Le symbolisme du nom d’Isis.
Discours sur le symbolisme du nom d’Isis prononcĂ© par le F⎠Jules Doinel Ă lâinauguration de la RâŽL⎠Les Adeptes dâIsis-Montyon, Ă lâOr⎠dâOrlĂ©ans.
TT⎠CC⎠FFâŽ,
Dieu se manifeste par le soleil, voilĂ le fond de la doctrine secrĂšte de MisraĂŻm. Un Dieu abstrait, tel que lâa conçu la pensĂ©e subtile des Platon, des Aristote, des Descartes, des Spinoza, des Hegel, nâa jamais Ă©tĂ© compris de lâHumanitĂ© ; elle cherchait un Dieu vivant, dont elle sentĂźt la lumiĂšre et constatĂąt la vigueur. Les Loges Egyptiennes, nos aĂŻeules vĂ©nĂ©rables, adoraient lâĂ©nergie du monde, lâunitĂ© des forces physiques, sous lâemblĂšme du pĂšre de la clartĂ©, de lâastre Ă©tincelant qui rĂšgle le jour et dirige les saisons. LâUnitĂ©, le Monisme, comme on dit aujourdâhui, constituaient lâĂ©toffe du dogme, et cette UnitĂ©, ce Monisme, se cachait sous la multiplicitĂ© des formes hiĂ©ratiques. Phthah, Sokhar, RĂą, Osiris offraient des aspects variĂ©s de la substance primordiale.
On multipliait ces formes, on pluralisait ces noms divins. La substance demeurait une et immuable. Les apparences sacrĂ©es Ă©taient le vĂȘtement de la pensĂ©e des sages. Comme nous, les initiĂ©s des hypogĂ©es ne reconnaissaient que lâĂnergie, le mouvement unique, voilĂ©s sous les divins personnages du PanthĂ©on mystique.
PrĂȘtons lâoreille aux Ă©chos de lâancienne initiation : « II traverse lâĂ©ternitĂ©, il est pour toujours », disent les maximes dâAnĂź. « Il est le MaĂźtre de lâĂternitĂ© sans bornes », rĂ©pond le Todtenbuch, et il ajoute : « On ne le saisit point par les mains. » Le papyrus Harris nous rĂ©vĂšle « quâil est le prodige des formes sacrĂ©es que nul ne comprend ; que son Ă©tendue se dilate sans limites ». Et le Todtenbuch dit encore : « Ce qui est, est dans son sein. Ce qui nâest pas, vit dans son flanc. » Aussi le secret des mystĂšres Ă©tait-il imposĂ© aux adeptes. On lui ordonnait de couvrir dâun voile tout ce quâils avaient vu dans les assemblĂ©es.
Mariette-Bey, lâillustre Ă©gyptologue, a dĂ©chiffrĂ© sous les hiĂ©roglyphes du monument dâAbydos cette pensĂ©e remarquable : « La sociĂ©tĂ© des dieux se totalise en un seul cĆur. » Le mot vĂ©ritĂ©, « Ma », lâidĂ©e que ce mot renferme, Ă©taient reprĂ©sentĂ©s par un signe maçonnique : la rĂšgle, « Maat ». Et le nom dâ« Ćuvres de vĂ©ritĂ© » Ă©tait donnĂ© aux ouvrages parfaits des Compagnons Egyptiens.
Le soleil Ă©tait donc la manifestation divine, le corps de Dieu. Dieu, dit le papyrus magique citĂ© plus haut, Dieu se cache dans la prunelle de lâastre et rayonne par son Ćil lumineux. Et Dieu ainsi figurĂ© se nommait Ammon-RĂą. Le soleil exprimait le mouvement Ă©ternel par son aurore et par son couchant glorieux. Le drame solaire, câĂ©tait lâhistoire de Dieu. Et Ă chacune des phases de ce drame, quand lâastre se levait Ă lâOrient, quand il flamboyait dans son Midi, ou quand il sâensevelissait dans les pourpres de lâOccident, lâinitiation faisait correspondre une appellation diffĂ©rente du Principe absolu.
Le soleil engendrait ses phases diurnes et nocturnes « en forniquant en lui-mĂȘme », dit le Todtenbuch. Il sâappelait Apis, MnĂ©vis, Phthah, Noum, AnoukĂ©, Sati, Thoth, Safek, Selk, Shou, et se balançait entre Nout et Seb, câest-Ă -dire entre le ciel immense et la terre fĂ©conde. Les vertus productives de lâastre prenaient des noms de dĂ©esses : Sekhet, Efnout, Menhit, Bast, et surtout Isis.
Ătudions le symbolisme de ce nom mystĂ©rieux dont lâattrait captiva les gĂ©nĂ©rations disparues qui le proclamaient comme le nom de la Reine du Ciel. Le Dieu-soleil, sous le nom de RĂą, achĂšve sa course Ă©clatante ; il entre dans le crĂ©puscule du soir, sous le nom de Toum ou dâAtoum. Ă peine a-t-il disparu dans son abyme occidental, que lâhorizon est encore teint de ses couleurs violettes, que les adeptes sâĂ©crient dans les Loges ou sous les portiques, Ă cĂŽtĂ© des sphinx de granit rosĂ© : « Adoration Ă Toum qui se couche dans le pays de la vie. Salut Ă toi, pĂšre des dieux ! va rejoindre ta mĂšre et cache-toi dans ses bras ! » Et cette dĂ©esse mĂšre de Dieu, câest le ciel de la nuit, câest Hathor. Du sein de la nuit, des entrailles dâHathor, sâĂ©lance le soleil levant, lâĆil lumineux dâHorus. Il recommence sa course Ă©ternelle Ă travers lâĂ©tendue.
Chaque ĂȘtre sâĂ©crie : Câest lui ! câest le jour ! Câest lui ! câest la vie ! Câest lui ! câest lâamour !
Le soleil ressuscitĂ©, voilĂ Horus ! Tant quâil est demeurĂ© dans les bras de la nuit, il sâappelait Osiris, le soleil nocturne, fils de Seb, câest-Ă -dire fils de la Terre enveloppĂ©e dans les tĂ©nĂšbres. Il Ă©clairait la demeure des morts. Sa lĂ©gende est illustre, et par plusieurs points rappelle la lĂ©gende du MaĂźtre tyrien Hiram.
Osiris rĂ©gnait sur les mondes. Set, son frĂšre, obscur et jaloux, lâattira dans un festin, lui demanda le mot de la vie, et, sur son refus, le tua. Il divisa le corps en vingt-six parties quâil dispersa dans toutes les directions cardinales. Isis, femme et sĆur dâOsiris, sâĂ©lança Ă sa recherche. ĂchevelĂ©e et les seins meurtris, elle suivit les bords du Nil, demandant aux fleurs de lotus bleu ou Ă©tait le corps du dieu trahi, Elle rassembla enfin les membres mutilĂ©s et les fit embaumer par Anubis, « le guide des chemins dâoutre-tombe ».
Le dieu ressuscita comme Hiram ; mais il ressuscita sous la forme dâun radieux enfant, le bel Horus, Ă la fois Ă©poux et fils de la dĂ©esse. Horus immola Set, le meurtrier, et fit rĂ©gner la justice dans les trois mondes.
Telle est la sainte lĂ©gende maçonnique des Ăgyptiens. Osiris mort, câest le soleil couchant ; câest aussi lâhomme dĂ©composĂ© par le trĂ©pas. Mais le soleil couchant se lĂšve dans les lueurs frissonnantes de lâaube, et lâenfant succĂšde au vieillard disparu. La mort est vaincue par lâimmortalitĂ©, comme Set est vaincu par Horus. Isis est le principe fĂ©minin, le rĂ©servoir qui recueille la mort et fait germer la vie. Ainsi la terre absorbe la semence et rend lâĂ©pi dorĂ© qui nourrit la race humaine. Isis est symbolisĂ©e dans nos temples par le GâŽ, qui luit sur lâOrient.
Isis Ă©tait la grande dĂ©esse dâĂgypte ; son culte passa en GrĂšce, de GrĂšce en Italie ; dâItalie, les lĂ©gions romaines le transportĂšrent dans notre Gaule, sur notre terre Carnute, dans les plaines dâIzy et dâEzy (Beauce), Ă Iseure (Allier), et dans les localitĂ©s nombreuses de la patrie celtique.
Aujourdâhui, son vocable vĂ©nĂ©rĂ© dĂ©core notre Loge nouvelle, et le Grand Orient associe son Ă©clat Ă lâĂ©clat traditionnel de ce grand nom. Salut Ă leur double lumiĂšre ! Mais ce nâest pas, RR⎠FFâŽ, pour relever les autels de la divinitĂ© chassĂ©e par JĂ©sus le NazarĂ©en que nous avons ouvert un Atelier sous les auspices dâun nom jadis plein de prestige. Nous nâadorons pas les symboles. Ils ne sont pour nous que le voile transparent des idĂ©es.
Isis figure la femme, lâĂȘtre gracieux, puissant et doux, par qui lâespĂšce intelligente se continue dans ce monde.
Elle est la Veuve de la lĂ©gende hiramique. Ceux Ă qui « lâacacia est connu » nâignorent pas le sens et le secret de son influence souveraine.
Elle symbolise la Nature, la gĂ©nĂ©ratrice des choses, la grande mĂšre universelle, la source de la vie, la matiĂšre et le mouvement. Et cette force immanente que notre langue secrĂšte appelle le Grand Architecte de lâUnivers, ApulĂ©e, lâhiĂ©rophante, la cĂ©lĂ©brait dans ses MĂ©tamorphoses. Enfin, elle reprĂ©sente pour nous, dans cette lutte incessante que nous soutenons centre toutes les erreurs et contre tous les prĂ©jugĂ©s, la recherche de la VĂ©ritĂ© : VĂ©ritĂ© dispersĂ©e dans le Cosmos et dans lâintelligence, comme les parties du corps immolĂ© dâOsiris,
Vérité que la raison cherche le long des fleuves du Savoir, comme Isis cherchait les membres du dieu le long du Nil couvert de lotus.
VĂ©ritĂ© dont nous recueillons les fragments Ă©pars comme la dĂ©esse recueillait ceux de son Ă©poux divin. VĂ©ritĂ© enfin qui sâanime Ă la vie, sous les baisers passionnĂ©s de la Science, comme lâenfant Horus sous les baisers et les larmes de la dĂ©esse.
VoilĂ , RR⎠FFâŽ, notre religion maçonnique ! Cette VĂ©ritĂ©, nous la demandons Ă lâexpĂ©rience, Ă la rĂ©flexion, Ă lâĂ©tude, Ă la matiĂšre, Ă lâesprit ; nous scrutons les lois du monde physique, les lois du monde moral. Nous plongeons dans lâOcĂ©an de lâidĂ©e, non pas comme le plongeur de la ballade pour rapporter des profondeurs la coupe dâor du vieux roi de ThulĂ©, mais pour rapporter, sâil est possible, le secret de la Philosophie.
VoilĂ notre Isis, voilĂ notre culte ; RR⎠FFâŽ, voilĂ le but de nos travaux. Que cette fĂȘte solennelle soit un jour de triomphe et dâespoir, un jour de fraternelle aspiration vers le progrĂšs que consacrera lâavenir.
T⎠Ill⎠DĂ©lĂ©guĂ© du Grand Orient, vous ĂȘtes le reprĂ©sentant de la Vraie LumiĂšre ; nous vous saluons, et nous inaugurons nos travaux sous votre heureuse direction. TâŽCâŽVâŽ, vous siĂ©gez Ă cet Orient sous le G⎠symbolique ; nous vĂ©nĂ©rons votre personne et vos fonctions augustes.
Vous tous, mes FFâŽ, Apprentis, Compagnons et MaĂźtres, aimez les symboles de vos grades, Ă©tudiez leur sens profond, leur secret intime.
Hiram, VVâŽMMâŽ, câest la LibertĂ© tuĂ©e par les tyrans, comme Osiris, câest la VĂ©ritĂ© tuĂ©e par les fanatiques. La Science a ressuscitĂ© Osiris, comme la RĂ©volution a ressuscitĂ© Hiram. Le soleil de 1789 illumine notre Orient. Nous avons donnĂ© sa formule Ă la RĂ©volution française : LibertĂ© ! ĂgalitĂ© ! FraternitĂ© ! ces trois sĆurs rĂ©publicaines sont sorties des Loges des Maçons.
Apprentis, Compagnons et MaĂźtres ! nous avons un but, la dĂ©livrance du monde profane de toutes les ignorances et de toutes les servitudes. Saluons donc, au sein de cet Atelier qui sâhonore de porter son nom, la grande figure symbolique dâIsis. Son sein superbe est ouvert aux fortunĂ©s Enfants de la Veuve.
VĂ©ritĂ© ! LibertĂ© ! passion des Ăąmes fiĂšres, amour des esprits virils ! Vous serez les prĂ©sidentes de nos tenues ; et nous plaçons sous votre Ă©gide, au point gĂ©omĂ©trique oĂč nous sommes rĂ©unis, Ă lâOr⎠du vieil OrlĂ©ans, cette R⎠L⎠Les Adeptes dâIsis-Montyon, son rite, ses mystĂšres et son temple : Vivat ! Vivat ! Semper Vivat !
Plus sur le sujet :
Discours sur le symbolisme du nom d’Isis, Jules Doinel.
Ce discours, prononcé en 1885, a été repris par la revue La Gnose, dans le numéro 5 (mars 1910).
Image par Albert Dezetter de Pixabay