Les Fables Égyptiennes et Grecques

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Les Fables Égyptiennes et Grecques par Dom Antoine-Joseph Pernety. 

Discours Préliminaire

Le grand nombre d’Auteurs qui ont Ă©crit sur les HiĂ©roglyphes des Égyptiens, & sur les Fables auxquelles ils ont donnĂ© lieu, sont si contraires les uns aux autres, qu’on peut avec raison regarder leurs ouvrages comme de nouvelles Fables. Quelque bien imaginĂ©s, quelque bien concertĂ©s que soient, au moins en apparence, les systĂšmes qu’ils ont formĂ©s, on en voit le peu de soliditĂ© a chaque pas qu’on y fait, quand on ne se laisse pas aveugler par le prĂ©jugĂ©. Les uns y croient trouver histoire rĂ©elle de ces temps Ă©loignĂ©s, qu’ils appel­lent malgrĂ© cela les temps fabuleux. Les autres n’y aperçoivent que des principes de morale, & il ne faut qu’ouvrir les yeux pour y voir partout des exemples capables de corrompre les mƓurs. D’autres enfin, peu satisfaits de ces explications, ont puisĂ© les leurs dans la Physique. Je demande aux Physiciens Naturalistes de nos jours, s’ils ont lieu d’en ĂȘtre plus contents.

Les uns & les autres n’ayant pas rĂ©ussi, il est naturel de penser que le principe gĂ©nĂ©ral sur lequel ils ont Ă©tabli leurs systĂšmes, ne fut jamais le vrai principe de ces fictions. Il en fallait un, au moyen duquel on pĂ»t expliquer tout, & jusqu’aux moindres circonstances des faits rapportĂ©s, quelque bizarres, quelque incroyables, & quelque contradictoires qu’ils paraissent. Ce systĂšme n’est pas nouveau, & je fuis trĂšs Ă©loignĂ© de vouloir m’en faire honneur, je l’ai trouvĂ© par lambeaux Ă©pars dans divers Auteurs, tant anciens que modernes, leurs ouvrages sont peu connus ou peu lus, parce que la science qu’ils y traitent est la victime de l’ignorance & du prĂ©juge. La plus grande grĂące qu’on croie devoir accorder Ă  ceux qui la cultivent, ou qui en prennent la dĂ©fense, est de les regarder comme des fous, au moins dignes des Petites maisons. Autrefois ils passaient pour les plus sages des hommes, mais la raison, quoique de tous les temps, n’est pas toujours la maĂźtresse ; elle est obligĂ©e de succomber sous la tyrannie du prĂ©jugĂ© & de la mode.

Ce systĂšme est donc l’ouvrage de ces prĂ©tendus fous, aux yeux du plus grand nombre des modernes, c’est celui que je leur prĂ©sente ; mais ne dois-je pas craindre que mes preuves Ă©tablies sur les paroles de ces fous, ne fassent regarder mes raisonnements comme ceux donc parle Horace ?

Je m’attends bien Ă  ne pas avoir l’approbation de ces gĂ©nies vastes, sublimes & pĂ©nĂ©trants qui embrassent tout, qui savent tout sans avoir rien appris, qui disputent de tout, & qui dĂ©cident de tout sans connaissance de cause. Ce n’est pas Ă  de tels gens qu’on donne des leçons ; Ă  eux appartient proprement le nom de Sage, bien mieux qu’aux DĂ©mocrite, aux Platon, aux Pythagore & aux autres Grecs qui furent en Égypte respirer l’air HermĂ©tique, & y puisĂšrent la folie donc il est ici question. Ce n’est pas pour des Sages de cette trempe qu’est fait cet ouvrage : cet air contagieux d’Egypte y est rĂ©pandu partout ; ils y courraient les risques d’en ĂȘtre infectĂ©s, comme les Geber, les Synesius, les Moriens, les Arnaud de Villeneuve, les Raymond Lulle & tant d’autres, assez bons pour vouloir donner dans cette Philosophie. À l’exemple de Diodore de Sicile, de Pline, de Suidas, & de nombre d’autres anciens ils deviendraient peut-ĂȘtre assez crĂ©dules pour regarder cette science comme rĂ©elle, & pour en parler comme rĂ©elle. Ils pourraient tomber dans le ridicule des Borrichius, des Kunckel, des Beccher, des Scalh, assez fous pour faire des traitĂ©s qui la prouvent, & en prennent la dĂ©fense.

Mais si l’exemple de ces hommes cĂ©lĂšbres fait quelque impression sur les esprits exempts de prĂ©vention, & vides de prĂ©jugĂ©s Ă  cet Ă©gard, il s’en trouvera sans doute d’assez sensĂ©s pour vouloir, comme eux, s’instruire d’une science, peu connue Ă  la vĂ©ritĂ©, mais cultivĂ©e de tous les temps. L’ignorance orgueilleuse & la fatuitĂ© sont les seules capables de mĂ©priser & de condamner sans connaissance de cause. Il n’y a pas cent ans que le nom seul d’AlgĂšbre Ă©loignait de l’étude de cette science, & rĂ©voltait, celui de GĂ©omĂ©trie eĂ»t Ă©tĂ© capable de donner des vapeurs Ă  nos petits MaĂźtres scientifiques d’aujourd’hui. On s’est peu Ă  peu familiaritĂ© avec elles. Les termes barbares dont elles sont hĂ©rissĂ©es ne font plus peur ; on les Ă©tudie, on les cultive, l’honneur a succĂ©dĂ© Ă  la rĂ©pugnance, & je pourrais dire au mĂ©pris qu’on avait pour elles.

La Philosophie HermĂ©tique est encore en disgrĂące, & par lĂ  mĂȘme en discrĂ©dit. Elle est pleine d’énigmes, & probablement ne sera pas de long­temps dĂ©barrassĂ©e de ces termes allĂ©goriques & barbares dont si peu de personnes prennent le vrai sens. L’étude en est d’autant plus difficile, que les mĂ©taphores perpĂ©tuelles donnent le change Ă  ceux qui s’imaginent entendre les Auteurs qui en traitent, Ă  la premiĂšre lecture qu’ils en font.

Ces Auteurs avertissent nĂ©anmoins qu’une science telle que celle-lĂ  ne veut pas ĂȘtre traitĂ©e aussi clairement que les autres, Ă  cause des consĂ©quences funestes qui pourraient en rĂ©sulter pour la vie civile. Ils en font un mystĂšre, & un mystĂšre qu’ils s’étudient plus Ă  obscurcir qu’à dĂ©velopper. Aussi recommandent-ils sans cesse de ne pas les prendre Ă  la lettre, d’étudier les lois & les procĂ©dĂ©s de la nature, de comparer les opĂ©rations donc ils parlent, avec les siennes, de n’admettre que celles que le Lecteur y trouvera conformes.

Aux mĂ©taphores, les Philosophes HermĂ©tiques ont ajoutĂ© les EmblĂšmes, les HiĂ©roglyphes, les Fables, & les AllĂ©gories, & se sont rendus par ce moyen presque inintelligibles Ă  ceux qu’une longue Ă©tude & un travail opiniĂątre n’ont pas initiĂ©s dans leurs mystĂšres. Ceux qui n’ont pas voulu se donner la peine de faire les efforts nĂ©cessaires pour les dĂ©velopper, ou qui en ont fait d’inutiles, ont cru n’avoir rien de mieux Ă  faire que de cacher leur ignorance Ă  l’abri de la nĂ©gative de la rĂ©alitĂ© de cette science, ils ont affectĂ© de n’avoir pour elle que du mĂ©pris ; ils l’ont traitĂ©e de chimĂšre & d’ĂȘtre de raison.

L’ambition & l’amour des richesses est le seul ressort qui met en mouvement presque tous ceux qui travaillent Ă  s’instruire des procĂ©dĂ©s de cette science ; elle leur prĂ©sente des monts d’or en perspective, & une santĂ© longue & solide pour en Jouir. Quels appas pour des cƓurs attachĂ©s aux biens de ce monde ! on s’empresse, on court pour parvenir Ă  ce but, & comme on craint de n’y pas arriver assez lot, ou prend la premiĂšre voie qui paraĂźt y conduire plus promptement, sans vouloir se donner la peine de s’instruire suffisamment du vrai chemin par lequel on y arrive. On marche donc, on avance, on se croit au bout ; mais comme on a marchĂ© en aveugle, on y trouve un prĂ©cipice, on y tombe. On croit alors cacher la honte de sa chute, en disant que ce prĂ©tendu but n’est qu’une ombre qu’on ne peut embrasser ; on traite ses guides de perfides ; on vient enfin Ă  nier jusqu’à la possibilitĂ© mĂȘme d’un effet, parce qu’on en ignore les causes. Quoi ! parce que les plus grands Naturalistes ont perdu leurs veilles & leurs travaux Ă  vouloir dĂ©couvrit quels procĂ©dĂ©s la Nature emploie pour former & organiser le fƓtus dans le sein de sa mĂšre, pour faire germer & croĂźtre une plante, pour former les mĂ©taux dans la terre, aurait-on bonne grĂące Ă  nier le fait ? regarderait-on comme sensĂ© un homme dont l’ignorance serait le fondement de sa nĂ©gative ? On ne daignerait mĂȘme pas faire les frais de la moindre preuve pour l’en convaincre.

Mais des gens savants, des Artistes Ă©clairĂ©s & habiles ont Ă©tudiĂ© toute leur vie, & ont travaillĂ© sans cesse pour y parvenir, ils sont morts Ă  la peine : qu’en conclure ? Que la chose n’est pas rĂ©elle ? non. Depuis environ l’an 550 delĂ  fondation de Rome, jusqu’à nos jours, les plus ha biles gens avaient travaillĂ© Ă  imiter le fameux miroir ardent d’ArchimĂšde, avec lequel il brĂ»la les vaisseaux des Romains dans le port de Syracuse, on n’avait pu rĂ©unir, on traitait le fait d’histoire inventĂ©e Ă  plaisir, c’était une fable, & la fabrique mĂȘme du miroir Ă©tait impossible. M. de Buffon s’avise de prendre un chemin plus simple que ceux qui l’avaient prĂ©cĂ©dĂ© ; il en vient Ă  bout, on est surpris, on avoue enfin que la chose est possible.

Concluons donc avec plus de raison, que ces savants, ces habiles Artistes faisaient trop de fond sur leurs prĂ©tendues connaissances. Au lieu de suivre les voies droites, simples & unies de la Nature, ils lui supposaient des subtilitĂ©s qu’elle n’eut jamais. L’Art HermĂ©tique est, disent les Philosophes, un mystĂšre cachĂ© Ă  ceux qui se fient trop en leur propre savoir : c’est un don de Dieu, qui jette un Ɠil favorable & propice sur ceux qui sont humbles, qui le craignent, qui mettent toute leur confiance en lui, & qui, comme Salomon, lui demandent avec instance & persĂ©vĂ©rance cette sagesse, qui tient Ă  sa droite la santĂ© (Proverb. 5. v. l6.), & les richesses Ă  sa gauche, cette sagesse que les Philosophes prĂ©fĂšrent Ă  tous les honneurs, Ă  tous les royaumes du monde, parce qu’elle est l’arbre de vie Ă  ceux qui la possĂšdent (Ibid.v.18. ).

Tous les Philosophes HermĂ©tiques disent que quoique le grand ƒuvre soit une chose naturelle, & dans sa matiĂšre, & dans ses opĂ©rations, il s’y passe cependant des choses si surprenantes, qu’elles Ă©lĂšvent infiniment l’esprit de l’homme vers l’Auteur de son ĂȘtre, qu’elles manifestent sa sagesse & sa gloire, qu’elles sont beaucoup au-dessus de l’intelligence humaine, & que ceux-lĂ  seuls les comprennent, Ă  qui Dieu daigne ouvrir les yeux. La preuve en est assez Ă©vidente par les bĂ©vues & le peu de rĂ©ussite de tous ces Artistes fameux dans la Chymie vulgaire, qui, malgrĂ© route leur adresse dans la main-d’Ɠuvre, malgrĂ© toutes leur prĂ©tendue science de la Nature, ont perdu leurs peines, leur argent, & souvent leur santĂ© dans la recherche de ce trĂ©sor inestimable.

Combien de Beccher, de Homberg, de Boherrave, de Geofroy & tant d’autres savants Chimistes ont par leurs travaux infatigables forcĂ© la Nature Ă  leur dĂ©couvrir quelques-uns de ses secrets ! MalgrĂ© toute leur attention Ă  Ă©pier ses procĂ©dĂ©s, Ă  analyser ses productions, pour la prendre sur le fait, ils ont presque toujours Ă©chouĂ©, parce qu’ils Ă©taient les tyrans de cette Nature, & non ses vĂ©ritables imitateurs. Assez Ă©clairĂ©s dans la Chymie vulgaire, & assez instruits de ses procĂ©dĂ©s, mais aveugles dans la Chymie HermĂ©tique, & entraĂźnĂ©s par l’usage, ils ont Ă©levĂ© des fourneaux sublimatoires (Novum lumen Chemicum. Tract. l.), calcinatoires, distillatoires ; ils ont employĂ© une infinitĂ© de vases & de creusets inconnus Ă  la simple Nature ; ils ont appelĂ© Ă  leur secours le fratricide du feu naturel, comment avec des procĂ©dĂ©s si violents auraient-ils rĂ©uni ? Ils sont absolument Ă©loignĂ©s de ceux que suivent les Philosophes HermĂ©tiques. Si nous en croyons le PrĂ©sident d’Espagnet (Arcan. Herm, Philosophia ; opus. Canone 6. ), « les Chimistes vulgaires se sont accourĂ»mes insensiblement Ă  s’éloigner de la voie simple de la Nature, par leurs sublimations, leurs distillations, leurs solutions, leurs congĂ©lations, leurs coagulations, par leurs diffĂ©rentes extractions d’esprits & de teintures, & par quantitĂ© d’autres opĂ©rations plus subtiles qu’utiles. Ils sont tombĂ©s dans des erreurs, qui ont Ă©tĂ© une suite les unes des autres, ils sont devenus les bourreaux de cette Nature. Leur subtilitĂ© trop laborieuse, loin d’ouvrir leurs yeux Ă  la lumiĂšre de la vĂ©ritĂ©, pour voir les voies de la Nature, y a Ă©tĂ© un obstacle, qui l’a empĂȘchĂ©e de venir jusqu’à eux. Ils s’en sont Ă©loignĂ©s de plus en plus. La seule espĂ©rance qui leur reste, est dans un guide fidĂšle, qui dissipe les tĂ©nĂšbres de leur esprit, & leur fasse voir le soleil dans toute sa puretĂ©. »

« Avec un gĂ©nie pĂ©nĂ©trant, un esprit ferme & patient, un ardent dĂ©sir de la Philosophie, une grande connaissance de la vĂ©ritable Physique, un cƓur pur, des mƓurs intĂšgres, un sincĂšre amour de Dieu & du prochain, tout homme, quelque ignorant qu’il soit dans la pratique de la Chymie vulgaire, peut avec confiance entreprendre de devenir Philosophe imitateur de la Nature. »

« Si HermĂšs, le vrai pĂšre des Philosophes, dit le Cosmopolite (Nov. lum, Chem. Tract. I.), si le subtil Geber, le profond Raymond Lulle, & tant d’autres vrais & cĂ©lĂšbres Chimistes revenaient sur la terre, nos Chimistes vulgaires non seulement ne voudraient pas les regarder comme leurs maĂźtres, mais ils croiraient leur faire beaucoup de grĂąces & d’honneur de les avouer pour leurs disciples. Il est vrai qu’ils ne sauraient pas faire toutes ces distillations, ces circulations, ces calcinations, ces sublimations, enfin toutes ces opĂ©rations innombrables que les Chimistes ont imaginĂ©es pour avoir mal entendu les livres des Philosophes. »

Tous les vrais Adeptes parlent sur le mĂȘme ton, & s’ils disent vrai, sans prendre tant de peines, sans employer tant de vases, sans consumer tant de charbons, sans ruiner sa bourse & sa santĂ©, on peur travailler de concert avec la Nature, qui, aidĂ©e, se prĂȘtera aux dĂ©sirs de l’Artiste, & lui ouvrira libĂ©ralement ses trĂ©sors. Il apprendra d’elle, non pas Ă  dĂ©truire les corps qu’elle produit, mais comment, avec quoi elle les compose, & en quoi ils se rĂ©solvent. Elle leur montrera cette matiĂšre, ce chaos que l’Être suprĂȘme a dĂ©veloppĂ©, pour en former l’Univers, ils verront la Nature comme dans un miroir, dont la rĂ©flexion leur manifestera la sagesse infinie du CrĂ©ateur qui la dirige & la conduis dans toutes ses opĂ©rations par une voie simple & unique, qui fait tout le mystĂšre du grand Ɠuvre.

Mais cette chose appelĂ©e pierre Philosophale, MĂ©decine universelle, MĂ©decine dorĂ©e, existe-t-elle autant en rĂ©alitĂ© qu’en spĂ©culation ? Comment, depuis tant de siĂšcles, un si grand nombre de personnes, que le Ciel semblait avoir favorisĂ©s d’une science & d’une sagesse supĂ©rieure Ă  celles du reste des hommes, l’ont-ils cherchĂ©e en vain ? Mais d’un autre cĂŽtĂ© tant d’Historiens dignes de foi, tant de savants hommes en ont attestĂ© l’existence, & ont laissĂ© par des Ă©crits Ă©nigmatiques & allĂ©goriques la maniĂšre de la faire, qu’il n’est guĂšre possible d’en douter, quand on sait adapter ces Ă©crits aux principes de la Nature.

Les Philosophes HermĂ©tiques diffĂšrent absolument des Philosophes ou Physiciens ordinaires. Ces derniers n’ont point de systĂšme assurĂ©. Ils en inventent tous les jours, & le dernier semble n’ĂȘtre imaginĂ© que pour contredire & dĂ©truire ceux qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©. Enfin, si l’un s’élĂšve & s’établit, ce n’est que sur les ruines de son prĂ©dĂ©cesseur, & il ne subsiste que jusqu’à ce qu’un nouveau vienne le culbuter, & se mettre Ă  sa place.

Les Philosophes HermĂ©tiques au contraire sont tous d’accord entre eux : pas un ne contredit les principes de l’autre. Celui qui Ă©crivait il y a trente ans, parle comme celui qui vivait il y a deux mille ans. Ce qu’il y a mĂȘme de singulier, c’est qu’ils ne se lassent point de rĂ©pĂ©ter cet axiome que l’Église (Vincent de Lerin. Commonit.) adopte comme la marque la plus infaillible de la vĂ©ritĂ© dans ce qu’elle nous propose Ă  croire : Quod unique, quod ab omnibus, & quod femper creditum eft, id firmiffimĂš credendum puta. Voyez, dirent-ils, lisez, mĂ©direz les choses qui ont Ă©tĂ© enseignĂ©es dans tous les temps, & par tous les Philosophes, la vĂ©ritĂ© est renfermĂ©e dans les endroits oĂč ils sont tous d’accords.

Quelle apparence, en effet, que des gens qui ont vĂ©cu dans des siĂšcles si Ă©loignĂ©s, & dans des pays si diffĂ©rents pour la langue, & j’ose le dire, pour la façon de penser, s’accordent cependant tous dans un mĂȘme point ? Quoi ! des Égyptiens, des Arabes, des Chinois, des Grecs, des Juifs, des Italiens, des Allemands, des AmĂ©ricains, des Français, des Anglais, &c. seraient-ils donc convenus sans se connaĂźtre, sans s’entendre, sans s’ĂȘtre communiquĂ© particuliĂšrement leurs idĂ©es, de parler & d’écrire tous conformĂ© ment d’une chimĂšre, d’un ĂȘtre de raison ? Sans faire entrer en ligne de compte tous les ouvrages composĂ©s sur cette matiĂšre, que l’histoire nous apprend avoir Ă©tĂ© brĂ»lĂ©s par les ordres de DioclĂ©tien, qui croyait ĂŽter par-lĂ  aux Égyptiens les moyens de faire de l’or, & les priver de ce secours pour soutenir la guerre contre lui, il nous en reste encore un assez grand nombre dans toutes les langues du monde, pour justifier auprĂšs des incrĂ©dules ce que je viens d’avancer. La seule BibliothĂšque du Roi conserve un nombre prodigieux de manuscrits anciens & modernes, composĂ©s fur cette science dans diffĂ©rences langues. Michel MaĂŻer disait Ă  ce sujet, dans une Épigramme que l’on trouve au commencement de son TraitĂ©, qui a pour titre Symbola auree, mensae :

Unum opus en prifcis haec ufque ad tempora feclis

Confina diffusis gentibus ora dedit.

Qu’on lise HermĂšs Égyptien, Abraham, Isaac de Moiros Juifs, citĂ©s par Avicenne ; DĂ©mocrite, OrphĂ©e, Aristote (De Secretis Secretorum), Olympiodore, HĂ©liodore (De rĂ©bus Chemicis ad Theodofium Imperatorem), Etienne (De magna & sacrĂą scientßù, ad Heraclium Caesarem), & tant d’autres Grecs ; Synesius, ThĂ©ophile, Abugazal, &c. Africains ; Avicenne (De re rectĂą. Tractatus ad Assem Philosophum anima artĂźs), Rhasis, Geber, ArtĂ©phius, Alphidius, Hamuel surnommĂ© Senior, Rosinus, Arabes ; Albert le Grand (De AlchymiĂą. Concordantia Philofophorum. De compositione compositi, &c.) Bernard TrĂ©visan, Basile Valentin, Allemands ; Alain (Liber Chemiae) Isaac pĂšre & fils, Pontanus, Flamands ou Hollandais ; Arnaud de Villeneuve, Nicolas Flamel, Denis Zachaire, Christophe Parisien, Gui de Montanor, d’Espagnet François ; Morien, Pierre Bon de Ferrare, l’Auteur anonyme du mariage du Soleil & de la Lune, Italiens. Raymond Lulle Majorquain ; Roger Bacon (Speculum Achemiae) Hortulain, Jean Dastin, Richard, George RiplĂ©e, Thomas Nor ton, PhilalĂšthe & le Cosmopolite Anglais ou Écossais, enfin beaucoup d’Auteurs anonymes (Turba Philofophorum, feu Codex veritdtis. Clangor Buccinae. Scala Philofophorum. Aurora confurgens. Ludus puerorum. Thefaurus Philosophiae, &c.) de tous les pays & de divers siĂšcles : on n’en trouvera pas un seul qui ait des principes diffĂ©rents des autres. Cette conformitĂ© d’idĂ©es & de principes ne forme-t-elle pas au moins une prĂ©somption, que ce qu’ils enseignent Ă  quelque chose de rĂ©el & de vrai ? Si toutes les Fables anciennes d’HomĂšre, d’OrphĂ©e & des Égyptiens ne sont que des allĂ©gories de cet Art, comme je prĂ©tends le prouver dans cet ouvrage, par le fond des Fables mĂȘmes, par leur origine, & par la conformitĂ© qu’elles ont avec les allĂ©gories de presque tous les Philosophes, pourra-t-on se persuader que l’objet de cette science n’est qu’un vain fantĂŽme, qui n’eut jamais d’existence parmi les productions rĂ©elles de la Nature ?

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