Abraham Aboulafia

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Abraham Aboulafia par Spartakus FreeMann. L’influence d’Abraham Aboulafia comme guide de la mystique kabbalistique est due Ă  la combinaison d’une remarquable puissance logique, d’un style clair, de vues profondes et d’abstractions prodigieuses. Son influence est Ă©galement due Ă  sa certitude d’avoir dĂ©couvert la « vĂ©ritĂ© » cachĂ©e au sein de la voie Mystique, ce qui l’a poussĂ© Ă  Ă©crire dans un style clair et concis afin de mieux toucher ses lecteurs et les convertir Ă  ses vues.

« La kabbale d’Aboulafia fournit les moyens d’atteindre Ă  un Ă©tat spirituel du monde Ă  venir, ce qui consiste pour lui Ă  dĂ©faire les liens qui enchaĂźnent l’ñme rationnelle au corps. » Elliot Wolfson, Abraham Aboulafia, Cabaliste et ProphĂšte.

Aboulafia donnera dans ses Ă©crits des manuels qui exposent non seulement la thĂ©orie mais aussi la pratique de l’action. Et c’est sans doute ce qui attirera l’animositĂ© des kabbalistes « rabbiniques » dĂ©fenseurs du secret de la transmission. En effet, pour eux, Aboulafia donnait une clĂ©, disons dĂ©mocratique, pour une comprĂ©hension et une pratique de la Kabbale et cela leur Ă©tait inacceptable du fait mĂȘme des prescriptions quant Ă  l’enseignement des secrets de la Kabbale aux disciples. Si Aboulafia restera si longtemps mal connu – on ne le redĂ©couvrira qu’au XIXe siĂšcle- c’est sans doute du Ă  l’action des kabbalistes et des rabbins qui ne voulaient surtout pas voir le peuple se livrer Ă  des aventures extatiques sans prĂ©paration et qui pouvaient les mener Ă  des doctrines hĂ©rĂ©tiques.

Table des matiĂšres

Il aura toutefois des disciples dont Joseph Gakitalia (1248-1325) qui écrira en son honneur son livre Les verges du Noyer.

Sa Vie

A la diffĂ©rence de nombres des kabbalistes de cette Ă©poque, que nous ne connaissons qu’au travers de leurs oeuvres, nous disposons d’une riche information biographique grĂące au soin mĂ©ticuleux qu’il prit de donner des Ă©lĂ©ments de sa vie au sein mĂȘme de ses ouvrages.

Abraham Aboulafia
Abraham Aboulafia – cercle de tserouf.
Illustration extraite du site The Alephbet Store.

Abraham ben Samuel Aboulafia naquit Ă  Saragosse en 1240, il passa sa jeunesse Ă  Tuleda en Navarre. Son pĂšre lui enseigne l’étude de la Bible et de ses commentaires, de la grammaire, de la Michna et du Talmud. Il entreprend des Ă©tudes de mĂ©decine et de philosophie, et plus particuliĂšrement les ouvrages de MaĂŻmonide par lequel sa pensĂ©e restera toujours trĂšs influencĂ©e. Aboulafia rĂ©digera mĂȘme un commentaire mystique sur son Guide des EgarĂ©s.

Il commence bientĂŽt Ă  Ă©tudier la Kabbale et, plus particuliĂšrement du Sefer Yetsirah dont il lira les douze commentaires. Il entre alors en contact avec un groupe de kabbalistes mystiques qui lui enseignent les trois mĂ©thodes d’interprĂ©tation de la Kabbale : le Notarikon (acrologie), la Guematria et le Tziruf.

A l’ñge de 31 ans, Ă  Barcelone, il est touchĂ© par l’esprit prophĂ©tique aprĂšs avoir obtenu la connaissance du Vrai Nom de Dieu. Il est alors persuadĂ© d’avoir atteint, par la mĂ©ditation des lettres et des nombres l’inspiration prophĂ©tique et l’état de Messie. Il quitte Ă  nouveau l’Espagne afin de transmettre, fort de l’essence divine qui l’animait, ses connaissances. Il rĂ©dige plusieurs ouvrages prophĂ©tiques qu’il signe de noms de mĂȘme valeur numĂ©rique que son vrai nom : Zacharie, Raziel

Il se rend au Proche-Orient afin d’y dĂ©couvrir l’emplacement du fleuve Sambation au-delĂ  duquel on supposait que les Dix Tribus perdues demeuraient. En effet, selon la tradition messianique, le Messie devrait rechercher et retrouver les tribus perdues afin de les ramener en Palestine et rĂ©unifier ainsi le peuple d’IsraĂ«l. L’arrivĂ©e des Mongols dans la rĂ©gions et les troubles qui s’en suivent obligent Aboulafia Ă  repartir pour l’Europe et il passe ainsi dix ans en GrĂšce et en Italie.

En 1280, il entreprend un voyage Ă  Rome afin de se prĂ©senter devant le Pape et discuter avec lui « au nom des juifs » et le convertir Ă  sa doctrine messianique et rĂ©aliser l’oeuvre du Messie devant rĂ©unir les trois branches abrahamiques pour rĂ©aliser les prophĂ©ties de la Fin des Temps. Dans cette entreprise il a sans doute Ă©tĂ© influence par les Ă©crits de Nachmanide : « Quand le temps de la fin arrivera, le Messie au commandement de Dieu viendra vers le Pape et lui demandera la libĂ©ration de son peuple ; alors seulement le Messie sera considĂ©rĂ© comme rĂ©ellement venu, mais pas avant cela ». A l’annonce du projet d’Aboulafia, le Pape Nicolas III donne l’ordre d’arrĂȘter Aboulafia et de le mettre Ă  mort. Mais la disparition subite du pape lui sauvera la vie. Aboulafia relatera cette Ă©popĂ©e dans son ouvrage Le Livre du TĂ©moignage.

Sa doctrine

Aboulafia ne veut pas s’occuper de la simple tradition, mais de cette Kabbale des kabbalistes qui cherchent la connaissance de Dieu au travers des 10 sephiroth et des 22 lettres de l’alphabet hĂ©breu, en insistant toutefois sur l’essence profondes des sephiroth et leur refuser toute existence matĂ©rielle ou amalgame en tant qu’attributs divins.

Il distingue 4 sources de Connaissances :

  • les cinq sens ;
  • les idĂ©es ou dix nombres abstraits (sephiroth) ;
  • le « consentement universel » ;
  • la Tradition (Kabbale).

Mais, le point central de la doctrine et le but ultime d’Aboulafia est de « desceller l’ñme, d’enlever les noeuds qui la lient ». Ce « dĂ©nouage » est un moyen de rĂ©intĂ©grer l’état d’unicitĂ© originelle en se dĂ©gageant des barriĂšres qui sĂ©parent l’existence personnelle de l’ñme du courant de la vie cosmique. L’ñme est, en effet, confinĂ©e dans les limites naturelles et normales de l’existence humaine et ces barriĂšres la protĂšgent contre le flot du courant divin et l’empĂȘchent de prendre connaissance du divin. « Les prĂ©occupations du monde physique sont autant d’obstacles sur le voie de l’illumination dont il faut se dĂ©barrasser par une discipline ascĂ©tique avant de s’engager dans la pratique de la mĂ©ditation qui mĂšne Ă  l’union avec le divin. Cependant, Aboulafia ne prĂȘche pas une nĂ©gation complĂšte du corps. Il reconnaĂźt non seulement que le bien-ĂȘtre psychologique de l’individu dĂ©pend de la rĂ©intĂ©gration dans le monde physique, mais que l’union mystique elle-mĂȘme fait l’objet d’une expĂ©rience en termes somatiques, voire Ă©rotiques ». (Wolfson)

Il faut donc aider l’ñme Ă  trouver un chemin pour percevoir plus que les formes de la nature et du monde matĂ©riel. Se dĂ©barrasser de l’excĂšs de l’ego est un des premiers pas vers ce chemin, concentrer l’ñme sur des sujets spirituels abstraits et aller au-delĂ  des apparences grossiĂšres en est un autre… Selon Aboulafia, il faut trouver un objet de concentration spirituelle de l’ñme afin de la guider vers le « dĂ©nouage des noeuds » et, selon lui, le meilleurs objet de mĂ©ditation est l’alphabet hĂ©breu. En se basant sur la nature non-corporelle et abstraite de l’écriture, Aboulafia dĂ©veloppe une thĂ©orie de la contemplation mystique sur le Nom de Dieu. Aboulafia rĂ©pand alors une nouvelle discipline qu’il nomme « Hochmah ha-Tseruf », la « science de la combinaison des lettres », qui est dĂ©crite comme un « guide mĂ©thodique » pour la mĂ©ditation en faisant appel Ă  l’étude des lettres et de leurs graphies. Il prĂ©tend ainsi opĂ©rer une union mystique avec Dieu grĂące Ă  l’arithmĂ©tique.

Le rĂŽle jouĂ© par les Sephiroth dans le systĂšme d’Aboulafia peut se rĂ©sumer dans le fait que les dix Sephiroth se concentrent lors de la mĂ©ditation pour entrer toutes ensembles dans la plus haute qui est la PensĂ©e ou la Couronne et qui est la racine de toutes les autres reposant elle-mĂȘme dans l’En-Sof. Les Sephiroth sont apprĂ©hendĂ©es comme une TrinitĂ© SupĂ©rieure correspondant aux trois premiĂšres lettres de l’alphabet et aux trois principes de la vie humaine : le principe vital, le principe vĂ©gĂ©tatif et le principe rationnel. Les Sephiroth sont pour Aboulafia des canaux par lesquels l’influx intellectuel s’épanche sur le mystique, et, ce faisant, ils facilitent son adhĂ©sion au Nom Divin. Aboulafia dĂ©crypte dans le tĂ©tragramme divin YHVH l’expression yod hawwayot, les dix essences, qui sont les intellects distincts et des Ă©tats d’esprit internes.

GrĂące Ă  une mĂ©ditation mĂ©thodique, cette discipline permet d’obtenir un nouvel Ă©tat de conscience. Cette mĂ©thode peut ĂȘtre comparĂ©e aux altĂ©rations de consciences opĂ©rĂ©es Ă  base d’hallucinogĂšnes afin d’obtenir un accĂšs Ă  des champs d’expĂ©riences que la raison empĂȘche d’apprĂ©hender. Aboulafia quant Ă  lui compare cette mĂ©thode Ă  la musique, les lettres prenant la place des notes dans la gamme. Il dĂ©veloppe ainsi une propĂ©deutique qui s’apparente aux expĂ©rience d’union mystique des soufis de l’Islam, et peut-ĂȘtre a-t-il Ă©tĂ© influencĂ© dans cette voie lors de ses voyages au Proche-Orient ? Quoiqu’il en soit, nous sommes en prĂ©sence d’une forme de mĂ©ditation mystique nouvelle car faisant appel Ă  l’étude des lettres et des nombres au travers de trois voies : la Mivta, ou prononciation, la Miktav, l’écriture et la Mahshav, la pensĂ©e. Voies qui permettent d’entrer dans un Ă©tat second dĂ©tachant l’ñme de ses contingences physiques habituelles. Pour avoir essayer cette mĂ©thode, nous pouvons assurer au lecteur qu’elle fonctionne. Nous ne sommes jamais arriver Ă  l’union avec Dieu, car nous ne la recherchons pas, mais la mĂ©ditation des lettres et des nombres au travers de la mĂ©thode d’Aboulafia permet d’obtenir des rĂ©sultats similaires Ă  ceux que l’on rencontre lors d’une tenue soufi ou d’une prise de psychotropes.

Abraham Aboulafia utile aussi deux autres mĂ©thodes : Dillug et Kefitsa, le saut et le bond, qui visent Ă  passer d’une association Ă  une autre Ă  des fins mĂ©ditatives. Ces mĂ©thodes s’apparentent aux mĂ©thodes psychanalytiques des associations Le saut permet ainsi d’éclairer les processus cachĂ©s de l’esprit qui dĂ©livre l’étudiant de la sphĂšre naturelle et qui peut conduire aux limites de la sphĂšre divine. L’esprit d’Aboulafia repousse ainsi constamment les limites de la comprĂ©hension rationnelle en adoptant une attitude d’inversion des contraires qui permet d’identifier les qualitĂ©s antagonistes. Ainsi, pour Aboulafia, la tĂȘte est la queue, la droite la gauche, l’ange Satan… Il n’y a jamais de stase dans sa rĂ©flexion, dans la mesure oĂč toute chose peu devenir son contraire. Chaque pensĂ©e est ainsi une Ă©tape sur une route qui nous emporte toujours plus loin aprĂšs un rĂ©pit temporaire.

Aboulafia conseille Ă©galement lors de ses mĂ©ditations d’effectuer des exercices de respirations et d’adopter des postures spĂ©cifiques. Son ouvrage La LumiĂšre de l’Intelligence offre des similitudes frappantes avec les traitĂ©s de Yoga. Ainsi, sa mĂ©thode offre-t-elle une richesse que peut de Kabbalistes mystiques peuvent soutenir et nous dirions mĂȘme que sa mĂ©thode est moderne au regard de l’engouement pour les philosophies extrĂȘme-orientales. Mais celle-ci va plus loin car met l’homme en contact avec Dieu mais aussi avec lui-mĂȘme.

Conclusions

Pour les partisans de la Kabbale prophĂ©tique, l’extase permet Ă  l’étudiant de rencontrer aussi sont propre Moi et au-delĂ  de cette expĂ©rience, devenir son propre Messie. L’homme est en prĂ©sence de lui mĂȘme, sa mĂ©ditation lui offre le miroir de son Ăąme profonde et nous retrouvons lĂ  encore des liens avec certaines pratiques magiques modernes censĂ©es donner au magicien un accĂšs Ă  son Moi profond ou Ă  son Ange (Dieu) intĂ©rieur.

La Kabbale d’Aboulafia est, en ce sens, une Kabbale pratique et donc une forme de Magie. En effet, la Kabbale pratique utilise la puissance des Noms afin d’agir sur l’extĂ©rieur. Abraham Aboulafia lui conçoit sa mĂ©thode comme une « magie intĂ©rieure » qui ne doit avoir pour but que de rechercher des effets intĂ©rieurs. Il rejette ainsi toute forme de magie opĂ©rative ayant des buts extĂ©rieurs Ă  l’homme et ne visant qu’à obtenir des pouvoirs matĂ©riels.

Dans cette Voie de l’IntĂ©rioritĂ© qu’a choisi Aboulafia, la mystique cĂŽtoie la magie, l’extase, la mĂ©ditation et la prophĂ©tique, les uns se mĂȘlant aux autres pour former une voie originale, une forme de yoga magique juif, situĂ©e en dehors de la simple mĂ©ditation des Noms ou de la basse pratique magique. Nous sommes certains que celui qui se donnera la peine d’approfondir les enseignements et la mĂ©thodologie d’Abraham Aboulafia verra ses peines rĂ©compensĂ©es et accĂ©dera Ă  une forme d’extase intĂ©rieure bien loin des dĂ©cĂ©rĂ©brantes pratiques cathodiques de notre Ă©poque.

Quelques textes d’Abraham Aboulafia :

Abraham Aboulafia par Spartakus FreeMann

Image par hurk de Pixabay

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