Les secrets et les serments de silence par Spartakus FreeMann. Il nây a aucun moyen de sortir de ces « dogmes » sacrĂ©s lorsque lâon entre dans le domaine de lâĂ©sotĂ©risme ou de la philosophie hermĂ©tique. Du moins, si lâon se rĂ©fĂšre aux canons des sociĂ©tĂ©s « antiques, anciennes, acceptĂ©es, vĂ©ritables et traditionnelles ». La Wicca ne peut faire exception puisquâelle dĂ©rive de structures « traditionnelles » – je ne ferai pas lâhistorique dâun courant dont je ne suis pas membre et je laisse ce soin aux spĂ©cialistes qui Ă©claireront nos lanternes.
Les secrets et les serments de silence
Dans lâAntiquitĂ© dĂ©jĂ , les rites dâEleusis Ă©taient entourĂ©s dâun secret si impĂ©nĂ©trable et si respectĂ© que celui qui osait « parler » Ă©tait mis Ă mort sans autre forme de procĂšs et avec lâapprobation de la sociĂ©tĂ© entiĂšre. Dâailleurs, les Ă©crivains antiques, si prolixes dâhabitude, ne nous ont laissĂ© que trĂšs peu dâinformation sur ces rites secrets et les auteurs chrĂ©tiens eux-mĂȘmes, voire les « convertis », nâont rien laissĂ© transpirer. On doit donc considĂ©rer que le secret des rites dâEleusis Ă©tait un tabou non moins aussi grand dans la sociĂ©tĂ© hellĂ©nique que celui de lâathĂ©isme !
Au Moyen-Ăge, pas de rĂ©elles traces de sociĂ©tĂ©s initiatiques, mais ce secret, ou du moins le goĂ»t du secret, se retrouve au sein des corporations dâartisans. Le secret a, ici, un rĂŽle Ă©conomique, ce sont des secrets et des procĂ©dĂ©s de fabrication originaux que lâon protĂ©geait par des serments tout dâabord, puis par des rites simples, mais qui devaient frapper lâimagination des nouveaux « initiĂ©s » afin de leur faire comprendre lâimportance de ne point briser les serments prĂȘtĂ©s.
Pour les amateurs dâAlchimie, quâil leur suffise de se replonger dans les grimoires, et les traitĂ©s alchimiques. Le secret est partout, les formules alambiquĂ©es censĂ©es protĂ©ger le secret de la fabrication de la Pierre Philosophale sont omniprĂ©sentes. Les avertissements visant les alchimistes « charitables » – câest-Ă -dire ceux qui parlent trop ouvertement – sont acides et rappellent les besoins de couvrir le Grand Ćuvre dâun secret nĂ©cessaire pour des raisons « philosophiques », « divines », « religieuses »⊠Et le but est bien atteint puisquâaucun ouvrage dâAlchimie nâa jamais divulguĂ© un vĂ©ritable secret qui permet Ă un non-initiĂ© de fabriquer la Pierre Philosophale sans un enseignement de « maĂźtre », sans les « leçons », les « petits trucs connus des initiĂ©s seuls », et sans une forme dâinitiation au sein dâune sociĂ©tĂ© initiatique individualiste et paranoĂŻaque.
Les siĂšcles suivants virent lâapparition de groupes hermĂ©tiques ou de sociĂ©tĂ©s Ă©sotĂ©riques â souvent mystiques â qui se couvrirent du voile du secret afin dâĂ©chapper aux fers brĂ»lants de lâinquisition du pouvoir religieux et politique. Les secrets dont disposaient alors ces sociĂ©tĂ©s reposaient plus dans leurs caractĂšres hĂ©rĂ©tiques que dans de vĂ©ritables secrets fabuleux devant donner richesse et pouvoir Ă ses membres. De ces sociĂ©tĂ©s, rien ne subsiste au point de vue des enseignements. Le secret fut bien gardĂ©, et ce, dans le but de protĂ©ger les membres de la vindicte furieuse de lâĂgliseâŠ
Le XVIIIe siĂšcle voit alors lâĂ©mergence de sociĂ©tĂ©s initiatiques « classiques » : la Rose-Croix, la Franc-Maçonnerie et tous les ordres qui en dĂ©rivent. Toutes ces sociĂ©tĂ©s sont des adeptes du SECRET absolu de leurs rites, pratiques, modes de fonctionnements internes, etc. Pour sâen convaincre, que lâon se souvienne des signes pĂ©naux â les signes qui rappellent Ă lâinitiĂ© la peine encourue en cas de trahison du secret â lors des cĂ©rĂ©monies dâinitiation : « ⊠que lâon me coupe la gorge, que lâon me dĂ©membre, que mon cĆur soit arrachĂ©, etc. » On ne peut y Ă©chapper, si lâon trahit le secret maçonnique, câest la mort. Et câest par ce genre dâĂ©lectrochocs psychologiques que la FM donnera des armes Ă ses ennemis.
Car quels secrets peuvent justifier de si lĂ©tales peines ? Une bibliothĂšque entiĂšre est aujourdâhui consacrĂ©e aux secrets des francs-maçons, de la Franc-Maçonnerie, etc. Dâanciens membres ont couchĂ© par Ă©crit les secrets de lâillustre fraternitĂ©, les rituels sont tous publiĂ©s, les rĂšgles de fonctionnement des ordres anciens ou contemporains peuvent se trouver et sâacheter par correspondance. Et inutile de dire que les « traĂźtres » ne furent, bien sĂ»r, pas lâobjet dâune vengeance implacable de la part de la FM⊠Quoiquâil faille parler du comte de Gabalis, de la vengeance des Rose-Croix, implacable et terrible. Bien sĂ»r il sâagit dâun conte qui devait frapper les rosicruciens de lâĂ©poque afin de leur faire fermer leur bouche et de sâassurer ainsi que les pseudosecrets de lâantique fraternitĂ© soient conservĂ©s.
Car pour celui qui en fait partie, il est certain que dĂšs le premier grade, tous les fantasmes, toutes les fadaises publicitaires ne sont plus que des fantĂŽmes putrides qui conservent un simple but dâĂ©dification et dâenseignements « moraux ou philosophiques » : pas de pharaon fondateur de lâordre, pas dâAdam conservĂ© dans le formol pour dispenser ses enseignements, pas de soucoupes violentes, rien, uniquement lâhomme face Ă lui-mĂȘme et Ă ses archĂ©types !
Comme nous le voyons, les procédés et les raisons varient au cours des ùges. Mais nous pouvons ici brosser un court schéma :
1- une sociĂ©tĂ© humaine est fondĂ©e afin de partager des enseignements et de « chercher lĂ oĂč il se peut les traces de la connaissance intĂ©rieure ».
2- Tout groupe humain constituĂ© doit se doter de rĂšgles et sâassurer que son existence ou celle de ses membres ne puisse ĂȘtre mise en danger.
3- Des enseignements originaux issus du mode de fonctionnement particulier et des buts particuliers de la sociĂ©tĂ© apparaissent, se dĂ©veloppent et doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s contre le monde extĂ©rieur, certes, mais aussi contre lâincomprĂ©hension des non-initiĂ©s. Certaines pratiques â tantrisme, sodomie, magie opĂ©rative, nuditĂ© â doivent ne pas ĂȘtre connues de lâextĂ©rieur afin de ne pas entacher le groupe dâune rĂ©putation sulfureuse et Ă©galement afin de prĂ©server le caractĂšre « sacrĂ© » de ses enseignements (qui sont sacrĂ©s pour le groupe bien sĂ»r et ne pas y voir un Ă©lĂ©ment dĂ©iste dans mes paroles).
4- Toute sociĂ©tĂ© humaine constituĂ©e dĂ©veloppe un phĂ©nomĂšne de « corps » et le dĂ©veloppement dâun sentiment Ă©litiste. «Les autres, les non-initiĂ©s, valent moins que nous. Nous devons donc protĂ©ger nos legs et asseoir notre particularisme ». Le pouvoir interne de la sociĂ©tĂ© basĂ©e, le plus souvent, sur la hiĂ©rarchie et les grades, devient oligarchique, et essaye de se justifier par lui-mĂȘme. Ce ne sont plus les «avancĂ©es morales, philosophiques, magiques, etc.» qui comptent, mais le numĂ©ro de sĂ©rie qui transparaĂźt sur les cordons et autres dĂ©corations. LâEsprit initiatique disparaĂźt peu Ă peu afin de laisser la place Ă un groupe militariste, qui constitue tribunal, police interne, etc., qui voient le monde extĂ©rieur de maniĂšre paranoĂŻde.
5- Toute sociĂ©tĂ© humaine Ă©volue. Les temps changeant, les raisons qui justifiaient les secrets et les serments disparaissent ou sâestompent. Les grands secrets de la fraternitĂ© sont aujourdâhui disponibles Ă la grande masse. Ce qui justifiait de lâexistence du groupe nâest plus. Mais le groupe, lâentitĂ© qui sây est greffĂ©e, veut vivre et se perpĂ©tuer. Il sâagit alors dâagiter le « SECRET » qui couvre les secrets des secrets que nul ne peut connaĂźtre sâil nâest initiĂ© avec la marque de fabrique du groupe. « Les âautresâ parlent sans savoir, car nous, dans nos cavernes, nos loges, nos temples, avec nos rituels, nos enseignements, nous possĂ©dons le mĂȘme savoir, mais il est meilleurs, car il couvre dâautres choses encore plus admirables. Venez voir mes beaux secrets comme ils sont frais, venez les sentir et les peser⊠Venez, messieurs, dames, pas cher aujourdâhui, tout frais pĂ©chĂ©. »
6- Une guerre de gueux peut alors sâengager entre les « initiĂ©s » et les « autres ». Guerre justifiĂ©e non plus par les terribles consĂ©quences de la divulgation de ces secrets, mais par la volontĂ© du groupe qui les dĂ©tient de continuer Ă vivre et Ă agirâŠ
Le tableau brossĂ© ci-dessus est bien sĂ»r caricatural Ă souhait. Mais en gros, pour les fraternitĂ©s, ordres et autres structures, les buts restent les mĂȘmes : protĂ©ger lâenseignement intĂ©rieur, surtout vis-Ă -vis de lâextĂ©rieur, afin dâen prĂ©server sa valeur subjective pour le groupe, protĂ©ger quelques recettes internes, protĂ©ger son pouvoir sur ses membres, protĂ©ger ses rentrĂ©es dâargent, laisser survivre des noms et toutes ces choses Ă©gotiques sans valeur⊠Rien ne change vraiment si ce ne sont les formes et les individusâŠ
Dans le domaine actuel, il est amusant de voir de jeunes sots, initiĂ©s par chance ou par dĂ©pit dans des groupes qui nâont dâinitiatique que le fantasme. Ces jeunes chiots viennent chier leur superbe dans nos assiettes, ils veulent nous prouver que nous ne sommes rien et eux tout, puisquâeux furent initiĂ©s â Ă poil, en vĂ©lo ou sous la tente de la sodominitiation â par des « maĂźtres » puissants. Les non-initiĂ©s ne sont rien puisquâils ne payent ni droits ni capitation, ni frais dâinitiation. Ils ne sont rien sans avoir payĂ© les X mensualitĂ©s qui leur permettront enfin de lire un livre que tous peuvent acheter et lire pour moins de 10 âŹ. Les non-initiĂ©s ne sont rien puisquâils nâont pas de directeur de conscience et quâils ne peuvent faire remonter leur prestigieuse lignĂ©e Ă la DĂ©esse elle-mĂȘme. Mais les initiĂ©s sont tout puisquâils ont diplĂŽmes, titres (avec lâinflation nous en sommes Ă un dixiĂšme grade dans la Wicca), honneurs et mauvais vents aprĂšs les repasâŠ
Dâailleurs, et pour finir, je voudrais parler de ces filiations merveilleuses qui agissent comme autant de pĂ©ripatĂ©ticiens nĂ©ons vulgaires. Gardner a avouĂ© avoir créé la Wicca sur les bases du thĂ©lĂ©misme, de la sorcellerie, de quelques bouquins et dâune forte imagination. La Wicca germanique â antik, satanik, terrifik et niknik â elle dĂ©rive du grand Yull qui dĂ©rive des Coutela qui eux ne dĂ©rivent de pas grand-chose, si ce nâest dâun groupe de sorciers auto proclamĂ©s au Pays de Galles ou en Atlantide (je ne sais plus)⊠La FM ne fait pas dĂ©faut, elle se veut Adam ou Toutankhamon comme fondateur, les Templiers ou Dieu lui-mĂȘme. Les Rose-Croix sont encore pires, avec leurs enseignements Ă distance et leur prĂ©tention Ă dĂ©river de plus en plus loin dans le temps, et dans lâespace ?
RĂ©veillons-nous ! Toutes les sociĂ©tĂ©s initiatiques furent créées par des hommes â et des femmes â leurs enseignements proviennent de leurs cogitations, pratiques, essais, recherches. Ce ne sont pas des dieux intouchables, ni eux ni leurs ordres. Ils osĂšrent crĂ©er leur propre Ă©cole, et aujourdâhui, je crois quâils cracheraient sur leurs rejetons devant le dĂ©sastre.
Bien sĂ»r, le Secret existe de lui-mĂȘme. Ceux qui sont passĂ©s « sous le bandeau », entre les cinq pointes du pentagramme, etc., savent que lâultime et, sans doute, unique secret rĂ©side dans lâintimitĂ© du vĂ©cu. Aucun mot, jamais, ne pourra dĂ©crire ce que lâinitiĂ© vit lors de la cĂ©rĂ©monie ni lors des rencontres avec ses FrĂšres et ses SĆurs. Il nây a rien de satanique ou de subversif lĂ -dedans, cela tient uniquement Ă lâaptitude chaque humain Ă apprĂ©hender la divinitĂ© omniprĂ©sente en lui et autour de lui.
Je vous dis, gardez votre simplicitĂ©, conservez cette Ăąme dâenfant qui vous fait dĂ©couvrir les secrets dans un simple sourire, continuez vos recherches et unissez-vous temporairement si besoin est, mais refusez toute dictature traditionnalisante visant Ă brimer vos dĂ©sirs et votre joie ! CrĂ©ez ordres, instituts, fraternitĂ©s, mais sans oublier dâen rire, et tuez-les dĂšs que le but est atteint. Ne laissez jamais un Golem vous survivre et continuer Ă vivre sur le dos des autres.
Le pouvoir est partout et nulle part, il se peut quâil soit en vous en ce moment, mais ne perdez jamais de vue que vous seuls, mĂȘme lors dâune initiation de groupe, faites la diffĂ©rence. Les cĂ©rĂ©monies peuvent ĂȘtre belles, mais elles ne seraient rien sans la beautĂ© de vos cĆurs ! Tout le reste, et ce texte y compris, ne sont que vent et poussiĂšreâŠ
Plus sur le sujet :
Les secrets et les serments de silence, Spartakus FreeMann, Nadir de Libertalia, janvier 2005 e.v.
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