Interview de Graham King du Musée de la Sorcellerie en Cornouailles par Dave Evans.

L’invité de cette semaine est Graham King qui a aimablement accepté de nous donner quelques instants d’un emploi du temps très chargé au Musée.

***

DE : Salut Graham, merci de nous recevoir. Pour ceux qui ne savent rien, peux-tu nous dire quelques mots de l’histoire du musée ainsi que de la manière dont tu le diriges ?

GK : Cecil Williamson ouvrit le premier musée de la sorcellerie sur l’île de Man en 1951 ; il y employa Gerald Gardner en tant que « sorcier résident ». L’amitié entre Gerald et Cecil n’a pas duré, et après quelques années Cecil déménagea son musée à Windsor, en Angleterre & vendit le bâtiment « Witches Mill » à Gardner. Pendant quelques années Gardner et Williamson dirigèrent deux musées séparés. Williamson déménagea son musée dans le sud de l’Angleterre et s’établit à Boscastle en 1960. J’achetai le musée à Cecil à minuit lors de la fête d’Halloween en 1996. À cette époque-là j’avais décidé de changer radicalement mon style de vie – je dirigeais une société qui fabriquait des caméras pour les bibliothèques et les archives nationales ; ce travail impliquait beaucoup de déplacements et de stress. Je vendis la société, la voiture & mon cottage du Hampshire, et fis les 500 km pour me rendre en Cornouailles afin de prendre la charge de gardien du musée.

DE : Ouaw, donc, une sorte de rite de (littéralement) passage ?

GK : Oui ! Cecil Williamson est mort 5 ans plus tard ; il avait 90 ans. C’était un vieux bonhomme fascinant ; il semble qu’il ait été un conseiller « occulte » des services secrets britanniques pendant la guerre & qu’il ait pratiqué toutes sortes de magies.

DE : Il semble bon pour une biographie !

GK : Oui, il avait une foule d’histoires stupéfiantes ; nous avons une très bonne collection de ses lettres & écrits dans les archives du musée, et peut-être qu’un jour publierons-nous une partie de ce matériel. Nous avons passé ces quelques dernières années à remettre le musée à neuf, à cataloguer tous les objets & à rassembler plein de nouvelles acquisitions. Nous sommes ouverts au public de Pâques à Halloween, mais nous pouvons être flexibles pour des soirées en dehors de la saison, ou pour des visiteurs étrangers si besoin en était, si tout est arrangé bien à l’avance bien sûr. Nous avons une grande bibliothèque avec des livres, de la correspondance, du matériel audio et vidéo que nous mettons à disposition des chercheurs sur simple demande préalable et qui est tenue en marge du musée lui-même. Ces visiteurs-chercheurs vont du professeur d’histoire à l’étudiant, aux auteurs occultistes et à de simples individus qui font leurs propres recherches. Nous attirons également beaucoup de touristes. Boscastle est un petit village de pêcheurs de Cornouailles, avec une atmosphère mystique, pas mal de jolis panoramas et de cottage à louer pour les vacances, et c’est donc un endroit de passage. Nous avons aussi un certain nombre de clients habitués et bien sûr nous sommes assez bien connus dans la communauté païenne. Nous avons eu aux alentours de 40 000 visiteurs l’année dernière.

DE : et c’est seulement £2 pour y entrer. Je ne pense pas avoir déjà vu une attraction payante valant autant l’argent dépensé – c’est le même prix que pour deux tasses de café pour faire peut-être 90 minutes d’expériences, si vous lisez toutes les notices et si vous regardez bien toutes les pièces exposées. Comment faites-vous pour tenir avec un tel droit d’entrée ? Et tout particulièrement avec la chute du nombre de touristes lors de l’épidémie de peste animale en 2001.

GK : Cette épidémie fut horrible, pour la communauté en général & particulièrement pour les affaires ici, mais une fois que le public a commencé à revenir nous avons eu une assez bonne année. Avec la fermeture des chemins pédestres, les visiteurs ont cherché autre chose à faire. La plupart des musées survivent des dons d’argent, mais du fait de notre sujet nous n’attirons pas les dons, nous devons donc survivre grâce aux entrées. Nous ne sommes pas une grande entreprise & nous reposons énormément sur les donations. Nous avons une Société des Amis qui payent une souscription annuelle, en retour de quoi nous organisons un événement ici une fois par an avec des orateurs invités à donner quelques exposés intéressants. Nous envoyons également à nos Amis un Bulletin d’information. Les souscriptions annuelles et tous les dons sont utilisés pour des acquisitions spéciales & la conservation des archives. L’année dernière par exemple (2001), nous avons eu un délai assez court pour aller jusqu’au Sussex afin de sauver des papiers et des objets ayant appartenu à Alex Sanders. Nous n’aurions jamais pu acheter tout cela sans l’argent du compte des « Amis ». Cette collection est toujours en train d’être cataloguée, et une partie est exposée, mais à première vue, il apparaît que ce sont des archives très importantes, & l’argent des « Amis » nous a permis de les sauver de la dispersion ou de leur départ pour l’étranger.

On nous lègue également des objets personnels, particulièrement des outils de travail d’occultistes décédés & des collections entières ; comme la Collection Richel qui nous a été laissée par un hollandais, Bob Richel… C’est un ensemble étonnant de dessins et d’objets occultes d’un groupe qui pratiquait une forme de magie sexuelle de l’O.T.O. dans les années 20. Tout est en néerlandais & nous essayons toujours de trouver des personnes qui pourraient nous aider à les traduire pour nous.

DE : OK, donc, si quelqu’un ici est bilingue néerlandais anglais, « au fait » [en français dans le texte] de la terminologie magicke & peut offrir quelque aide, veuillez contacter soit Dave : achad13@hotmail.com soit le musée : museumwitchcraft@aol.com.

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GK : Beaucoup de notre travail, comme celui-ci, dépend du volontariat ou de gens qui viennent ici utiliser nos installations de recherches et qui font certains travaux pour nous en retour. C’est un bon arrangement avec un bénéfice mutuel. Nous avons réellement été chanceux au printemps 2001 quand des étudiants de l’Université américaine de Pittsburgh sont venus faire un stage et des recherches pour leur projet de passage de grade universitaire. Comme partie du deal, ils ont passé trois semaines à cataloguer la bibliothèque et à mettre les livres dans une database que nous mettrons en ligne très bientôt. Ce genre de projet aurait pris des années à terminer si nous l’avions fait nous-mêmes à côté de tout le travail qui est nécessaire ici. La database devrait être réellement utile – cela signifie que vous pourrez introduire un terme dans votre recherche, comme « sorts », et obtenir une liste de tous les livres qui contiennent une information sur le sujet – quelque chose qui prendrait des années à faire par une recherche manuelle.

DE : comme je vous l’ai dit récemment, l’ambiance du musée me rappelle beaucoup celle du musée Pitt-Rivers d’anthropologie et d’histoire d’Oxford, qui déborde de choses stupéfiantes. Vous avez une grande diversité, des Mandragores à Crowley aux objets rituels wiccan, aux affiches originales de films occultes des années 60, aux bouteilles de Sorcières, aux épées de la Golden Dawn… Il y a-t-il un moment où vous devrez dire « stop, nous ne pouvons en exposer plus pour un bon moment » ou faites-vous une rotation dans les objets exposés ?

GK : Un peu des deux ! Nous mettons à jour et changeons constamment ce qui est exposé, comme les nouvelles sections Alex Sanders et Austin Spare, et bien que nous remplissions maintenant tout l’espace disponible, il semble qu’il y ait suffisamment d’espace pour que cela reste intéressant, mais sans être trop grand non plus. Nous ne sommes pas le British Museum, mais nous avons déjà vu des endroits plus petits.

DE : dernièrement on a beaucoup parlé dans la presse de groupes culturels et religieux réclamant des objets tels les Elgin Marbles et des squelettes aborigènes et tribaux aux musées occidentaux après qu’ils furent pillés par les premiers colons. Ils ne les ont récupérés qu’après des batailles légales & un grand débat philosophique sur les droits humains & le concept de « possession » – & vous avez été impliqué dans le sauvetage d’une vieille sorcière il y peu ?

GK : quand nous avons repris le musée, nous avons hérité du squelette de Joan Wytte, une sorcière qui est morte à Bodmin Gaol en 1813. Il a été exposé ici pendant plusieurs années, mais nous avons pensé qu’il était temps qu’elle ait une sépulture décente. Nous l’avons enterré avec calme et respect dans un magnifique endroit d’un bois des environs. Nous avons récemment posé une pierre commémorative près de l’endroit et c’est devenu aujourd’hui une légende locale. Nous trouvons souvent des fleurs abandonnées sur la pierre.

Musée de la Sorcellerie

©Museum of Witchcraft 2002

DE : Oui, j’ai vu des gens dans le musée presque en larmes à la lecture de l’histoire. Il n’y a pas beaucoup de musées qui auraient eu l’intégrité d’abandonner délibérément son exposition – les squelettes sont toujours une attraction de choix pour un certain marché-tabloïde [NDT : référence à la presse à sensation anglaise & à ses dérives, on fait ici un parallèle avec le domaine culturel]. Je sais que vous êtes en assez bons termes avec le vicaire local, mais il y a eu quelques ennuis dans le passé avec la visite de fondamentalistes : recevez-vous toujours des menaces de mort ?

GK : Oui, nous recevons occasionnellement des lettres de haine avec des menaces de mort, mais beaucoup moins que par le passé. En général, nous sommes en bons termes avec la communauté locale. Un article au sujet duquel nous avions été consultés a été récemment publié dans un magazine américain de tricot, il portait sur l’utilisation d’aiguilles à tricoter en verre & de laine noire pour jeter des sorts, et l’éditeur a reçu plusieurs lettres de plaintes et quelques abonnements ont été annulés !

DE : Donc, vous avez certains contacts avec les médias ?

GK : Oui, nous essayons d’obtenir le maximum des médias. La publicité gratuite est toujours la bienvenue et certaines chaînes de TV nous payent même un peu, ce qui aide toujours. Cela nous aide aussi beaucoup que notre message soit diffusé et tout particulièrement quand nous travaillons avec des personnes comme Jo Pearson de l’Open University qui filme ici pour ses recherches religieuses et pour le matériel destiné aux cours sur le paganisme (Note de Dave – nous avons une interview avec Jo en cours, gardez un oeil sur votre écran).

DE : Cela ressemble plus à un travail à temps plein ; curateur du musée, chercheur, conseiller pour les médias et juste pour les loisirs vous êtes également un garde-côte volontaire ?

GK : Oui, j’aime rester très occupé.

DE : Deux questions rapides, les dernières – il y a souvent des gens qui viennent apporter des choses trouvées dans leurs greniers ou des objets de leurs grand-parents etc. ; quel est celui qui a été le plus surprenant ?

GK : j’aime notre collection de Mandragores de Hollande ; ce sont de véritables petits personnages !

DE : et qu’est-ce qui vient en premier dans la liste de ce que vous cherchez aujourd’hui ?

GK : tout ce que je veux c’est plein de visiteurs – ce sont eux qui assurent la sauvegarde de la collection.

DE : Bon point. Et qui doit être mis en évidence ; chaque visiteur contribue directement à la préservation et à l’expansion d’une collection qui est unique en Grande-Bretagne, si pas dans le monde entier.

Bien, au moment où nous écrivons, l’ouverture de Pâques du musée approche et il y a beaucoup à faire avant que vous ne soyez prêt pour le public, alors merci Graham, et le meilleur pour une saison pleine de succès et pour les nombreuses autres à venir.

Pour se rendre à Boscastle : le village est situé entre Bude et Tintagel sur la côte nord des Cornouailles. La région possède un assez bon réseau de transports publics & de nombreux parkings dans le village. Si vous désirez rester la nuit je vous conseille le Bridge House B&B (Bed & Breakfast – nuitée plus petit déjeuner) et le Riverside Hotel, téléphonez à Peter au (44) 1840 250011 pour les réservations & les renseignements pour les prix. Tintagel est célèbre pour ses liens avec les légendes arthuriennes et Boscastle ainsi que Tintagel peuvent être visité en une journée si vous restez sur place.

Site Internet du Musée.

Plus sur le sujet :

Interview de Graham King du Musée de la Sorcellerie en Cornouailles, Dave Evans. Traduction française, Spartakus FreeMann, avril 2002 e.v. Toutes les images sont sous copyright – Museum of Witchcraft 2002. Aucune reproduction sans leur expresse autorisation préalable.

Illustration : Francisco Goya [Public domain], via Wikimedia Commons

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