La Gnose ancienne et moderne par Johannes (Joanny Bricaud).
Il existe une diffĂ©rence entre la Gnose telle quâelle Ă©tait enseignĂ©e aux premiers siĂšcles de lâĂšre chrĂ©tienne et la Gnose moderneâ; aussi, câest une erreur que nous tenons Ă bien signaler que de considĂ©rer les gnostiques contemporains comme les disciples de Simon le Mage, de Valentin, de Basilides, etc.
Afin de bien Ă©tablir cette diffĂ©rence, nous devons dâabord dĂ©finir ce quâest la gnose :
La Gnose est une doctrine religieuse traditionnelle qui fut confiĂ©e oralement Ă lâĂglise, et jusquâau cinquiĂšme siĂšcle de lâĂšre chrĂ©tienne, resta secrĂšte, en sorte quâelle nâĂ©tait enseignĂ©e oralement quâĂ certaines personnes choisies.
Cependant, une partie de cette doctrine traditionnelle fut Ă©crite par portions et Ă des Ă©poques successives.
Vingt-cinq ans environ aprĂšs la mort de JĂ©sus, lâapĂŽtre Mathieu, le seul qui sĂ»t Ă©crire, mit par Ă©crit ses souvenirs sur les principaux discours publics et les prĂ©ceptes de JĂ©sus. Dâun autre cĂŽtĂ©, Marc, secrĂ©taire de lâapĂŽtre Pierre, mit en notes ce que son maĂźtre racontait des principaux faits de la vie de JĂ©sus. Ces Ă©crits des deux apĂŽtres furent rĂ©unis en un seul, et ont formĂ© lâĂvangile selon saint Marc.
Plus tard, Mathieu, Ă la suite des discussions qui surgirent entre les IsraĂ©lites et les disciples de JĂ©sus, sentit le besoin de mettre sous les yeux des IsraĂ©lites un Ă©crit leur dĂ©montrant que JĂ©sus, ayant accompli les prophĂ©ties messianiques, Ă©tait bien le Messie attendu par eux. Tel fut lâorigine de lâĂvangile selon saint Mathieu.
Peu aprĂšs, un certain Lucas, mĂ©decin, utilisant les deux Ă©vangiles prĂ©cĂ©dents et dâautres traditions, relatives Ă la vie de JĂ©sus, Ă©crivit un troisiĂšme Ă©vangile, connu sous le nom dâĂvangile selon saint Luc.
VoilĂ la base des Ăvangiles.
Ont-ils rapportĂ© tous les faits de la vie publique du MaĂźtre et surtout toute sa doctrineâ? Non.
Les Ăvangiles apocryphes, les Actes des apĂŽtres, les ĂpĂźtres, montrent que tout nâavait pas Ă©tĂ© Ă©crit puisque Saint Paul fait connaĂźtre aux fidĂšles des points de doctrine que lâon ne trouve pas dans les trois Ă©vangiles prĂ©cĂ©dents. Nous savons aujourdâhui, quâoutre sa prĂ©dication populaire relative Ă la prĂ©paration et Ă la venue du royaume du ciel, consignĂ©e dans les Ă©vangiles, JĂ©sus, dans ses entretiens particuliers avec ses disciples prĂ©fĂ©rĂ©s : Pierre, Jacques et Jean, leur enseignait sa doctrine sur le royaume du ciel, sur sa venue, sur le chef qui lâĂ©tablissait, etc.
Cette doctrine, que lâon trouve toute entiĂšre exposĂ©e dans le Zend-Avesta, Ă©tait connue des prophĂštes juifs depuis la captivitĂ© de Babylone, mais, ils lâavaient adaptĂ©e Ă la mentalitĂ© juive et Ă ses espĂ©rances.
La doctrine de JĂ©sus Ă©tait donc celle du Zend Avestaâ; ses premiers disciples le savaient et transmirent cela Ă leurs successeurs.
Or, depuis la fondation du royaume grec dâĂgypte, les livres scientifiques et philosophiques de tous les pays sâaccumulaient Ă Alexandrie, oĂč des philosophes cherchaient Ă faire la synthĂšse des connaissances contenues dans ces livres.
Parmi les successeurs des premiers disciples de JĂ©sus, les intellectuels, entraĂźnĂ©s par ce courant Ă©clectique, tentĂšrent, Ă lâaide de la philosophie grecque, de dĂ©velopper, dâexpliquer la doctrine perse que leur avait enseignĂ©e JĂ©sus.
Il sâĂ©tablit alors un double courant composĂ© :
1° de ceux qui ne voulaient trouver les antĂ©cĂ©dents de la doctrine chrĂ©tienne que dans la Bible hĂ©braĂŻqueâ; câest-Ă -dire dans les traditions du peuple hĂ©breuâ;
2° de ceux qui reconnaissaient les antécédents du christianisme dans les traditions des divers peuples.
Dans la suite, les premiers abandonnÚrent la dénomination de gnostiques pour se désigner uniquement sous le nom de chrétiens, et donnÚrent à leur doctrine le nom de théologie.
Les seconds, qui conservĂšrent le nom de gnostiques, firent prĂ©dominer, dans la doctrine chrĂ©tienne, tantĂŽt certaines idĂ©es philosophiques particuliĂšres aux Ăgyptiens, tantĂŽt des idĂ©es dâorigine perse. Ils avaient adoptĂ© le christianisme, mais comme complĂ©ment de la Gnose, câest-Ă -dire de la tradition universelle. Ils ne voulaient pas lâisoler des doctrines anciennes. Enfants du sanctuaire, ils avaient la conviction que la morale Ă©vangĂ©lique pouvait parfaitement sâaccorder avec les doctrines thĂ©osophiques et philosophiques du temple, et câest cette opinion quâils professaient publiquement.
Les Gnostiques avaient des Ă©coles publiques et des temples. Dans les unes on enseignait les sciences profanes, dans les autres on sâoccupait de choses religieuses.
Travailleurs acharnĂ©s et infatigables, ils nâĂ©tablirent aucune thĂ©orie universitaire, mais, ils sâemparĂšrent de tous les systĂšmes de philosophie et de tout ce que la Chine, lâInde, la Perse, lâĂgypte et la GrĂšce avaient acquis de science. Cet amas de connaissances venues de pays diffĂ©rents fit quâils se divisĂšrent bientĂŽt en une infinitĂ© de sectes, dont les deux principales ont Ă©tĂ© les sectes Valentiniennes et ManichĂ©ennes.
Toutes ces sectes furent dĂ©signĂ©es et confondues sous la mĂȘme appellation de gnosticisme.
On sait comment le courant chrĂ©tien triompha du courant gnostique. Les gnostiques furent obligĂ©s de cesser leur enseignement publicâ; les Ă©coles quâils avaient ouvertes en Syrie, en Italie et en GrĂšce furent fermĂ©es, et ils furent obligĂ©s de disparaĂźtre ou de se cacher.
Aujourdâhui, grĂące aux travaux des savants du siĂšcle passĂ©, nous connaissons mieux lâantiquitĂ© orientale quâon ne la connaissait jusquâalorsâ; les livres sacrĂ©s des peuples de lâOrient ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s, et la critique religieuse a remis au rang trĂšs modeste quâelle doit occuper la Bible des HĂ©breux.
Nous revenons Ă la Gnose, telle quâelle Ă©tait entendue aux premiers jours du christianismeâ; mais, armĂ©s de plus, des magnifiques dĂ©couvertes de la science moderne, nous pouvons reprendre avec beaucoup plus de chance de succĂšs le travail quâavaient entrepris les anciens gnostiques.
Nous pouvons, Ă lâaide de la tradition vĂ©ritable, des sciences dâobservation et de la critique moderne, reconstituer la doctrine chrĂ©tienne intĂ©grale, en lâexpliquant et la dĂ©veloppant, mieux que nâont pu le faire les anciens gnostiques.
Ainsi entendue, la Gnose ne peut plus ĂȘtre confondue avec les systĂšmes gnostiques des premiers siĂšcles de lâĂšre chrĂ©tienne.
De plus, les gnostiques dâaujourdâhui ne sont pas les disciples de Valentin, de Basilide ou de ManĂšs, et ce serait une erreur de croire quâils veulent rajeunir les doctrines des anciens docteurs gnostiques en les adaptant aux idĂ©es modernes.
Plus sur le sujet :
La Gnose ancienne et moderne, Johannes (Joanny Bricaud).
La Voie, mai â novembre 1904.
Pour en savoir plus sur le courant gnostique contemporain, visitez le site de l’Eglise gnostique chaote.