Huysmans, Occultiste et Magicien 2

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Huysmans, Occultiste et Magicien 2 par Jean Bricaud. 

La lutte entre Guaita et Boullan était terrible. Trois jours auparavant, selon les lois magiques, Boullan recevait la déclaration de guerre le condamnant à mort par les fluides, déclaration confirmée parfois par le cri d’alarme poussé par la voyante, Mme Thibault.

D’autres fois, il était averti par le vol et le cri de certains oiseaux, des éperviers, des tiercelets et autres messages facilement influencés par les Esprits, et qui tourbillonnaient sur les toits voisins. Il était ainsi informé de l’heure du combat et se mettait en garde.

J’étais à Lyon, disait Huysmans, lorsque parvint une des lettres de la Rose-Croix et j’ai assisté à ces luttes à distance. Averti, Boullan bondissait « comme un tigre », brandissant ses hosties contre les Esprits du Mal.

Ces rites n’étaient pas, comme on pourrait le croire, que des simagrées vaines. Huysmans racontait qu’une fois, de Guaita avait empoisonné à distance la somnambule, Mme Laure. Boullan avait riposté par la loi du contresigne, c’est-à-dire de l’envoûtement retourné ; le choc en retour s’était produit et de Guaita avait dû s’aliter. Une autre fois, Boullan n’avait pas eu le dessus : il poussa un grand cri, et ayant ouvert sa robe, les assistants aperçurent sur sa poitrine une large blessure sanglante.

Rentré à Paris, Huysmans affirmait qu’il était de nouveau en butte aux attaques des occultistes de la Rose-Croix. Il accusait Stanislas de Guaita d’avoir tout tenté pour le faire périr par les voies magiques [8], mais, averti, il avait repoussé les attaques fluidiques.

Lors de son séjour à Lyon, l’abbé Boullan lui avait indiqué, en effet, certains procédés pour se défendre contre les maléfices. Il lui avait, de plus, remis une des mystérieuses hosties consacrées par Elie Vintras, et qui était encore couverte du sang – bien que figé – qui en avait coulé.

Lorsqu’il se sentait atteint par les fluides, Huysmans s’enfermait dans sa chambre et après avoir tracé sur le parquet le cercle de défense, brandissant de la main droite l’hostie miraculeuse et de l’autre tenant serré contre lui le scapulaire béni du Carmel éliaque, il récitait les formules conjuratoires qui devaient dissoudre les fluides et paralyser les pouvoirs des envoûteurs. Il était d’ailleurs aidé, de Lyon, par Boullan et il assurait qu’il aurait, plusieurs fois, été en danger de mort sans l’intervention à distance de l’abbé et de ses voyantes.

En retour, il eut, à plusieurs reprises, l’occasion de rendre service à Boullan. Dans le milieu de l’année 1892, par exemple, l’abbé était poursuivi pour exercice illégal de la médecine et condamné à 2.000 francs d’amende. Ce fut Huysmans qui donna les 2.000 francs.

La mort de Boullan, survenue mystérieusement en janvier 1893, donna lieu à une vive polémique qui fit quelque bruit dans la presse, malgré qu’elle se produisit au plus fort des scandales parlementaires concernant l’affaire du Panama, au moment où l’on arrêtait l’ex-ministre Baïhaut.

On prétendit que l’Abbé Boullan était mort envoûté par Stanislas de Guaita. Ce dernier tenait, disait-on, enfermé dans un placard, un « esprit », et au moment psychologique, il lui confiait des poisons subtils qui étaient portés mystérieusement jusqu’à Lyon et allaient occire l’abbé Boullan.

J’ai relaté ailleurs et tout au long cette polémique qui se termina par des envois de témoins et des duels. [9]

Après la mort de Boullan, Huysmans assurait que les attaques contre lui avaient repris de plus belle.

Les magiciens noirs, disait-il, me battent chaque nuit le crâne par des coups de poings fluidiques ; mon chat lui-même en est tourmenté ; peu m’importe ; je ne les crains pas. Un journal du soir m’a avisé que mon protecteur magique étant mort, je risquais fort maintenant d’y passer ; mais ce dont on ne se doute pas, c’est que j’ai avec moi un vrai, un unique bouclier : la sainteté hors d’atteinte de Mme Thibault !

C’était une bien étrange personne que cette « maman Thibault » comme l’appelait Huysmans, qui a tracé d’elle un exact portrait dans La Cathédrale sous le nom de Mme Bavoil.

Au début de ses visites chez l’abbé Boullan, il n’avait pas prêté grande attention à cette paysanne au regard d’aigle, qui, dans les intervalles de ses visions, vaquait modestement aux travaux du ménage.

« Maintenant, il fréquentait la singulière et l’affectueuse bonne. La première entrevue avait eu lieu un jour qu’il était allé voir l’abbé souffrant. Installée près du lit, elle avait des lunettes en vigie sur le bout de son nez et elle baisait, une à une, des images de piété insérées dans un livre vêtu de drap noir. Elle l’avait invité à s’asseoir, puis, fermant le volume et remontant ses lunettes, elle avait pris part à la conversation et il était sorti de cette chambre, abasourdi par cette personne qui appelait l’abbé « père » et parlait, très simplement, ainsi que d’une chose naturelle, de son commerce avec jésus et avec les Saints ; elle paraissait vivre en parfaite amitié avec eux, en causait ainsi que de compagnons avec lesquels on bavarde sans aucune gêne. » [10]

Mme Thibault appelait Huysmans « notre ami ».

Toujours, lorsqu’il la voyait, elle priait.

Mais c’est une sainte, avait-il dit un jour, à l’abbé Boullan.

Et l’abbé avait répondu : C’est une colonne de prières !

Elle avait parcouru toute l’Europe, à pied, en demandant l’aumône le long des routes, visitant tous les lieux où la Vierge possédait un Sanctuaire.

Puis, avec l’âge, elle avait, suivant son expression, « perdu de ses anciennes valeurs » et le Ciel l’avait envoyée se reposer auprès de l’abbé Boullan, en qualité de gouvernante.

Depuis des années elle ne mangeait que du pain trempé dans du lait, avec parfois, un peu de miel, et elle se portait très bien, n’était même jamais souffrante.

Elle possédait le don de voyance, et n’avait qu’à lever les yeux au-dessus de ses lunettes pour apercevoir les légions des Anges et des Démons. Mais le plus étrange, c’est qu’elle était prêtresse du « Marisiaque du Carmel » et qu’elle célébrait le Sacrifice Provictimal de Marie institué par le prophète Eugène Vintras, pour les femmes du Carmel, et où la femme pontifie. Mme Thibault, après avoir récité le cantique de prière, l’acte de glorification, l’offrande du pain, l’offrande du vin, l’offrande de la lumière, l’invocation deprécatoire consécrative, la prière universelle pour tous les esprits, communiait sous les espèces du vin rouge, les prêtres seuls officiant avec du vin blanc. Puis venaient les actions de grâces.

Huysmans avait fini par se lier avec elle d’une réelle amitié ; aussi, lorsque Boullan mourut, et qu’elle se trouva seule, il lui offrit de l’emmener à Paris pour tenir son ménage.

Après bien des hésitations, elle avait accepté. Une fois installée rue de Sèvres, elle avait organisé, dans sa chambre, une petite chapelle où, chaque matin et chaque soir, revêtue des insignes de bon sacerdoce féminin, en robe blanche, en manteau vert, elle célébrait, à l’autel de la Vierge Marie, le Sacrifice Provictimal.

J’ai dit plus haut, que, depuis la mort de Boullan, Huysmans affirmait que la sensation bizarre de chaque soir, qu’il attribuait aux attaques fluidiques de Stanislas de Guaita, avait redoublé. Lorsqu’il la ressentait, il se protégeait à l’aide des hosties consacrées, tandis que Mme Thibault, ayant revêtu ses ornements sacerdotaux, célébrait le Sacrifice magique, et, le moment venu, clamait par trois fois la prière déprécatoire qui devait dissoudre les fluides des envoûteurs et rendre nulles et dénuées d’effets les attaques dirigées par la voie satanique.

Ainsi s’explique cette parole de Huysmans que j’ai citée précédemment : qu’il avait avec lui un vrai bouclier, la sainteté hors d’atteinte de Mme Thibault.

Le secret des opérations magiques accomplies par Huysmans dut sans doute transpirer au dehors, car on affirma, à l’époque, qu’il avait succédé à l’abbé Boullan, comme Souverain Pontife, selon l’Ordre de Melchissédec, dans l’Ordre du Carmel. Ce qui d’ailleurs était complètement inexact.

Huysmans, Occultiste et Magicien 2
Source inconnue

Entre temps, Stanislas de Guaita était mort, dans son château d’Alteville, en Lorraine. On a prétendu que sa mort aurait été précipitée par une façon de choc en retour des opérations magiques qu’il avait jadis tentées contre l’abbé Boullan [11]. Je ne le crois pas. Sa mort fut douloureuse et lente, mais elle répondit parfaitement aux prévisions médicales de ses amis.

Quant à Huysmans, il avait une façon assez originale d’expliquer, dans le particulier, la mort de son adversaire.

Au dire des amis même de Stanislas de Guaita, sa maison était hantée. Parfois les larves prenaient corps, et allaient jusqu’à épouvanter sa pauvre bonne qui en poussait des clameurs d’effroi. Huysmans assurait que de Guaita vivait dans la compagnie perpétuelle d’un fantôme, qu’il tenait enfermé dans un placard et qui en sortait visible sur son ordre. Un jour, ce fantôme l’avait étranglé !

Désormais, Huysmans allait pouvoir vivre tranquille, sans plus avoir à craindre les attaques de chef des Rose-Croix.

Il garda néanmoins avec lui la « maman Thibault » et ne s’en sépara que plus tard, où elle retourna dans son pays. Comme elle était sans grandes ressources, il lui servit, pour l’aider à vivre, une petite pension.

Il convient de m’arrêter ici, puisque je me proposais seulement de faire connaître un aspect ignoré de Huysmans, de le montrer praticien de l’occultisme et de la magie.

Au point où j’en suis arrivé, insensiblement Huysmans allait se rapprocher de l’Église et peu à peu abandonner les pratiques magiques.

Depuis longtemps déjà, se raccrochant à l’Art, il errait dans les églises, en comparait les architectures, en goûtait le silence et l’obscurité. Il n’était encore qu’un être lamentable qui finissait par éprouver le besoin de croire.

Sous une impulsion de curiosité, de lassitude aussi, il était allé faire une retraite à la Trappe. Chose étrange, même à la Trappe, il s’était trouvé en plein occultisme !

Si vous parlez de magie au clergé de Paris, disait-il, il vous répond par des faux-fuyants ou des fins de non recevoir ; mais, dans les cloîtres, ii y a des hommes autrement documentés là-dessus, et ceux-là possèdent une puissance qui défie bien tous les Rose-Croix de la terre ! Quand j’ai passé quelques jours à la Trappe, j’ai vu ce que réalisent la prière et même l’occultisme. Celui qui levait les sorts et refoulait les mauvais esprits était un très vieil homme qui gardait les cochons. Certains matins, tous ses animaux tombaient malades. « Ah ! je sais bien ce que c’est ! » S’écriait-il et leur lisant des oraisons, il les fouaillait d’eau bénite… Et aussitôt, mes cochons se redressaient ingambes, joyeux et guéris !

Au sortir de la Trappe Huysmans était-il converti ? Qui dit conversion dit changement complet de vie. Or, après huit journées, il avait reprises ses travaux, ses habitudes. Il n’avait pas encore renversé sa vie, mais il n’était tout de même plus le même homme. Il avait soif de rédemption ; il aspirait à la Foi ; le besoin de croire devait bientôt se transformer en croyance ; le temps allait faire le reste.

Mais je demeure persuadé que toutes ces histoires de magie et de satanisme ne contribuèrent pas peu à l’aiguillonner du côté de la religion et que ses relations avec le monde occultiste ne furent point étrangères à son évolution religieuse.

Notice sur le hosties magiques qui servirent à Huysmans pour combattre les envoutements

Je crois qu’il sera intéressant pour le lecteur de donner quelques explications au sujet des Hosties Magiques dont se servait Huysmans pour se défendre contre les envoûtements et combattre les maléfices.

J’ai dit que Boullan prétendait être le successeur d’Eugène Vintras. Ce personnage extraordinaire, mort à Lyon en 1875, était un mystique et prophète célèbre à qui fut un jour révélée la mission de prêcher une nouvelle révélation, la venue du règne glorieux de Jésus-Christ et la régénération de l’humanité, sous le nom d’Eglise du Carmel éliaque et Œuvre de la Miséricorde.

Il appuya sa doctrine sur des miracles. Lorsqu’il priait, il s’élevait de terre, devant témoins ; des parfums inconnus s’exhalaient de sa personne. Pontife d’un ordre nouveau, lorsqu’il consacrait, sur son autel, se produisaient des phénomènes étranges : des calices vides paraissaient tout à coup pleins de vin ; sur la patène apparaissaient subitement des hosties marquées de signes sanglants, d’une manière inexplicable. De nombreux témoins, tous gens honorables et bien posés dans le monde, des médecins, des hommes de loi, signèrent des procès-verbaux de ces phénomènes étranges. Des médecins analysèrent le liquide qui coulait des hosties et reconnurent que c’était véritablement du sang humain. Les ennemis même de Vintras ne contestaient pas les miracles.

Pendant 35 ans, du 24 janvier 1840 au 17 septembre 1875, ces faits eucharistiques merveilleux se renouvelèrent. Des signes étranges étaient marqués en caractères sanglants sur ces hosties notamment des coeurs, des croix, des fleurs, des couronnes, des épées, des points et surtout des lettres. Le sang était de deux nuances différentes : tantôt rouge vif, couleur de sang humain et devenant presque noir en séchant, tantôt rose tendre et ne changeant pas en séchant.

Parfois ces signes, après leur apparition sur les hosties, se multipliaient, se déplaçaient ou se modifiaient, sous les yeux des personnes présentes.

Toutes ces manifestations d’hosties miraculeuses étaient accompagnées ou suivies de parfums qui se répandaient souvent non seulement dans le lieu où elles se produisaient, mais dans toute la maison et parfois même au dehors.

Ces hosties avaient deux destinations distinctes : les unes servaient à la communion, les autres étaient destinées à être remises à des personnes ou des groupements pour être conservées.

Au moins d’août 1875, Vintras, de passage à Bruxelles, fit la connaissance de l’abbé Boullan. Ce dernier lui ayant demandé une des hosties miraculeuses, Vintras lui en remit une sur laquelle étaient tracés en caractères sanglants : un calice, un cour, deux A et des points tracés sur deux palmes.

Vintras mourut à Lyon en décembre de la même année. Deux mois après, Boullan était à Lyon. Il visita les Pontifes du Carmel, leur annonça qu’il avait reçu de Dieu la mission d’interpréter es signes hostiaires et prétendit être le successeur de Vintras ! Les Pontifes du Carmel l’éconduisirent. A force d’intrigues, il finit cependant par en circonvenir un, ainsi qu’une dizaine de familles. Ce Pontife lui remit un certain nombre d’hosties miraculeuses, dont il avait la garde, et une notamment sur laquelle, au milieu de cours, on voyait un Christ en croix, le côté percé d’un coup de lance d’où sortait du sang qui s’épandait au bas de l’hostie. C’est cette hostie que Boullan remit à Huysmans pour se défendre contre les attaques des occultistes de la Rose-Croix.

Après la mort de Boullan, Huysmans qui hérita de la plupart de ses papiers recueillit de nombreuses hosties. Sur l’une, le sang figé avait formé une sorte de trident cabalistique. Une autre portait au sommet du crucifix une étoile à cinq pointes et en dessous les lettres M A entrelacées.

Après sa conversion, Huysmans considérait ces hosties comme diaboliques. Il les conservait dans ses dossiers, avec des parchemins magiques et divers documents sur le satanisme. J’ignore ce qu’elles sont devenues après sa mort ; peut-être se trouvaient-elles dans le dossier qu’il a légué par testament à M. Leclaire pour être détruit.

Relire la première partie.

Plus sur le sujet :

Huysmans, Occultiste et Magicien 2, Jean Bricaud. Paris : Bibliothèque Chacornac 1913

Image par Thanks. All my pics are free! de Pixabay

Notes :

[8] Cf. l’article J.-K. Huysmans et le Satanisme, sur ce site.

[9] Cf. l’article J.-K. Huysmans et le Satanisme, sur ce site.

[10] Cf. La Cathédrale, pp. 44-45.

[11] Je dois faire remarquer ici que les Rose-Croix nièrent toujours avoir attaqué les premiers l’abbé Boullan. Stanislas de Guaita affirmait qu’il n’avait fait que se défendre et le Dr Papus a écrit à la page 1059 de son Traité méthodique de science occulte que « le fameux docteur Johannès (abbé Boullan) faillit payer de sa vie un attentat criminel sur les frères de la RoseCroix ».

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