la Terre.

Toute notre application et notre soin, donc, ne doit ĂȘtre qu’à la connaissance de la vraie pratique, dans le premier, le second, et le troisiĂšme ƒuvre. Ce n’est point le feu de bain, de fumier, ni de cendres, ni aucun de tous les autres feux que nous chantent les Philosophes, et nous dĂ©crivent dans leurs livres.

Qu’est-ce donc que ce feu qui parfait et achĂšve tout l’ƒuvre, depuis le commencement jusqu’à la fin ? Certainement tous les Philosophes l’ont cachĂ© ; mais, pour moi, touchĂ© d’un mouvement de pitiĂ©, je le veux dĂ©clarer avec l’entier accomplissement de tout l’ƒuvre.

La Pierre des Philosophes est unique, et une, mais cachée et enveloppée en la multiplicité de différents noms, et avant que tu la puisses connaßtre tu te donneras bien de la peine ; difficilement la trouveras-tu de ton propre génie. Elle est aqueuse, aérienne, ignée, terrestre, flegmatique, colérique, sanguineuse et mélancolique. Elle est un soufre et pareillement Argent vif.

Elle a plusieurs superfluitĂ©s, qui, je t’assure par Dieu vivant, se convertissent en vraie et unique Essence, moyennant notre feu. Et celui qui sĂ©pare quelque chose du sujet – croyant cela nĂ©cessaire –, ne connaĂźt assurĂ©ment rien Ă  la Philosophie. Car le superflu, le sĂąle, l’immonde, le vilain, le bourbeux, et, gĂ©nĂ©ralement toute la substance du sujet, se parfait en corps spirituel fixe, par le moyen de notre feu. Ce que les Sages n’ont jamais rĂ©vĂ©lĂ©, et fait que peu de gens parviennent Ă  cet Art ; s’imaginant que quelque chose de sale et de vilain doit ĂȘtre sĂ©parĂ©.

Maintenant il faut faire paraĂźtre, et tirer dehors les propriĂ©tĂ©s de notre feu ; s’il convient Ă  notre matiĂšre selon la maniĂšre dont j’ai parlĂ©,c’est-Ă -dire s’il est transmuĂ© avec la matiĂšre. Ce feu ne brĂ»le point la matiĂšre, il ne sĂ©pare rien de la matiĂšre, ne divise ni n’écarte les parties pures des impures, ainsi que disent tous les Philosophes, mais convertit tout le sujet en puretĂ©. Il ne sublime pas comme GĂ©ber fait les sublimations, et Arnaud pareillement, et tous les autres qui ont parlĂ© des sublimations et distillations. Il se fait et parfait en peu de temps.

Ce feu est minĂ©ral, Ă©gal et continuel, il ne s’évapore point, si ce n’est qu’il soit trop excitĂ© ; il participe du soufre, il est pris et provient d’ailleurs que de la matiĂšre. Il rompt, dissout, et congĂšle toutes choses, et semblablement congĂšle et calcine ; il est difficile Ă  trouver par l’industrie et par l’Art. Ce feu est l’abrĂ©gĂ© et le raccourci de tout l’ƒuvre, sans prendre autre chose, du moins peu, et ce mĂȘme feu s’introduit et est de mĂ©diocre ignition ; parce qu’avec ce petit feu tout l’ƒuvre est parfait, et sont faites, ensemble, toutes les requises et dues sublimations.

Ceux qui liront GĂ©ber et tous les autres Philosophes, quand ils vivraient cent millions d’annĂ©es, ne le sauront comprendre ; car ce feu ne se peut dĂ©couvrir que par la seule et profonde mĂ©ditation de la pensĂ©e, ensuite on le comprendra dans les livres, et non autrement. L’erreur en cet Art, ne consiste qu’en l’acquisition de ce feu, qui convertit la matiĂšre en la Pierre des Philosophes.

Étudie-toi donc Ă  ce feu, parce que si moi-mĂȘme je l’eus premiĂšrement trouvĂ©, je n’eus pas errĂ© deux cents fois sur la propre matiĂšre. À cause de quoi je ne m’étonne plus si tant de gens ne peuvent parvenir Ă  l’accomplissement de l’ƒuvre.

Ils errent, ont errĂ© et erreront toujours, en ce que les Philosophes n’ont mis leur propre agent qu’en une chose, qu’ArtĂ©phius a nommĂ©e, mais il n’a parlĂ© que pour lui. Si ce n’est que j’ai lu ArtĂ©phius, que je l’ai entendu et compris, jamais je ne serais parvenu Ă  l’accomplissement de l’ƒuvre.

Voici quelle est cette pratique : il faut prendre la matiĂšre avec toute diligence, la broyer physiquement et la mettre dans le feu, c’est-Ă -dire dans le fourneau ; mais il faut aussi connaĂźtre le degrĂ© et la proportion du feu. À savoir, il faut que le feu externe excite tant seulement la matiĂšre ; et, en peu de temps ce feu, sans y mettre les mains en aucune maniĂšre, accomplira assurĂ©ment tout l’ƒuvre. Parce qu’il putrĂ©fie, corrompt, engendre et parfera tout l’ouvrage, faisant paraĂźtre les trois principales couleurs, la noire, la blanche, la rouge. Et moyennant notre feu la mĂ©decine se multipliera si elle est conjointe Ă  la matiĂšre crue, non seulement en quantitĂ©, mais aussi en vertu.

Recherche donc de toutes les forces de ton esprit ce feu, et tu parviendras au but que tu t’es proposĂ© ; car c’est lui qui fait tout l’ƒuvre, et il est la clef de tous les Philosophes, laquelle ils n’ont jamais rĂ©vĂ©lĂ©e dans leurs livres. Si tu penses bien profondĂ©ment aux propriĂ©tĂ©s du feu ci-dessus, tu la connaĂźtras, mais non autrement. Donc, touchĂ© d’un mouvement de pitiĂ©, j’ai Ă©crit ceci ; mais, et afin que je me satisfasse, le feu n’est point transmuĂ© avec la matiĂšre, comme je l’ai dit ci-dessus. J’ai bien voulu le dire et en avertir les prudents de ces choses, pour qu’ils ne dĂ©pensent pas inutilement leur argent, mais qu’ils sachent auparavant ce qu’ils doivent chercher, et, par ce moyen, parviendront Ă  la vĂ©ritĂ© de l’Art ; non pas autrement.

À Dieu.

Plus sur le sujet :

Lettre concernant la pierre dite philosophale, Epitre du Feu Philosophique, In Theatrum Chemicum (1614 T III), Jean Pontanus.

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