Théories et symboles de la Philosophie Hermétique : chapitre 8.
CHAPITRE VIII â LES MODIFICATIONS FONDAMENTALES DU TYPE HUMAIN
La lumiĂšre blanche et les couleurs du prisme. â MatĂ©rialitĂ© et AnimalitĂ©. â SpiritualitĂ©. â BontĂ© et Altruisme absolu. â FĂ©rocitĂ©. â ActivitĂ© et IntellectualitĂ© pure. Paresse.
LâHomme-Type ou Adam-Kadmon reprĂ©sente un idĂ©al dâharmonie quâaucun ĂȘtre concret ne parvient Ă rĂ©aliser. Il en rĂ©sulte des idiosyncrasies variĂ©es Ă lâinfini, que seul lâHermĂ©tisme permet de classifier dâune maniĂšre strictement logique.
Ă cet effet, il importe de remonter jusquâaux causes qui engendrent une rupture plus ou moins prononcĂ©e de lâĂ©quilibre parfait. Elles se ramĂšnent Ă une seule : la disproportion des facteurs constituants du ternaire humain. Chacun dâeux peut se trouver en excĂšs ou ĂȘtre, au contraire, insuffisamment reprĂ©sentĂ©. On peut ainsi distinguer six variations fondamentales, caractĂ©risĂ©es par la surabondance ou la pĂ©nurie du Corps, de lâĂme et de lâEsprit.
Pour se rendre compte de ces déviations, il faut se reporter au schéma du chapitre précédent.
Chacun de ces trois cercles Ă©tant tour Ă tour avancĂ©, puis reculĂ©, leurs interfĂ©rences normales sont modifiĂ©es de façon Ă expliquer les tonalisations principales de lâharmonie humaine.
Celles-ci se groupent autour de lâĂ©quilibre parfait, auquel correspond la lumiĂšre blanche synthĂ©tique dans le symbolisme des couleurs, alors que les trois couleurs primitives, rouge, bleu et jaune, conviennent respectivement Ă lâEsprit, Ă lâĂme et au Corps. Quant aux nuances intermĂ©diaires, violet, orange, vert, elles sâappliquent Ă lâAine spirituelle, Ă lâEsprit corporel et Ă lâĂme corporelle. Les principales variations du type humain peuvent ainsi se rattacher Ă lâune des couleurs du prisme. Câest ce quâindique le tableau ci-contre.
Mais il convient dâĂ©tudier sĂ©parĂ©ment chacune des divergences ainsi reprĂ©sentĂ©es.
Lorsque lâon trace le cercle corporel de maniĂšre Ă le faire empiĂ©ter sur les deux autres, il y a extension de Mars, VĂ©nus et Mercure aux dĂ©pens de Jupiter.
Câest le schĂ©ma de la prĂ©dominance matĂ©rielle. LâactivitĂ© physique (Mars) la sĂšve vitale (VĂ©nus) et lâintelligence pratique qui pourvoit aux besoins du corps (Mercure) se rĂ©unissent pour Ă©touffer lâidĂ©alitĂ© (Jupiter). Il y a peu de place pour le rĂȘve, les conceptions Ă©levĂ©es et les sentiments nobles. En revanche, la vigueur musculaire ne laissera rien Ă dĂ©sirer. De semblables natures sont faites pour travailler sous la direction dâautrui. Elles nâaspireront quâĂ la satisfaction de leurs besoins corporels. Toute autre ambition leur paraĂźtra dĂ©raisonnable. Sancho Panza rĂ©alise pleinement ce type.
La pondĂ©ration massive de ces ĂȘtres robustes les, fait jouir dâune santĂ© excellente, si lâon sâen tient aux apparences ; car, en rĂ©alitĂ©, ils sont prĂ©disposĂ©s Ă lâapoplexie et aux accidents du tempĂ©rament athlĂ©tique. LâobĂ©sitĂ© et la plĂ©thore les menacent, sâils ne dĂ©pensent pas leur force ; dâautre part, leurs organes risquent dâĂȘtre prĂ©maturĂ©ment usĂ©s par la fatigue excessive qui pourrait leur ĂȘtre imposĂ©e.
Ces personnalitĂ©s Ă©paisses ont besoin de rĂ©agir contre la pesanteur de la matiĂšre. Lâimagination (Lune) chez elles, devra idĂ©aliser la vitalitĂ© (VĂ©nus), Diane (Lune) inspirant Ă VĂ©nus des sentiments purs, donnera plus dâempire Ă Jupiter, surtout si Apollon (Soleil), de son cĂŽtĂ©, parvient Ă tourner la fougue de Mars vers lâambition des grandes choses.
Cette intervention simultanĂ©e de lâĂme (Lune) et de lâEsprit (Soleil) renforce lâĂme spirituelle ou raisonnable (Jupiter) qui distingue lâhomme de la bĂȘte.
Celle-ci sâabandonne passivement aux impulsions qui la gouvernent. Elle obĂ©it avec une docilitĂ© absolue aux lois de son espĂšce, et ne dĂ©libĂšre pas ses actes qui restent purement impulsifs. Les animaux sont comparables, sous ce rapport, Ă des sujets hypnotiques qui subiraient dâirrĂ©sistibles suggestions.
Chez eux il nây a pas trace dâidĂ©alitĂ©. LâEsprit (Soleil) se manifeste tout entier dans lâInstinct (Mars), et lâĂme (Lune) dans la VitalitĂ© (VĂ©nus). Quant au Corps Astral, il est plus puissant que chez lâhomme.
Lâinconscience qui caractĂ©rise lâanimalitĂ© tient Ă lâabsence dâĂme spirituelle (Jupiter). Celle-ci ne se dĂ©veloppe quâĂ la suite de la rĂ©volte initiale qui fait conquĂ©rir lâautonomie personnelle. Lâhomme a voulu ĂȘtre par lui-mĂȘme et de ce fait il sâest placĂ© en dehors du courant de la vie gĂ©nĂ©rale ou Ă©dĂ©nique, il a dĂ©truit lâintimitĂ© du rapport reliant lâindividu Ă lâespĂšce. Ainsi sâest dĂ©chaĂźnĂ©e une lutte entre la raison naissante et lâinstinct, dĂ©sormais privĂ© de son infaillibilitĂ©. Les Ă©preuves douloureuses de lâĂ©volution individuelle dĂ©gagent par degrĂ©s de cet Ă©tat de trouble. Les facultĂ©s psychiques se dĂ©veloppent pour replacer lâhomme dans le courant dâune vie supĂ©rieure.
La vertu se tient Ă Ă©gale distance des extrĂȘmes. Ă tout vice sâoppose une dĂ©faillance en sens contraire. Câest ainsi que la matĂ©rialitĂ© exagĂ©rĂ©e a pour antagoniste une spiritualitĂ© excessive.
Ici le cercle du corps est repoussĂ© au-dehors. Il ne laisse plus quâun domaine prĂ©caire Ă Mars, VĂ©nus et Mercure ; en revanche, Jupiter absorbe tout. Câest la pensĂ©e qui sâexerce aux dĂ©pens de lâĂ©nergie rĂ©alisatrice (Mars), de la vitalitĂ© (VĂ©nus) et de la trame invisible de la personnalitĂ© (Mercure). Les gens de cette catĂ©gorie sont des rĂȘveurs dĂ©biles. Ils habitent les nuages et dĂ©sertent leur corps qui sâĂ©tiole.
Volontiers ils tombent dans les excĂšs de la mysticitĂ©. Or, qui veut faire lâange fait la bĂȘte, car notre nature tend fatalement Ă lâĂ©quilibre : le Corps ressaisit par suite avec violence lâEsprit et lâĂme qui cherchent Ă lui Ă©chapper. La sagesse veut que nous subissions les lois de notre enveloppe terrestre. Elle enseigne Ă rĂ©gner sur la matiĂšre et non Ă la fuir. Dans ce but, il importe de volatiser le fixe tout en fixant le volatil, ou de spiritualiser les corps en corporisant les esprits. Tout le secret du Grand Art est lĂ .
Pour rattacher à la terre une personnalité par trop éthérée Vénus peut utilement intervenir, en inspirant une de ces passions qui attirÚrent les Béné-Elohim vers les filles des hommes.
Dâautre part, lâexercice musculaire et la gymnastique pourront permettre Ă Mars de conquĂ©rir sa vigueur normale.
Les personnes qui ont trop dâĂme (Lune) sont riches en IdĂ©alitĂ© (Jupiter) et en VitalitĂ© (VĂ©nus). Le noyau de leur personnalitĂ© est puissant, mais elles manquent dâesprit dâinitiative.
GĂ©nĂ©reuses et compatissantes elles sâoublient facilement elles-mĂȘmes ; aussi risquent-elles de devenir la proie des aviditĂ©s qui les guettent.
Or, le premier devoir de lâĂȘtre vivant est de se conserver et de se constituer avec soliditĂ©. Câest en ce sens que charitĂ© bien ordonnĂ©e commence par soi. Un Ă©goĂŻsme raisonnable doit retenir les Ă©lans irrĂ©flĂ©chis du cĆur.
Les dispositions morales qui privent lâĂȘtre de toute Ă©nergie de dĂ©fense personnelle ont dâailleurs leur rĂ©percussion sur lâorganisme. Lâardeur vitale (Mars) a pour mission de repousser les ennemis envahissants dont nous sommes sans cesse menacĂ©s. Il faut se dĂ©fendre si lâon ne veut pas ĂȘtre dĂ©vorĂ©.
Un ĂȘtre qui ne serait quâamour et dĂ©vouement ne saurait subsister au milieu dâune sociĂ©tĂ© basĂ©e sur la lutte pour la vie. PoussĂ© Ă lâextrĂȘme lâaltruisme supprime entiĂšrement lâinstinct (Mars). Câest alors le triomphe de lâĂme (Lune), mais en mĂȘme temps la cessation de toute vie corporelle. La Vierge (Lune) ne peut Ă©craser la tĂȘte du serpent que dans le ravissement qui la transporte au ciel.
Lorsque lâĂme tient trop peu de place dans la personnalitĂ©, Mars prĂ©domine au dĂ©triment de Jupiter, de Mercure et de VĂ©nus. Le feu corporel (Mars) se montre par suite agressif, brutal et violent. LâIdĂ©alitĂ© (Jupiter) et la sensibilitĂ© (VĂ©nus) ne parviennent pas Ă lui opposer un frein suffisant. Une Ă©nergie indomptable se joint chez de pareilles natures Ă un Ă©goĂŻsme cynique. Le crime en fait ses instruments les plus dangereux.
Les instincts mĂ©chants et destructeurs peuvent nĂ©anmoins tourner au bĂ©nĂ©fice dâune sociĂ©tĂ© qui parvient Ă les discipliner, car, si les hommes dâaction et de mouvement se montrent peu sensibles, ils nâen subissent pas moins lâascendant de toute supĂ©rioritĂ© morale et intellectuelle. Ils demandent Ă ĂȘtre domptĂ©s, comme des bĂȘtes fĂ©roces quâils sont. Avec du tact et de lâassurance on rĂ©ussira souvent Ă tirer parti dâeux, car il y a toujours de la ressource avec les forts, tandis que les lĂąches restent fermĂ©s Ă toute vertu.
Ă ceux qui manquent dâĂąme, il convient dâen donner, comme on le fit Ă lâĂ©poque de la chevalerie. Le culte du courage, de lâhonneur viril, rapproche Mars de Jupiter. Le respect de la femme, cette charmeuse dont lâirrĂ©sistible ascendant sâimpose, permet dâautre part Ă VĂ©nus dâadoucir ce quâil y a dans Mars de rude et de sauvage.
LâEsprit en excĂšs porte prĂ©judice Ă VĂ©nus au bĂ©nĂ©fice de Mars, Mercure et Jupiter.
Ce dernier entretient une ambition dĂ©mesurĂ©e, que Mars est prĂȘt Ă servir de toute sa dĂ©vorante activitĂ©. Mais il y a pĂ©nurie de liquide vital ; le Feu manque de combustible. Il se consume plein de rage et dĂ©chaĂźne une fureur maladive, que lâinfluence dâune personne aimante et douce parviendra seule Ă calmer. De pareilles natures en rongent, elles voudraient tout entreprendre et souffrent de leur impuissance. La fiĂšvre les secoue et leur brĂ»le le sang. Parfois elles se renferment dans un dĂ©sespoir farouche, pour Ă©clater soudain en des crises de colĂšre furieuse. La musique semble alors susceptible de ramener lâharmonie dans ces Ăąmes troublĂ©es. Câest du moins ce que nous apprend lâhistoire de David et de SaĂŒl.
On peut imaginer un ĂȘtre chez qui lâEsprit supplanterait entiĂšrement la VitalitĂ©. Ce sera le fantĂŽme de lâintellectualitĂ© pure, une sorte de Lucifer, archange dâorgueil et dâindĂ©pendance absolue.
La pauvreté spirituelle sacrifie Jupiter, Mercure et Mars à la domination tyrannique de Vénus.
Celle-ci rĂ©pugne Ă lâaction et ne recherche que la voluptĂ©. Câest la paresse et la sensualitĂ© qui atrophient lâintelligence et engourdissent toutes les forces vives. La vitalitĂ© croupissante se corrompt, et engendre les vices les plus pernicieux. LâhystĂ©rie, avec ses perversions du sens moral et de lâinstinct, se rattache Ă ce genre de dĂ©sĂ©quilibrement.
Le salut doit ĂȘtre cherchĂ© dans les distractions qui font travailler le corps en occupant lâesprit. La vitalitĂ© en excĂšs demande, en outre, Ă ĂȘtre dĂ©pensĂ©e au bĂ©nĂ©fice dâautrui. Lâexercice du magnĂ©tisme peut offrir en cela une dĂ©rivation extrĂȘmement salutaire.
Il appartient au lecteur de tirer par lui-mĂȘme toutes les consĂ©quences des prĂ©misses qui viennent dâĂȘtre posĂ©es. Ce qui prĂ©cĂšde nâest quâune esquisse, rudimentaire, mais suffisante pour complĂ©ter les notions quâil importait de donner sur la MĂ©decine philosophale. Cette thĂ©rapeutique vise Ă ramener lâhomme Ă lâĂ©quilibre rigoureux de son type divin. Câest ce quâon pourrait appeler la MĂ©decine intĂ©grale.
Puisse la MĂ©decine ordinaire sâoccuper moins exclusivement du corps. EspĂ©rons quâune philosophie sagace viendra de plus en plus Ă©clairer la science, et que justice sera rendue dans lâavenir au gĂ©nie mĂ©connu du passĂ© !
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