Le symbolisme du serpent

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Le symbolisme du serpent, par Anne Osmont.

Le langage des formes

A tous ceux qui s’occupent des recherches psychiques, une même question est toujours posée, tantôt sérieusement, tantôt d’un air narquois et que l’on veut rendre spirituel : « Ne croyez-vous point au Diable ? N’avez-vous pas peur du Diable ? Que pensez-vous donc faire de l’antique Serpent ? » La réponse de ceux qui savent est toujours la même : « Je crois au Diable ; je n’ai pas peur du Diable. Je compte dominer l’antique Serpent, afin de n’être pas dominé par lui ». Pour pénétrer complètement le sens de cette demande et de cette réponse, définissons d’abord ce qu’est ce Serpent que toutes les religions mettent au début de l’évolution humaine, comme « le plus subtil et le plus rusé des animaux ». Le Serpent, par sa souplesse, signifie une force fluide et adaptable, susceptible de revenir sur soi-même pour former le cercle ou toute autre figure fermée. C’est ce que signifie le mot par lequel la Genèse qualifie le Serpent : Nahash, qui est, ésotériquement, l’attrait de soi pour soi, l’égoïsme ou, mieux, l’égotisme, car l’égoïsme est exclusivement un défaut, tandis qu’il y a dans l’égotisme une nécessité de nous occuper de nous-mêmes, ne fût-ce que pour durer, entretenir notre vie physique et morale, nous alimenter : évoluer.

Lorsque Nahash se présente à Eve (lisez la partie sensitive et volitive de l’homme), ce qu’il lui propose c’est de renoncer à la paix heureuse du Paradis terrestre où l’Humanité vit sans crainte et sans responsabilité, d’y renoncer pour faire son salut par ses propres forces, à ses risques et périls. « Heureuse faute » dit saint Augustin et qui a conduit le Fils de Dieu, le Verbe à s’incarner, à prendre la figure humaine, pour lui rendre sa première dignité.

Le symbolisme du serpent, par Anne Osmont
Hygieia, Gustav Klimt, 1907.

Naturellement, le Serpent frappe à la porte qui lui sera le plus facilement ouverte. Il ne va pas demander à la froide et sereine Raison de quitter un bien paisible et qui lui est connu pour courir les dangereuses aventures de l’évolution. C’est le Sentiment seul qui est susceptible d’une pareille équipée ; c’est cette partie de nous-mêmes que nous appelons subconscient, celle qui nous conduit, selon que nous la dirigeons ou que nous nous laissons diriger par elle, vers les plus hauts enthousiasmes ou vers les fautes les plus grossières. C’est pourquoi, lorsque l’âme de l’Égyptien est pesée post mortem, en présence des 42 juges, sous les yeux de l’Osiris noir, le malheureux implore non son esprit qui a pu rester impavide et pur, mais la partie sensible et sentimentale de son être : « son cœur, son vrai cœur, qui lui vient de sa mère ». C’est l’être instinctif et impulsif qu’il faut arracher constamment aux embûches du monde astral que les philosophes hindoues appellent si justement Kama Loka, le Lieu du désir. Seulement – et c’est là que nous nous différencions entièrement de ces philosophies – elles considèrent tout désir comme impur, tout sentiment comme dangereux, tandis qu’au contraire, nous estimons que tout sentiment élevé est la voie la plus sûre pour nous conduire aux plans supérieurs, et que tout bien vient de l’Amour et retourne à l’Amour, qui est aussi le Saint-Esprit. Ce Kama Loka, ce monde du désir, qui est aussi le monde des images et des mirages, est le monde du serpent, et ses énergies sont soumises à l’homme, justement quand il a soumis à une stricte direction ce « cœur qui lui vient de sa mère », ce cœur qui doit obéir à la raison, tout en lui ajoutant des ailes, ainsi qu’un bon cheval obéit à son cavalier, tout en paraissant l’emporter au gré de sa fantaisie. Nous nous trouverons donc en présence d’un monde fluide, mobile, instable, que notre volonté peut modeler dans une certaine mesure, mais seulement quand elle est complètement aguerrie contre la puissance enchanteresse de ses mirages.

C’est justement cette différence qui vient de nous-même, cette nécessité de vaincre ou d’être vaincu qui nous fait voir tant de figures, et si différentes entre elles, de l’antique serpent, symbole à la fois de la sorcellerie et de la médecine, de la faute et du rachat. Et, par cette mutabilité, cette versatilité constante, le serpent s’apparente à Mercure, le transformateur, l’être magnétique par excellence, le Dieu qui sait les paroles et peut les enseigner, guide parfois insidieux, mais toujours puissant, qu’il faut dominer avec souplesse, et dont l’emblème, comme lui double et comme lui salutaire à qui sait comprendre, est le caducée, le double serpent enroulé autour d’un bâton ailé. On se rappelle que le caducée fut trouvé presque fortuitement par Mercure, Un jour qu’il se promenait par les beaux chemins de l’Hellade, il vit deux serpents qui se combattaient ; il jeta sur eux, pour les séparer, la baguette qu’il avait en mains et les deux serpents s’enroulèrent autour de la baguette et formèrent le caducée que couronne une paire d’ailes.

Notez d’ailleurs que les ailes, dans toutes les manifestations de Mercure, ne font jamais partie intégrante de sa personne. Elles sont liées à son chapeau, à son caducée, à ses talonnières, mais non à ses épaules. C’est que, justement, ces ailes sont les forces que le désir ou la volonté ajoute à l’agent magnétique et magique, le faisant servir à nos intérêts, à nos passions (ailes inférieures) ou bien assouplissant, grâce à lui, dans les domaines supérieurs de l’astral, les forces qui peuvent être soumises à la lumière, à la science, au rythme : matière de l’œuvre d’art, de l’utile découverte, du magistère parfait. Dans ce cas, le Serpent devient l’agent de liaison entre Héreb le Corbeau et Ionah la Colombe, entre le Temps et l’Espace, il devient le Rythme, le Cercle ailé qui fait tourner les mondes dans son orbe mobile et dansant. Et c’est ce qu’a voulu symboliser le génie fleuri de la Grèce en faisant inventer la Lyre par Hermès, en lui faisant trouver le magique instrument qui mesure sans la déformer la parole humaine dans l’inerte carapace de la tortue ; car il n’est pas d’obstacles pour le rythme qui, loin de vouloir fuir la résistance, comme disent les actuelles écoles d’art, la recherche et la dompte ; car on ne s’appuie véritablement que sur ce qui résiste.

Si nous regardons attentivement la signification du mythe, nous constaterons que les deux serpents sont le reflet l’un de l’autre ; que le bâton du caducée est la haute raison de l’initié qui domine et équilibre les forces adverses pour les conduire à l’accomplissement de l’œuvre : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, dit Hermès, dans la Table d’Émeraude ; ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, pour l’accomplissement de la chose unique ». Et, si nous savons la comprendre, cette parole résume à elle seule tous les enseignements des Sages. Mais, ce monde astral qui sera le domaine du Serpent, pouvons-nous le considérer aveuglément comme notre propre domaine et pensons-nous que nous pourrons y courir selon notre fantaisie ? Non ; mille fois non. Avant que ses portes nous soient ouvertes, les antiques Initiations avaient sagement réglé des épreuves dures et difficiles dont le but était de donner au futur adepte la parfaite possession de son subconscient. Il ne fallait pas que le visiteur du monde astral, inconsidérément lancé sur cette terre inconnue, devînt la proie de ses fallacieuses incitations. Et les sages ne sont pas les seuls à avoir tracé des limites à notre curieuse recherche. Les dieux bienveillants des anciens, qui ne sont que l’ombre de Dieu, avaient placé au seuil du mystère un être redoutable que l’on a confondu avec Nahash : le Gardien du Seuil. Mais le Gardien du Seuil n’est point le serpent maître du monde des images ; il est seulement l’image réalisée de notre propre pensée, des sentiments qui nous animent, de notre terreur, de notre haine, de notre amour, de notre charité, selon que c’est l’un ou l’autre de ces sentiments qui nous entraîne sur cette terre mouvante. C’est pourquoi les descriptions diffèrent si profondément qui nous ont été faites de l’être ainsi nommé. La plupart des hommes voient en lui un sinistre épouvantail. Il suffit de lire Zanoni pour sentir quelles épouvantes il peut apporter au curieux. Mais pour le saint, pour l’inspiré, pour celui qui se sent mené par une force bonne, par l’amour et par la pitié, ce Gardien du Seuil est un ange de lumière, l’Ange Anael, le maître des Formes. Au seuil du mystère règne le gardien, afin qu’une chance soit encore offerte aux imprudents de reculer à temps avant de s’élancer à leur perte. Les méchants ne se sont pas arrêtés pour si peu. Ils n’ont su voir qu’une figure hideuse et terrible et, ne pouvant la vaincre, puisque, seuls, l’amour, la foi et le rythme la dominent, ils se sont prosternés devant cette image, ils l’ont adorée, ils en ont fait le diable, maître des enchantements et des philtres, ignorant ou voulant ignorer qu’il y a des enchantements de beauté et des philtres de saint amour. Ils n’ont pas voulu se rappeler qu’avant d’être « le Diable », celui qui a quitté la voie droite pour être « jeté à côté », l’Ange était le plus beau des anges, Lucifer le porte-lumière, qui a quitté le ciel par sa propre volonté, par son insurmontable orgueil, qui a renoncé à toute chose pour proférer le lamentable « non serviam », je n’obéirai pas, qui est la source de tout mal, puisque c’est la rupture de l’Ordre divin.

Et cependant, si nous savons le comprendre, le monde astral nous est ouvert et, si nous y pénétrons avec un cœur pur et des mains pures, oubliant notre propre volonté et notre bien personnel pour nous conformer à la Norme, cette possession est le moyen de rendre à l’Humanité sa primitive place, de lui rendre le jardin de l’Éden ; car, ce monde du Désir, c’est justement le Paradis terrestre que nous devons reconquérir par une volonté pure pour accéder, obéissant au rythme avec une pleine conscience, au monde supérieur que nous nous sommes fermé. Cette accession paisible, cette Assomption d’un esprit vierge porté sur les ailes des anges, est évidemment malaisé et nous sommes obligés, si nous souhaitons réellement y atteindre, de renoncer à bien des choses qui nous semblent fort agréables.

C’est pourquoi la plupart des civilisations ont considéré le serpent, image du monde astral, comme un dieu méchant et terrible, le maître des magies malfaisantes. Le regretté Édouard Schuré nous montre, dans son étude sur Krishna, le dieu solaire, incarnation de Vischnou, en lutte contre Nysoumba, reine des serpents, qui tient captif de ses prestiges le roi noir à qui le pays est soumis. Quand le héros tue le serpent, la sorcière perd sa beauté et sa puissance. C’est la volupté destructrice chassée par le clair génie des sommets. C’est dans le même sentiment que la tradition hébraïque nous montre deux serpents fort inférieurs à Nahash, mais insidieux comme lui et plus fréquemment rencontrés. L’un est Lilith, la couleuvre tortueuse qui pervertit les cœurs et les âmes par la volupté et qui tarit dans les plaisirs impurs les énergies de l’être et de la race ; l’autre est Samael, le serpent insinuant, qui emplit de haine et de vengeance le cœur de l’humanité.

Tous deux sont des formes de l’astral, des forces mauvaises qui détournent de la droite voie le cœur de l’homme, qui remplissent de vibrations mauvaises pour le soumettre aux dissolvantes passions. C’est déjà la conception d’une race fort savante et civilisée, mais les primitifs ont aussi du serpent une crainte, une impression qui démontre que, dès les premiers temps, on a regardé comme fort mystérieux cet étrange animal. En effet, que dû penser le sauvage accoutumé à lutter contre les êtres formidables quand il connut le tout petit rampant qui faible, sans ressource, sans armes apparentes tue par la plus légère morsure ?

Chose plus singulière, cet être incompréhensible tombe dans de profonds sommeils pareils à la mort et, quand il se réveille, rejetant sa vieille peau devenue trop étroite, il apparaît, luisant et sifflant comme un glaive, fort d’une jeunesse nouvelle. On le voit rarement prendre sa nourriture, il semble ne jamais mourir. Aussi celui « qui prend sans mains et qui marche sans pieds » a-t-il l’air d’un animal fée. Sans chercher d’où vient sa puissance ni à quoi elle correspond, il est devenu le symbole de tout ce qui est secret, profond et redoutable. La lutte est ouverte entre la femme et le serpent et l’issue de cette lutte ne nous a pas été cachée. Le jour viendra où le sentiment guidé par la raison, Eve appuyée sur Adam, lui écrasera la tête. Ce fait d’écraser la tête du serpent est partout le symbole des œuvres de lumière. Hérakhlès, en qui se magnifie le labeur humain, écrase les têtes de l’hydre de Lerne. De même, Apollon brise la tête du serpent Python. Mais lui qui est un dieu, non soumis comme Hercule aux limites des forces humaines, ne tue point le serpent mais le soumet à son pouvoir, l’utilise dans ses propres forces, en fait l’inspirateur de la Pythonisse, de la voyante qui portera à tout le monde civilisé les ordres et les enseignements du dieu par l’oracle de Delphes, le lieu plus saint de la terre. Chose qui paraîtrait singulière si nous ne savions que toutes les Initiations étaient en rapport constant et s’interpénétraient harmonieusement, les livres mosaïques donnent aux esprits divinateurs le même nom que les Grecs. C’est par « un esprit de Python » qu’est Inspirée la devineresse d’Endor ; ce sont les sorcières qui se servent dans leurs travaux de « l’esprit de Python » que frappent les lois de Moïse. Ces lois nous font comprendre ce qu’étaient les esprits à qui il était interdit de s’adresser.

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