Bref Exposé de la Doctrine Gnostique par Sophia Esclarmonde.
Un texte de la Sophia S. J. Esclarmonde, paru en 1913, et qui vaut par certaines lumiĂšres quâil projette sur la doctrine et le credo gnostique.
Notions Préliminaires
II importe tout dâabord de bien Ă©tablir la valeur de ces deux termes : « La Gnose » « Les Gnostiques » quâon emploie trop souvent fort indiffĂ©remment et qui ont pourtant chacun une signification toute spĂ©ciale.
La Gnose (gnosis), connaissance ou science primordiale, câest lâintelligence des choses divines, câest lâenseignement reçu aux premiers Ăąges du monde alors que lâHumanitĂ© terrestre Ă©tait encore toute imprĂ©gnĂ©e de la LumiĂšre crĂ©atrice ; câest ce que la tradition a pieusement transmis et jalousement dĂ©fendu dans les livres sacrĂ©s des Indes et de la Chine, dans le mystĂšre des initiations de lâantiquitĂ©, au fond des monastĂšres du Thibet, de lâĂgypte, de la ChaldĂ©e et de la GrĂšce (Eleusis)…
Câest « la Voix, la libertĂ©, la Vie » dont lâenseignement Ă©sotĂ©rique de tous les Christs a Ă©tĂ© le Verbe ; câest Elle que les Sages ont cherchĂ©e et pressentie ; câest sur Elle que tous les systĂšmes philosophiques ou religieux ont prĂ©tendu sâappuyer, dont ils ont en effet reflĂ©tĂ© çà et lĂ quelques rayons de pure lumiĂšre, mais quâils ont tous plus ou moins dĂ©formĂ©e et obscurcie par ce quâils nâont pu sâempĂȘcher dây mettre de leurs conceptions individuelles et de leurs propres contingences. DĂ©pouillez tous ces systĂšmes de ces « relativitĂ©s » et vous y dĂ©couvrirez – comme lâamande prĂ©cieuse au cĆur du noyau fruste – la VĂ©ritĂ© Ă©ternelle, la Gnose inaltĂ©rĂ©e, inaltĂ©rable, prĂ©sidant Ă la marche Ă©volutive de lâĂąme humaine. On peut dire de la Gnose quâelle est la subconscience de lâhomme qui lâaccompagne Ă travers les Ăąges sans jamais sâappuyer sur dâautres lois que la Raison, sans en appeler Ă dâautres tĂ©moignages quâĂ ceux de lâauguste Tradition, et sans avoir besoin de sâentourer dâaucun prestige surnaturel pour affirmer son incontestable autoritĂ©.
La Gnose se rĂ©clamait dĂ©jĂ dâune haute antiquitĂ© au temps [1] parĂ»t le plus ancien livre du monde, le Yiking, dictĂ© par Fohi, le Mage-Empereur, 57 siĂšcles avant lâĂšre chrĂ©tienne.
Lao-Tseu en tira un corps de doctrine, et Confucius un systĂšme de morale ; le Boudha [sic] y puisa ses prĂ©ceptes 600 ans avant JĂ©sus-Christ, et notre Sauveur lui-mĂȘme lâa transmise tout entiĂšre Ă ceux de ses disciples quâil jugea aptes Ă la recevoir, notamment Ă Jean lâĂvangĂ©liste. Mahomet en a imprĂ©gnĂ© le Coran dans son enseignement Ă©sotĂ©rique ; et depuis – pour ne parler que de noire Occident -, on la retrouve illuminant les tĂ©nĂšbres du Moyen-Age, jaillissant en rapides Ă©clairs des disputes thĂ©ologiques des grands rĂ©formateurs, comme des savants Ă©crits dâobscurs religieux. Elle a eu ses apĂŽtres et ses martyrs dans tous les cultes. Elle nâappartient Ă aucune Confession religieuse. Elle est la source de toutes les religions.
Ce nâest pas une religion, câest la Religion de lâHumanitĂ©.
Autre chose est ce quâon entend par le gnosticisme dont lâorigine ne remonte quâaux premiers siĂšcles de notre Ăšre.
« En ce temps-lĂ , – comme dit le Patriarche SynĂ©sius dans son Manuel PrĂ©paratoire – en dehors du vieux judaĂŻsme pharisaĂŻque qui sâacharnait Ă vivre et qui nettement rejetait le Christ-Sauveur, au-dessus du JudĂ©o-Christianisme qui, sâobstinant Ă vouloir « enfermer le vin nouveau dans les outres anciennes », rĂȘvait avec Pierre on ne sait quel concordat Ă©trange entre la Thora et lâĂvangile, il y avait place pour une religion toute de Raison et dâamour qui brisĂąt sans scrupule avec lâimplacable JĂ©hovĂŻsme et qui fĂ»t la rĂ©alisation loyale, intĂ©grale, complĂšte de la doctrine du Divin MaĂźtre ».
Cette doctrine que JĂ©sus de Nazareth prĂȘcha en JudĂ©e, en GalilĂ©e, en Samarie, et jusque sur les confins de Tyr et de Sidon, nâĂ©tait pas nouvelle, – nous venons de le dĂ©montrer – puisque ses racines plongeaient dans les profondeurs du plus lointain passĂ© ; mais la malice des hommes, le tumulte des Ă©vĂ©nements, mille causes avaient obscurci – pour la mentalitĂ© des races blanches surtout – cette trĂšs auguste Tradition, et il Ă©tait devenu nĂ©cessaire de la rĂ©nover, de la rĂ©veiller de son long sommeil, de lui infuser la vigueur et la vie en lâadaptant Ă la comprĂ©hension des peuples Ă peine sortis de lâenfance, comme Ă la caducitĂ© des civilisations dĂ©cadentes.
Telle fut la Mission de JĂ©sus, telle fut la partie Ă©sotĂ©rique de son enseignement, celle quâil donna Ă lâĂ©lite de ses disciples, celle qui, en un mot, constitue la partie transcendante de sa doctrine.
Lâautre, la partie exotĂ©rique, sâadressait Ă la foule des petits et des humbles : prĂ©ceptes de morale, appels Ă la fraternitĂ©, proclamation du rĂšgne de la CharitĂ© universelle… Tous ces prĂ©ceptes se trouvent clairement reproduits dans les Ă©pĂźtres et les Ăvangiles qui sont parvenus jusquâĂ nous presque sans altĂ©ration.
Il nâen fut pas de mĂȘme de lâenseignement Ă©sotĂ©rique dont il ne nous est possible de reconstituer les grandes lignes quâĂ travers le symbolisme de ce qui nous est restĂ© des Ă©crits des premiers « Gnostiques » : Jean, Simon, Valentin, Basilide, Carpocrate, etc., Ă©crits dont lâinterprĂ©tation diverse aggravĂ©e par la dissidence de leurs disciples, a donnĂ© naissance aux divers rameaux de lâarbre gnostique. (Voir lâArbre Gnostique par Fabre des Essarts).
Câest donc Ă partir du 11Ăšme siĂšcle de notre Ăšre que date lâexistence rĂ©elle de lâhĂ©rĂ©sie gnostique se sĂ©parant rĂ©solument des chrĂ©tiens orthodoxes pour fonder un culte exotĂ©rique dissident, sur des donnĂ©es purement Ă©sotĂ©riques.
Or, ce qui Ă©tait inĂ©vitable dans ce domaine contingent qui est le leur, arriva bientĂŽt : la division sâaccentua tant sur la forme que sur le fond mĂȘme de lâenseignement, sans nĂ©anmoins en perdre de vue les dogmes les plus Ă©levĂ©s.
Ces dogmes se retrouvent dans tous les mouvements religieux qui suivirent en vue de secouer le joug de lâĂglise Romaine.
La doctrine secrĂšte des Templiers, celle des Vaudois et des Cathares, les Albigeois et les Hussistes, Abeilard et les doux philosophes de Port-Royal, tous sont de fait, sinon de nom, des Gnostiques ; et, lorsquâen 1889 Jules Doinel, notre vĂ©nĂ©rĂ© rĂ©novateur, cĂ©dant Ă lâappel dâEn-Haut, reconstitua lâĂglise Gnostique sur les bases actuelles, il ne fit que renouer avec nos grands ancĂȘtres la chaĂźne non brisĂ©e de convictions et dâespĂ©rances communes.
Que celui qui ignore tout du « Gnosticisme » se garde bien de sâenquĂ©rir sans un guide sĂ»r, auprĂšs des PĂšres de lâĂglise. Sciemment ou non, ceux-ci ont le plus souvent faussĂ© la doctrine quâils combattaient, et volontiers fait passer pour des articles de cette doctrine ce qui nâest quâemblĂšme ou allĂ©gorie.
On devra apporter la mĂȘme circonspection dans la lecture des Ă©crits consacrĂ©s Ă ce sujet par les savants contemporains. Ces Ă©crits se bornent trop souvent Ă reproduire sans examen (soyons courtois mĂȘme pour ceux qui ne le sont pas) les fantaisies, les erreurs, ou les calomnies des PĂšres de lâĂglise.
Credo Gnostique
1. Je crois que tout procĂšde d’un Principe Universel, ineffable, sans limite et sans forme, Un dans son essence, et triple dans ses manifestations: PĂšre, Fils, Esprit.
2. Je crois que ce Principe est le suprĂȘme PropĂątor, et que la PensĂ©e, indissolublement unie a lui-mĂȘme, a engendrĂ© la hiĂ©rarchie des Saints Ăons qui sont ses attributs, par lesquels II se manifeste, et qui, Ă©manĂ©s de Lui, lui sont consubstantiels.
3. Je crois que le DĂ©miurge est le principe de la division et de l’Ă©goĂŻsme, qu’il a produit toutes les relativitĂ©s, et qu’ainsi il est le crĂ©ateur de toute forme et de toute existence individuelle; mais que le principe supĂ©rieur qui est en lui et par lequel il se rattache Ă l’esprit Universel, procĂšde directement du PropĂątor.
4. Je crois que l’Eon Christos, uni Ă l’Esprit-Saint, se manifeste Ă nous par les « Sauveurs », et que le Sauveur de notre Ăąge terrestre est JĂ©sus Ă qui ils ont inspirĂ© l’Ăvangile Ăternel.
5. Je crois que la mission de ces Sauveurs a pour but de prĂ©parer en nous l’avĂšnement du Paraclet qui est le Saint-Esprit et qui se manifeste Ă nous comme la Vierge de LumiĂšre.
6. Je crois que tous les ĂȘtres rentreront finalement dans le sein du PlĂ©rĂŽme, oĂč rĂšgnent l’Harmonie, la Justice et la GrĂące dans tous les Ăons
AĂŽm! â ».
Obs.: Ce Credo est le credo des premiers grades, le credo extĂ©rieur si l’on peut s’exprimer ainsi. Le credo intĂ©rieur, celui des hauts grades ne peut se commenter.
Commentaire du Credo (Art. 1-2)
Le Principe Universel
Pour donner une idĂ©e sensible de l’Ătre divin, sans courir le risque de le dĂ©figurer, il faudrait s’en tenir au graphique des Jaunes inventĂ© par Fohi. Mais cela ne satisfait pas notre entendement occidental.
Voici ce que dit Ă ce sujet Mme Anna Kingsford dans son beau livre La voie parfaite, page 48: « AntĂ©rieurement Ă toute existence, la substance (le Principe) rĂ©gnait seule, non diffĂ©renciĂ©e. L’Ătre pur emplissait l’immensitĂ©. – Or, ce qui existe avant le commencement des choses est nĂ©cessairement la potentialitĂ© des choses et est forcĂ©ment homogĂšne, c’est-Ă -dire Un ».
Ce que madame Kingsford aurait pu ajouter, car ce point de dĂ©part, quelque difficile qu’il apparaisse, est le seul vrai, c’est que l’Etre-non-ĂȘtre (car cette dualitĂ© seule nous permet d’exprimer le grand arcane de l’Univers) est reprĂ©sentĂ© par le zĂ©ro et non par le Un. Le Un est le zĂ©ro manifestĂ©, DEJA manifestĂ©. Notre entendement ne peut comprendre Un que par son rapport avec deux; donc poser Un, c’est admettre la sĂ©rie des nombres.
L’Univers est l’existence, c’est-Ă -dire Dieu manifestĂ© ou mieux l’Etre, le Un.
Antérieurement à cet Univers, Dieu subsistait non-manifesté, représenté par le zéro.
[Voici la sĂ©rie: L’Ătre-non-Ătre; ZĂ©ro,
L’Ătre-manifestĂ©: Un (c’est Dieu dans l’esprit humain)
La Volonté créatrice: Deux.
L’acte de la CrĂ©ation: Trois.
L’Univers des choses créées : Quatre.
Cette vérité de série est Taoïste, fohiste, moïsiaque, gnostique et rosicrucienne.]
Il n’y avait ni mouvement, ni obscuritĂ©, ni espace, ni matiĂšre, ni en gĂ©nĂ©ral aucune des conditions particularisĂ©es de l’existence dans l’un quelconque de ses degrĂ©s ou Ă©tats en multiplicitĂ© indĂ©finie. Il n’y avait que Dieu le non créé, le Soi subsistant qui Ă©tait comme une lumiĂšre invisible.
En effet, Dieu (le Principe Universel selon Claude de Saint-Martin) c’est l’Ătre absolu qui demeure et qui n’est cependant soumis ni Ă l’espace, ni au temps puisqu’il les renferme ainsi que toutes les possibilitĂ©s d’existence. C’est lâĂtre-non-Etre et puissance d’ĂȘtre, ce qui est le grand ternaire mĂ©taphysique; 1° Puissance d’ĂȘtre en tant que renfermant toutes les possibilitĂ©s; 2° Non-ĂȘtre en tant que ne les rĂ©alisant pas; 3° Ătre en tant que les rĂ©alisant. Mais il n’est pas seulement cela; il est aussi le Ternaire dĂ©nommĂ©: VolontĂ©, Intelligence, Amour ou PĂšre, Fils, Esprit; et voici comment, dans notre doctrine, nous entendons ces trois Ternaires qui en rĂ©alitĂ© n’en font qu’un Ă©tant considĂ©rĂ©s successivement sur trois plans selon les diffĂ©rents aspects de la divinitĂ©.
Le Non-ĂȘtre que nos enseignements dĂ©clarent (par insuffisance d’une expression plus juste) supĂ©rieur Ă l’Ătre est en fait le ZĂ©ro, l’AbĂźme insondable, le grand Ineffable.
L’Etre, lâUn, c’est, dit MatgioĂŻ (Voie MĂ©taphysique), La Perfection.
On compte deux Perfections: la Perfection active et la Perfection passive. Kien et Kouen des mages d’ExtrĂȘme-Orient.
La premiĂšre, active, est gĂ©nĂ©ratrice et rĂ©servoir potentiel de toute activitĂ©; mais elle n’agit point. Elle est et demeure en soi, sans manifestation possible. Elle est donc inintelligible Ă l’homme en l’Ă©tat prĂ©sent du composĂ© humain.
Lorsque cette Perfection s’est manifestĂ©e, elle a, sans cesser d’ĂȘtre elle-mĂȘme, subi la modification qui la rend intelligible Ă l’esprit humain, et elle se dĂ©nomme alors la Perfection passive, (Kouen).
Ici, comme partout ailleurs, le grand Principe est lâUn, et c’est Lui, sous son aspect manifestĂ© et reflĂ©tĂ© dans la conscience humaine, que le Sage propose Ă notre contemplation et Ă notre Ă©tude (MatgioĂŻ, Voie MĂ©taphysique).
La VolontĂ© d’ĂȘtre de cet Un se manifeste extĂ©rieurement par l’Ă©manation, et, de mĂȘme que la lumiĂšre blanche, rencontrant un prisme, dĂ©termine des faisceaux de couleurs diverses, l’Ă©manation Ă©mise par lâUn dans le KĂ©nĂŽme ou Vide dĂ©termine des crĂ©ations sensibles de valeurs diffĂ©rentes, ou plutĂŽt d’aspects diffĂ©rents, car la valeur – peut-on dire intrinsĂšque ? – reste la mĂȘme.
Le gnosticisme n’impose point Ă ses fidĂšles la croyance en un inacceptable tri-thĂ©isme. Il ne leur annonce pas non plus un Dieu en trois personnes distinctes, tri-unes, Ă©gales en puissance, et pourtant hiĂ©rarchisĂ©es par la procession.
Non! Il s’agit simplement, comme nous le disons plus haut, de trois aspects de la divinitĂ©, de trois hypostases, distincts sans doute, mais insĂ©parables; de trois personnes si l’on veut, mais en attachant au mot personne son vrai sens Ă©tymologique, c’est-Ă -dire rĂŽle, jonction, attribut.
Le Démiurge ou la Création (Art. 3-4)
Nous avons vu au chapitre prĂ©cĂ©dent que le gnostique croit en un seul Dieu Ăternel.
Ce Dieu Ă©tant la Perfection mĂȘme, rien d’imparfait ne peut Ă©maner de lui. D’oĂč il suit logiquement que l’Univers, le Cosmos, le monde matĂ©riel et formel avec les humanitĂ©s physiques, s’ils sont imparfaits (et dans la mesure oĂč il les sont) ne peuvent pas ĂȘtre Son Ćuvre.
Nous enseignons que la CrĂ©ation, chose sublime mais limitĂ©e, amalgame prodigieux de lumiĂšre et de tĂ©nĂšbres, de bien et de mal, comme de tout ce qui est relatif, n’a pas eu pour crĂ©ateur l’Etre SuprĂȘme, mais est le rĂ©sultat des forces actives de la matiĂšre et des autres possibilitĂ©s analogues, destinĂ© Ă pĂ©rir avec elles – quand elles seront devenues inutiles – ou Ă se transformer encore aprĂšs la RĂ©intĂ©gration finale.
« Le DĂ©miurge » des vieux gnostiques n’est pas l’effort de ces forces crĂ©atrices, comme d’aucuns l’ont cru; c’est au contraire le symbole de la Limite qui doit disparaĂźtre en mĂȘme temps qu’elle. Le dĂ©miurge se suicide par et dans la RĂ©intĂ©gration.
On appelle aussi le DĂ©miurge: Prince de ce monde, Limite ou grande Illusion; il n’est pas le courant des formes, car celui-ci est bĂ©nĂ©fique : c’est la voie, en ce qu’elle a d’humain; mais il est la source des formes dans lesquelles les ĂȘtres s’Ă©coulent et dont l’HumanitĂ©, avant sa naissance et aussi aprĂšs sa mort terrestre – est une des formes, comme l’humanitĂ© terrestre est une des modifications de cette forme.
La Perfection est bien la gĂ©nĂ©ratrice de ce courant formel – c’est son aspect passif – et l’humanitĂ© qui en Ă©mane, sortie de l’Infini, doit y rentrer (sans cependant qu’elle en soit jamais sortie au sens propre du mot) comme y rentreront toutes les formes visibles et invisibles de l’Univers, toutes divines dans leur essence, et ne se distinguant de leur Principe que par la nature et la qualitĂ© qui, par succession des modifications, prĂ©cisent la forme, c’est-Ă -dire la limite rendue sensible.
Entre Dieu et nous, il y a la Limite, et il n’y a pas autre chose que la Limite, puisque, si elle est supprimĂ©e, toute crĂ©ation disparaĂźt, il ne demeure que l’UnitĂ© Universelle.
Dans la marche Ă©volutive de l’Univers, – de tous les ĂȘtres – de l’homme collectif qui en est une forme et de l’humanitĂ© terrestre qui est une forme de l’Homme collectif. – c’est le libre arbitre de l’espĂšce qui, de cet homme collectif, fait des individus – dans cette marche Ă©volutive, l’Univers tend Ă remonter le courant formel, Ă se dĂ©gager de la Limite, Ă libĂ©rer le « Rayon divin » qui l’a gĂ©nĂ©rĂ© et qui y reste emprisonnĂ© Ă tous le degrĂ©s.
Le passage des ĂȘtres Ă travers les modifications de l’Univers est donc une ascension rĂ©guliĂšre continue, harmonique et bienfaisante, Ă laquelle La Perfection dont nous sommes, nous, d’infinitĂ©simales parcelles et les Ă©manations continues, ne pourrait pas faire que nous ne participions pas sans cesser elle-mĂȘme d’ĂȘtre la Perfection.
Pour l’homme individuel terrestre, la loi des renaissances – admise par presque tous les systĂšmes religieux et philosophiques -, cette loi, si rĂ©elle et si logique avec toutes les consĂ©quences heureuses qui en dĂ©coulent pour nous tant au point de vue de notre fin, qu’au point de vue de notre personnalitĂ©, n’est que l’effort continu de la personnalitĂ©, dĂ©gagĂ©e de l’individu, dans le mouvement ascensionnel gĂ©nĂ©ral et libĂ©rateur qui l’emporte. L’individu s’agite sur le plan formel : la personnalitĂ©, poussĂ©e par le mouvement de la Voie, gravit une spirale ascensionnelle, dont chaque point est dĂ©terminatif d’un plan d’existence individuelle pouvant se modifier indĂ©finiment.
Mais ce qu’il est important de bien prĂ©ciser ici, c’est que la loi des « renaissances » n’a rien de commun avec la forme rĂ©incarnationniste que nous n’admettons point, en vertu de cette mĂȘme Loi d’Ă©volution et d’harmonie qui s’oppose au passage rĂ©pĂ©tĂ© ou renouvelĂ© de l’individu sur un mĂȘme plan.
Un dernier mot sur le « DĂ©miurge » : on peut dire que c’est encore l’effort involutif par lequel la matiĂšre s’oppose Ă l’effort ascensionnel du « Rayon cĂ©leste ».
Quelques mots sur les trois « Adams » sont ici nécessaires.
1° L’Adam-Kadmon, c’est-Ă -dire l’HumanitĂ© ou Homme Collectif, Ă©manĂ© directement de la PensĂ©e de Dieu, « fait Ă son image et Ă sa ressemblance », n’existant qu’Ă l’Ă©tat abstrait, et qui ne se rĂ©alisera en mode positif que lorsque tous les ĂȘtres humains parcellaires seront enfin rĂ©unis dans un tout unique.
2° LâAdam-PlanĂ©taire ou astral reprĂ©sentant la somme des individus Ă©voluĂ©s sur une planĂšte dĂ©terminĂ©e.
3° LâAdam-humain ou terrestre, lequel n’est autre que la premiĂšre manifestation limitĂ©e, c’est-Ă -dire individualisĂ©e de l’Adam-Kadmon sur notre planĂšte.
Car c’est une erreur profonde de croire que « la vie » telle que les humains l’entendent (ce mot pris dans un sens tout Ă fait gĂ©nĂ©ral) se concentre toute entiĂšre sur notre globe terrestre.
Non seulement toutes les planĂštes de notre systĂšme solaire, mais celles de tous les autres systĂšmes visibles ou invisibles (et peut ĂȘtre mĂȘme la sphĂšre interne des Ă©toiles et des soleils) possĂšdent des ĂȘtres analogues Ă nous par les cĂŽtĂ©s essentiels et divins, diffĂ©rents par les conditions de milieu, c’est-Ă -dire par l’enveloppe matĂ©rielle, par tout le reste des attributs, et mĂȘme par la « vie », mais n’Ă©tant pas moins appelĂ©s comme nous Ă rentrer un jour dans la constitution dĂ©finitive de l’Adam-Kadmon.
D’oĂč il suit que ce qu’on appelle « Mort » n’existe pas ; la mort n’est que le passage d’une modification dans une autre, une renaissance, la libĂ©ration de parties Ă©trangĂšres Ă notre « Soi », un pas de plus fait vers le but commun de toute existence.
Rédemption (Art. 5-6-7)
L’enseignement gnostique professe que c’est la PensĂ©e de Dieu, l’Esprit-Saint, qui, Ă des Ă©poques dĂ©terminĂ©es, a suscitĂ© les ProphĂštes, les PrĂ©curseurs, les MĂ©diateurs, les RĂ©dempteurs, les Messies… dont l’humanitĂ© terrestre, de plus en plus enlisĂ©e dans la matiĂšre, avait besoin pour se relever et se maintenir en relation avec son Principe.
C’est ce que notre MaĂźtre, Claude de Saint-Martin, appelle les « agents » ou « grands instructeurs ».
– JĂ©sus de Nazareth a Ă©tĂ© la derniĂšre manifestation de cette PensĂ©e divine dans notre monde occidental – comme plus tard Mahomet devait l’ĂȘtre pour l’Orient.
PensĂ©e divine, Esprit-Saint, Vierge de lumiĂšre ! c’est d’Elle qu’il a reçu sa mission. C’est Elle qui a revĂȘtu son verbe de chair dans le corps immaculĂ© de la Vierge de Nazareth; c’est Elle qui a quittĂ© cette enveloppe matĂ©rielle au jardin de GethsĂ©mani quand, son Ćuvre terrestre achevĂ©e, JĂ©sus-Christ s’est Ă©criĂ© : « Mon PĂšre! mon PĂšre ! pourquoi m’avez-vous abandonnĂ© ? ». – Car l’humanitĂ© seule du Sauveur a Ă©tĂ© crucifiĂ©e sur le Golgotha ; sa personne divine l’avait dĂ©jĂ quittĂ©, et ce n’est plus que sous une forme illusoire, c’est-Ă -dire sans autre rĂ©alitĂ© que celle en rapport avec les besoins de la manifestation, qu’il continua Ă s’entretenir avec ses apĂŽtres et quelques disciples pour leur donner son enseignement Ă©sotĂ©rique.
Résumé
En dehors de ces grandes lignes que nous venons rapidement d’esquisser, l’Ăglise Gnostique n’impose aucun dogme et ne se met non plus en contradiction avec aucun puisqu’elle ne se place pas au mĂȘme point de vue que les religions exotĂ©riques avec lesquelles elle ne peut consĂ©quemment pas entrer en lutte ni en concurrence.
Elle n’admet pas plus le pĂ©chĂ© originel que la damnation Ă©ternelle ou la rĂ©surrection de la chair; mais elle professe avec la doctrine Hindoue, que tous les ĂȘtres seront sauvĂ©s, c’est-Ă -dire rĂ©intĂ©grĂ©s, au moment oĂč l’Univers disparaĂźtra dans la « Nuit de Brahma »; car il est inadmissible qu’un seul de ces rayons divins rĂ©partis dans la crĂ©ation ne remonte pas vers son Principe.
â C’est dire que nous croyons Ă l’ĂternitĂ© de l’Esprit qui est en nous, Ă sa conscience et omni-conscience ; au travers de ses modifications formelles et autres dont il bĂ©nĂ©ficie.
â L’Ăglise Gnostique confĂšre le triple baptĂȘme, le Sacrement de Purification â sans imposer la confession auriculaire, ni le jeĂ»ne, ni les macĂ©rations.
â Elle distribue la Sainte Eucharistie sous les deux espĂšces, en reprĂ©sentation du corps et du sang mystiques de N. S. JĂ©sus-Christ.
L’Ăglise gnostique admet, avec toute l’antiquitĂ©, les droits de la femme aux fonctions sacerdotales; elle n’impose pas le cĂ©libat Ă ses prĂȘtres, tout en considĂ©rant la continence comme un Ă©tat supĂ©rieur et le plus puissant moyen d’ascĂšse.
Sa morale est éminemment saine et pure.
Sa liturgie est comme sa morale ; les principaux Ă©lĂ©ments en sont les mĂȘmes que ceux des Ăglises chrĂ©tiennes dont elle redit – tantĂŽt en grec, tantĂŽt en latin ou en français – les plus sublimes invocations, et dont elle reproduit les hauts symboles ou les rites thĂ©urgiques sacrĂ©s, aujourd’hui dĂ©laissĂ©s ou incompris par ceux-lĂ mĂȘmes qui en avaient Ă©tĂ© constituĂ©s les gardiens.
Elle a les mĂȘmes glorieux mystĂšres, dont elle a su, en se prosternant, soulever un coin de voile.
Elle s’adresse, non pas Ă une croyance aveugle, mais Ă la Foi Ă©clairĂ©e par la Raison et pose en principe que tout peut s’expliquer naturellement Ă la lueur de ce flambeau.
Envers Dieu, elle n’impose que le dĂ©sir de le connaĂźtre et un Ă©lan d’amour,
Envers nos frĂšres – y compris ces « frĂšres infĂ©rieurs » dans tous les rĂšgnes de la crĂ©ation – elle prĂȘche la CharitĂ© qui, envisagĂ©e dans l’universalitĂ©, est identique Ă l’amour divin.
Plus sur le sujet :
Bref Exposé de la Doctrine Gnostique, Sophia Esclarmonde, S. I., Paris, 26 février 1913.
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