IX livres des distillations de Jean Baptiste Porta.

Le traitĂ© De distillationibus libri IX (Rome 1603)  ou IX Livres des Distillations est l’oeuvre de Giambattista della Porta (ou Giovanni Battista Della Porta, ou Jean Baptiste Porta), un physicien, opticien, cryptologue et alchimiste italien nĂ© Ă  Vico Equense vers 1535 & mort Ă  Naples le 4 fĂ©vrier 1615. Porta est Ă©galement l’auteur d’un traitĂ© de physiognomie, d’optique (il est l’inventeur de la chambre noire) et de plusieurs tomes regroupĂ©s sous l’intitulĂ© Magie Naturelle compilant les connaissances scientifiques de son Ă©poque.

IX livres des distillations
IX livres des distillations

A l’illustrissime seigneur FrĂ©dĂ©ric CESI marquis de Monticelli et sire d’autres lieux.

Comment m’acquitter envers toi (illustrissime jeune homme, aux vertus inouĂŻes et porteur d’espoirs encore plus grands) de bienfaits si nombreux, si importants, comment rĂ©pondre Ă  ton affection — nƓuds par lesquels tu me lies et m’attaches Ă  toi chaque jour, sans risquer d’imprimer sur moi la marque de l’ingratitude ? En effet, mes faibles vertus (je les connais bien) n’ont pas assez de valeur pour Ă©galer tes mĂ©rites. Pourtant malgrĂ© mon insignifiance et la mĂ©diocritĂ© de mes forces, je mettrai tout mon soin et tout mon zĂšle Ă  ce que si je m’Ă©carte du dessein que je me propose, du moins ma dĂ©votion et ma dĂ©fĂ©rence envers toi soient toujours manifestes. Mais au moment d’Ă©voquer la grandeur de ta destinĂ©e, l’abondance de la matiĂšre m’empĂȘche de savoir par oĂč prĂ©cisĂ©ment commencer; car je suis comme un homme qui, dĂ©sireux de dĂ©nombrer les Ă©toiles du firmament, commencerait tantĂŽt par les plus remarquables, tantĂŽt par les plus petites, tantĂŽt par les plus Ă©clatantes, et finirait, Ă©crasĂ© sous leur multitude, par renoncer Ă  leur dĂ©nombrement. Toutefois j’y suis contraint: je commence enfin. Je vais devoir Ă©voquer le passĂ© assez Ă©loignĂ© de la lignĂ©e des Cesi. C’est de Carsus petit-fils du ThĂ©bain Hercule, roi d’Argos (d’aprĂšs Pausanias), dont les descendants vinrent de GrĂšce dans la rĂ©gion d’Italie qui s’appelle Grande GrĂšce, et de lĂ  Ă  Rome, que la lignĂ©e des Cesi a tirĂ© son nom et son origine, comme le montrent les tĂ©moignages des Grecs. Si je voulais Ă  partir de lĂ  recenser tous les Cesi qui se sont illustrĂ©s dans l’Etat Romain, tant dans leur pays qu’Ă  l’Ă©tranger, par leurs hautes fonctions, aussi bien religieuses que profanes, jusqu’Ă  ceux qui gouvernĂšrent la Pannonie, mon rĂ©cit dĂ©borderait de beaucoup le cadre d’un envoi: car la longue suite des siĂšcles a aboli sous les tĂ©nĂšbres du temps le souvenir des guerres qu’ils ont soutenues, des citĂ©s renversĂ©es, des royaumes dĂ©truits. Mais si nous en venons Ă  des temps plus rĂ©cents, une vieille chronique familiale fait Ă©tat de Cesi issus d’Aquitaine, province de Gaule.

A partir de lĂ , on cite d’abord le cĂ©lĂšbre Probus, Ă©vĂȘque de Narni, grĂące Ă  qui l’empereur Othon II, capturĂ© par des pirates, fut rendu sain et sauf Ă  Rome et Ă  l’Empire; et CĂ©sar, redevable de ce service incommensurable, fit en sorte que son fils Othon, hĂ©ritier de l’Empire, travaillĂąt activement Ă  ce que Gerbert — neveu de Probus, philosophe du plus haut rang, Ă©rudit en toutes sciences, et qui prit le nom de Sylvestre II — fĂ»t Ă©levĂ© au pontificat; de plus il enrichit et honora de chĂąteaux, de bourgs, de domaines et de prĂ©sents impĂ©riaux FrĂ©dĂ©ric, son frĂšre, le pre­mier de la famille qui ait rĂ©tabli la lignĂ©e des Cesi en Italie. Celui-ci construisit prĂšs de SpolĂšte, en Ombrie, le chĂąteau d’Equitani afin que survive le nom d’Aquitaine. Ses descen­dants appelĂšrent Cesi, du nom de leur famille, une autre place forte qu’on leur rendit au mĂȘme endroit. Mais qui dĂ©nom­brera tous les Cesi qui ont brillĂ© Ă  Rome de toutes leurs digni­tĂ©s et privilĂšges ? Pierre Cesi l’Aquitain, compagnon de saint François d’Assise, Ă©lu, du vivant de cet ĂȘtre divin, ministre gĂ©nĂ©ral de l’Ordre des FrĂšres Mineurs, s’illustra Ă  ce point par sa saintetĂ© et ses miracles qu’il mĂ©rita le nom de Bienheureux. Paul ‘, d’une vertu peu commune, fut pour cela le premier Ă  recevoir la pourpre du pape LĂ©on X. FrĂ©dĂ©ric, qui s’est remarquablement illustrĂ© dans les sciences et aussi par sa sagesse et sa prudence, est nommĂ© cardinal par Paul III; peu aprĂšs, Pierre Donato reçoit le chapeau cardinalice aprĂšs avoir accompli les ambassades les plus distinguĂ©es; et ton oncle paternel le cardinal BartholomĂ©e les Ă©gale tous en vertus et en Ă©clat. Je passerai sous silence les Ă©vĂȘques, archevĂȘques, clercs de la Chambre apostolique honorĂ©s en grand nombre par des prĂ©tures et charges ecclĂ©siastiques; les vaillants soldats qui par leur propre mĂ©rite ont acquis pour eux-mĂȘmes et pour leurs descendants les propriĂ©tĂ©s de nombreuses places fortes et chĂąteaux. Richard, frĂšre du bienheureux Pierre, chambellan de l’empereur FrĂ©dĂ©ric, obtint le comtĂ© des Terres d’Arnolfe. Les frĂšres BenoĂźt et Simon, comtes palatins gouvernĂšrent l’Ombrie pour le compte de l’empereur Charles IV. Antoine Cesi dĂ©fen­dit vaillamment Narni assiĂ©gĂ©e par le roi Ladislas et Braccio da Montone, et la garda sous la protection du Pape: pour cela on lui accorda les redevances publiques du Pape et les exemp­tions. Le trĂšs pieux Pierre, trois fois sĂ©nateur de Rome, fut fait comte de Menzani. Jean-Jacques obtint la propriĂ©tĂ© d’Acquasparta et des Suillates, dont la possession a Ă©tĂ© rĂ©cemment enrichie de plusieurs places fortes par ton pĂšre, l’excellentissime duc FrĂ©dĂ©ric; que dire encore du duchĂ© de CĂšri, du marquisat de Monticelli et de Riani et de tant d’autres lieux dont sont maĂźtres les Cesi ? C’est pourquoi on pourra dire que la lignĂ©e des Cesi est une pĂ©piniĂšre d’évĂȘques, de cardinaux, de papes et des plus nobles des Grands.

Nous ne parlons pas des grands mariages contractĂ©s avec les plus nobles familles d’Italie: Liviana, Catamelata, issue des vaillants doges de Venise, Bartolomeo et Erasmo, Varana, Corbaria, Monaldense, Malatesta, Ballionia, Actia, Anguillaria, Cajetana, Ursina, Sabella et d’autres. Nous ne parlons pas des Ă©glises, des monastĂšres, des bourgs, des forteresses, des palais, des parcs et des Ă©difices magnifiques qu’ils ont construits.

Mais pour ne pas sembler nous appesantir sur des dĂ©tails secondaires, passons sur ce que tu as peut-ĂȘtre en commun avec d’autres princes: parlons de ce qui t’est propre et qui n’est accordĂ© qu’Ă  une infime minoritĂ©. En effet Ă  peine ĂągĂ© de dix-neuf ans, aprĂšs avoir parcouru les sciences de la philosophie et de la connaissance universelle, brĂ»lant de comprendre toutes les autres, tu te rends admirable en toutes au point de sembler n’ĂȘtre nĂ© que pour elles. Qui n’a louĂ© la prodigieuse franchise de ton Ăąme, ignorant la mauvaise foi, dĂ©nuĂ©e de fourberie, ta conscience sans tache ? ta bienveillance, le charme et la distinction de ton esprit, la pĂ©nĂ©tration de ton gĂ©nie ? Vraiment on pourra Ă  juste raison t’appliquer ce qu’a chantĂ© cet illustre poĂšte plein de sagesse: « les vertus confondues s’Ă©panouissent en toi et celles qui, divisĂ©es, rendent bienheureux, tu les gardes rassemblĂ©es. Et c’est attirĂ©s par ces vertus que les philosophes particuliĂšrement remarquables, les savants Ă©minents accourent vers toi de toutes parts et en grand nombre, au point qu’ils ont l’impression de se rendre au LycĂ©e. En rĂ©flĂ©chissant continuellement avec eux, tu leur prĂ©sentes ta maison comme une trĂšs noble AcadĂ©mie, et tu te distingues tellement parmi eux que tu attires sur toi l’amour et l’admiration de tous; par l’Ă©clat de tes vertus tu Ă©gales ou dĂ©passes la gloire de tes aĂŻeux, gloire longtemps cachĂ©e par l’injustice des temps, qui jaillit de ses cendres, ressuscitĂ©e, et immortelle, et ne se borne pas Ă  redonner vie Ă  un nom antique, mais resplendit d’un Ă©clat plus glorieux.

C’est donc Ă  juste titre que je n’ai pas hĂ©sitĂ© Ă  invoquer ta protection pour mon petit livre sur la distillation: car en traitant Ă  fond la mĂ©thode d’extraction des esprits trĂšs purs et des quintessences des choses, il expose les pouvoirs admirables et particuliĂšrement secrets de la nature; ainsi Ă  ton gĂ©nie si fĂ©cond, chercheur particuliĂšrement habile des causes naturelles, il fournira quelque aliment, et il attestera de mon dĂ©vouement Ă  ton Ă©gard. Pour l’instant profite de ce livre, ensuite tu le donneras Ă  d’autres de ma part.

Adieu.

A Naples, le 20 juillet 1604.

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IX livres des distillations de Jean Baptiste Porta.

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