La Lune au sein du Judaïsme et de la Kabbale

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La Lune au sein du Judaïsme et de la Kabbale par Spartakus FreeMann.

Nous allons essayer de donner une certaine lumière sur la Lune au sein du judaïsme, et plus particulièrement de la Kabbale. La Lune est aujourd’hui récupérée par la sorcellerie qui en fait le luminaire central de ses rites et de ses fêtes. Toutefois, si la Lune dans les diverses mythologies représente souvent ce côté caché de l’homme et de ses pouvoirs, l’on doit comprendre également qu’elle n’est pas uniquement objet de culte, mais force agissante pour tous les hommes de cette terre. Il est certes indéniable qu’elle est fortement liée à la femme et à l’aspect féminin de l’homme, mais comme nous le verrons au cours de ce travail, tout est Achad, Un, et en ce sens, il est préférable de travailler à la réintégration plutôt qu’à la division. Et parler de la Lune c’est aussi parler de la Shekhinah, Eternelle, si lointaine et pourtant si proche…

Soeur Lune, épouse, mère et fille, amante et redoutable, à Toi…

Spartakus FreeMann, septembre 2003 e.v., Zénith de Libertalia.

La Lune au sein du Judaïsme et de la Kabbale
Hatmann Schedel, Chronique universelle dite de Nuremberg, 1493, gravure attribuée à Durer. 
Sur le site Annexe.

Introduction

14 Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour d’avec la nuit ; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années ;

15 et qu’ils servent de luminaires dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre. Et cela fut ainsi.

16 Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, et le plus petit luminaire pour présider à la nuit; il fit aussi les étoiles.

17 Dieu les plaça dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre,

18 pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière d’avec les ténèbres. Dieu vit que cela était bon.

Genèse, chapitre I

Dans le récit de la création, il y a rupture dans l’Étendue (Raqîa-deuxième firmament, lieu des transformations, associé à la Sephira Yessod) afin de produire DEUX luminaires (« Luminaire » en hébreu se dit « haMa’or » – מאור, construit sur la racine Aour, lumière) gouvernant le jour et la nuit. Ces deux luminaires sont le Soleil et la Lune. Mais cette séparation, obligatoire pour produire la création, la génération, doit se résoudre en une union intime du UN, Achad. Le terme de l’indifférenciation fusionnelle de l’avant Création signifie donc le début des cycles de la vie avec le jeu de la succession des apparitions du Soleil et de la Lune dans le Firmament. Création, Bara, Beth, DEUX. Mais, dans la version originale en hébreu, on lit pour Luminaires, Me’oroth (מארת) qui est un pluriel introduisant ensuite un verbe au singulier. Ces Luminaires sont Un avant leur dissociation en grand et petit luminaire (Deux). On peut alors dire que ce Luminaire pluriel, à l’image de l’Élohim pluriel du premier verset de la Bible, est UN. Avec le QUATRIEME JOUR, יהוה introduit et épouse les deux pôles de la cassure de la Raq’îa afin de mener sa création vers la Lumière Une accomplie.

Dans le Zohar du Cantique des Cantiques, on peut lire :

« Dieu créa les deux grands luminaires », au début les deux lumières (Lune et Soleil, Malkhut et Yesod) étaient équivalentes et partageaient le même secret, adhéraient l’un à l’autre et étaient sur la même balance de sorte qu’elles étaient toutes deux nommées « grands ». Cela n’implique pas que la Lune était au début grande et élevée, mais tant que la Lune demeurait avec le Soleil en un même secret, à cause de lui elle était appelée, avec lui, « grands», « La queue d’un lion est un lion et elle est appelée lion ».

Zohar du Cant des Cant 71a

De cette fusion originelle le parfait de l’Un existait donc, union des contraires en l’Un. Nous le verrons de manière plus approfondie dans l’étude de la Guematria de la Lune et du soleil…

« La lune dit devant le Saint béni soit-Il : Est-il possible qu’un seul Roi se serve de deux couronnes en même temps ? Non, l’une à part et l’autre à part. Il lui dit : Je constate que tu désires être la tête des renards. Va et fais-toi petite, et bien que tu sois leur tête, tu seras diminuée par rapport à ce que tu étais. C’est ce que dit la lune : “Raconte-moi, ô toi que mon âme aime, où tu mènes paître le troupeau” (Cant des Cant 1-7), comment est-il possible pour toi de diriger le monde avec deux couronnes en même temps. “Où tu le fais gîter à midi” (Cant des Cant 1-7) : la Lune en effet n’est pas apte à briller et il t’est impossible de diriger le monde avec deux couronnes ensemble, avec la lune et le soleil – qu’est-ce que la lumière de la lune à midi ?

 » Pourquoi serais-je comme une errante ?  » (Cant des Cant 1-7). Alors je serai moi enveloppée à midi, lorsque la lumière et l’ardeur du soleil iront augmentant. Je serai couverte de honte devant lui et je ne pourrai pas servir devant Toi. Quant à Toi, comment pourrais-Tu diriger en te servant de deux couronnes à la fois ?

Le Saint béni soit-Il lui dit : Je t’ai comprise ! Va et fais-toi petite, « Si tu ne le sais, ô la plus belle d’entre les femmes » (Cant des Cant 1-8), car tu as dit qu’il m’était impossible de conduire le monde avec deux couronnes à la fois, va et fais-toi petite, tu seras donc la tête des renards.

 » Sors donc sur les talons des brebis » (Cant des Cant 1-8) : sors et sois la tête de ces foules et soldats d’en bas, fais-les paître et conduits-les et sois roi de tous les êtres inférieurs, dirige chacun d’eux comme il lui sied et règne pendant les nuits. Bien sûr, sors et fais-toi petite, telle est la chose qui te convient » ».

Zohar du Cantique des Cantiques, collection « Les Dix Paroles », traduction Charles Mopsik, édition Verdier 1999, Paris.

Nous voyons ici, dans ce commentaire du Cantique des Cantiques, une origine de la petitesse de la Lune qui n’en reste pas moins « Queue du lion… elle est appelée lion ». Par interprétation, nous pourrions aussi y voir la formulation des deux Shekhinah, la Shekhinah d’en bas régissant le monde d’ici bas, Malkhut, et la Shekhinah d’en haut que l’on assimilerait au Soleil, à Yesod ! Nous y voyons plutôt Yesod comme le voile de la Shekhinah d’en haut qui doit se situer bien plus haut dans l’Arbre de Vie. Mais selon le principe kabbalistique qui veut que chacune des Sephira contient en puissance l’Arbre en entier, Yesod peut être une manifestation de la Shekhinah d’en haut. D’ailleurs, le texte parle bien de deux couronnes et ces deux couronnes sont les deux Shekhinah qui sont en exil l’une de l’autre et qui seront Une avec le Nom, lorsque homme et Dieu auront retrouvé l’état Achad de la Techouva, de la réparation, de la réintégration…

Et le Zohar, Bereshith 19b-20a, de continuer sur le même thème : « Lorsque la Lune était unie au Soleil, elle était lumineuse, mais dès qu’elle s’est séparée du soleil et qu’il lui fut assigné la charge de ses propres hôtes, elle réduisit son statut et sa lumière. “Dieu fit les deux grands luminaires” (Genèse 1:16). Le mot « fit » signifie l’expansion et l’établissement du tout. Les mots « les deux grands luminaires » montrent qu’au départ ils étaient associés et égaux, symbolisant le nom complet de IHVH Élohim… Le mot « grand » montre qu’à leur création ils furent sanctifiés du même nom et accédèrent ensemble à la même dignité. La lune cependant n’était pas à l’aise avec le Soleil et en fait se sentait mortifiée par lui. La lune dit, « Où paissent tes moutons ? » (Cant des Cant 1:7). Le Soleil dit, « Où les fais-tu se reposer à midi ? » (Cant des Cant 1:7). Sur ce, Dieu lui dit, « Va et diminue-toi ». Elle se sentit humiliée et dit, « Que je ne sois pas celle qui se voile elle-même » (Cant des Cant 1:7). Dieu dit alors « Va et suis les traces de ton troupeau » (Cant des Cant 1:8). Sur ce, elle se diminua afin d’être la tête des rangs inférieurs. À partir de cette époque, elle n’eut plus de lumière propre, mais reflète sa lumière du Soleil. Au départ ils étaient égaux, mais ensuite elle se diminua parmi tous ses rangs à elle, bien qu’elle reste leur chef ; car une femme ne jouit d’aucun honneur si elle n’est en conjonction avec son mari ».

Un peu de Guematria et de Kabbale pratique

Pour entrer dans des considérations de Guematria : La Lune est hébreu est Levanah (לבנה de la racine Levan, לבן, blanc), qui est un nom féminin et cela nous est rappelé par Bahir verset 198 : «Les graines de la datte sont, comme celles de la femme, fendues ; elles correspondent à la puissance de la lune en haut ».

En hébreu, la lune se dit Levanah = Lamed Beth Noun Hé = 30 + 2 + 50 + 5 = 87 or, 87 est aussi la numération de אלון, l’arbre ou atrophie. Et שמש, Shemesh = Shin Mem Shin = 300 + 40 + 300 = 640qui est aussi la numération de Mem, qui relie donc le Soleil à la lettre qui désigne les Eaux !

Levanah + Shemesh = 727. Transcrit en hébreu, cela nous donne donc deux Zaïn entourant un Beth : זבז. Deux gardiens pour la lettre de la Création…

Notons que Etoile, Koukab, כוכב , a pour valeur 48 et donc, par réduction, 12, ce qui est une allusion aux 12 décans du Zodiaque. Mais la petite valeur est 3, trinité des luminaires, et aussi place des Étoiles dans l’ordre de la Création.

L’union des trois luminaires nous donne comme résultat 727 + 48 = 775 qui par réduction nous donne 19 et donc 1, l’Unité. Et cette unité va nous être démontrée dans le développement qui suit.

Meour = מאור signifie « Luminaire », il est le terme utilisé, comme nous l’avons vu plus haut, pour désigner la lune et le soleil. Sa numération est 247. Et 247, par réduction arithmosophique nous donne 13, qui est la numération d’Achad, UNITE et de AHAVAH, l’Amour. Cette numération de 247 est également celle du terme « Alhi Houlmim » qui est un des noms de Dieu. Dans la Torah, le mot meour est mal orthographié, et on lit à sa place Me’er (au pluriel), מאר , qui signifie « douleur » et dont la numération est 241 qui est aussi la numération de « Aram »= Exalté ou «Irouq », ירוק , vert.

Levanah peut se lire aussi Leb haNoun, לב הן , «Le Coeur du Noun » – Noun écrit en entier נון est le terme qui signifie «accroissement », «propagation » – et la Lune est bien la Sphère de l’accroissement, en un de ses aspects du moins -ou bien on peut lire « coeur de la distinction » Leb Nah ou Leb Han «coeur, attention ! » ou encore Li Haben, להבן , « de l’ébène » – ébène, bois noir symbolisant la nuit que la lune gouverne – ou Bilhan, בלהן , « leur décrépitude » – et la décrépitude est le décroissement d’une des phases de la lune – ou, enfin, נבלה , nebelah, une carcasse, un cadavre – et qui nierait l’aspect mortifère que peut revêtir la lune ?

Il est également assez intéressant de voir que le mot « coeur », Leb, לב , est l’ouverture du mot désignant la lune, Levanah. Et, la lune est aussi la Shekhinah. Donc, en la Shekhinah, sous son aspect lunaire est présent le Coeur, qui est de numération 32, signifiant les trente-deux Sentiers de la Sagesse. Et si nous revenons au Noun, dont la valeur est 50, nous ne pouvons nous empêcher d’y voir les 50 Portes de l’Intelligence. Ainsi, la Lune renferme peut-être le secret des 32 Sentiers et des 50 Portes, où veut-on nous signifier que les trente-deux Sentiers mènent aux secrets des 50 Portes de l’Intelligence ? Quoi qu’il en soit, la Shekhinah lunaire renferme ainsi l’intelligence et la sagesse…

Dans le Sepher Yetsirah, la lettre Teth est attribuée à la Lune et au vendredi comme jour de la semaine.Le lecteur pourra se référer à notre étude de la lettre Teth pour plus de développement à ce sujet. Mais signalons toutefois que contrairement à ce que nous pouvons lire ici, la Lune est habituellement attribuée à la Sephirah Yesod alors que le Soleil est attribué à la Sephira Tiphereth.

levanah 02
Qiamat de la Lune

Le qiamat de la lune, sceau, reproduit ci-dessus provient du Maftéa’h Shlomoh, ou Clé de Salomon, livre hébreu de kabbale pratique, voire de magie pure. Il est censé accorder la faculté de briser les obstacles et celui qui le porte voit immédiatement ceux-ci, qu’ils soient matériels ou spirituels, disparaître. Ce qiamat contient verset 16 du Psaume 107 : « Car il a brisé les portes d’airain, Il a rompu les verrous de fer ». Quatre noms divins y sont également inscrits : Yehou, Yehouah, El et Yaha et le nom de quatre anges : Shiouel, Reouel, Yashel et Ouhiel.

Dans la Kabbale pratique, l’opérateur utilise les anges, les qualités des planètes et le temps, le temps est basé sur les lunaisons et selon le Sepher Raziel, la Lune détient les clés des cieux et de la terre et peut s’utiliser pour le bien ou pour le mal. Au contraire du Sepher Yetsirah, la tradition veut que le jour dédié à la Lune soit le Lundi, son Ange directeur est Gabriel et la couleur qui lui est associée est le blanc (ce qui nous est induit par le nom hébreu de la Lune, levanah, blanc). Ceci suit la logique de Genèse 1:14, en comptant le dimanche comme premier jour, ce quatrième jour qui marque la création des luminaires est un mercredi. Les planètes sont placées sur leur position horaire la veille du quatrième jour, c’est-à-dire mardi, selon leur distance par rapport à la terre. Ainsi, la lune est la planète de la septième heure (minuit). Dans d’anciennes copies du Sepher Yetsirah, il est écrit qu’à la lettre Beth sont attribués le premier jour de la semaine et la lune.

L’encens attribué traditionnellement à la lune est l’Iris.

La Lune et le Zohar

Nous donnons ici quelques passages supplémentaires du Zohar concernant la lune :

Dans le Zohar nous pouvons lire : « Et Rabbi Yossi explique : il existe donc des luminaires en haut et aussi la Lune. Elle vient enseigner la construction du temps aux enfants du monde. Et la Lune vient aussi enseigner les lois, parce qu’elle est le luminaire le plus petit de tous les luminaires et elle est illuminée deux fois avant de recevoir enfin la lumière dans le firmament des cieux. Et c’est dans le firmament que la loi est la même pour tous ».

Les Hébreux calculent le temps (années, mois, jours) selon le cycle lunaire. La lune est ainsi utilisée pour fixer la date des fêtes juives importantes.

La partie de la lumière qui émane de l’homme est mâle, la partie de l’homme qui émane les ténèbres est femelle. Donc, l’homme a deux visages qui obéissent toutefois à la même Loi écrite et orale qui est Achad ! Une !

Plus loin, dans le même Zohar : « Il y eut des luminaires : c’est la Lune, c’est le firmament du ciel, c’est le soleil. Et les deux luminaires tournent l’un après l’autre pour faire connaître et pour éclairer les mondes du haut et du bas ».

Ces trois éléments du firmament dépendent l’un de l’autre. La Lune reflète le Soleil et elle n’existe pas sans Lui. Le soleil ne peut exister sans le firmament. Le firmament n’est pas visible non plus sans le soleil, le jour et sans la lune, la nuit. « Le Ciel qui se situe au-dessous du tous les cieux est le ciel Vilon et il est le ciel qui ne sert à rien car la Lune n’a aucune lumière propre hormis celle qu’elle tire du Soleil » (Shequel haQodesh p. 100). Ce ciel « Vilon » est un symbole de la Sephira Malkhut, il est le voile séparant le monde visible du monde invisible. On associe ici la Lune à cette Sephira et ce verset signifie que Malkhut ne reçoit de lumière que de la Sephira Yesodqui est le Soleil. Mais la Lumière de Yesodne ne serait pas sans l’illumination reçue de la Sephira Supernelle.

Ainsi, ces trois éléments sont aussi Achad, Un car ils n’existent pas les uns sans les autres.

Dans le Shequel haQodesh nous lisons que la Lune est la première sphère céleste qui est au-dessus de nous et qui meut ce monde. « ‘Au vrai, le secret de la Lune est le Roi dont nous avons parlé auparavant…’ » Ce Roi est le Roi qui est signifié au travers du Roi Salomon car il est dit que le Lune, au temps de Salomon, était pleine, donc accomplie. La Lune est aussi le lieu des anges de par sa position par rapport à la terre ». Et plus loin, le Shequel de continuer : « El Shaddaï est dans l’union de la Lune avec le Soleil pour produire des fruits selon leurs espèces ». L’on comprendra donc, que sans l’union soleil lune, pas de vie possible. Sans la chaleur du soleil pas de vie, mais sans les mouvements de la lune et sans sa lumière, reflet du soleil, pas de vie non plus. La Lune gouverne la Psyché, que serait l’homme sans cette psyché qui se dévoile la nuit ? Ne dit-on pas que la Shekhinah sanctifie ceux qui étudient la Torah à minuit ! L’homme a donc besoin de la nourriture du jour, mais il lui est essentiel de se nourrir de ce que lui apporte la lune pendant la nuit.

« Dieu fit les deux grands luminaires : le Soleil et la Lune. » «… et le petit luminaire pour gouverner la nuit » : ce petit luminaire c’est bien la Lune. Le petit luminaire éclaire l’humide, l’inaccompli et l’illumination intégrale vient de la lumière des deux luminaires qui opèrent dans l’accompli.

« Le soleil ne sera plus pour toi comme lumière du jour. L’éclat de la lune ne sera plus éclairant pour toi. Et IHVH sera ta lumière pour toujours : Et ton Élohim te glorifiera » (Isaïe LX, 19), dans l’unité retrouvée, nul besoin d’intermédiaire pour recevoir la lumière, celle-ci coulera directement de l’En Haut vers l’En Bas, ou plutôt la Lumière sera Une dans une dimension Une avec un Dieu Un.

Dans le Midrash haNeelam nous pouvons lire : « ‘Avant que ne viennent les jours du malheur’ (Ecc. 12:1), au temps où la Lune (et donc la Shekhinah) diminue et que le malheur domine ». Ces jours sont des jours où il n’y a plus de désir, c’est-à-dire de désir de la Shekhinah. « La Lune c’est la mer qui est remplie par ce Fleuve », c’est la Shekhinah (mer) qui est remplie par les influx que lui dispense le fleuve qui est Yesod.

D’après le Shney Luchot HaBrit du Sh’lah, Rabbi Isaiah Horowitz (1565-1630) :

« Nous trouvons dans le Midrash haNeelam du Zohar que là où les Gentils organisent leur calendrier selon le soleil, le peuple juif compte selon l’orbite de la lune. Lorsque Dieu dit à la lune de se diminuer, la lune ne fut apaisée que lorsqu’Israël commença à l’utiliser pour le calcul de son calendrier. Il fut également promis que les Tzedikkim porteraient son nom… Un temps viendra où la lumière de la lune sera aussi brillante que celle du soleil, lorsque le Seigneur et son Nom seront UN, lorsqu’une nouvelle lumière brillera sur Zion… Le sujet de l’orbite de la lune est aussi lié aux aspects de la transmigration des âmes. L’apparition et la disparition d’une génération après une autre nous rappelle les cycles lunaires ».

Nous apportons ici un élément de découverte ou de redécouverte en analysant la célébration de deux fêtes juives : le Kiddush Levanah et le Rosh Chodesh. Dans la première nous retrouverons cette notion de Shekhinah et le rôle de la lune dans le marquage du temps juif et donc kabbaliste. Dans la seconde, nous entrerons dans des considérations astrologiques liées à la Kabbale.

Le Kiddush Levanah, prière et rite

Puisse le mois de ________ (nom du nouveau mois)

Être un mois de bénédictions:

Bénédictions de bonté,

Bénédictions de joie,

De paix et de gentillesse,

D’amitié et d’amour,

De créativité et de force,

De sérénité,

De travail accompli

Et de dignité,

De satisfaction, de succès,

Et de confort,

De santé physique

Et de radiance.

Puissent la vérité et la justice

guider nos actes

et la compassion

tempérer nos vies

que nous puissions fleurir

avec l’âge

et devenir

plus doux

Que cela soit

(Prière, extraits).

Kiddush Levanah traduit en français signifie « sanctification de la lune ». Cette prière doit être récitée au moins trois jours après le molad, mem vav lamed daleth, ou nouvelle lune – le molad est l’instant précis où la lune se renouvelle et réapparaît, un samedi de préférence et quelques jours après la cérémonie du Rosh Khodesh. Mais on conseille de ne le faire que jusqu’au 15ème jour qui suit la nouvelle lune. La Kabbale enseigne que l’on ne peut la réciter après les 7 jours qui précèdent la nouvelle lune. Le Kiddush Levanah doit être récité, si possible, en plein air (la lune doit être visible) et dans la joie. Avec joie, car cette prière chante le renouveau d’un mariage comme on peut l’entendre dans un de ses versets : « La voix de mon bien aimé. Le voici, sautant au-dessus des montagnes, bondissant au dessus des collines » (Cant des Cant 2-9), la voix du bien aimé est Dieu et c’est la Shekhinah qui s’adresse à Lui en ces termes.

Au milieu de la prière, l’on fait un arrêt afin de dire à trois personnes présentes « shalom aleichem » et ils répondent «aleichem shalom ». La raison de cette pratique provient du az Yashir, la Chanson de la Mer Rouge qui demande à Dieu de frapper les ennemis d’Israël. Donner la paix à trois personnes présentes signifie que les ennemis ne sont pas présents lors de la récitation de cette prière.

Après le Kiddush Levanah il est de coutume que les participants se réunissent au sein d’un cercle afin de danser (une allusion au cercle des douze constellations du zodiaque).

Pourquoi dire le Kiddush Levanah ? La première raison est fournie par Rabbi Yochanan dans la Gemara. Selon lui, celui qui bénit la Lune, bénit aussi la Shekhinah, la Présence Divine. Et donc, bénir une des manifestations de l’oeuvre de Dieu est un moyen de bénir Dieu lui-même (Sanhedrin 42a). La seconde raison est fournie par l’histoire du peuple juif, sa montée, son déclin, sa disparition et son retour, comme les phases de la lune. De plus, selon certains, le Kiddush Levanah accélérerait la venue du Messie. De plus, on associe la lune avec le renouveau d’Israël, car les juifs « calculent leur calendrier selon la lune et ressemblent à la lune » (Cant. Des Cant. Rabbah 6- 4).

Cette prière est souvent récitée après le Yom Kippur (le Grand Pardon).

Il est important de noter que ce rituel, cette prière n’est pas un culte à la lune c’est pourquoi elle se termine sur le mot « aleinu » juste après les mots « ein od » ce qui veut dire qu’il n’y en a point d’autre que Dieu.

Rosh Chodesh et astrologie

Rosh Chodesh signifie la « tête du renouveau » et marque le nouveau mois de l’année juive.

Durant une période de 354 jours, la lune croît et décroît 12 fois. Ces douze cycles lunaires sont les douze signes du zodiaque (approximativement puisque l’année lunaire et l’année solaire diffèrent d’une dizaine de jours).

Selon la Kabbale, les influences astrologiques de chaque mois lunaire dépendent du changement de position des étoiles et des planètes, mais la source de toutes ces influences réside en IHVH seul.

En effet, les quatre lettres du Tétragramme ont douze permutations possibles. Pour plus de détails, nous reportons le lecteur au Sepher Yetsirah. C’est au travers de ces permutations que Dieu créé le Temps : « Le Temps qu’ils ont un changement » : C’est pourquoi la racine de l’expression kabbalistique pour le temps, Shanah est changement.

Les douze permutations de IHVH renvoient à des types d’influences différentes au travers des anges, des étoiles et des planètes qui constituent le système divin de la Providence. Chaque permutation gouverne un des douze mois de l’année. Les qualités particulières correspondant aux signes du zodiaque sont une expression du pouvoir de la permutation qui gouverne. Ainsi, ce n’est pas le signe astrologique qui gouverne, mais IHVH.

Le renouvellement de la phase de la lune est un signe. Il signifie qu’une nouvelle permutation prend le relais de la permutation gouvernant le mois précédant. Le Rosh Chodesh marque la nouvelle lune et le « changement des gardiens » célestes, c’est un « moed », un rendez-vous entre Dieu et ses enfants.

Nous en profitons pour faire ici une parenthèse concernant l’astrologie. L’astrologie est une étude permise dans la mesure où elle permet de connaître et de reconnaître Dieu. Nombreux furent les rabbis qui traitèrent de l’influence des astres : Saadia Gaon, Chemouel Hanaguid, Rambam (Maïmonide), Ibn Gabriol et son Kether Malkhut qui analyse les influences des astres sur les hommes.

Le Arizal explique : « Faisons l’homme à notre image ». À qui Dieu s’adresse-t-il ? Aux étoiles, car déjà dans le ventre de sa mère, l’enfant est influencé par l’influx des étoiles. Selon Rambam, Dieu a fait les astres pour en faire des intermédiaires et des gouverneurs afin de régir les créatures et non pour en être adorés.

La pratique strictement interdite par la Loi, c’est l’Avoda Zara, qui est le moyen de tirer avantage des planètes. Cette pratique est censée mener les hommes à l’idolâtrie et au paganisme qui sont des voies éloignant de la réintégration.

La lune est souvent associée au nombre 28, puisque le cycle lunaire comprend 28 jours. Ce nombre 28 fait, kabbalistiquement référence aux 28 phalanges de la main supportant les 10 doigts de la main. Il y a ici un parallèle dans le développement du Tétragramme en 28 lettres. Puisque la lune accomplit son parcours zodiacal en 28 jours, la Kabbale attribue 28 stations, réparties inégalement sur les 12 parties du Zodiaque à partir de l’équinoxe de printemps. Ces 28 stations lunaires sont dénommées « les 28 camps de la Présence Divine » (Shekhinah) en rapport avec les 28 temps de l’Ecclésiaste. L’année solaire est divisée selon ces 28 stations en parties de 13 jours 61 minutes et 25 secondes. Il sort du cadre du présent travail de décrire plus avant cette astrologie lunaire. Notons toutefois le parallèle entre les 28 stations de la lune et les 28 temps de l’Ecclésiaste.

1 Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux :

2 un temps pour naître, et un temps pour mourir; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a étéplanté ;

3 un temps pour tuer, et un temps pour guérir; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir ;

4 un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser ;

5 un temps pour lancer des pierres, et un temps pour ramasser des pierres ; un temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements ;

6 un temps pour chercher, et un temps pour perdre; un temps pour garder, et un temps pour jeter ;

7 un temps pour déchirer, et un temps pour coudre; un temps pour se taire, et un temps pour parler ;

8 un temps pour aimer, et un temps pour haïr; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.

Ecclésiaste chapitre III :

Temps en hébreu se dit « éth », ayin tav, et a une valeur de 470 qui est la numération de « ésheq », ayin shin qof, opposition. Il y a 14 temps positifs, reliés à la main droite et 14 temps négatifs reliés à la main gauche. Nous entrons ici dans le domaine des Mains de Gloire du Grand Architecte, Dieu, qui gouverne les astres. La main droite représente également la lune croissance alors que la main gauche représente la lune décroissante.

Comme nous pouvons le voir, le Kabbaliste base son astrologie sur la Bible et quasi uniquement sur elle.

La Lune et Lilith

Nous reportons le lecteur à notre précédente étude sur Lilith pour les données générales. Ici, nous contenterons-nous de donner à lire des textes, parfois difficile d’accès, montrant les liens entre Lilith et la Lune.

Zohar Bereishit, page 169b :

« Maintenant, au quatrième jour les luminaires furent créés, mais la Lune fut créée sans lumière puisqu’elle s’est elle-même diminuée. C’est impliqué dans la phrase ‘Qu’il y ait des luminaires’, là où le terme meorot est écrit sans la lettre Vav, comme le mot malédiction me’erot ; suite à la diminution de la Lune, l’occasion a été accordée à tous les esprits et démons et ouragans et maux d’exercer leur empire, et ainsi tous les esprits impurs s’élevèrent et traversèrent le monde en cherchant qui séduire; ils hantent les lieux en ruines, les forêts épaisses et les déserts. Ils sont tous du côté des esprits impurs, qui, comme il a été dit, est issu serpent tortueux, qui est, en vérité, le véritable esprit impur, et dont la mission est de séduire les hommes… Rabbi Yose dit : ‘Malin, ici se réfère à Lilith et le fléau aux autres démons, comme il a été dit ailleurs’. Rabbi Eliezer dit : ‘Il est enseigné qu’un homme ne doit pas sortir seul pendant la nuit, et tout particulièrement au moment de la nouvelle lune et sans lumière. Car à ce moment l’esprit impur, qui est le même que l’esprit du malin, est lâché’ ».

Lilith est ici identifiée au démon produit par la diminution de la lumière de la lune. Ce qui nous prouve que la lune n’est pas maléfique par elle-même. La relation entre nouvelle lune et l’action maléfique de Lilith peut également nous renvoyer à certaines formes de sorcellerie…

Zohar Vayikra, page 77a :

« Parfois, il arrive que Naamah ait des relations avec des hommes et un homme est lié à elle dans les désirs de ses rêves, et lorsqu’il se réveille soudain et étreint sa femme, son esprit est toujours plein des désirs de ses rêves. Dans ce cas, le fils né de cette étreinte est du côté de Naamah, et quand Lilith vient et le regarde, elle sait ce qui s’est passé et l’amène comme les autres enfants de Naamah, et il est souvent à ses côtés et elle ne le tue point. C’est l’homme qui reçoit une tache à chaque nouvelle lune. Car Lilith ne le laisse jamais en paix, mais à chaque nouvelle lune elle vient visiter tous ceux qu’elle a emmenés et elle joue avec eux ; c’est à ce moment que l’homme reçoit la tache ».

Zohar Bereishit, pages 19b–20a (circa 1300) :

« Dieu dit ‘Qu’il y ait des luminaires’ (Genèse 1-14). Le mot pour lumières (meorot) est mal orthographié et se lit « malédictions » (me’erot) pour la raison qu’au travers d’elles les maladies des enfants furent créées. Car après que la Lumière primordiale fut retirée, une « membrane pour la moelle », une klifah, fut créée, et cette klifah s’étendit et en produisit une autre. Aussitôt que cette seconde arriva, elle monta jusqu’à atteindre les « Petits Visages » (Cherubim qui résident dans les Cieux). Elle désirait se joindre à eux et être à leur ressemblance et répugnait à les quitter. Mais, le Saint béni soit-Il, la retira d’eux et la fit descendre. Lorsqu’Il créa Adam et lui donna une compagne, aussitôt qu’elle vit Eve accroché à ses côtés, elle se rappela par sa forme à lui de sa beauté supernelle, elle s’envola de là et essaya à nouveau de s’attacher aux « Petits Visages ». Les gardiens supernels des portes, cependant, ne le lui permirent pas. Le Saint béni soit-Il la chassa et la jeta dans les profondeurs de l’océan, où elle fut liée jusqu’aux temps où Adam et sa femme échèrent. Alors, le Saint béni soit-Il la ramena des profondeurs de la mer et lui donna le pouvoir sur tous ces enfants, les « Petits Visages » des fils des hommes, qui sont punissables pour les péchés de leurs pères. Elle parcourut le monde. Elle s’approcha des portes du paradis terrestre où elle vit les Cherubim, les gardiens des portes du Paradis, et elle s’assit à côté de l’Epée Flamboyante, à laquelle elle était apparentée à l’origine. Lorsqu’elle vit l’Epée Flamboyante se tourner, elle s’enfuit et parcourut le monde à la recherche d’enfants à punir, elle les maltraita et les tua. Tout ceci est en relation avec la diminution de la lumière de la lune. Lorsque Caïn naquit, cette klifah essaya de s’attacher à lui pendant un certain temps, mais sans succès, mais de loin elle eut des relations avec lui et porta les esprits et les démons…

Lorsque la Lune fut restaurée, les lettres de meoroth (luminaires) furent inversées pour former le mot imrat (mot), comme il est écrit, « le mot du Seigneur est pur, Il est un bouclier pour ceux qui cherchent refuge en Lui » (Psaumes 18:31). Cela signifie qu’il est un bouclier contre les esprits malins et les démons qui hantent le monde lorsque la lune décroît ».

Il est à noter l’identification entre l’Epée Flamboyante et Lilith, tout en sachant que la Shekhinah aussi est identifiée à l’Epée Flamboyante par certains textes kabbalistiques.

Nous en avons terminé avec la Lune. Mais il apparaît bien que la lune est double en ses cycles, par son identification à la lettre Beth, 2, par sa Face Cachée… Double, à la fois Shekhinah et Lilith, demeure de Gabriel et du Serpent. Lieu de cohabitation des énergies de la Création, lieu d’union aussi, peut-être. Gouvernant la nuit des hommes, leurs rêves, elle est donc Océan Sombre de la psyché, océan où se mêlent les énergies pures de toute subjectivité, océan qui meut les eaux d’en bas en sa course autour de la terre.

Comme le Zohar nous l’enseigne, elle gouverne, comme la Shekhinah, ceux qui sont sur cette terre, elle les guide lorsque sa face est pleine et les égare en sa dissimulation. Il est d’ailleurs agréable de penser que c’est son absence qui est égarement… Dans ses cycles, la lune nous montre le mouvement de la roue des existences, de la mort qui n’est jamais définitive…

En son aspect de Shekhinah elle nous rappelle où nos yeux doivent se porter la nuit…

Plus sur le sujet :

La Lune au sein du Judaïsme et de la Kabbale, Spartakus FreeMann, zénith de Libertalia, septembre 2003 e.v.

Image by Cairomoon on Pixabay

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