Analyse d’expĂ©riences initiatiques selon l’Alchimie par Victor Brayable.
Le verbe en lâhomme, mĂ©thode dâanalyse initiatique, lâOeuvre au blanc :
Ce nâest pas une certitude que nous proclamons, ni un dogme que nous Ă©tablissons (alors quâil devrait ĂȘtre Ă©tablit ontologiquement), lorsque nous nous attachons Ă construire une pensĂ©e sur lâEtre qui sâĂ©mane de nous. Il semble que le voyage de lâĂąme dans les diffĂ©rents plan de lâexistence constitue une expĂ©rience bien probante quant Ă lâanalyse des rĂ©percutions verticales de haut en bas, de lâĂ©nergie divine.
La mĂ©taphysique ne peut ĂȘtre rĂ©solue par lâacte mĂȘme de penser en soi mais par la contemplation du penser « de soi ». La philosophie atteindra donc le mĂ»r de lâentendement plein plus vite que la poĂ©sie en tant que transmission de lâabsolu de lâintĂ©rieur, lâextĂ©rieur en lâautre. Le problĂšme de la cosmogonie porte depuis les inquisitions scolastiques un poids dâune lourdeur incommensurablement inaccessible Ă lâhomme dans son Ă©tat individuel, pour ne pas dire actuel. Lâanalyse gnostique de la place des hypostases entre elles nâest pas fausse mais incomplĂšte par dĂ©finition. En effet, lâhomme nâa pas le pouvoir de vision Ă lâinfini et ne peut que sâefforcer Ă incorporer en projetant par lâesprit des Ă©lĂ©ments Ă proximitĂ© de lâobjet Ă©tudiĂ© sensĂ© ĂȘtre universalisĂ©. La systĂ©matisation Ă©tant de ce fait inutile voir fausse.
Câest la raison pour laquelle notamment, ce type de raisonnement propre Ă la rĂ©flexion corrĂ©lative a engendrĂ© le concept de dualitĂ© dont sa prĂ©pondĂ©rance a provoquĂ© la mort de la philosophie en tant que telle. Nous soulignons donc quâil est nĂ©cessaire dâĂȘtre « empiriste attentif » plutĂŽt que « thĂ©oricien passif » lorsque nous nous laissons guider par la quĂȘte de lâĂȘtre en tant quâĂȘtre.
La dĂ©marche nous mĂšne sur un centre de rĂ©flexion concernant la volontĂ© des premiĂšres communautĂ©s chrĂ©tiennes gnostiques dâavoir dĂ©fendu le principe dâun Dieu double, ayant portĂ©e cette idĂ©e Ă travers les Ăąges en commençant par lâavoir spoliĂ©e aux initiĂ©s grecs tout en lâayant mal interprĂ©tĂ©e et ainsi mal fait fusionner avec lâessence de la constitution de lâEglise de Rome (comme le dĂ©montre le concile de NicĂ©e). Cependant, lâidĂ©e dâune double manifestation de Dieu, une dans la transcendance (YHVH) et lâautre dans lâimmanence (EloĂŻm, le dĂ©miurge), possĂšde lâintelligence propre Ă la conclusion dâune observation quotidienne concernant lâinitiation.
En effet, lorsque le prĂ©tendant Ă lâAdeptat entame un rĂ©gime dâalbification, la possibilitĂ© qui sâoffre Ă lui (lâexploration de contrĂ©es astrales sous plusieurs plans) est dâautant plus nĂ©cessaire quâelle lâaide Ă acquĂ©rir des essences idĂ©ales, et ainsi des confirmations, propre aux sphĂšres supĂ©rieures quant Ă son questionnement humain sur la place de Dieu dans la crĂ©ation. Il remarque, lorsque son Ă©tat de centre provisoire lui permet, que La beautĂ© cachĂ©e par le voile dâIsis, le mercure obscurcit par lâombre de lâAthanor, est en fait cette Ă©nergie vitale, attisĂ©e par le feu secret, consĂ©quence du rejet de lâEtat absolu de chaos primordiale, de lâĆuf opaque au nĂ©ant, dâune part de lui-mĂȘme que lâon nomme verbe.
Ce souffle, remontĂ©e par notre respiration, sort et rentre par les chemins des lettres hĂ©braĂŻques, marquant ainsi son empreinte divine dans les entrailles de lâĂąme du philosophe, permet au clairvoyant dâavoir la vision dâun ĂȘtre « qui sâenfuit », pourchassĂ© Ă la fois par les flammes de lâenfer de lâillusion, du faux-semblant, mais aussi par son maĂźtre en quĂȘte dâUnitĂ©, Ă savoir lâhomme microcosmique et lâUnivers macrocosmique. La force attractive du bas manifestĂ© intĂ©rieurement dans cette parole est de type lucifĂ©rienne dans sa correspondance symbolique. Celle qui lâattise vers le haut tout en sâincarnant en elle, est de type angĂ©lique ou « daemonique » ; en lâhomme, elle peut sâexprimer par la manifestation Ă©quivalente et synchronisĂ© de la double nature de lâune de ses natures doubles (par exemple, la sorciĂšre de son anima, et le tyran de son animus pour reprendre les images de Jung).
Lâaction de ses deux forces opposĂ©e sur le verbe, câest ce que nous appelons « lâĂ©tirement de lâĂȘtre », lâamour exprimĂ© dans lâĂ©motion mystique Ă©tant ici, le rĂ©ceptacle complet de cette opĂ©ration, lâĆil de Horus qui observe sans agir, dans la crainte de la colĂšre de lâĂȘtre blĂąmant le voyeurisme astral. Cette essence Ă la fois substance, verbe qui voyage Ă une vitesse Ă©poustouflante, peut donc ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le dĂ©miurge fuyant lâabsolu pour tisser la trame du monde et enfin pour intervenir dans le Christ, hypostase stellaire de lâamour en tant que sphĂšre crĂ©atrice, Tiphereth en tant que croisement de lâunivers. LâexpĂ©rience initiatique, notre verbe agissant en nous comme il agit Ă plus grande Ă©chelle dans lâunivers, prouve que lâintuition dâun concept fondamental pour une doctrine nâest ni lâopposĂ© dâune rĂ©flexion dialectique impassible, ni la simple observation menant Ă la crĂ©ation mĂ©galomane de lois physiques, mais bien la dĂ©couverte, lâĂ©tude, et la retranscription (malheureusement incomplĂšte) dâun principe agissant, une part de vie naviguant sur tous les affluents du fleuve de lâĂ©tant.
DâaprĂšs nos analyses, il est par consĂ©quent faux, dâaffirmer que les capacitĂ©s dâanalyse psychique acquises lors de la petite mĂ©decine doivent ĂȘtre consciemment mises de cĂŽtĂ©s, en effet, câest bien grĂące Ă elle quâil nous a Ă©tĂ© permis de rĂ©soudre un problĂšme fondamental. Nous avons pu « connaĂźtre ce quâil se passe » faute de pouvoir Ă ce degrĂ©, le savoir.
Attachons nous pour mieux guider lâinitiĂ© qui nous lit, de faire savoir le mĂ©canisme qui permet un tel comportement dâĂ©tude. Il sera dĂ©crit initiatiquement comme un processus alchimique : lâOeuvre au blanc. La putrĂ©faction permettant lâavĂšnement individuel de lâĂ©tat primordial chaotique au sein de lâEtre du philosophe du feu encore nĂ©ophyte devant le temple, est permise par lâaction du feu secret apparentĂ© Ă lâinstinct naturel, au dĂ©voilement de la nuditĂ© psychique (les mĂ©taux impurs sont Ă©jectĂ©s de la prima materia pour former la vĂ©ritable materia prima). Ces flammes de la passion, le mouvement archĂ©typique masculin fĂ©minisĂ© (le jaillissement de la mer divine intervenant grĂące Ă la sĂ©paration Ă©lĂ©mentale, la rupture par le glaive de St Michel du rocher de lâĂ©tant), sont caractĂ©risĂ©es aussi par le lion rouge, fougueux, parcourant les marĂ©cages de lâinconscient, qui sâemballe dans sa course frĂ©nĂ©tique vers lâautre polaritĂ© du sujet.
Il est nĂ©cessaire pour atteindre la blancheur psychique (la sublimation du vice, lâĂ©manation de la quintessence, la remontĂ©e contradictoire du verbe) de freiner cet animal terrible, de prendre le taureau par les cornes selon lâimage le mythe de Mithra. Ainsi, la mer flasque se congĂšle par le froid provoquĂ© par lâenlĂšvement du feu des philosophes , phĂ©nomĂšne dâautant plus accentuĂ© Ă cause du regard inquisiteur du spiritus mundi opĂ©rant une coagulation sĂ©vĂšre en jouant du soufre. Le scel philosophal naĂźt ainsi de la rĂ©conciliation de deux principes, de la suppression de la contradiction psychique (et non spirituelle : cela est propre Ă lâĆuvre au rouge). Le sujet alors imprĂ©gnĂ© de son anima, cherche son animus en calmant ses pulsions. Lâanima mundi (Binah) devient dĂšs lors le contenant pouvant ĂȘtre fĂ©condĂ© par la sagesse masculine, les rayons lumineux du Soleil cosmogonique (Hokmah).
Il est intĂ©ressant de remarquer par analogie, les diffĂ©rents symboles parcourant les civilisations, dĂ©signant cette Ćuvre fondamentale pour lâUnivers. Pour lâHermĂ©tisme grec, lâenfant philosophal naĂźt de lâunion de la syzygie primordiale incarnĂ©e Ă un taux vibratoire de type astral dans lâinconscient. La renaissance acquise par la petite mĂ©decine, achĂšvement de lâinitiation royale, Ă©tape de lâinitiation sacerdotale, porte une toute autre cause dâaprĂšs le systĂšme JudĂ©o ChrĂ©tien Ă©sotĂ©rique : câest lâunion de 5 hypostases sĂ©phirothiques (Kether, Hokmah, Binah, Guedulah, Hesed) via la transparence de Daath, qui produisent le Christ en tant que Dieu (dâaprĂšs la Kabbale ChrĂ©tienne). Il est dâautant plus intĂ©ressant de remarquer que le 5 reprĂ©sente la perfection incarnĂ©e en lâhomme (le symbole du pentagramme) et que le 6 marque la triade divine en son reflet (Lâhexagramme, le talisman de Salomon)… Il semble nĂ©cessaire de distinguer deux passages dans la vie du Christ (en prenant pour rĂ©fĂ©rentiel ontologique, lâĂ©tat dâhomme du Christ, et non son essence divine) : avant sa crucifixion et aprĂšs. Avant le supplice de la croix, nous assimilons le Christ comme enfant philosophal, lors de sa crucifixion et de sa rĂ©surrection, le Christ rejoint le principe solaire par une voie verbale directe (incomprĂ©hensible pour lâesprit humain), il est alors phoenix naissant des cendres, symbole de lâĆuvre rouge propre Ă lâinitiation sacerdotale.
Dans De turba philosophorum, nous pouvons lire : « les corps qui Ă©taient morts se relĂšveront des tombeaux, et seront glorifiĂ©s » dans une relecture des Evangiles… Câest bien dans ce corps dâenfant, consĂ©quence de la premiĂšre mort initiatique, que le verbe agit, monte et descend pour organiser les diverses vibrations de lâĂȘtre. De ce fait, il nâest pas rare dâobserver des comportements Ă©tranges de type mystique chez lâinitiĂ© : crise dâillumination, sensibilitĂ© accrue, dĂ©tection de formes supĂ©rieures, condensation de superposition de ces formes. Il est ainsi livrĂ© Ă lui-mĂȘme, et ce corps subtil sâĂ©levant de lâathanor ne possĂšde pas encore les qualitĂ©s requises au contrĂŽle de sa puissance.
Câest la raison pour laquelle il est conseillĂ© de fermer les cloisons du contenant pour Ă©viter lâĂ©chappĂ©e mystique de lâĂąme du sujet (lâathanor doit ĂȘtre hermĂ©tique dans lâĆuvre alchimique, si vous me permettez le jeu de mot…). NĂ©anmoins, le lĂącher prise nĂ©cessaire Ă lâexploration de la vĂ©ritĂ© nĂ©cessite une telle dĂ©cision. Le nĂ©ophyte doit se laisser aspirĂ© par la lumiĂšre qui Ă©claire sa vie (lux naturae). »
Plus sur le sujet :
Analyse d’expĂ©riences initiatiques selon l’Alchimie, extrait de « La mystique du grand oeuvre » de Victor Brayable (1983).