Un dossier sur la Méditation Kabbalistique par Prospéro et Spartakus FreeMann.
Méthode de méditation kabbalistique et de Kabbale prophétique.
Voici deux courtes mĂ©thodes de mĂ©ditation et de Kabbale prophĂ©tique (divinatoire et thĂ©urgique) sur les lettres. Nous avons parlĂ© ailleurs de la mĂ©ditation des lettres – et principalement des procĂ©dĂ©s de tserouf d’Aboulafia – mais il existe d’autres mĂ©thodes plus accessibles et que l’Ă©tudiant peut pratiquer facilement.
Ces mĂ©thodes nous sont personnelles. Elles fonctionnent pour nous et nous pensons qu’elles peuvent Ă©galement fonctionner pour d’autres. Nous partageons donc ici notre connaissance dans l’espoir d’aider ceux qui voudraient entrer sur la Voie de la Kabbale mĂ©ditative.
Nous vous invitons Ă chercher vos propres mĂ©thodes Ă partir de ce qui suit. Nous ne donnons qu’une piste qui est loin d’ĂȘtre un dogme Ă suivre les yeux fermĂ©s, mais qui demande Ă ĂȘtre vĂ©cu, analysĂ© et adaptĂ© aux besoins et Ă la personnalitĂ© de chacun.
Prospéro, Toulouse, janvier 1983.
1 – Les 22 Authioth de cuir.
Il faut prĂ©alablement se procurer un morceau de cuir de 44cm par 44cm. DĂ©coupez ensuite en 22 carrĂ©s de 2cm de cĂŽtĂ©. Avec de l’encre noire, calligraphiez les 22 lettres de l’alphabet hĂ©breu sur les 22 morceaux de cuir.
Placez ces morceaux de cuir dans un sac de toile.
Vous devez disposer Ă©galement d’un lexique hĂ©breu-francais, d’une bougie blanche, d’un carnet vierge.
Ătape prĂ©paratoire : allumez la bougie, assis en tailleur sur le sol, mĂ©ditez pendant quelques minutes afin de calmer votre esprit et de la concentrer sur le travail Ă accomplir. Priez Dieu de vous assister dans cette oeuvre et de vous ouvrir la comprĂ©hension de l’intimitĂ© des lettres. La priĂšre du Ari peut ĂȘtre d’une aide certaine.
Travail : ouvrez le sac de toile et prenez-en trois morceaux de cuir, l’un aprĂšs l’autre. Disposez-les sur le sol devant vous dans l’ordre dans lequel vous les avez tirĂ©s. Inscrivez le rĂ©sultat du tirage dans le carnet. Inscrivez Ă©galement les permutations possibles des trois lettres sous la forme d’un carrĂ©.
Refermez votre carnet et gravez dans votre esprit les trois lettres. Fermez les yeux et « jouez » avec les lettres dans votre esprit. Regardez-les se mouvoir, interagir les unes avec les autres, cherchez Ă dĂ©gager un sans au travers de leur danse. Essayez de dĂ©couvrir la valeur intime de chaque lettre individuellement puis collectivement. Associez-les avec des couleurs, des sons, des souvenirs. Laissez votre esprit libre des associations qu’il produira. Ce « jeu » doit durer plus ou moins longtemps – 1 heure Ă©tant le minimum pour commencer. Ce « jeu » doit ĂȘtre un rĂȘve lucide, et il doit permettre l’accĂšs aux couches les plus profondes de la psychĂ© ainsi qu’un contact avec les sphĂšres supĂ©rieures.
Notez vos découvertes dans votre carnet. Cherchez alors dans le lexique une signification possible de votre tirage initial ainsi que des permutations. Comparez vos résultats avec ce les éléments de votre méditation. Avec de la chance, vos trois lettres vous conduiront vers un mot de pouvoir ou un Nom Divin. Si tel est le cas, lisez alors le psaume se rapportant aux trois lettres ou au Nom Divin.
Notez vos conclusions finales dans le carnet.
Cet exercice doit se dĂ©rouler avant le sommeil, et l’on devrait alors expĂ©rimenter lors de celui-ci une interaction entre la mĂ©ditation et le rĂȘve. Si vous obtenez des « illuminations » durant votre sommeil, notez-les directement dans votre carnet. Le lendemain matin, relisez vos notes et essayez de dĂ©couvrir le lien entre les trois lettres du tirage et les Ă©vĂ©nements de la journĂ©e que vous allez vivre.
Dans le prolongement de cet exercice, il peut ĂȘtre utile de peindre les trois lettres du tirage avec le code couleur qui vous aura Ă©tĂ© communiquĂ©. Ce « qamiah » peut alors devenir un support Ă une mĂ©ditation ultĂ©rieure.
Pour ceux qui sont plus experts dans les techniques de la mĂ©ditation et du rĂȘve « lucide », on peut faire le tirage avant l’endormissement, en gravant les trois lettres dans son esprit et en les intĂ©grants Ă ses rĂȘves.
2- La Roue des Authioth
Cet exercice est basĂ© sur les 22 morceaux de cuir portant les 22 lettres de l’alphabet, mais, ici, le tirage se fait en trois Ă©tapes. Vous aurez besoin Ă©galement d’une grande feuille blanche ou d’un grand morceau de tissu blanc et d’un pinceau et d’encre noire et du Livre des Psaumes. Commencez comme dĂ©crit dans le premier exercice. Ensuite, opĂ©rez un premier tirage et inscrivez les trois lettres dans votre carnet. Replacez les lettres dans le sac. Faites un deuxiĂšme tirage et inscrivez les lettres dans le carnet. Replacez les lettres dans le sac et opĂ©rez un troisiĂšme tirage dont vous inscrirez le rĂ©sultat dans votre carnet.
Calligraphiez alors les lettres sur la feuille blanche – ou la toile – sous la forme d’un cercle. Les trois lettres du premier tirage vers la gauche du cercle, celles du deuxiĂšme tirage vers la droite et celles du troisiĂšme vers le bas.
Placez la feuille – ou la toile – sur le mur devant vous. Asseyez-vous, fixez alors le cercle en adoptant une respiration rĂ©guliĂšre et calme. Videz votre esprit de toute pensĂ©e autre que celle de vous concentrer sur les lettres. Laissez les lettres se mouvoir librement tout d’abord. Puis, associez les deux Ă deux, notez les rĂ©sultats sur votre carnet. Associez ensuite les lettres trois Ă trois et notez les rĂ©sultats dans votre carnet. Essayez d’obtenir 7 ou 8 rĂ©sultats au maximum. MĂ©ditez alors sur le rĂ©sultat de votre recherche.
AprĂšs 1 heure maximum de pratiques, arrĂȘtez. Fermez les yeux et faites le vide en vous.
Fermez votre carnet, et prenez votre livre des Psaumes. Priez Dieu de vous octroyer la grĂące de pĂ©nĂ©trer dans le secret des Lettres selon la priĂšre qui vous est favorable. Fixez Ă nouveau le cercle des lettres. A la premiĂšre association de trois lettres que votre esprit « comprendra », additionnez-en la valeur numĂ©rique et rĂ©fĂ©rez-vous au Psaume qui s’y rapporte (ainsi si la somme est 30, ouvrez votre livre au psaume 30). Lisez et mĂ©ditez alors ce psaume.
Il est Ă noter les Ă©lĂ©ments suivant quant Ă la rĂ©duction de la valeur des lettres. Il est fort possible que les rĂ©sultats soient supĂ©rieurs Ă 150 (le nombre de Psaumes). En fait, vous pouvez procĂ©der par la mĂ©thode simple : les unitĂ©s restent inchangĂ©es, les dizaines « doubles » sont rĂ©duites Ă l’unitĂ© – c’est-Ă -dire que si le rĂ©sultat dĂ©passe 150 on rĂ©duit la valeur des lettres Ă l’unitĂ©, les centaines sont rĂ©duites Ă la dizaine ou Ă l’unitĂ©. Par exemple, on tire Aleph, puis Shin puis Resh, 1 300 200, on rĂ©duit alors Ă 1 30 20. Si l’on tire Mem, Mem, Qof, 40 40 100, on rĂ©duit en 40 40 10. Etc. La seconde mĂ©thode simple consiste Ă donner la valeur simple Ă la lettre. Ainsi, si l’on tire Tav, Shin, Beth on obtient 22 21 2. La mĂ©thode complexe sort du cadre de ce travail.
Méditation kabbalistique, Prophétisme, Yihudim et Kavanot.
Nous allons essayer de donner ici une vue de deux systĂšmes de mĂ©ditation kabbalistiques : le systĂšme prophĂ©tique et le systĂšme de la Kavanot de lâĂ©cole du Ari. Ce court texte se veut un avertissement Ă ceux qui dĂ©cident dâentrer sur le chemin de la voie mĂ©ditative. Cette voie nâest pas sans danger â et particuliĂšrement celle qui se base une extĂ©riorisation des Noms Divins â mais elle a influencĂ© nombre de pratiques contemporaines : le martinĂ©zisme puise grandement dans lâutilisation de la priĂšre et dans la vocalisation des Noms Divin, le martinisme prĂ©fĂšre la voie de la priĂšre silencieuse du coeurâŠ
LâĂ©cole de la Kabbale ProphĂ©tique – illustrĂ©e par les techniques dâAbraham Aboulafia, de CordovĂ©ro, de Sefardi et du Baal Shem Tov – est sans doute la plus ancienne, dĂ©jĂ aux temps Talmudiques, cette Kabbale Ă©tait nommĂ©e Maâaseh Merkavah. Elle se concentre plus particuliĂšrement sur les mĂ©ditations portant sur la rĂ©citation de lettres et de leurs permutations, ainsi que sur lâutilisation des Saints Noms. Son but est dâatteindre une union individuelle avec Dieu et dâacquĂ©rir un niveau spirituel proche du prophĂ©tisme. Cette Ă©cole ne sâoccupe pas des attributions sĂ©phirotiques ou de lâinteraction entre les Sephiroth et lâhomme, elle se âcontenteâ de permuter et de rĂ©citer des Noms qui sont construits sur base de versets de la Torah.
Ceux qui mĂ©ditent en utilisant le Sepher Yetzirah se rapprochent de lâĂ©cole prophĂ©tique mais leur but est dâamener des modifications au sein de la CrĂ©ation par la manipulation des lettres Ă©thĂ©riques qui sont lâessence des lettres physiques.
Le systĂšme de Kabbalistes comme le Ari ou Rashash se concentre sur une direction toute diffĂ©rente. Alors que lâĂ©cole prophĂ©tique sâoccupe de vocalisations des lettres, ces derniers Kabbalistes, eux, se concentrent sur la contemplation non verbale des interactions des Sephiroth. Alors que le but de lâĂ©cole prophĂ©tique est dâobtenir un bienfait personnel, le but de lâĂ©cole du Ari est dâobtenir un bĂ©nĂ©fice collectif.
Dans lâĂ©cole du Ari, il y a deux formes de mĂ©diation : la Yihudim et la Kavanot. La Yihudim consiste en un ensemble dâimages mentales constituĂ©es de Noms Divins qui reprĂ©sentent lâintĂ©gration sĂ©phirotique. Le Kabbaliste contemple sans interruption ces images mentalement et en silence, tout au long de la journĂ©e et tout particuliĂšrement avant lâaube.
Le second type de mĂ©ditation qui Ă©tait pratiquĂ©e par lâĂ©cole du Ari est basĂ© sur les Kavanot, des contemplations mentales des interactions sephirotiques par lâutilisation de la priĂšre. Le but des Kavanot est de manipuler le flux dâĂ©nergie spirituelle, le Shefa, qui se meut de haut en bas et de bas en haut au sein de lâArbre de Vie. Cette mĂ©ditation est censĂ©e offrir une plus grande comprĂ©hension de lâUnitĂ© de Dieu au travers de lâArbre de Vie.
La priĂšre en elle-mĂȘme nâest pas de la mĂ©ditation. La mĂ©ditation cherche Ă faire descendre la LumiĂšre Divine au sein de celui qui mĂ©dite. La priĂšre est presque lâopposĂ© dans le sens oĂč elle cherche Ă Ă©lever ou Ă restaurer la LumiĂšre Divine du Createur pour le bienfait de tous. Une fois la LumiĂšre Divine supĂ©rieure restaurĂ©e, une bĂ©nĂ©diction peut alors ĂȘtre reçue dans ce monde. Ce processus a un but premier qui est collectif mais Ă©galement un but secondaire qui est le bien de lâindividu.
Rabbi Haim Vital (Sefer Olat ha-Tamid 4b) : âSache que rien nâexiste dans toute la crĂ©ation qui ne soit pas un aspect des sept rois qui moururent dans le pays dâEdom (Gen. 36). Tous les mondes, tous sont des aspects de ces rois. Si ces rois nâĂ©taient pas morts et par consĂ©quent annulĂ©s, faisant dâeux la source des klipot (coquilles), ils auraient pu se purifier et se rectifier par eux-mĂȘmes. Cependant, ils moururent, ils furent rĂ©duits Ă nĂ©ant et devinrent la source des klipot. Ainsi, toute saintetĂ© rĂ©siduelle en eux doit ĂȘtre rectifiĂ©e, purifiĂ©e, nettoyĂ©e afin que seul le refus, qui sont les vĂ©ritables klipot restent en bas. Lorsque ce processus de purification et de nettoyage sera terminĂ©, il ne restera aucune Ă©tincelle de saintetĂ© dans le monde dâen bas, car toutes les Ă©tincelles de saintetĂ© auront Ă©tĂ© Ă©levĂ©es. Alors, le refus, la vĂ©ritable klipot restera en bas, sans aucune vie.
Ainsi sera accompli ce verset âIl dĂ©truira la mort pour toujoursâ (Is. 25.8). Cela ne sera quâaprĂšs la venue du Messie.
A prĂ©sent, il est impossible de rĂ©parer toutes les Ă©tincelles de saintetĂ© des klipot Ă moins quâun individu ne pratique lâaction de purification. Par des priĂšres et des actions adĂ©quates de lâhumanitĂ©, la rĂ©paration est opĂ©rĂ©e par les dix Sephiroth supernelles dâAtziluth.
Ceux qui sont en bas ont toujours besoin de lâaide dâen haut afin de complĂ©ter ce qu’ils ont Ă faire. Les puissances dâen haut ont Ă©galement besoin de celles dâen bas, comme il est Ă©crit âDonnez toute force Ă Dieuâ (Psaume 68.35).
Câest le pouvoir de la priĂšre qui est la chose essentielle, le principe et lâessence de ce dont nous discutons ici. Rien ne fonctionne mieux pour rĂ©parer les rĂ©cipients dĂ©chus que la priĂšre. Par consĂ©quent, les Sages ont enseignĂ©s âla priĂšre est une des choses les plus grandes dans le mondeâ (Berakoth 6b). Car par la priĂšre lâhumanitĂ© opĂšre lâunion des Sephiroth supĂ©rieures et par lĂ les rois sont purifiĂ©s et Ă©levĂ©sâ.
Le but de ces interactions sephirotiques, selon Rabbi Haim, est dâamener lâunion des Sephiroth (des Parzufim ou Visages). Ces unions sont Ă©galement nommĂ©es Yihudim mais, elles ont pour but de rectifier les Penimiyut (mondes internes) des mondes gĂ©nĂ©raux et non leurs Hitzoniyut (mondes externes) comme dans les Yehudim prĂ©cĂ©dentes. Ce systĂšme de Kavanot diffĂšre donc de lâĂ©cole prophĂ©tique par son caractĂšre collectif.
Dans le systĂšme du Ari, jamais aucun Nom divin nâest prononcĂ©, car selon lui, toute mention verbale des Saints Noms ne pourrait avoir que lâeffet inverse Ă celui recherchĂ©. Les Kavanot utilisent les Saints Noms comme images mentales afin de schĂ©matiser les interactions sĂ©phirotiques. Par la force de la pensĂ©e, ces interactions ont rĂ©ellement lieu dans les royaumes sĂ©phirotiques. RĂ©citer tout haut les Saint Noms reviendrait donc Ă transformer des penimiyut (mondes internes) en hitzoniyut (mondes externes) et donc Ă interdire toute Yihud (union) mais aussi Ă causer une sĂ©paration (perud).
Les Kavanot se rĂ©fĂšrent au monde mĂ©taphysique, le contact humain avec ce monde se fait au travers du penimiyut de lâhomme. Dire les Saints Noms revient Ă faire sortir ces Noms du monde intĂ©rieur et en faire des hitzoniyut. Ce qui est lâinverse de la rectification recherchĂ©e.
Les Kavanot ont pour but de transformer lâesprit et lâĂąme et donc le comportement de lâindividu. Les penimiyut sont dâabord rectifiĂ©es et en retour ils rectifient les hitzoniyut. RĂ©citer les Noms Divins verbalement ferait sortir la saintetĂ© des interactions sĂ©phirotiques du royaume spirituel avant leur rectification et rĂ©paration.
Les Kavanot concernent lâascension et la descente du shefa au travers du systĂšme des Sephiroth, des parzufim et des Olamot (mondes). Les Siddur de lâĂ©cole du Ari sont remplis de pages entiĂšres de Saints Noms qui schĂ©matisent le flux du Shefa au travers des mondes. Les Noms en eux-mĂȘmes ne sont rien de plus que des points de repĂšre qui indiquent Ă celui qui mĂ©dite (mikhaven) oĂș il se situe dans lâArbre par ses priĂšres. Ce sont donc des roadmaps plus que des buts.
Rectifier les penimiyut des mondes signifie que lâon doit sans cesse rĂ©aligner les Ă©nergies sĂ©phirotiques au sein des royaumes mĂ©taphysiques. Au sein du systĂšme prophĂ©tique, qui sâoccupe de lâindividuel et non du collectif, lâon sâoccupe Ă©galement de rectifier les penimiyut des mondes. Cependant, cette Ă©cole utilise les sons des lettres comme moyen dâoeuvrer de lâextĂ©rieur vers lâintĂ©rieur. Les sons des lettres se rĂ©verbĂšrent profondĂ©ment dans notre psychĂ©, provoquant alors des changements au sein de la conscience individuelle. En rectifiant lâĂąme individuelle on affecte Ă©galement le collectif. Car il nây a aucune Ăąme qui ne soit un microcosme du collectif.
Cependant, lâĂ©cole prophĂ©tique ne cherche nullement Ă manipuler le Shefa dans les Sephiroth par les rĂ©citations de lettres, de voyelles ou de combinaisons.
Il est Ă noter que bien que ces deux systĂšmes diffĂšrent, ils sont aussi valables lâun que lâautre. Attention toutefois avec le systĂšme des Kavanot ! A moins de savoir exactement ce que lâon fait, ne jamais lâutiliser, car cela peut engendrer plus de mal spirituel que de bien. Les Kavanot sont trĂšs complexes et lâon ne peut prendre un Siddur kabbalistique, lire une page et entreprendre le travail sans prĂ©paration et sans connaissance. Les erreurs de jugement, les errements de lâĂąme et de lâesprit, la folie peuvent survenir ! Il y a une mĂ©thode dâutilisation des Kavanot, des âformulesâ Ă appliquer Ă la lettre, il y a un processus de mise en contact avec les Kavanot qui doit ĂȘtre respectĂ©. La maĂźtrise du systĂšme des Kavanot prend des annĂ©es et ne peut sâaccomplir simplement. De plus, les Kavanot demandent une dĂ©votion et une foi intense, une prĂ©paration spirituelle certaine et solide. Ici, les bonnes intentions ne peuvent suffire et lâon doit connaĂźtre intĂ©gralement tous les aspects des Sephiroth, de leurs attributs, des Sentiers, lâon doit comprendre la nature du Shefa et son mode de voyage au sein de lâArbre de Vie. Toute erreur au sein de la mĂ©ditation des Kavanot ne peut mener quâĂ une mauvaise diffusion du Shefa et Ă un dĂ©sĂ©quilibre des mondes.
Le Mishneh Berurah nous avertit que la méditation des Kavanot est interdite sauf à ceux qui sont versés dans son art et qui ont le coeur pur.
Dans le commentaire du Kaf ha-Haim (98.3) : âCelui qui sait ne pas ĂȘtre capable de remplir tout ceci (les prĂ©requis) ne devrait pas mĂ©diter sur les Noms ou pratiquer les Yihudim, il devrait plutĂŽt prier avec la dĂ©votion du coeurâŠâ
Celui qui ne connaĂźt pas lâordre des Kavanot ne doit jamais les utiliser (Zohar Parashat Terumah 178a). Et le HiDA (Rabbi Hayim David Azulai) en sa Mihazik Berakha (Siman 274b) : âcelui qui nâest pas habile en Kabbale ne devrait pas dire ou rĂ©citer ou mĂȘme penser aux secrets Ă©crits dans les Siddur du Ariâzal ou dans dâautres versions courtesâ.
Les priĂšres kabbalistiques ne sont pas pour tous. Bien que tout le monde puisse avoir le dĂ©sir de les apprendre, tout le monde nâa pas lâintelligence, la discipline et les connaissances pour ce faire.
Lâhitbodedouth ou priĂšre du coeur.
« Et, le soir, Isaac sortit afin de méditer dans les champs » (GenÚse 24.63).
La mĂ©ditation offre un moyen dâapprofondir les diffĂ©rentes facettes de la vie religieuse et dâen dĂ©couvrir les significations profondes. La mĂ©ditation permet aussi dâentrer en communication avec la Source mĂȘme et nâest donc pas un but en soi. La mĂ©ditation offre la possibilitĂ© dâĂ©tendre la conscience et la saintetĂ© et le Kabbaliste ElĂ©azar Azikri distingue ainsi lâĂ©tude, en tant que pratique pour lâintellect, et la mĂ©ditation (hitbodedouth qui est, selon Rabbi Nachman de Breslav, « l’expĂ©rience divine dans la solitude ») en tant que pratique de lâĂąme. La mĂ©ditation nourrit lâĂąme et dĂ©tourne la pensĂ©e des processus intellectuels afin de nous faire pĂ©nĂ©trer dans le monde spirituel.
Dans notre article prĂ©cĂ©dent, nous avons dĂ©jĂ abordĂ© la mĂ©ditation au niveau Kabbalistique, nous allons parler ici plus particuliĂšrement de la technique de lâHitbodedouth, dont nous parlions dĂ©jĂ dans les articles sur le Tserouf et Aboulafia. Lâhitbodedouth est simplement une maniĂšre de parler de notre vie Ă Dieu, en solitaire, en utilisant les mots de la vie de tous les jours. Kaplan nous rappelle que lâhitbodedouth se rapproche de lâhitbonenuth, qui signifie « auto-comprĂ©hension », comprĂ©hension de tout ce qui est Ă la surface des choses et de tout ce qui rĂ©side au plus profond de lâĂȘtre.
Nous espĂ©rons ici encore offrir au lecteur une ouverture sur dâautres pratiques kabbalistiques, voire purement spirituelles, qui se dĂ©tachent bien des fantasmes magicomiques et des dĂ©lires occulteux habituels.
Que votre mĂ©ditation vous soit douceâŠ
Un autre Kabbaliste de lâextase nous raconte ceci : « Si un homme fait en sorte que son Ăąme dĂ©sire selon les mĂ©thodes adĂ©quates de lâhitdodedouth, son Ăąme est immergĂ©e dans cette lumiĂšre et il mourra comme Ben Azzai (kabbaliste qui chercha Ă atteindre lâĂ©tat dâavant la chute et de rĂ©aliser lâunion avec la Shekhinah)« .
Rabbi Nachman (PriĂšres 10-11) : « Le principal moyen par lequel le Rebbe rĂ©ussit ce quâil fit Ă©tait simplement la priĂšre et la supplication devant Dieu. Ce qui lâa aide le plus furent ses priĂšres dans sa langue natale, le yiddish. Il cherchait un lieu retirĂ© et passait tout son temps Ă exprimer toutes ses pensĂ©es Ă Dieu⊠Toutes ces priĂšres avaient un but : ĂȘtre plus proche de Dieu« .
« Le Rebbe parla un jour Ă un jeune homme en lâencourageant Ă sâisoler et Ă parler Ă Dieu avec ses propres mots. Le Rebbe lui dit que câest ainsi que commence la priĂšre. Au dĂ©part, la priĂšre Ă©tait lâexpression individuelle Ă Dieu de ses pensĂ©es et sentiments selon les mots propres Ă chacun. Rambam (Maimonides) discute de cela dans son code de loi juive au dĂ©but de la section sur la priĂšre. Il dit que câĂ©tait la forme originelle de la priĂšre avant la formalisation de la liturgie par les hommes de la Grande AssemblĂ©e (3e siĂšcle av. J.-C. â Rambam, Mishneh Torah, Hilkhot Tefilah 1:2-4). Ce nâest quâalors quâun ordre formel fut donnĂ© Ă la priĂšre.
Prenez lâhabitude de prier Dieu de toute la profondeur de votre coeur. Utilisez la langue que vous connaissez le mieux. Demandez Ă Dieu de vous rendre dignes de le servir vĂ©ritablement. VoilĂ lâessence de la priĂšre. Câest ainsi que tous les Tzaddikkim atteignent leur niveau dâĂ©lĂ©vation. » (Rabbi Nachman, Sagesse 229).
Lâunique moyen pour retourner aux racines de lâĂȘtre et de se fondre en lâunitĂ© de Dieu est de rĂ©duite lâego Ă nĂ©ant. De lâeffacer totalement jusquâĂ se fondre totalement en lâunitĂ© divine. Et le moyen dâarriver Ă cet Ă©tat est la pratique de lâHitbodedouth. Rabbi Nachman nous dit : « La vĂ©ritable Hitbodedouth est pratiquĂ©e dans la profondeur de la nuit, Ă une heure oĂč tout le monde est libre des liens du monde matĂ©riel. Pendant le jour, les gens sont trop occupĂ©s Ă faire attention au monde matĂ©riel qui distrait le chercheur spirituel de lâattachement Ă Dieu. MĂȘme sâil est personnellement dĂ©tachĂ© du monde matĂ©riel, le simple fait quâune autre personne soit occupĂ©e par la vanitĂ© du monde, rend trĂšs difficile lâobtention de la transcendance Ă ce moment.
LâHitbodedouth doit ĂȘtre pratiquĂ©e en un lieu spĂ©cifique en dehors de la citĂ© sur un « chemin solitaire » (Avot 3.5) en un lieu oĂč personne ne va. Car dans un lieu oĂș, pendant le jour, les gens sont occupĂ©s Ă courir aprĂšs la vanitĂ© du monde, mĂȘme sâils ne sont pas lĂ Ă cette heure, câest malgrĂ© tout une distraction pour lâHitbodedouth, rendant impossible au chercheur spirituel lâatteinte dâun Ă©tat de communion totale avec Dieu.
Pour cette raison, il est nĂ©cessaire de se rendre seul la nuit en un chemin isolĂ© en un lieu oĂș personne ne se rend le jour. LĂ , on doit s’isoler et vider son coeur et son esprit de toutes implications mondaines jusqu’Ă ce que lâon atteigne un Ă©tat de vĂ©ritable transcendance et de communion.
Câest un processus progressif. Tout dâabord, on doit vouer ce moment nocturne solitaire de lâhitbodedouth Ă parler et Ă prier Dieu jusquâĂ ce quâil rĂ©ussisse Ă nĂ©antiser son dĂ©sir nĂ©gatif. Ensuite, il doit vouer son hitbodedouth Ă nĂ©antiser un trait secondaire de dĂ©sir nĂ©gatif. Il doit continuer ainsi nuit aprĂšs nuit en ce lieu solitaire jusquâĂ ce quâil ait tout rendu au nĂ©ant.
Et sâil reste quelque chose en lui, câest-Ă -dire quelques rĂ©sidus de fiertĂ© et dâarrogance humaine. Câest quâil considĂšre toujours lui-mĂȘme comme Ă©tant quelque chose. Il doit persister dans lâHitbodedouth et continuer son travail jusquâĂ ce quâil ait nĂ©antisĂ© cela aussi, jusquâĂ ce que rien ne persiste en lui et quâil soit dans un Ă©tat de vĂ©ritable transcendance. Alors, lorsquâil aura atteint la vĂ©ritable vacuitĂ©, son Ăąme commencera Ă Ă©merger de sa racine, câest-Ă -dire, de Dieu » (Likutey Moharan I, 52).
Pour Aboulafia, lâHitbodedouth possĂšde deux significations : une concentration mentale requise afin de rĂ©ussir lâunion divine avec Dieu et la solitude de la priĂšre (nĂ©cessitĂ© de lâisolement de tout contact humain afin de prier). Dans ce systĂšme dâAboulafia, lâunion de la retraite, de la concentration mentale en vue de lâunion avec Dieu et lâutilisation des lettres comme supports de la mĂ©ditation, nous avons un bon parallĂšle avec la technique du Dikr soufi.
Selon Moshe Idel : « Les rĂ©percutions de la synthĂšse (entre le soufisme et le mysticisme dâAboulafia) dans le dĂ©veloppement de la mystique juive furent Ă©normes : lâaccent mis sur lâimportance de lâunion mystique, de lâHitbodedouth (isolement physique et concentration mentale) et lâintroduction de lâidĂ©e dâĂ©quanimitĂ© comme valeur mystique, restructurĂšrent le fond mystique juif mĂ©diĂ©val et affecta la physionomie de quelques-uns des aspects de la Kabbale de Safed et, plus tard, mena Ă la formation du Hassidisme en tant que phĂ©nomĂšne mystique » (Ătudes de la Kabbale Extatique, p. VIII, New York Time, 24 janvier 2001).
Et Sholem de continuer : « Les Kabbalistes sont unanimement d’accord sur le niveau supĂ©rieur atteignable par lâĂąme Ă la fin de son cheminement mystique, celui de devekhut, lâunion Ă Dieu. Il peut il y avoir diffĂ©rents niveaux de devekuth telle que « lâĂ©quanimité » (hishtavvut, lâindiffĂ©rence de lâĂąme), lâhitbodedouth (solitude) ».
Rabbi Abraham Abulafia dit au sujet de lâunion avec Dieu induite par lâhitbodedouth : « Quiconque est attirĂ© par les vanitĂ©s de la temporalitĂ©, son Ăąme survivra dans les vanitĂ©s de la temporalitĂ© et quiconque est attirĂ© vers le Nom, qui est au-dessus de la temporalitĂ©, son Ăąme survivra dans le royaume Ă©ternel au-delĂ du temps, en Dieu, quâil soit bĂ©ni. Aimez Dieu, votre Seigneur afin dâentendre sa voix et de vous attacher Ă Lui« .
Voici maintenant un exemple de mĂ©ditation Hitbodedouth telle que pratiquĂ©e par le Rav Nachman HaTitktinner (HaRanit). Avant toute chose, lâon doit se trouver dans un lieu isolĂ©, se vĂȘtir du Tallit, fermer les yeuxâŠ
Ki-karov aleycha ha-davar me’od, beficha uvilvavcha la’asto.
Car proche de toi est le Mot, dans ta bouche et dans ton coeur, pour le faire. (Bazak 40, Sefer ha’mavet ha’ivri)
Le Mot est « karov me’od », lâendroit prĂšs de toi. Câest le lieu oĂș nous allons, câest le lieu oĂș nous connaissons la proximitĂ© de Dieu.
En hĂ©breu, la bouche est « Pey » et le coeur « Lev ». « Le faire » est « la’asto », qui le fait dâentrer dans le coeur de lâĂȘtre, dâentrer dans le Creux du Rocher et de rester calme devant la Gloire de Dieu. Par la respiration, lâon est menĂ© Ă la kavannah, la concentration. Et de cette kavannah naĂźt la vision du Creux dans le Rocher.
« Sache aujourdâhui que HaVaYaH est le seul Dieu dans le ciel au-dessus et sur la terre en dessous » (DeutĂ©ronome 4.39). Le coeur est un « coeur de pierre » (Ezekiel 36.26) et le seul moyen dâadoucir le coeur est de briser en lui nos illusions, ambitions et projets afin de lâallĂ©ger et quâil sâĂ©lĂšve enfin vers Dieu.
Lâobjet de la visualisation est le Creux dans le Rocher. Voyez-le par lâoeil de lâesprit, sentez sa proximitĂ©, sa hauteur et les ombres rocheuses. Câest lĂ que le « karov me’od » sera placĂ©, et que nous verrons la Gloire de YHVH.
Faites brĂ»ler de lâencens et allumez des bougies, asseyez-vous dans un endroit tranquille, soyez lavĂ© de frais par le mikveh, le bain rituel. « Allez dans un champ dâherbes, car lâherbe rĂ©veillera votre coeur » nous dit Rabbi Nachman de Breslav. Allez lĂ oĂč vous serez seul ave Dieu, avec le souffle et le Creux du Rocher prĂšs de vous Ă tous instants. Pour cela, vous nâavez besoin de nul Tzaddik ou de guru. Vous atteignez le Dieu intĂ©rieur, par votre propre Nefesh selon ses propres mots.
Dans le Bahir nous lisons : « la Gloire (Kavod) et le Coeur (Lev) ont tous deux la mĂȘme valeur numĂ©rique, 32. Ils sont tous deux un, mais la Gloire se rĂ©fĂšre Ă sa fonction supĂ©rieure et le Coeur Ă sa fonction infĂ©rieure« .
Le Rocher ou la montagne symbolise le sommet ou le but du cheminement spirituel humain, qui est dâobtenir une humilitĂ© et un effacement afin de pouvoir sâimmerger totalement en Dieu. Ce niveau est connu des Kabbalistes comme Ă©tant Kether, donc supĂ©rieur Ă Daâath qui est la simple connaissance de Dieu. ConnaĂźtre Dieu signifie une sĂ©paration entre lâobjet et lâobservateur, et comme Dieu nâest pas un objet, mais quâIl est le sujet ultime, on ne peut le connaĂźtre quâen sâunissant Ă Lui. Afin dâatteindre Ă lâultime connexion avec Dieu, le cherchant doit abandonner tout sens dâindividualitĂ© et dâego et porter ses sens vers un Ă©tat mystique de totale union avec le Dieu Un. Cette union ne peut sâaccomplir dans le charnel et lâon ne peut utiliser que la mĂ©ditation, la priĂšre ou la dĂ©votion afin dâĂ©tablir une union temporaire spirituelle.
Ha-hitbodedouth she’HaRanit
La méditation de Reb Nachman HaTiktinner, la devekuth avec YHVH.
Inhalez alors que vous dites silencieusement Pey. Sentez la Ruach passer par votre bouche.
Retenez votre souffle et dites silencieusement Lev. Sentez le battement de votre coeur dans votre gorge.
Expirez totalement en disant silencieusement La’asto. Pour le faire !
Commencez votre voyage vers le Creux du Rocher (nikrat tzur).
Un jour HaRanit dit : que le rythme du Pey-Lev-la’Asto vous emporte dans le Creux du Rocher, attendez que le Rocher vous apparaisse.
Ouvrez votre coeur Ă lâimage, laissez-la se former dans votre coeur.
Respirez et Ă©coutez, car vous approchez, karov me’od, le moment crucial. Voici votre moment de Chofshi. Vous ĂȘtes libre.
Attendez et regardez. Respirez. Ăcoutez.
Il vient.
Plus sur le sujet :
Un dossier sur la Méditation Kabbalistique, Spartakus FreeMann, Nadir de Guantanamo, août 2004 e.v.