Une étude du Pentagramme par Spartakus FreeMann.
«âLe cercle qui lâentoure nâa ni commencement ni fin. Il reprĂ©sente lâinfini et lâĂ©ternitĂ©. Il possĂšde Ă©galement une vague similitude de forme avec la morphologie humaine : un corps, bras et jambes Ă©cartĂ©s. De lĂ , le pentagramme inscrit dans le cercle est le symbole de lâĂȘtre humain en relation avec lâinfini.â»
Doreen Valiente, Witchcraft for Tomorrow.
Dans lâoptique de rĂ©viser nos classiques de la pratique de lâhermĂ©tisme, nous pensons que ce dossier pourra apporter aux Ă©tudiants et adeptes quelques informations utiles. De lâOrdre HermĂ©tique de la Golden Dawn aux courants modernes de la Chaos Magick en passant par la tradition ThĂ©lĂ©mite et par la Wicca, le rituel du pentagramme est omniprĂ©sent. AdaptĂ©, Ă degrĂ©s variables, mais toujours reconnaissable, il est sans doute lâune des pratiques les plus rĂ©pandues Ă lâheure actuelle.
Nous Ă©tudierons la nature de ce symbole, avant de brosser quelques hypothĂšses concernant lâorigine du rituel. Ensuite, nous Ă©tudierons plus particuliĂšrement le rituel du pentagramme chez Aleister Crowley avec le Rubis ĂtoilĂ©.
Nous nâindiquerons pas la façon de rĂ©aliser ce rituel. Ceux qui veulent sây essayer trouveront dans plusieurs ouvrages et sur la toile suffisamment dâinformations.
Table des matiĂšres
DĂ©butons maintenant par une petite Ă©tude de ce qu’est le pentagramme.
Quâest-ce quâun pentagrammeâ?
«âLe pentagramme est un symbole puissant reprĂ©sentant lâopĂ©ration de lâEsprit Ă©ternel et des quatre Ă©lĂ©ments sous la prĂ©sidence divine des lettres du nom Yeheshuah. Les Ă©lĂ©ments eux-mĂȘmes dans le symbole de la croix sont gouvernĂ©s par Yhvh. Mais la lettre Shin, reprĂ©sentant le Ruach Elohim, lâEsprit Divin, y Ă©tant ajoutĂ©e, le Nom devient Yeheshuah ou Yehovashah â ce dernier lorsque la lettre Shin est placĂ©e entre la Terre dominante et les trois autres lettres du TĂ©tragramme.â»
Israel Regardie, The Golden Dawn.
Dans son Ă©tymologie grecque, le mot «âpentagrammeâ» contient le prĂ©fixe penta- (ÏÎΜÏα) signifiant «âcinqâ» et le suffixe â gramma (ÎłÏÎŹÎŒÎŒÎ±) : «âlettre, caractĂšre dâĂ©critureâ».
«âLe pentagramme apparaĂźt en MĂ©sopotamie vers 3000 avant notre Ăšre, en tant que signe sumĂ©rien âUBâ qui signifie âcoin, angle, rĂ©gionsâ.
Dans la pĂ©riode du cunĂ©iforme (vers 2600 avant notre Ăšre), il reprĂ©sentait les Cieux (âKibratuâ en akkadien[1]) ainsi que les 4 directions de lâespace (avant, arriĂšre, gauche, droite)â; la cinquiĂšme pointe reprĂ©sentant le âdessusâ.
Les 4 directions correspondraient aussi aux planĂštes Jupiter, Mercure, Mars et Saturneâ; VĂ©nus (Ishtar, Ninanna[2] et Innana), la Reine des Cieux Ă©tant reprĂ©sentĂ©e par la pointe supĂ©rieure.â»[3]
Un Pentagramme est une figure gĂ©omĂ©trique Ă cinq pointes en forme dâĂ©toile. Le pentagramme rĂ©gulier est un pentagone Ă©toilĂ© que lâon peut obtenir en joignant, de deux en deux, les sommets dâun pentagone rĂ©gulier convexe. On peut trĂšs facilement le tracer avec une rĂšgle et un compas :
- Tracer un cercle de centre Oâ;
- Tracer deux diamĂštres perpendiculaires (AB et CD) passant par le centre Oâ;
- Tracer le milieu I de DOâ;
- Tracer un cercle de centre I passant par O et Aâ;
- Tracer une droite allant de B Ă F, passant par I, avec E comme intersection du cercle de centre Oâ;
- Tracer un arc de cercle de centre B et de rayon BEâ;
- Tracer un arc de cercle de centre B et de rayon BFâ;
- Relier les point 1, 2, 3, 4 et 5 pour obtenir un pentagone régulier.

à présent, pour obtenir un pentagramme, il suffit de procéder comme suit en reliant les points 1, 2, 3, 5 et enfin 5 et 1 :

Notons Ă©galement que cette figure est reliĂ©e au nombre dâor Ï et au triangle dâor.
Au niveau symbolique, le Pentagramme exprime lâidĂ©e dâunitĂ© du quaternaire (les quatre Ă©lĂ©ments) et de lâEsprit, et dĂ©signe lâhomme : la pointe supĂ©rieure reprĂ©sente la tĂȘte, les quatre autres pointes, les deux bras et les deux jambes :

Il est donc le symbole par excellence du Microcosme, ou petit monde de lâhomme, par opposition Ă lâhexagramme, symbole du Macrocosme.
«âLe pentagramme est ce quâon nomme, en kabbale, le signe du microcosme (âŠ). Le grand symbole de Salomon (âŠ) : lâunitĂ© du macrocosme se rĂ©vĂšle par les deux points opposĂ©s des deux triangles⊠Le triangle de Salomon (âŠ) : ces deux triangles, rĂ©unis en une seule figure, qui est celle dâune Ă©toile Ă six rayons, forment le signe sacrĂ© du sceau de Salomon, lâĂ©toile brillante du macrocosmeâ» [4]
«âParacelse, ce novateur en magie qui a surpassĂ© tous les autres initiĂ©s par les succĂšs de rĂ©alisations obtenues par lui seul, affirme que toutes les figures magiques et tous les signes kabbalistiques des pentacles auxquels obĂ©issent les esprits se rĂ©duisent Ă deux, qui sont la synthĂšse de tous les autres : le signe du macrocosme ou du sceau de Salomon et celui du microcosme, plus puissant encore que le premier, câest-Ă -dire le pentagrammeâŠâ» [5]
On retrouve le Pentagramme, au travers du temps, sous diverses appellations :
- pentalpha lorsquâil est constituĂ© de cinq «âAâ» entrelacĂ©sâ;
- pentacle (pentagulum et pentaculum en latin) lorsquâil est utilisĂ© sous la forme dâun talismanâ;
- signum pythagoricum («âsigne pythagoricienâ») ou signum salutatis (en latin : «âsigne de la salutationâ») chez les adeptes de Pythagoreâ;
- signum hygae (du grec áœÎłÎ”ία, «âsantĂ©â»).
LâĂtoile Flamboyante
Nous retrouvons le pentagramme au sein de la Franc-maçonnerie, dĂšs le grade de compagnon, sous la forme dâune Ă©toile flamboyante. Son utilisation nây est pas magique, mais purement symbolique. Cette Ă©toile flamboyante est centrale dans les enseignements du grade de maĂźtre :
«âDe chaque angle de rentrĂ©e du Pentagramme, par consĂ©quent, un rayon est Ă©mis, reprĂ©sentant un rayonnement du Divin. Câest pourquoi on lâappelle le Pentagramme Flamboyant, ou Ătoile de la Grande LumiĂšre, en affirmation des forces de la LumiĂšre Divine qui sây trouvent.â»[6]
Wirth écrivait à son sujet :
«âLe Pentagramme ne semble pas ĂȘtre un symbole dâorigine purement maçonnique. Les constructeurs ont dĂ» lâemprunter Ă lâĂcole de Pythagore, en mĂȘme temps que leur culte des nombres sacrĂ©s, Ă moins que le philosophe ne se soit lui-mĂȘme inspirĂ© des traditions constructives en les systĂ©matisant. Toujours est-il que le pentalpha se rencontre sur quantitĂ© de trĂšs anciennes pierres gravĂ©esâ; ce fut un signe magique se rapportant aux pouvoirs de la volontĂ© humaine. Les architectes du Moyen Ăge attachaient une importance particuliĂšre Ă cette figure en raison des proportions mystĂ©rieuses quâelle leur fournissaitâ»[7].
Le Pentalpha :
On retrouve une référence au pentalpha dans les Clavicules de Salomon :
«âMaintenant, quand moi, Salomon, jâeus entendu cela, jâentrai dans le Temple de Dieu et jâai priĂ© de toute mon Ăąme, nuit et jour, afin que le dĂ©mon soit livrĂ© entre mes mains et que je puisse gagner autoritĂ© sur lui. Et câest par ma priĂšre que la grĂące mâa Ă©tĂ© donnĂ©e par le Seigneur des armĂ©es par Michel son archange. [Il mâa apportĂ©] une petite bague, ayant un sceau constituĂ© dâune pierre gravĂ©e, et mâa dit : prends, ĂŽ Salomon, roi, fils de David, le don que le Seigneur Dieu tâa envoyĂ©, lâarme suprĂȘme. Avec lui, vous devez enfermer tous les dĂ©mons de la Terre, hommes et femmesâ; et avec leur aide vous construirez JĂ©rusalem. [Mais] vous [devez] porter ce sceau de Dieu. Et cette gravure du sceau de la bague qui vous a Ă©tĂ© envoyĂ©e est un Pentalpha.â»

«âAdam, câest le tĂ©tragramme humain⊠Le pentagramme exprime la domination de lâesprit sur les Ă©lĂ©ments, et câest par ce signe quâon enchaĂźne les dĂ©mons de lâair, les esprits du feu, les spectres de lâeau et les fantĂŽmes de la terreâŠâ»[8]
YGEIA â ΄ÎÎÎÎ
Ă ce sujet, Mackey Ă©crit : «âLes disciples de Pythagore, qui Ă©taient en effet ses vĂ©ritables inventeurs, ont placĂ© dans chacun de ses angles intĂ©rieurs une des lettres du mot grec ΄ÎÎÎÎ, ou du mot latin SALUS, qui signifient tous deux la santĂ©â; et ainsi a Ă©tĂ© fait le talisman de la santĂ©. Ils lâont placĂ© au dĂ©but de leurs Ă©pĂźtres en guise de salutation pour invoquer une santĂ© sĂ»re Ă leur correspondant.â»
On retrouve encore cette disposition dans lâImagini degli Dei Antichi de V. Catari, Crotone, 1647 oĂč lâon peut voir une bague avec un pentagramme sur lequel est inscrit SALUS en latin et YGEIA (áœÎłÎŻÎ”Îčα)[9].

«âLe divin Pythagore (âŠ) ne mettait jamais en tĂȘte de ses lettres ni âjoieâ ni âprospĂ©ritĂ©ââ; il commençait toujours par Hugiaineâ! (Ï ÎłÎ”ÎŻÎ± SantĂ©). (âŠ) VoilĂ pourquoi le triple triangle enlacĂ©, formĂ© de cinq lignes [le pentagramme], qui servait de symbole Ă tous ceux de cette secte, Ă©tait nommĂ© par eux âle signe de la santĂ©â.â» [10]
Les pythagoriciens attribuaient les ĂlĂ©ments au pentagramme de la maniĂšre suivante :
- ΄ : Hudor (YÎŽÏÏ) = Eau
- Î : GaĂŻa (ÎαÎčα) = Terre
- Î : Idea (IÎŽÎα) = IdĂ©e
- ÎÎ : HeilĂ© (ÎÎčλΟ) = Soleil ou Î : Therma = Chaleur
- Î : Aer (AÎźÏ) = Air
Henri Corneille Agrippa, dans son De Occulta Philosophia, attribue au mot grec ΄-Î-Î-ÎÎ-Î, les 4 Ă©lĂ©ments dâEmpĂ©docle (Terre, Eau, Air, Feu) et lâEsprit[11].
Le Pentagramme et le Nombre dâOr.
Le Nombre dâOr est une proportion de gĂ©omĂ©trie, reprĂ©sentĂ©e par la lettre grecque Phi (Ï), et dĂ©finie comme lâunique rapport en a/b : la proportion dĂ©finie par a et b est dite dâ« extrĂȘme et moyenne raison » lorsque a est Ă b ce que a + b est Ă a, soit : lorsque (a + b)/a = a/b. Le rapport a/b est alors Ă©gal au Nombre dâOr.

Le Nombre dâOr intervient dans la construction de la figure du pentagone rĂ©gulier Ă lâaide de la proportion dâextrĂȘme et moyenne raison.
Le pentagramme associĂ© au pentagone rĂ©gulier, câest-Ă -dire la figure composĂ©e des cinq diagonales du pentagone, contient aussi de multiples proportions dâextrĂȘmes et moyennes raisons et chacune de ses branches est un triangle dâor ou dâargent.
Les couleurs des ĂlĂ©ments.
Dans lâoccultisme moderne, le Pentagramme se voit, de maniĂšre quasi consensuelle, attribuer les Ă©lĂ©ments de la maniĂšre suivante :

La version de la Golden Dawn dont les attributions ont Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©es en fonction de la position des Tablettes ĂlĂ©mentaires sur la version «ârectifiĂ©eâ» de la Grande Table de Pratique du systĂšme Ănochien[12] :
- Ă lâEsprit est attribuĂ©e la couleur de la puretĂ© qui est le blanc ;
- Ă lâEau est attribuĂ©e la couleur bleue ;
- Ă lâAir est attribuĂ©e la couleur jaune ;
- Au Feu est attribuée la couleur rouge ;
- à la Terre est attribuée la couleur brun-rouge.


Concernant les pentagrammes inversés.
Dans les enseignements de la Golden Dawn, nous retrouvons la distinction «âtraditionnelleâ» entre un pentagramme du «âbienâ», pointe vers le haut, et celui du «âmalâ», pointe vers le bas. Il serait bien malaisĂ© de trouver une version malĂ©fique du pentagramme inversĂ© avant le 19e siĂšcle. Dâailleurs, des pentagrammes se trouvent sur le fronton de certaines Ă©glises chrĂ©tiennes et ce symbole est associĂ© Ă la Vierge Marie, la Stella Maris. Câest sous lâinfluence dâĂliphas LĂ©vi que le pentagramme va acquĂ©rir une ambivalence «âmoraleâ» : pointe en haut, il sera considĂ©rĂ© comme le symbole de «âla domination de lâesprit sur les Ă©lĂ©mentsâ» et «âle signe absolu de lâintelligence humaineâ», tandis que, pointe en bas, le pentagramme renvoie Ă lâesclavage dans la matiĂšre, aux plus bas instincts et au diable.
Cette interprĂ©tation sera reprise par Stanislas de GuaĂŻta dans sa ClĂ© de la Magie Noire. Il y adjoint Lilith, Samael et LĂ©viathan, et une tĂȘte de bouc pour faire bonne mesure. Cette version nâaura rĂ©ellement de succĂšs que dans la modernitĂ© avec lâĂ©mergence de lâĂglise de Satan et autres conventicules infernaux.

Nous retrouverons, bien évidemment, cette dichotomie dans les enseignements de la Golden Dawn :
«âTracĂ© comme un symbole du bien, il doit ĂȘtre placĂ© avec le point unique vers le haut, reprĂ©sentant le rĂšgne de lâEsprit Divin. Car si vous lâĂ©crivez avec les deux points vers le haut, câest un mauvais symbole, affirmant lâempire de la matiĂšre sur cet Esprit divin qui doit le gouverner. Veillez Ă ne pas le faire.
Pourtant, sâil se prĂ©sente une nĂ©cessitĂ© absolue de travailler ou de converser avec un Esprit de mauvaise nature, et que pour le retenir devant vous sans le tourmenter, vous devez employer le symbole du Pentagramme inversĂ©, dans un tel cas, vous pointerez la lame de votre Ă©pĂ©e magique sur le point le plus bas du Pentagramme, jusquâĂ ce que vous lâautorisiez Ă partir. Aussi, nâinjuriez pas les mauvais esprits â mais rappelez-vous que lâarchange Michel dont parle saint Jude, en combattant avec Satan, nâa pas osĂ© porter une accusation insultante contre lui, mais a dit : âLe Seigneur te rĂ©primandeâ.â»[13]
Ă notre connaissance, hormis les courants modernes de la Voie de la Main Gauche, seul Crowley a utilisĂ© un pentagramme inversĂ© dans le Rituel de la Marque de la BĂȘte dĂ©crit dans le Liber V vel Reguli.
Plus sur le sujet :
Le Pentagramme, Spartakus FreeMann, octobre-novembre 2020 e.v.
Notes.
[1] Syllabaire du cunéiforme.
[2] Nin-si4-an-na = VĂ©nus â âDame de lâAuroreâ – Le vase recouvert UB, symbole de la sphĂšre, la totalitĂ©, les quatre rĂ©gions
[3] âVĂ©nus et le Pentagrammeâ, Spartakus FreeMann.
[4] Ăliphas LĂ©vi, Dogme et rituel de la haute magie (1854), Paris, Robert Laffont.
[5] Ibid.
[6] Israel Regardie, The Golden Dawn.
[7] Oswald Wirth, Le secret de l’art royal, 1932.
[8] Ăliphas LĂ©vi, Dogme et rituel de la haute magie (1854), Paris, Robert Laffont, p. 82, 8, 62, 65.
[9] Ce terme sâĂ©crit áœÎłáœ¶Î”Îčα. Il signifie « santĂ© ». Avec une majuscule, il dĂ©signe Hygie, la dĂ©esse de la santĂ©. Les orthographes áœÎłÎŻÎ± ou áœÎłÎ”ία pour ce nom propre sont plus tardives.
[10] Lucien, Pro lapsu inter salutendo, 5.
[11] Henri Corneille Agrippa, Philosophie Occulte (Livre III, chap. xxi).
[12] Lire à ce propos « The Pentagram Ritual and Complete Symbolism of the Pentagram », instructions du Zelator Adeptus Minor de la GD.
[13] Israel Regardie, The Golden Dawn.