Les Templiers et les Assassins

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Les Templiers et les Assassins par Spartakus FreeMann.

Dans le grand livre des lĂ©gendes de l’Ordre du Temple, nous retrouvons souvent les Assassins. Non pas ces super-hĂ©ros bien connus des amateurs de la manette ludique, mais les sectateurs d’un courant de l’Islam fondĂ© par Hassan i Sabbah. Celui-ci est nĂ© au milieu du XIe siĂšcle, Ă  Qom et est issu d’une famille perse bourgeoise appartenant au mouvement ismaĂ©lien.

AprĂšs, ou pendant, ses Ă©tudes Ă  Ispahan des textes sacrĂ©s persans – les Avestas, les livres de Zarathoustra ; et des textes sacrĂ©s musulmans – il sera influencĂ© par les prĂ©dicateurs ismaĂ©liens nizarites.

Il se rend au Caire qu’il bientĂŽt doit quitter pour se rĂ©fugier Ă  Alamut dans les montagnes de la Perse. Une mission d’Hassan s’établit aussi en Syrie, dans les montagnes. Ce sont de ces assassins que parleront les chroniqueurs des croisades.

Certains aiment Ă  faire dĂ©river ce mot du hashish qui aurait Ă©tĂ© utilisĂ© par Hassan pour endoctriner et fanatiser ses tueurs, hashishiyyin sera d’ailleurs le nom donnĂ© aux IsmaĂ«liens de Syrie par leurs ennemis. D’autres le font dĂ©river du mot arabe « assas », gardien, sous-entendant par-lĂ  que les nizarites de la nouvelle prĂ©dication sont les gardiens de la Terre sainte. L’utilisation du hashish par les dirigeants du mouvement pour fanatiser leurs sĂ©ides est un fait tout aussi invĂ©rifiable que leur rĂŽle de gardien. Nous laissons donc les experts tenter d’élucider le mystĂšre de leur nom.

Les Assassins

La premiĂšre mention des Assassins se trouve dans le rapport d’un Ă©missaire en Égypte de l’Empereur germanique Barberousse, qui date de 1175 :

« (
) il existe une certaine race de Sarrasins qui, dans leur dialecte, s’appellent Heyssessini, et en romain, segnors de montana. Cette race d’hommes vit sans loi ; ils mangent de la chair de porc contre la loi des Sarrasins et disposent de toutes les femmes, sans distinction, y compris leurs mĂšres et leurs sƓurs. Ils vivent dans la montagne et sont pratiquement inexpugnables, car ils s’abritent dans des chĂąteaux bien fortifiĂ©s. (
) Ils ont un maĂźtre qui frappe d’une immense terreur tous les princes sarrasins proches ou Ă©loignĂ©s, ainsi que les seigneurs chrĂ©tiens voisins, car il a coutume de les tuer d’étonnante maniĂšre. (
) Dans ces palais, il fait venir, dĂšs leur enfance, nombre de fils de paysans. Il leur fait enseigner diverses langues, comme le latin, le grec, le romain, le sarrasin et bien d’autres encore. (
) on apprend Ă  ses jeunes gens Ă  obĂ©ir Ă  tous les ordres et Ă  toutes les paroles du seigneur de leur terre qui leur donnera alors les joies du paradis parce qu’il a pouvoir sur tous les dieux vivants. (..) Le prince donne alors Ă  chacun un poignard d’or et les envoie tuer quelque prince de son choix ».

Guillaume de Tyr, le chroniqueur des Croisades, les mentionne de maniĂšre assez brĂšve en racontant la rencontre entre les Templiers et les Assassins afin de conclure une alliance.

On prĂȘte aux Assassins une fonction de guides spirituels, voire d’initiateurs des Templiers. Il est douteux que les Templiers aient embrassĂ© la foi de l’Islam et reniĂ© la banniĂšre sous laquelle ils combattaient. Ce serait bien vite oublier qu’il s’agissait tout d’abord de moines, certes combattants, mais soumis Ă  Rome et vouant une bonne part de leurs journĂ©es Ă  la priĂšre.

Qu’il y ait eu des contacts et des influences rĂ©ciproques n’a rien de choquant. Pendant les trĂȘves, en dehors des combats, et sans aller jusqu’à parler de fraternitĂ© d’arme, on peut imaginer nos bons Templiers Ă©changer avec leurs homologues Assassins, tout en n’oubliant pas que ces derniers leurs payaient tribus


Ainsi, Probst-Biraben dans un article sur les Templiers et les Arabes Ă©crit :

« On a volontiers rĂ©pĂ©tĂ© aussi que les chevaliers du Temple ont Ă©tĂ© un des traits d’union entre l’Occident et l’Orient. Dans l’intervalle des batailles, chrĂ©tiens et musulmans se frĂ©quentaient, communiaient sans abandonner leurs dogmes particuliers, dans l’enseignement traditionnel, symbolique et mystique Ă  la fois, ce qui explique les traces d’idĂ©es et d’allĂ©gories chrĂ©tiennes chez des auteurs arabes et les traces de soufisme ou d’autres doctrines chez les auteurs chrĂ©tiens du moyen Ăąge. On peut mĂȘme dire, ce qui est corroborĂ© par une thĂšse assez rĂ©cente du professeur Soulier sur les Influences orientales dans la peinture toscane, que les relations entre les deux civilisations furent plus aisĂ©es et frĂ©quentes avant la Renaissance qu’aprĂšs, Il est donc trĂšs vraisemblable que les Templiers se sont plus ou moins inspirĂ©s des peuples avec lesquels ils Ă©taient en contact journalier et par consĂ©quent des Arabes. AssurĂ©ment, les emprunts ne sont pas indiscutables, puisque souvent les mĂȘmes idĂ©es, et les mĂȘmes formes sont utilisĂ©es par plusieurs groupes ethniques Ă©trangers et diffĂ©rents, sans transmission des uns aux autres Â».

Probst-Biraben, Â« Les Templiers et les Arabes Â», numĂ©ro spĂ©cial du Voile d’Isis

Échanges culturels, Ă©changes « tactiques Â», veillĂ©es au coin du feu pour se narrer les hauts faits d’armes des uns et des autres ? Peut-ĂȘtre, mais certains veulent y voir beaucoup plus. Mais entre ces spĂ©culations et la rĂ©alitĂ© historique, il y a un gouffre. Cela n’empĂȘche pas les uns et les autres de tisser de beaux romans aux accents illuminĂ©s qui desservent, en fin de compte, l’Histoire dĂ©jĂ  assez Ă©bouriffĂ©e de l’Ordre du Temple.

Pour certains, dont CĂ©line Renooz, les Assassins et les Templiers Ă©taient des gnostiques aux dogmes bien tranchĂ©s : « [les Assassins et les Templiers] professaient la mĂȘme doctrine et vouaient la mĂȘme haine Ă  l’erreur que le Catholicisme et l’Islamisme reprĂ©sentaient : l’adoration d’un Dieu unique, mĂąle ; et, pour protester contre ce dogme, les Templiers avaient une DivinitĂ© fĂ©minine reprĂ©sentant l’ancienne DĂ©esse porte-lumiĂšre, la VĂ©nus-Lucifer [
]. Ils enseignaient que c’est Lucifer, « l’Esprit », qui est l’organisateur de l’Univers, le Grand Architecte qui met toutes choses Ă  leur place et crĂ©e l’ordre. C’est le mauvais principe — son contraire —, reprĂ©sentĂ© par l’homme fourbe, qui crĂ©e le dĂ©sordre en se dĂ©clarant Dieu et en se faisant adorer et obĂ©ir »[1].

Nous allons nous essayer Ă  l’exercice de brosser un tableau mythologique du Temple dans ses rapports et ses similitudes avec l’Ordre des Assassins. Nous ne trancherons pas et laisserons aux lecteurs la libertĂ© de dĂ©coder pour eux-mĂȘmes.

L’homme JĂ©sus et le reniement du Christ

Certains auteurs ont prĂ©tendu qu’Ă  un moment donnĂ© les membres les plus initiĂ©s de l’Ordre auraient pu secrĂštement considĂ©rer JĂ©sus comme un homme et non comme Dieu. Cela cadrerait alors avec une influence de l’Islam qui considĂšre qu’il ne fut pas permis aux Juifs ni aux Romains de le crucifier, et que Dieu l’enleva directement aux cieux pour le soustraire Ă  leur mĂ©chancetĂ© (cf. Coran III, 47).

Les actes d’accusations de l’Ordre du Temple parlent du reniement du Christ. Ainsi, si le nĂ©ophyte devait fouler la Croix aux pieds c’est en signe de refus de la mort du Christ sur la croix. Ou encore que la croix que celui-ci foulait aux pieds n’était pas de la croix instrument de supplice, mais le symbole du monde matĂ©riel, hylique, que l’Esprit doit vaincre.

En outre, notons que le refus des Musulmans de la crucifixion n’exclut pas la reconnaissance du rĂŽle de prophĂšte et de messager d’amour de JĂ©sus.

La similitude des deux Ordres

Examinons maintenant les points communs relevĂ©s par divers auteurs entre les chevaliers de l’Ordre du Temple et ceux des confrĂ©ries dĂ©rivĂ©es du soufisme :

  • Tous deux vouent une obĂ©issance absolue au commandeur ou au cheikh ;
  • Les actes d’accusations prĂ©tendent encore qu’Ă  la rĂ©ception, le commandeur embrassait le rĂ©cipiendaire sur la bouche (voire sur les parties charnues de son anatomie). Or certaines confrĂ©ries soufies ou ismaĂ©liennes, dont font partie les Assassins, connaissent aussi cette coutume. Le cheikh est possesseur par transmission authentique de la baraka, bĂ©nĂ©diction et pouvoir magique Ă  la fois, et il la communique par la salive au nĂ©ophyte. Le baiser templier peut avoir une signification analogue.
  • La cordeliĂšre que portaient les chevaliers par-dessus leur vĂȘtement, lors de leur initiation, ainsi que cela est rapportĂ© une nouvelle fois par les actes d’accusations a Ă©tĂ© rapprochĂ©e de la ceinture des Assassins. A nouveau, dans certaines confrĂ©ries musulmanes, mais l’on ignore si c’était aussi le cas chez les Assassins, le rituel de parle de la transmission de la ceinture de l’ange Gabriel Ă  Mohammed, de celui-ci Ă  Ali, de celui-ci aux maĂźtres soufis. « Le symbole est le mĂȘme, celui du cercle magique protecteur, isolateur, vis-Ă -vis des forces mauvaises, esprits Ă©lĂ©mentaires dangereux, Ă©lĂ©mentaux, etc. Ce sens est juste, mais il faut considĂ©rer aussi la cordeliĂšre, ou la ceinture, comme le lien qui rattache le rĂ©cipiendaire Ă  l’initiateur, celui-ci Ă  la LumiĂšre, d’oĂč procĂšde toute intuition et toute vie Â» [2]. Les Assassins portent en tout cas une robe blanche et sont ceints d’une ceinture rouge.
  • Le revĂȘtement du manteau est un geste universel. Au Moyen-Orient, pour presque tous les affiliĂ©s des confrĂ©ries musulmanes, le revĂȘtement solennel du manteau fait partie du rituel d’initiation. On peut facilement imaginer que cela ait pu renforcer son usage au sein de la chevalerie franque de Palestine.
  • Les couleurs des deux sortes de manteaux, le blanc rĂ©servĂ© aux chevaliers et le brun attribuĂ© aux servants se retrouve encore chez les Assassins. Le blanc est la couleur noble du Moyen-Orient. Les marabouts portent un burnous ou manteau blanc, par-dessus leurs autres vĂȘtements. Le brun est la couleur des fellahs et celle des plus humbles affiliĂ©s dans certaines confrĂ©ries.
  • La hiĂ©rarchie des deux ordres est Ă©galement semblable. Chez les Templiers nous avons les FrĂšres, les Écuyers et les Chevaliers ; chez les Assassins nous avons les Lassik, les Fedavi et les RĂ©fik. A la tĂȘte des deux ordres nous avons le Grand-maĂźtre chez les Templiers avec le Cheik el Djebel qui est son pendant chez les Assassins.

Mais plus important, les deux ordres se considĂšrent comme les Gardiens de la Terre Sainte.

Qu’est-ce que la Terre Sainte ? S’agit-il seulement de la garde du Tombeau du Christ vĂ©nĂ©rĂ© par les Musulmans comme par des chrĂ©tiens ? Ou bien de la Terra sancta, du Paradis terrestre, du PardĂšs ? Sont-ils les fameux Gardiens du Graal comme le prĂ©tendent certains auteurs ?

Le Baphomet

La fameuse idole du Baphomet peut revĂȘtir une autre signification. En effet, on pourrait rapprocher l’idole du Borak, ĂȘtre fantastique, aux pieds de cheval, Ă  figure de femme, aux ailes d’oiseau, monture de Mohammed pendant son ascension nocturne du Afiradj.

Nous renvoyons le lecteur Ă  nos articles sur le sujet, rappelons toutefois le rapprochement effectuĂ© par certains auteurs, tels von Hammer et Mignard, entre le Baphomet et une idole islamique ainsi que l’origine probable du terme Baphomet avec Mahomet, le prophĂšte de l’Islam.

Les Templiers au travers de leur « adoration Â» de l’idole Baphomet, signifiaient-ils ainsi leur conversion Ă  l’Islam ? Le doute est permis.

Le mot de la fin

Nous en avons terminĂ© de notre rapide tour des relations entre les Templiers et les Assassins. Chacun se fera son opinion, quant Ă  nous il nous apparaĂźt bien peu probable que l’Ordre du Temple, profondĂ©ment chrĂ©tien, et l’Ordre des Assassins, essentiellement musulman, puissent avoir Ă©changĂ© plus que des relations diplomatiques avĂ©rĂ©es – comme l’intercession des Templiers et leur aide apportĂ©e face aux invasions mongoles, ou le paiement du tribut au Templiers par les Assassins.

Des similitudes entre les deux Ordres peuvent facilement s’expliquer par le fonds de commerce des deux groupes : la guerre. Notons toutefois que contrairement aux Assassins, les Templiers ne pratiquaient pas l’assassinat.

Au niveau thĂ©ologique les diffĂ©rences sont plus grandes encore. Rien n’indique que les Templiers ni les Assassins aient Ă©tĂ© proches dans leur vision de la DivinitĂ© : les Templiers chrĂ©tiens priaient dans leurs Ă©glises et recevaient l’eucharistie et portaient la croix ; les Assassin ismaĂ©liens priaient tournĂ©s face Ă  La Mecque et vĂ©nĂ©raient la mĂ©moire de l’Imam Ali.

Rien n’indique que les Templiers se soient convertis, mĂȘme secrĂštement, Ă  l’Islam. L’affaire du Baphomet, dont nous avons longuement traitĂ© dans notre ouvrage Le Baphomet figure de l’ésotĂ©risme templier et de la franc-maçonnerie, n’est, en fin de compte, qu’un malentendu extrait des piĂšces du procĂšs intentĂ© contre l’Ordre du Temple ; aucune mention ne pourrait ĂȘtre trouvĂ©e chez les Assassins. Quant Ă  ceux qui rĂȘvent de Templiers philosophant et discourant de thĂ©ologie avec « ceux d’en face Â», l’idĂ©e est sĂ©duisante, mais peu probable.

Cela dit, j’ai personnellement une certaine affection pour les mythes Templiers et ceux des Assassins, et pour m’en souvenir, il me suffit de relire les merveilleux textes de P.L. Wilson.

Les Templiers et les Assassins, Spartakus FreeMann, juillet 2020 e.v.


[1] CĂ©line Renooz, L’ùre de vĂ©ritĂ© : histoire de la pensĂ©e humaine et de l’évolution morale de l’humanitĂ© Ă  travers les Ăąges et chez tous les peuples, M. Giard, 1921-1933.

[2] Rinn, Marabout et Khouan. Alger, Jourdan, 1884, p. 190.

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