La PriĂšre Sacerdotale 1

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La PriĂšre Sacerdotale 1 par Jean Pierre Bonnerot.

Ou les fondements de la métaphysique chrétienne

Ainsi parla JĂ©sus. Puis il leva les yeux vers le ciel et il dit : « PĂšre l’heure est venue ; glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie ; 2 afin que , comme tu lui as donnĂ© autoritĂ© sur toute chair, Ă  tous ceux que tu lui as donnĂ©s, il donne, lui, la Vie Ă©ternelle ; 3 et la Vie Ă©ternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et ce JĂ©sus-Christ que tu as envoyĂ©. 4 Moi, je t’ai glorifiĂ© sur la terre ; « j’ai adressĂ© l’oeuvre que tu m’as donnĂ©e Ă  faire. 5 Maintenant, donc, toi, PĂšre, glorifie-moi auprĂšs de toi, de la gloire que j’ai eue avant l’existence de monde, au-dedans de toi. 6 J’ai manifestĂ© ton nom aux hommes que tu m’as donnĂ©s de ce monde. Ils Ă©taient Ă  toi, et tu me les as donnĂ©s ; et ils ont suivi ton Verbe, 7 et ils ont reconnu maintenant tout ce que tu m’as donnĂ©, que tout cela est bien de toi : 8 parce que les instructions que tu m’as donnĂ©es, je leur ai donnĂ©es, et ils les ont reçues, et ils ont reconnu vĂ©ritable que je suis venu de ta part et ils ont cru que c’est toi qui m’as envoyĂ©. 9 Et moi, je te prie pour eux. Je ne te prie pas pour le monde ; mais pour ceux que tu m’as donnĂ©es : parce qu’ils sont tiens, – 10 oui, tout ce qui est mien est tien et tout ce qui est tien est mien, – et j’ai Ă©tĂ© glorifiĂ© en eux. 11 Et dĂ©sormais je ne suis plus dans le monde, et eux ils sont dans le monde, et moi je viens vers toi. PĂšre Saint, garde-les dans ton nom, dans lequel tu me les as donnĂ©s, afin que comme nous ils soient un. 12 Lorsque j’Ă©tais avec eux dans le monde, je les gardais dans ton nom. Oui, ceux que tu m’as donnĂ©s, je les ai gardĂ©s, et aucun d’eux ne s’est perdu ; si ce n’est le Fils de perdition, pour que l’Écriture fut accomplie. 13 Mais maintenant je viens vers toi, et je dis ces paroles dans ce monde, pour que mon bonheur soit en eux. 14 Moi, je leur ai donnĂ© ton Verbe ; et le monde les hait, bonheur soit en eux. 14 Moi, je leur ai donnĂ© ton Verbe ; et le monde les hait, parce qu’ils ne sont pas de ce monde, non plus que moi je ne suis de ce monde. 15 Je ne demande pas que tu les ĂŽtes de ce monde, mais que tu les gardes du mal. 16 Ils ne sont pas de ce monde, non plus que moi je ne suis de ce monde. 17 Sanctifie-les dans ta vĂ©ritĂ© : c’est ta parole la VĂ©ritĂ©. 18 Comme tu m’as envoyĂ© vers le monde, moi aussi je les ai envoyĂ©s vers le monde ; 19 et pour eux je me sanctifie moi-mĂȘme, afin qu’eux aussi soient rĂ©ellement sanctifiĂ©s. 20 Et ce n’est pas seulement pour ceux-ci que je prie : mais aussi pour ceux qui par leur parole croiront en moi, 21 afin que tous ils soient un : oui, comme toi, PĂšre, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi en nous il soient un, afin que le monde croie que c’est toi qui m’as envoyĂ©. 22 Oui, je leur ai donnĂ©, moi la gloire que tu m’as donnĂ©e : qu’ils soient un comme nous sommes un, 23 moi en eux, toi en moi ; que l’unitĂ© soit ainsi consommĂ©e en eux, et que le monde connaisse que c’est toi qui m’as envoyĂ© et que tu les as aimĂ©s comme tu m’as aimĂ©. 24 PĂšre, ceux que tu m’as donnĂ©s, je veux que lĂ  oĂč je suis eux aussi ils soient avec moi, afin qu’ils voient ma gloire que tu m’as donnĂ©e, parce que tu m’as aimĂ© avant que se fit le monde. 25 PĂšre Saint, il ne te connaĂźt pas ce monde ; mais moi je te connais, et ceux-ci reconnaissent que c’est toi qui m’as envoyĂ© : 26 et je leur ai fait connaĂźtre ton nom, et je leur ferai connaĂźtre : Fais que l’amour dont tu m’as aimĂ© soit en eux et que moi je sois en eux ». (1)

À Emmanuel Levyne, cette tentative de rapprochement des deux Alliances, dans un dĂ©sir d’UnitĂ©.

PietĂ  de Nouans, Jean Fouquet, vers 1460-1465.

La priĂšre Sacerdotale qui se prĂ©sente comme la clef de voĂ»te de toute la RĂ©vĂ©lation ChrĂ©tienne, n’a fait l’objet ni des rĂ©flexions, ni des commentaires, ni des Ă©tudes qu’elle mĂ©ritait. Sans prĂ©tendre exposer tous les mystĂšres que renferme le chapitre XVII de l’Évangile de Jean, notre prĂ©sente mĂ©ditation voudrait toutefois, Ă  l’occasion de la lecture de ces versets, exposer les fondements de la mĂ©taphysique chrĂ©tienne et montrer – comme toujours – la pleine orthodoxie de la doctrine Cathare.

L’axe central du dialogue Ă  GethsĂ©mani entre JĂ©sus et son PĂšre, c’est le retour par l’UnitĂ©, de toute la CrĂ©ation dans le Sein de Dieu, avec la certitude que s’accomplira le Salut Universel.

Une fois dĂ©jĂ , avec la Tradition des PĂšres, nous avions souhaitĂ© rĂ©pondre Ă  l’interrogatoire de RenĂ© Nelli, sur les motifs qui prĂ©sidĂšrent Ă  la chute provisoire de Lucifer (2) ; aujourd’hui nous voudrions rĂ©soudre l’inquiĂ©tude qu’il nous a semblĂ© percevoir dans cette dĂ©claration – au demeurant fort juste – de l’acteur du PhĂ©nomĂšne Cathare :

« D’aprĂšs ce que nous savons, par d’autres sources, de la pensĂ©e cathare, il serait logique que toutes les Ăąmes créées par le Dieu du Bien fussent sauvĂ©es et lui fissent retour« . (3)

Avant d’aller plus outre, il importe de constater que, selon les rĂšgles de la thĂ©ologie biblique, mais aussi selon celles de la rhĂ©torique, le Christ, Ă  GethsĂ©mani, rĂ©pond Ă  des interrogations Ă©mises par Son PĂšre, et cet aspect est fondamental.

Ce dialogue entre la DeuxiĂšme et la PremiĂšre Personne de la TrĂšs Sainte TrinitĂ© est perceptible dans les Évangiles : Ă  l’occasion de la rĂ©surrection de Lazare, le Seigneur, prĂ©cĂ©demment au miracle qu’il va accomplir :

« Levant les yeux au ciel dit : PĂšre, je te rends grĂące de ce que tu m’as exaucĂ©. Mais je savais que toujours tu m’exauces ; mais j’ai dit cela pour cette foule qui est lĂ  tout autour, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé ». (Jean XI, 41-43)

Ce ton qui semble celui de la justification, dans le cadre du chapitre XI : « Moi je savais que toujours tu m’exauces, mais…« , se retrouve au chapitre XVII : « Maintenant donc toi PĂšre…« .

Ce « mais », ce « maintenant », sont lourds de sens, non celui d’une quelconque explication face Ă  une inconcevable rĂ©primande qu’aurait manifestĂ© antĂ©rieurement la MĂšre Ă  l’Ă©gard de Son Fils ; mais ces mots plus simplement s’expliquent par le mode d’expression du Christ, qui est celui du dialogue : JĂ©sus alors que les disciples dormaient, n’est pas seul.

Lorsque le Christ « leva les yeux vers le ciel« , cela n’indiquait pas l’expression d’une direction de nature symbolique vers Son PĂšre, mais la tension physique que d’un visage vers une prĂ©sence virtuelle, lorsque JĂ©sus dĂ©clare prĂ©cisĂ©ment aux disciples quelques instants auparavant : « Vous vous en irez, chacun Ă  vos intĂ©rĂȘts, et vous me laisserez seul. Je ne serai pas seul cependant, parce que le PĂšre est avec moi« . (Jean XVI, 32)

I.

Ainsi parla JĂ©sus. Puis il leva les yeux vers le Ciel et il dit : « PĂšre l’heure est venue ; glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie ; afin que, comme tu lui as donnĂ© autoritĂ© sur toute chair Ă  tous ceux que tu lui as donnĂ©s, il donne lui, la Vie Ă©ternelle.

PĂšre l’heure est venue ! Ce moment particulier que proclame le Sauveur, correspond Ă  deux niveaux aboutissant au fait que le Christ a vaincu le monde.

– lorsque JĂ©sus va ĂȘtre livrĂ© : « Cela suffit, l’heure est venue : voilĂ  que le Fils de l’Homme va ĂȘtre livrĂ© aux mains des pĂ©cheurs« . (Marc XIV, 41) ;

– lorsque JĂ©sus va ĂȘtre glorifiĂ© : « l’heure est venue, le Fils sera glorifié » (Jean XII, 23).

À propos de cette heure qui approche, cette exclamation du Sauveur Ă  l’Ă©gard des apĂŽtres « Cela suffit« , parce qu’ils dorment ; montre que cette humanitĂ© que rĂ©capitulent les disciples est dans une situation de passivitĂ©, or si l’inaction c’est le pĂ©chĂ©, cet Ă©tat est Ă  assimiler au temps des tĂ©nĂšbres antĂ©rieures et l’ApĂŽtre dĂ©clare :

« L’amour est la plĂ©nitude de la loi. Et cela, faites-le d’autant plus que vous voyez le temps, l’heure qui nous avertit de sortir du sommeil : car enfin le salut pour nous est plus proche que quand nous avons CRU. C’Ă©tait la nuit auparavant ; mais le jour maintenant est avancĂ© : rejetons donc les oeuvres de tĂ©nĂšbres, et revĂȘtons l’Ă©quipement que demande la claire lumiĂšre« . (Romains XIII, 10-13)

« Cela suffit, l’heure est venue ! » A GethsĂ©mani, l’instant de la transfiguration approche, et aprĂšs le Christ, l’ApĂŽtre nous apostrophe : « RĂ©veille-toi, toi qui dors ; relĂšve-toi d’entre les morts : et le Christ versera sur toi sa clarté« . (EphĂ©siens V, 14)

Cet instant de la transfiguration, c’est bien Ă©videmment aussi l’instant de la glorification, car si le Fils par son Sacrifice, permet la transfiguration de l’homme en Ă©tat de chute, il est naturel que le Sauveur connaisse la glorification demandĂ©e Ă  l’occasion de ce verset premier, en ce qu’elle se trouve essentiellement eschatologique : « Alors paraĂźtra dans le ciel le signe du Fils de l’Homme ; alors aussi toutes les tribus de la terre se lamenteront et elles verront le Fils de l’Homme venir sur les nuĂ©es du ciel avec puissance et beaucoup de gloire« . (Mathieu XXIV, 30)

Cette dimension eschatologique est la trame de la PriĂšre Sacerdotale, mais elle s’applique Ă  qui, Ă  tous ceux qui lui ont Ă©tĂ© donnĂ©s, c’est-Ă -dire sur toute chair : À tous ceux que tu lui as donnĂ©s, il donne lui, la vie Ă©ternelle, et cette dimension nous introduit dans le Royaume.

L’accĂšs au Royaume suppose une Connaissance que possĂšdent notamment les ApĂŽtres et les EnvoyĂ©s : « Parce qu’Ă  vous, il a Ă©tĂ© donnĂ© de connaĂźtre les mystĂšres du rĂšgne des cieux, tandis qu’Ă  eux ce n’est pas donné ». (Mathieu XIII, II). Si Ă  certains, il n’a pas Ă©tĂ© donnĂ© de connaĂźtre immĂ©diatement les mystĂšres du Royaume, c’est parce que le Christ dĂ©clare : « A moins de renaĂźtre, nul ne saurait voir le Royaume de Dieu« . (Jean III, 3) (4)

La vie Ă©ternelle c’est de connaĂźtre Dieu et Son Fils, et si le Christ donne la Vie Ă©ternelle, c’est parce qu’il a autoritĂ© sur toute chair, et cette autoritĂ© permet Ă  JĂ©sus de dĂ©clarer : « Ce qui est nĂ© de la chair est chair ; il faut naĂźtre de l’esprit pour ĂȘtre esprit« . (Jean III, 6)

Cette remarque du Sauveur ne doit pas nous engager vers les piĂšges d’un manichĂ©isme qui serait contraire Ă  la mĂ©taphysique chrĂ©tienne : ce qui est esprit, n’a pas besoin de l’action salvatrice du Christ, puisque cela appartient dĂ©jĂ  au Royaume, Ă  ce Royaume qui n’est pas de ce monde (Jean XVIII, 36) ; le Christ n’aurait d’ailleurs pas eu – contrairement Ă  ce qu’imaginent bien des thĂ©ologiens de renom – Ă  s’incarner s’il n’y avait pas eu chute de l’homme ; si JĂ©sus-Christ a reçu autoritĂ© sur toute chair, c’est parce que tout ce qui est chair – Ă  l’exception de l’Incarnation et ses modes – est nĂ© du pĂ©chĂ©, en ce fĂ»t que parmi les consĂ©quences de la chute, les ĂȘtres selon leur degrĂ© de responsabilitĂ©, acquirent un corps grossier d’une intensitĂ© variable, dans le cadre de leur manifestation dans ce monde (2), « IahvĂ©-Elohim fit pour l’homme et sa femme des tuniques de peau et les en revĂȘtit« . (GenĂšse III, 21), verset que le Dr Chauvet traduit : « Puis le Dieu-Vivant de l’AngĂ©lie rĂ©alisa pour Adam et pour son AĂŻsha, des enveloppes protectrices de nature infĂ©rieure et obscure dont il les recouvrit ». (5)

Tous les ĂȘtres ont Ă©tĂ© donnĂ©s au Christ, et pourtant, il est dit au verset 9 : « Je te prie pour eux, je ne te prie pas pour le monde », et au verset 12 : « et aucun d’eux ne s’est perdu, si ce n’est le Fils de perdition, pour que l’Écriture fut accomplie« . La mĂ©taphysique chrĂ©tienne proclame le salut comme universel, mais on doit distinguer dans les Ă©tapes menant Ă  l’Apocatastase, les crĂ©atures, le monde, le Fils de perdition, car nous savons que c’est Ă  l’homme que revient de sauver – avec la grĂące de Dieu – le monde (6), mais aussi le Fils de perdition qui, comme nous l’avons Ă©voquĂ© en notre Ă©tude sur Judas ou les conditions de la RĂ©demption (7), n’est pas l’ApĂŽtre, mais le Prince de ce monde (2).

Il a Ă©tĂ© donnĂ© au Christ-JĂ©sus autoritĂ© sur toute chair, mais il convient de noter – sans vouloir anticiper l’analyse du verset 12 – que ceux qui lui ont Ă©tĂ© donnĂ©s, le Christ les a gardĂ©s, et qu’aucun ne s’est perdu ; or, « pour que l’Écriture fut accomplie » il se trouverait un ĂȘtre qui n’entrerait pas dans cette rĂ©capitulation, « le Fils de perdition » c’est donc que le Fils de perdition n’a pas Ă©tĂ© donnĂ© au Christ !

Sur quelle chair le Christ a-t-il autorité ?

Poser l’interrogation qui prĂ©cĂšde c’est rĂ©soudre celle-ci dĂ©jĂ  en ce que la mĂ©taphysique chrĂ©tienne considĂšre que ce terme Chair dĂ©signe la crĂ©ature placĂ©e sous les lois du dĂ©terminisme par opposition au pneuma, prĂ©sence pĂ©nĂ©trante de l’Esprit de Dieu en Sa crĂ©ature.

C’est donc sur les crĂ©atures placĂ©es sous les lois du dĂ©terminisme que le Christ a reçu toute autoritĂ© et ce premier constat est d’une importance considĂ©rable ! le Fils de perdition n’est pas soumis aux lois du dĂ©terminisme, par contre, et il ne saurait y ĂȘtre soumis en ce qu’il est lui-mĂȘme ce dĂ©terminisme comme le rappelle l’ApĂŽtre : « Puisque les enfants avaient part au sang et Ă  avait force de mort, c’est Ă  dire le diable, et dĂ©livrer tous ceux que la crainte de la mort tenait en esclavage toute leur vie« . (HĂ©breux II, 14-16)

C’est tout ce qui est sur la terre qui est chair lorsqu’Élohim dit Ă  NoĂ© : « Voici que moi, j’amĂšne le DĂ©luge, les eaux sur la terre pour dĂ©truire toute chair en qui se trouve un souffle de vie sous les cieux. Tout ce qui est sur la terre expirera« . (GenĂšse VI, 17), et cela est identique « pour toute chair de l’homme Ă  la bĂȘte » (EcclĂ©siastique XL, 8 ) !

À tous ceux qui lui ont Ă©tĂ© donnĂ©s, c’est Ă  dire Ă  toute chair, le Christ donne la Vie Ă©ternelle, voilĂ  pourquoi l’ApĂŽtre dĂ©clare :

« Ce qui est semĂ©, c’est de la pourriture, ce qui ressuscite c’est de l’incorruptible ; ce qui est semĂ© est dĂ©goĂ»t, ce qui ressuscite est gloire ; ce qui est semĂ© est sans force, ce qui ressuscite est force pure. Le corps est semĂ© corps psychique ; il ressuscite corps spirituel« . (I Corinthiens XV, 42-45)

II.

Et la Vie Ă©ternelle, c’est qu’ils te connaissent ; toi le seul vrai Dieu, et ce JĂ©sus-Christ que tu as envoyĂ©.

Si le Christ joint au mot vie, la précision éternelle, cela pourrait bien signifier que la vie ne se trouve pas de facto posséder cette qualité, sans pourtant déclarer un prétendu manichéisme entre une Vie Vivante et une vie conduisant à la mort !

« On a beau ĂȘtre dans l’abondance, les biens ne sont pas la vie » (Luc XII, 15), plus littĂ©ralement traduit Darby, « la vie ne devient pas de ses biens« , car Jean XII, 25 rapporte ces paroles du Sauveur : « Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie en ce monde, la gardera pour une vie sans fin« .

Parce que tous les hommes sont appelĂ©s Ă  une seule rĂ©surrection, l’ApĂŽtre dĂ©clare : « Maintenant au contraire, affranchis du pĂ©chĂ© et devenus serviteurs de Dieu, vous avez comme salaire la sanctification et comme rĂ©sultat final la vie Ă©ternelle« . (Romains VI, 23)

Dans l’attente de ce rĂ©sultat final, l’ApĂŽtre nous exhorte :

« PersĂ©vĂšre dans la justice, dans la piĂ©tĂ©, dans la foi, dans l’amour fraternel, dans la patience, la bienveillance charitable. Combats le bon combat de la foi ; conquiers la vie Ă©ternelle Ă  laquelle tu t’es voué« . (TimothĂ©e, VI, 11, 12)

La PriĂšre Sacerdotale constitue, si l’on peut s’exprimer ainsi, le rĂ©el « testament spirituel » du Fils dans Son Incarnation, or en aucun endroit de ce tĂ©moignage, il n’est indiquĂ© – bien au contraire – que la vie terrestre puisse conduire quiconque Ă  une vie de mort !

Profitons de cette remarque pour nous interroger sur le sens de cette gĂ©henne que certaines Églises Apostoliques brandissent comme une malĂ©diction envers ceux qui – prĂ©tendent-elles – ne sauraient bĂ©nĂ©ficier du Salut.

La gĂ©henne, c’est un lieu terrestre : c’est la VallĂ©e de HinnĂŽm, situĂ©e sur le flanc sud de JĂ©rusalem, vallĂ©e que JĂ©rĂ©mie VII, 32 et XIX, 6, nomme VallĂ©e de la tuerie ; et cette vallĂ©e deviendra synonyme d’enfer, or, ce dernier mot n’existe pas en tant que tel dans la Bible !

Une Ă©tude attentive des Évangiles nous conduit, si nous prenons par exemple Mathieu, Ă  distinguer trois situations :

– la gĂ©henne, les tĂ©nĂšbres extĂ©rieures, oĂč il y aura des pleurs et des grincements de dents : ce lieu est rĂ©servĂ© Ă  l’homme ;

– l’HadĂšs, ce lieu est rĂ©servĂ© Ă  CapharnaĂŒm ;

– le feu Ă©ternel, ce lieu est rĂ©servĂ© au diable et Ă  ses anges.

Nous avons notĂ© que le principe d’une condamnation Ă©ternelle, pour quelque crĂ©ature qu’il s’agisse, n’existe pas, en ce que cette idĂ©e n’est pas mĂȘme suggĂ©rĂ©e, dans la rĂ©vĂ©lation biblique.

Le feu est Ă©ternel, en ce fait qu’il est un feu inextinguible (Mathieu III, 12) et s’il est rĂ©servĂ© au diable et Ă  ses anges, cela a dĂ©jĂ  fait l’objet, de notre part d’une claire explication (2) : Lucifer, comme principe angĂ©ologique retrouvera son Ă©tat originel lorsqu’il perdra dans le feu purificateur son enveloppe dĂ©monologique qui se nomme Prince de ce monde et ce ne sont pas ceux qui pourraient ĂȘtre purifiĂ©s par ce feu qui demeureront Ă©ternellement dans l’Ă©lĂ©ment ignĂ© mais c’est cet Ă©lĂ©ment qui est dĂ©clarĂ©, lui, inextinguible, donc si l’on veut Ă©ternel, parce qu’aucune puissance humaine ou angĂ©lique ne saurait l’Ă©teindre ! Une question de pose, oĂč rĂ©side ce feu ? L’Apocalypse rĂ©pond Ă  notre interrogation et cet Ă©claircissement qui ne surprendra pas le gnostique chrĂ©tien suscitera peut-ĂȘtre une exclamation d’Ă©tonnement pour le chrĂ©tien attachĂ© Ă  certaines Églises Apostoliques : le lieu oĂč rĂ©side ce feu, est sur terre, sinon la terre :

« Il a Ă©tĂ© jetĂ© le grand dragon, l’antique serpent, qu’on appelle le diable et le Satan, lui qu’il Ă©gare tout le sĂ©jour, il a Ă©tĂ© jetĂ© sur la terre et ses anges ont Ă©tĂ© jetĂ©s sur lui« . (Apocalypse XII, 9)

et monsieur Philippe déclare :

« l’enfer est ici-bas sur cette terre ; par consĂ©quent on devrait souffrir continuellement. Si nous avons quelques bons moments, nous devons remercier Dieu et, pendant ce temps, nous sommes dans le paradis terrestre ». De mĂȘme « aucun ĂȘtre ne reste Ă©ternellement dans les tĂ©nĂšbres, dans ce que vous appelez l’enfer« . (8)

Si la GĂ©henne est le lieu des tourments infernaux, selon la tradition ; nous savons par ailleurs que c’est un lieu terrestre et cela vient confirmer la thĂšse selon laquelle l’enfer est sur terre !

Quant Ă  l’HadĂšs, Darby Ă  propos de Mathieu XI, 23 note qu’il s’agit : d’une « expression trĂšs vague, comme Sheol dans l’A.T, lieu invisible oĂč les Ăąmes des hommes vont aprĂšs la mort, – distinct de gĂ©henne, le lieu des tourments infernaux » ; et il convient de distingue la mort de ce lieu oĂč sĂ©journent les morts, quand cette prĂ©caution est dĂ©jĂ  affirmĂ©e par la RĂ©vĂ©lation Biblique : « la mort et l’HadĂšs ont donnĂ© les morts qu’ils avaient » (Apocalypse XX, 13), et si « la mort et HadĂšs ont Ă©tĂ© jetĂ©s dans l’Ă©tang de feu. Telle est la seconde mort, l’Ă©tang de feu » (Apocalypse XX, 14), c’est parce que « comme les hommes ne meurent qu’une fois » (HĂ©breux IX, 27), et qu’en outre « Dieu n’a pas fait la mort » (Sagesse I, 13), la mort et le lieu oĂč sĂ©journent les Ăąmes des hommes aprĂšs leurs morts sont appelĂ©s Ă  la destruction.

Cette destruction ne signifie pas un « mal », mais un bien considĂ©rable, en ce que les thĂ©ologiens ont eu trop tendance Ă  oublier sinon refuser de reconnaĂźtre la transfiguration des sĂ©jours des morts par l’action salvatrice du Christ que rappellent les Écritures pourtant, lorsque l’on veut bien les lire :

« Car les morts aussi ont Ă©tĂ© Ă©vangĂ©lisĂ©s pour que, jugĂ©s dans leur chair selon les hommes, ils vivent dans l’Esprit selon Dieu« . (Pierre IV, 6)

Au niveau des professions de foi, seul, le Symbole des ApĂŽtres, le symbole d’Athanase, celles des IVe Concile du Latran, du IIe Concile de Lyon, comportant l’affirmation de la foi en la descente du Christ aux « enfers », et cela ne se trouve pas relevĂ© donc fans les professions de foi les plus connues et utilisĂ©es ! Ce point n’est pas pour nous Ă©tonner, puisqu’il n’y a pas lieu d’attendre des grandes Églises Apostoliques l’expression des vĂ©ritĂ©s intĂ©grales ou rĂ©elles de la RĂ©vĂ©lation, et donc de la mĂ©taphysique chrĂ©tienne.

Comme cela avait Ă©tĂ© Ă©voquĂ© en notre Ă©tude sur Satan, l’interrogation qui a hantĂ© les PĂšres de l’Église c’est le rapport entre un pĂ©chĂ© commis dans un temps trĂšs court et le bien fondĂ© d’une justice punitive Ă©ternelle, et Justin en son Dialogue avec Thryphon – ce que fera IrĂ©nĂ©e de Lyon en son contre les hĂ©rĂ©sies – dĂ©clare que les paroles suivants ont Ă©tĂ© retranchĂ©es de JĂ©rĂ©mie : « le Seigneur Dieu, Saint d’IsraĂ«l, s’est souvenu de ses morts, qui dorment dans la terre du tombeau, et il est descendu vers eux, leur annoncer la bonne nouvelle de leur salut ». (9)

Cette certitude dans l’Ă©vangĂ©lisation des « enfers » par le Christ est exprimĂ©e par toute l’École d’Alexandrie et OrigĂšne dĂ©clare : « Et, son Ăąme une fois dĂ©pouillĂ©e de son corps, il est allĂ© s’entretenir avec des Ăąmes dĂ©pouillĂ©es de leur corps, et il a converti Ă  lui celles d’entre elles qui le voulaient ou qu’il voyait, pour des raisons connues de lui, mieux disposĂ©es« . (10)

L’Eglise Primitive n’enseignait pas seulement l’Ă©vangĂ©lisation du Christ aux personnes dĂ©cĂ©dĂ©es, elle allait plus loin encore en affirmant que les ApĂŽtres avec le Seigneur accomplirent cet office : le Pasteur d’Hermas dĂ©clare par exemple : « ces apĂŽtres et ces docteurs qui ont prĂȘchĂ© le nom du Fils de Dieu, aprĂšs ĂȘtre morts dans la vertu et la foi du Fils de Dieu, l’ont prĂȘchĂ© aussi Ă  ceux qui Ă©taient morts avant eux et leur ont donnĂ© le sceau qu’ils annonçaient« . (11)

Cette action salvatrice du Christ est universelle. OrigĂšne en son Commentaire sur Saint-Jean dĂ©clare Ă  propos de JĂ©sus : « Il n’est pas mort seulement pour les hommes, mais aussi pour les autres ĂȘtres spirituels« , et le grand Docteur ajoute : « C’est pour cela qu’il est grand prĂȘtre, parce qu’il rĂ©tablit toutes choses dans le royaume de son PĂšre, veillant Ă  combler les dĂ©ficiences de chaque crĂ©ature pour qu’elle devienne capable de recevoir en elle la gloire du PĂšre« . (12)

Cette universalitĂ© s’Ă©tend non pas aux crĂ©atures de ce monde, mais de tous les mondes connaissables et inconnaissables Ă  l’homme et si certains tournent la difficultĂ© pour reconnaĂźtre ce point en leur traduction par « l’univers » ou « les siĂšcles », alors qu’hĂ©las Alta n’a pas traduit l’ÉpĂźtre aux HĂ©breux, du moins Darby, Osty et l’École Biblique de JĂ©rusalem reconnaissent : « que les mondes ont Ă©tĂ© formĂ©s par la parole de Dieu » (HĂ©breux XI, 3), ce qui permet de comprendre pourquoi le MaĂźtre Alexandrin dĂ©clare : « le soleil, la lune et les Ă©toiles prient le Dieu suprĂȘme par son Fils unique« . (13)

L’accĂšs Ă  la Vie Ă©ternelle c’est par la grĂące de Dieu, l’accĂšs Ă  la Connaissance du PĂšre, Ă  laquelle l’homme peut accĂ©der par le Christ : « C’est moi qui suis la voie et la vĂ©ritĂ© et la vie : personne ne vient au PĂšre, sinon par moi« . (Jean XIV, 6)

Christ. MosaĂŻque du BaptistĂšre Saint-Jean, Florence, vers 1300. Photographie par The Yorck Project.

Christ. MosaĂŻque du BaptistĂšre Saint-Jean, Florence, vers 1300. Photographie par The Yorck Project.

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