Préface du Dictionnaire Mythohermétique

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Préface du Dictionnaire Mythohermétique de Dom Antoine-Joseph Pernety. 

Jamais Science n’eut plus besoin de Dictionnaire que la Philosophie Hermétique. Ceux dans les mains de qui tombent les Livres faits sur cette matière, ne sauraient en soutenir la lecture une demi-heure seulement ; les noms barbares qu’on y trouve semblent vides de sens, et les termes équivoques qui sont placés à dessein presque dans toutes les phrases, ne présentent aucun sens déterminé. Les Auteurs avertissent eux-mêmes qu’on ne doit pas les entendre à la lettre ; qu’ils ont donné mille noms à une même chose ; que leurs Ouvrages ne sont qu’un tissu d’énigmes, de métaphores, d’allégories, présentées même sous le voile de termes ambigus, et qu’il faut se défier des endroits qui paraissent faciles à entendre à la première lecture. Ils font mystère de tout, et semblent n’avoir écrit que pour n’être pas entendus. Ils protestent cependant qu’ils n’écrivent que pour instruire, et pour instruire d’une Science qu’ils appellent la clef de toutes les autres. L’amour de Dieu, du prochain, de la vérité, leur met la plume à la main : la reconnaissance d’une faveur si signalée que celle d’avoir reçu du Créateur l’intelligence d’un mystère si relevé ne leur permet pas de se taire. Mais ils l’ont reçue, ajoutent-ils, dans l’ombre du mystère ; ce serait même un crime digne d’anathèmes que de lever le voile qui le cacha aux yeux du vulgaire. Pouvaient-ils se dispenser d’écrire mystérieusement ? Si l’on exposait au grand jour cette Science dans sa simplicité, les femmes, les enfants mêmes voudraient en faire l’épreuve : le Paysan le plus stupide quitterait sa charrue pour labourer le champ de Mars comme Jason : il cultiverait la terre philosophique, dont le travail ne serait pour lui qu’un amusement, et dont les moissons abondantes lui procureraient d’immenses richesses, avec une vie très longue, et une santé inaltérable pour en jouir.

Préface du Dictionnaire Mythohermétique
Préface du Dictionnaire Mythohermétique

Il fallait donc tenir cette Science dans l’obscurité, n’en parler que par hiéroglyphes, par fictions, à l’imitation des anciens Prêtres de l’Égypte, des Brahmanes des Indes, des premiers Philosophes de la Grèce et de tous les pays, dès qu’on sentait la nécessité de ne pas bouleverser tout l’ordre et l’harmonie établis dans la société civile. Ils suivaient en cela le conseil du Sage.

Mal à propos traite-t-on de fous les Philosophes Hermétiques : n’est-ce pas se donner un vrai ridicule, que de décider hardiment que l’objet de leur Science est une chimère, parce qu’on ne peut pas le pénétrer, ou qu’on l’ignore absolument ? C’est en juger comme un aveugle des couleurs. Quel cas les gens sensés doivent-ils donc faire des jugements critiques de quelques Censeurs sur cette matière, puisque tout le mérite de ces jugements consiste dans le froid assaisonnement de quelques bons mots à l’ombre desquels ils cachent leur ignorance, et qu’ils sèment faute de bon grain, pour faire illusion à des Lecteurs imbéciles, toujours disposés à les applaudir ? Méritent-ils qu’on fasse les frais d’une réponse ? Non : on peut se contenter de les envoyer à l’école du Sage (2). Moins dédaigneux et moins méprisant que ces Censeurs bouffis d’orgueil et d’ignorance, et aveuglés par le préjugé, Salomon regardait les hiéroglyphes, les proverbes, les énigmes et les paraboles des Philosophes comme un objet qui méritait toute l’attention et toute l’étude d’un homme sage et prudent.

Je voudrais qu’avant que d’étaler leur mépris pour la Philosophie Hermétique, ils prissent la peine de s’en instruire. Sans cette précaution ils s’attireront à bon droit le reproche, que les insensés méprisent la Science et ta Sagesse, et qu’ils ne se repaissent que d’ignorance ; et je leur dirai avec Horace : Odi prophanum. vulgus, et arceo. C’est en effet au sujet de ces mêmes mystères que les anciens Prêtres disaient : Procul ô procul este prophani !

Mon Traité des Fables Egyptiennes et Grecques développe une partie de ces mystères. De l’obligation dans laquelle j’étais de parler le langage des Philosophes, il en est résulté une obscurité qu’on ne peut dissiper que par une explication particulière des termes qu’ils emploient, et des métaphores qui leur sont si familières. La forme de Dictionnaire m’a paru la meilleure, avec d’autant plus de raison qu’il peut servir de Table raisonnée, par les renvois que j’ai eu soin d’insérer, quand il a été question d’éclaircir des fables déjà expliquées.

Beaucoup de gens regardent la Médecine Paracelsique comme une branche de la Science Hermétique ; et Paracelse, son Auteur, ayant, comme les Disciples d’Hermès, fait usage de termes barbares, ou pris des autres langues, j’ai cru rendre service au Public d’en donner l’explication suivant le sens dans lequel ils ont été entendus par Martin Rulland, Johnson, Planiscampi, Becker, Blanchard et plusieurs autres. Si je n’ai pas toujours cité ces Auteurs, non plus que les Philosophes Hermétiques, je les ai rappelés assez souvent pour convaincre le Lecteur que je ne parle ordinairement que d’après eux. Ceux qui les ont lus avec attention les y reconnaîtront aisément.

Afin que le Lecteur puisse juger que mes explications des termes et des métaphores des Philosophes, ne sont pas arbitraires et de mon invention, je rapporterai ici quelques-uns de leurs textes avec lesquels il pourra les comparer. Il y verra d’ailleurs qu’ils sont tous d’accord entre eux, quoiqu’ils s’expriment différemment.

Les Sages, dit Isaac Hollandais, ont donné beaucoup de noms différents à la pierre . Après qu’ils ont eu ouvert et spiritualisé la matière, ils l’ont appelée une Chose vile . Quand ils l’ont eu sublimé, ils lui ont donné les noms de Serpent et de Bêtes venimeuses . L’ayant calcinée, ils l’ont nommée Sel ou quelque autre chose semblable. A-t-elle été dissoute, elle a pris le nom d’Eau , et ils ont dit qu’elle se trouvait partout. Lorsqu’elle a été réduite en huile, ils l’ont appelée une Chose visqueuse , et qui se vend partout . Après l’avoir congelée, ils l’ont nommée Terre , et ont assuré qu’elle était commune aux pauvres et aux riches. Quand elle a eu acquis une couleur blanche, ils lui ont donné le nom de Lait virginal, et ceux de toute autre chose blanche que se puisse être. Lorsque de la couleur blanche elle a passé à la rouge, ils l’ont nommé Feu et de tous les noms des choses rouges. Ainsi dans les dénominations qu’ils ont données à la pierre, ils ont eu égard aux différents états où elle se trouve jusqu’à la perfection. Liv. I. ch 126. les œuvres sur les Minéraux.

Ce mélange de trois choses s’appelle Pierre bénite, minérale, animale, végétale, parce qu’elle n’a point de nom propre. Minérale , parce qu’elle est composée de choses minérales ; végétale , parce qu’elle vit, et végète ; animale , parce qu’elle a un corps, une âme et un esprit, comme les animaux. De son ventre noir, on l’appelle Noir fétide . On la nomme encore dans cet état, Chaos, Origine du Monde, Masse confuse , pour moi je l’appelle Terre. Notre eau prend les noms des feuilles de tous les arbres, des arbres mêmes, et de tout ce qui présente une couleur verte, afin de tromper les insensés. On l’appelle aussi Eau bénite, la tempérance des Sages, Vinaigre très aigre, Corps dissoluble, Gomme des Philosophes, Chose vile, cher, précieuse, Corps dur et opaque, mou et transparent, Exaltation de l’eau, Angle de l’œuvre . Observer qu’on appelle le Soleil et la Lune le père et la mère de la pierre dans la composition de l’élixir, ce que dans l’opération de la même pierre, on appelle Terre ou Nourrice . Arnaud de Villeneuve, Comment. sur Hortulain, pag. 25 et 35.

La pierre des Philosophes est une, mais on lui donne une infinité de noms, parce qu’elle est aqueuse, aérienne, terrestre, ignée, flegmatique, colérique ; elle est soufre et argent-vif ; les superfluités se changent en une véritable essence, avec l’aide de notre feu : et qui veut en ôter quelque chose, ne parviendra jamais à la perfection de l’œuvre. Les philosophes n’ont jamais dévoilé ce secret. Pontanus, Épître.

Notre pierre se nomme d’une infinité de manières, car elle prend des noms de toutes les choses noires. Lorsqu’elle quitte la noirceur, les noms qu’on lui donne rappellent les choses dont la vue égaie et fait plaisir, comme les blanches et les rouges. Ce n’est cependant qu’une seule chose. Riplée, ch 3. du supplément. Si vous l’appelez eau, vous dites vrai ; si vous dites qu’elle n’est pas eau, vous ne le niez pas à tort. Ibid. pag.139.

Lorsqu’on cuit ces principes avec prudence et sagesse, on en fait une chose qui prend beaucoup de noms. Lorsqu’elle est rouge, on l’appelle Fleur d’or, Ferment de l’or, Colle d’or, Souffre rouge, Orpiment . Quand elle est encore crue, on la nomme Plomb d’airain, Verge et Lame de métal . Les Philosophes appellent l’airain Monnaie, Ecu ; et la noirceur Plomb. Ibid. pag.142.

Notre eau s’appelle Eau de vie, Eau nette, Eau permanente et perpétuelle , et d’une infinité d’autres noms. On la nomme Eau de vie, parce qu’elle donne la vie aux corps morts, et qu’elle purifie et illumine ce qui est corrompu et souillé. Arnaud de Villeneuve, Miroir d’Alchymie, pag.11 et 27.

L’Argent-vif est appelé le Père dans la génération des métaux, la véritable vigne, Plomb, Phénix, Pélican, Tantale, Dédale, Serpent, Fontaine, Puits, Porte, Argent-vif des philosophes, Présure, Lait, Ferment, Serf fugitif et de beaucoup d’autres noms. Desiderabile, pag.71

Pendant que l’œuvre est encore cru, notre argent-vif s’appelle Eau permanente, Plomb, Crachat de la Lune, Etain . Lorsqu’il est cuit il se nomme Argent, Magnésie, Soufre blanc . Quand il a pris la couleur rouge, on lui donne les noms d’Orpiment, de Corail, d’Or, de Ferment, de Pierre, d’Eau lucid. Ibid. p. 22.

Notre eau prend quatre couleurs principales ; noire comme du charbon, la blanche comme la fleur de lys, la jaune semblable à la couleurs des pieds de l’émerillon, et le rouge pareille à la couleur du rubis. On appelle la noire Air, la blanche Terre, la jaune Eau, et la rouge Feu . Ibid. p. pag.100.

Le suc de lunaire, l’eau de vie, la quintessence, le vin ardent, le mercure végétale ne font qu’une même chose. Le suc de lunaire se fait de notre vin, connu de peu de personnes ; c’est avec lui que nous faisons notre dissolution et notre or potable ; sans lui nous ne pouvons rien faire.

Notre pierre est comme les animaux, composé d’un corps, d’une âme et d’un esprit. Le corps imparfait s’appelle Corps , le fermant Ame , et l’eau Esprit . Le corps imparfait est pesant, infirme et mort ; l’eau le purge et le purifie en le subtilisant et en le blanchissant ; le ferment donne la vie aux corps, et lui donne une meilleure forme. Le corps est Vénus, ou la femelle ; l’esprit est Mercure, ou le mâle, et l’âme est composé du Soleil et de la Lune.

L’eau des philosophes s’appelle le Vase d’Hermès ; c’est d’elle qu’ils ont dit, toutes les opérations se font dans notre eau ; savoir, la sublimation, la distillation, la calcination, la solution et la fixation. Elles le fond dans cette eau comme dans un vase artificiel : ce qui est un grand secret. Rosarium.

Cambar, Ethelia, Orpiment, Zendrio, Ebsemeth, Magnésie, Chuhul sont des noms de notre argent-vif sublimé du Cambar. Lorsqu’il est parvenu aux blanc, on l’appelle Plomb d’Eburich, Magnésie, Airain blanc . Sentent 54.

Les philosophes ont donné beaucoup de noms différents à cette pierre, afin d’obscurcir la science, car lorsqu’elle a été mise dans le vase physique, elle prend différents noms suivant les diverses couleurs qui lui surviennent : pendant la putréfaction elle se nomme Saturne , et après Magnésie . Miroir d’Arnaud de Villeneuve.

Terre feuillée, Soufre blanc, Fumée blanche, Orpiment, Magnésie et Ethel signifient la même chose.

On appelle le corps Fer, Mars, Carmot, Almagra, Vitriol, Sang, Huile rouge, Urine rouge, Jeunesse, Midi, Eté, Mâle , et de plusieurs autres noms qu’on lui a donnés respectivement à la couleur et à ses propriétés. Ibid.

Des Opérations

Notre magistère se fait d’une seule chose, par une seule voix, et par une même opération. Lilium.

Vous n’avez besoin que d’une chose, savoir notre eau ; et d’une seule décoction, qui est de cuire : il n’y qu’un seul vase pour le blanc et pour le rouge. Alphidius.

Quoique les Sages parlent de beaucoup de choses et de divers noms, ils n’ont cependant entendu parler que d’une seule chose, d’une seule disposition, et d’une seule voie. Morien.

Le blanc et le rouge sortent d’une même racine, sans mélange de choses d’une autre nature. Nous n’y ajoutons rien d’étranger, et nous n’en ôtons rien, sinon les superfluités pendant la préparation. Ibid.

Rhasis après avoir dit la même chose, ajoute : Cette matière se dissout elle-même, se marie, se blanchit, se rougit, devient noire, safranée, et se travaille elle-même jusqu’à la perfection de l’œuvre.

Sachez que si vous prenez autre chose que notre airain, et que vous le travailliez avec autre chose qu’avec notre eau, vous ne réussirez pas. La Tourbe.

Du nombre des Matières qui composent le Magistère Notre pierre doit se faire du Soleil et de la Lune : de ces deux l’un doit être un mâle rouge, et une femelle blanche. Isaac Hollandais, Liv.I.ch.61.

La conjonction du Soleil et de la Lune fait notre pierre ; le Soleil tire la substance de la Lune, et lui donne sa propre couleur et sa nature. Ce qui se fait par le feu de la pierre. Raymond Lulle, Codicille.

Notre pierre ne se fait pas d’une chose individuelle, mais de deux choses, qui étant de même n’en font qu’une seule. Le même.

Le Soleil est son père, et la Lune sa mère. Le vent l’a porté dans son ventre. Hermès.

Il n’entre dans notre magistère que le frère et la sœur, c’est-à-dire, l’agent et le patient, le soufre et le mercure. Ægidius de Vadis.

Notre argent-vif est une eau claire, notre arsenic est un argent pur, et notre soufre un or très-pur. Toute la perfection de magistère consiste dans ces trois choses.

Il n’y a qu’une pierre ; cette chose unique n’est pas une en nombre, mais en genre ; comme le mâle et la femelle sont seuls suffisants pour engendrer, de même la pierre des Philosophes se fait de deux choses, de l’esprit et de l’âme, qui sont le Soleil et la Lune ; on y ajoute un troisième, le corps métallique, sans que ce nombre de deux en soit augmenté, parce que ce corps métallique est composé de deux autres. Scala Philosophorum.

Dans notre composé se trouvent le Soleil et la Lune en vertu et en puissance, et le mercure en nature. Ludus puerorum, pag.137.

Joignez votre fils très cher à sa sœur blanche par parties égales, et donnez-leur un breuvage d’amour, dont ils boiront jusqu’à s’enivrer, et jusqu’à ce qu’ils seront réduits en poudre très subtile. Souvenez-vous cependant que les choses pures et nettes ne s’unissent qu’à celles qui le sont : sans cette attention, ils engendreraient des enfants différents d’eux-mêmes, et impurs. Aristote le Chymiste.

Le Dragon ne meurt que mêlé avec son frère et sa sœur. Rosarium.

Trois choses suffisent pour tout le magistère, savoir la fumée blanche, l’eau céleste, et le lion vert, c’est-à-dire, l’airain d’Hermès, et l’eau fétide qui est la mère des métaux, avec laquelle on fait l’élixir depuis le commencement jusqu’à la fin. Ibid.

La matière des Philosophes est eau, mais une eau composée de trois choses : le Soleil est le mâle, la Lune est la femelle, et le Mercure est le sperme. Car pour engendrer, outre le mâle et la femelle, il faut une semence. Ibid.

Il n’entre qu’un seul corps immonde dans notre magistère, les Philosophes l’appellent communément Lion vert. C’est le milieu ou moyen pour joindre les teintures entre le Soleil et la Lune. Ces deux principes matériels et formels doivent être dissous. Riplée.

Rien n’est engendré que par son espèce, et les fruits ne produisent que des fruits semblables. L’eau des philosophes est le ferment des corps, et les corps sont leur terre, même après qu’ils sont devenus noirs par la préparation du feu. Les Philosophes leur donnent alors le nom de Feu noir ; et dans la féconde opération, ceux de Charbon de la montagne, Poix, Antimoine, Alkali, Sel alchali, Marcassite, Magnésie, Argent-vif extrait de Cambar, leur Chaux, Verre et Eau modifiée. Rofinus à la fin du premier Livre à Euthicte.

Joignez un mâle vivant avec une femelle vivante, afin qu’ils forment un sperme, et qu’ils engendrent un fruit de leur espèce. Cosmopolite.

Notre eau est une eau céleste, qui ne mouille pas les mains ; ce n’est pas l’eau vulgaire, mais elle semble presque l’eau de pluie. Le corps est l’or qui donne la semence. La Lune ( qui n’est pas l’argent vulgaire) reçoit la semence de l’or. Le même.

Des Opérations

Les noms de décoction, commixtion, mélange, sublimation, contrition, dessèchement, ignition, déalbation, rubification, et de quelque autre nom qu’on puisse appeler l’opération, ce n’est qu’un seul régime qu’on nomme simplement décoction et contrition . Alanus.

Sachez que toutes les opérations appelées putréfaction, solution, coagulation, ablution et fixation, consistent dans la seule sublimation, qui se fait dans un seul vase, et non dans plusieurs, dans un seul four. Arnaud de Villeneuve.

Résoudre, calciner, dissoudre, sublimer, teindre, laver, cuire, rafraîchir, arroser, extraire, coaguler, humecter, imbiber, fixer, broyer, réduire en poudre, distiller, dessécher, sont une même chose. Le même.

Gardez-vous bien de penser que lorsque nous parlons de sublimation, ou que nous sublimons en effet, nous entendions parler de séparation de la matière qui est au fond du vase d’avec celle qui est au-dessus. Dans notre sublimation les parties fixes ne s’élèvent pas, mais seulement les volatiles. Alanus.

L’ingression, la submersion, la conjonction, la complexion, la composition et le mélange ne sont, dans notre Art, qu’une même chose. Avicenne.

Du Feu

Souvenez-vous de donner toujours un feu très doux ; l’ouvrage pourra en être plus long. Isaac Hollandais, Liv.I. ch. 9.

Toutes les fois que la pierre changera de couleur, vous augmenterez le feu peu à peu, jusqu’à ce que tout demeure fixe dans le fond. Le même.

Notre feu est minéral et égal ; il est continuel ; il ne s’élève point en vapeurs à moins qu’on ne l’excite trop ; il participe du soufre ; il se prend d’ailleurs que de la matière ; il dissout tout, détruit, congèle, calcine ; et ce feu, avec un feu doux, achève l’œuvre. Pontanus. Le Trévisan dit la même chose en mêmes termes.

Le feu du premier degré est semblable à celui de la poule qui couve ses œufs pour faire éclore des poussins, ou comme la chaleur naturelle qui digère la nourriture pour la tourner en substance des corps, ou comme celle du fumier, ou enfin comme celle du Soleil dans Aries. C’est pourquoi quelques Philosophes ont dit qu’il fallait commencer l’œuvre le Soleil étant dans ce signe, et la lune dans celui du Taureau. Ce degré de feu doit durer jusqu’à la blancheur ; lorsqu’elle paraît, on augmente le feu peu à peu jusqu’à la parfaite dessiccation de la pierre : cette chaleur est semblable à celle du Soleil lorsqu’il passe du signe du Taureau à celui des Gémeaux. La pierre étant desséchée et réduite en cendres, on fortifie le feu jusqu’à ce qu’elle devienne parfaitement rouge, et qu’elle prenne le manteau royal. Cette chaleur se compare, et est la même que celle du Soleil dans le signe du Lion. Scala philosophorum, pag.107.

Le mercure est un feu ; ce qui a fait dire au Philosophe : Sachez que le mercure est un feu, qui brûle les corps beaucoup mieux que le feu commun. Rosarium.

La chaleur de votre feu doit être celle de la chaleur du Soleil au mois de Juillet ; afin que par une douce et longue cuisson, votre eau s’épaississe, et se change en terre noire. Le même.

Notre argent-vif est un feu qui brûle tout corps avec plus d’action que le feu commun ; il les mortifie en même temps ; il réduit en poudre, et tue tout ce qu’on mêle avec lui. La Tourbe.

Du Vase

Le vase des Philosophes est leur eau. Hermès, Ludus Puerorum.

Nous n’avons besoin que d’un vase, d’un fourneau, et d’une seule opération ou régime ; ce qui doit s’entendre après la première préparation de la pierre. Flamel. L’Auteur du Rosaire s’exprime absolument dans les mêmes termes.

Les vases requis pour l’œuvre s’appellent Aludel, Crible, Tamis, Mortier, parce que la matière s’y broie, s’y purifie et s’y perfectionne. Calid.

Le vase doit être rond, avec un cou long, un orifice étroit, fait de verre, ou d’une terre de même nature, et qui en ait la capacité ; l’ouverture sera scellé. Bachon.

Du Temps

Il nous faut un an pour parvenir au but de nos espérances. Nous ne saurions en moins de temps former notre chaux. Riplée.

Le temps requis pour la perfection de l’élixir est au moins d’un an. Rosaire.

Les Philosophes ont déterminé plusieurs durées de temps pour la cuisson de notre Art. Quelques-uns l’ont fixée à un an, d’autres à un mois, d’autres à trois jours, d’autres enfin à un seul. Mais de même que nous appelons un jour la durée du temps que le soleil met à parcourir le ciel depuis l’orient jusqu’à l’occident, les Sages ont nommé un jour l’intervalle qui s’écoule depuis le commencement de la cuisson jusqu’à la fin. Ceux qui parlent d’un mois ont égard au cours du Soleil dans un signe du Zodiaque. Ceux qui font mention de trois jours, considèrent le commencement, le milieu et la fin de l’œuvre : et ceux enfin qui fixent ce temps à un an, le disent eu égard aux quatre couleurs qui forment leurs quatre saisons. Anonymus.

Des Couleurs

Quand vous verrez la noirceur, soyez assuré que la véritable conjonction est faite. Avant que la véritable couleur blanche se manifeste, la matière prendra toutes les plus belles couleurs du monde en même temps. Vous verrez sur les bords de la matière de la pierre, comme des pierres précieuses orientales, et comme des yeux de poissons. Alors, soyez assuré que la véritable blancheur ne tardera pas à paraître. Isaac Hollandais.

Le secret de notre véritable dissolution est la noirceur de charbon faite du Soleil et de la Lune : cette noirceur indique une conjonction et une union si intime de ces deux, qu’ils seront à l’avenir inséparables : ils se changeront en une poudre très blanche. Raymond Lulle.

Au bout de quarante jours que la matière aura été mise à une chaleur lente et médiocre, elle deviendra noire comme la poix, ce que les Philosophes appellent Tête de corbeau, et le Mercure des Sages. Alanus.

La chaleur agissant sur l’humidité produit premièrement la noirceur, puis la blancheur, de cette blancheur la couleur citrine, et de celle-ci la rouge. Arnaud de Villeneuve.

Quelques-uns ont dit qu’on voyait pendant le cours de l’œuvre toutes les couleurs qu’on peut imaginer ; mais c’est un sophisme des Philosophes, car les quatre principales seulement se manifestent. Ils ne l’on dit que parce que ces quatre sont la source de toutes les autres. La couleur rouge signifie le sang et le feu ; la citrine la bile et l’air ; la blanche le flegme et l’eau ; la noire la mélancolie et la terre. Ces quatre couleurs sont les quatre éléments. Rosaire.

Du Style énigmatique

Ce serait une folie de nourrir un âne avec des laitues ou d’autres herbes rares, disent plusieurs philosophes, puisque les chardons lui suffisent. Le secret de la pierre est assez précieux pour en faire un mystère. Tout ce qui peut devenir nuisible à la Société, quoiqu’excellent par lui-même, ne doit point être divulgué, et l’on n’en doit parler que dans des termes mystérieux. Harmonie Chimique.

Notre Science est comme une partie de la Cabale, elle ne doit s’enseigner clairement que de bouche à bouche. Aussi les Philosophes n’en ont-ils traité que par énigmes, par métaphores, par allégories, et par des termes équivoques : on en devinerait autant dans le silence de Pythagore, que dans leurs écrits. Ægidius de Vadis, cap. 10. Les secrets prophétiques, naturels, spagyriques et poétiques sont pour la plupart cachés sous le même voile. Ibid.

La plupart des Traités composés sur cette Science (Hermétique) sont si obscurs et si énigmatiques qu’ils sont inintelligibles à tout autre qu’à leurs Auteurs. Margarita Novella.

Celui qui se dégoûtera aisément de la lecture des livres des philosophes, n’est pas fait pour la Science et n’y parviendra pas. Un livre en éclaircit un autre ; l’un dit ce que l’autre a omis. Mais il ne faut pas s’imaginer qu’une lecture d’un même livre suffise pour en avoir l’intelligence, deux, trois et même dix fois répétée elle n’est pas capable de mettre au fait de ce qu’on désire apprendre. Bacaser in Turba.

Cette science est un don de Dieu, et un mystère caché dans les livres des Philosophes, sous le voile obscur des énigmes, des métaphores, des paraboles et des discours enveloppés, afin qu’elle ne vienne pas à la connaissance des insensés qui en abuseraient, et des ignorants qui ne se donnent pas peine d’étudier la Nature. Ceux qui désirent y parvenir doivent s’appliquer à éclaircir leurs esprits en lisant avec attention, et en méditant les textes et les sentences des Philosophes, sans s’amuser à la lettre, mais au sens qu’elle renferme. Aurora Consurgens.

Recourez à dieu, mon fils, tourner votre cœur et votre esprit vers lui, plutôt que vers l’Art ; car cette Science est un des plus grands dons de Dieu, qui en favorise qui il lui plaît. Aimez donc Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme, et votre prochain comme vous-même ; demandez cette Science à Dieu, avec instance et persévérance, et il vous l’accordera. Alanus.

Toute sagesse vient de Dieu, et a été avec lui de toute éternité. Celui donc qui désire la sagesse doit la chercher dans Dieu, et la lui demander ; parce qu’il la distribue abondamment, sans reproche. Il est le principe et la fin, la hauteur et la profondeur de toute science, et le trésor de toute sagesse ; car de lui, dans lui et par lui sont toutes choses, et sans lui on ne peut réussir à rien de bien. À lui donc soit honneur et gloire dans tous les siècles des siècles. Albert le Grand dans la préface a son traité d’Alchimie.

J’aurais pu multiplier le nombre de ces textes des Philosophes : on en trouverait plus qu’il n’en faut pour former un gros volume ; mais ceux-là suffiront pour mettre le Lecteur au fait de la manière de s’expliquer de ceux qui ont écrit sur la matière et les procédés de la Science Hermétique. Ce nuage épais qu’on trouve répandu dans tous leurs ouvrages, cette obscurité affectée, ce mystère que si peu de gens peuvent pénétrer, sont sans contredit la véritable raison qui a fait et fait encore regarder la Pierre philosophale comme une chimère, malgré le témoignage de tant d’Auteurs. et les faits connus comme certains qui déposent en faveur de sa réalité. Les Savants, dit-on, la traitent d’extravagance et de folie. Que conclure dé-là ? Ne serait-ce pas une preuve que ceux qu’on appelle Savants sont bien éloignés de tout savoir ? Et qu’ils pourraient dire d’eux à plus juste titre ce qu’un ancien Sage de la Grèce disait de lui-même : J’ignore tant de choses que je puis dire : je sais seulement que je ne sais rien. Ignore-t-on d’ailleurs que les découvertes extraordinaires, telles, par exemple, que celle de la poudre et de ses effets, n’ont d’abord trouvé dans les Savants mêmes que des railleurs et des incrédules ? Ce qu’on nomme la science a souvent ses préjugés infiniment plus difficiles à vaincre que l’ignorance même. Il me semble que plus un homme a d’étendue de génie et de connaissances, moins il doit nier, et plus il doit voir de possibilités dans la Nature. A être crédule, il y a plus à gagner qu’à perdre. La crédulité engage un homme d’esprit dans des recherches qui le désabusent, s’il était dans l’erreur, et qui toujours l’instruisent de ce qu’il ignorait.

Plus sur le sujet :

Dom Antoine-Joseph Pernety, Préface du Dictionnaire MythoHermétique, dans lequel on trouve les allégories fabuleuse des poètes les métaphores, les énigmes et les termes barbares des philosophes hermétiques expliqués. Édition de 1787.

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