Elever le Serpent intérieur, la Vision Kabbalistique du Serpent de la GenÚse.
Un texte transmis par un ami sur le Serpent de la GenĂšse en une vision unifiante. Une autre maniĂšre de dire ce que nous avons dĂ©jĂ dit au sujet de lâutilisation des symboles au sein de Torah.
Rabbi Yakob PhunĂšs
Au travers de lâhistoire, le serpent reste le symbole le moins bien connu des Ă©lĂ©ments bibliques, souvent associĂ© au mal et aux forces de la tentation et de la chute. Mais, si nous regardons le serpent avec des yeux de kabbalistes et non de simples croyants, alors les enseignements quâil recĂšle sont nombreux et lâhistoire du Jardin dâĂden prend une coloration bien diffĂ©rente : de la chute nous trouvons alors une transformation spirituelle et un dĂ©veloppement possible de lâhomme dans la libertĂ© de la CrĂ©ation.
Dans la tradition des maĂźtres hassidim, un des principes afin dâobtenir une comprĂ©hension plus pĂ©nĂ©trante et plus grande de la Torah est dâutiliser celle-ci comme un manuel qui par lâalchimie de la psychologie intime de lâĂąme peut ĂȘtre compris plus aisĂ©ment. Chaque personne, lieu, Ă©vĂ©nement, objet reprĂ©sentent un Ă©lĂ©ment organique de la psychĂ© humaine et divine. Par ce mode de connaissance, le serpent du Jardin peut ĂȘtre symboliquement un reprĂ©sentant des instincts primitifs qui se cachent en chacun de nous. En fait, les sages nous disent « le serpent Ă©tait Ă lâorigine destinĂ© Ă un grand serviteur de lâhomme » (SanhĂ©drin 59b).
Nos sages, de mĂ©moire bĂ©nie, nous donnent ici une vision Ă©tonnante qui dĂ©veloppe plus avant notre comprĂ©hension du serpent. Ils disent que le serpent avait Ă lâorigine des jambes et quâil fut maudit (Zohar I 171a). Symboliquement, cela signifie que la condition premiĂšre au sein de tout un chacun est de pouvoir se mouvoir et de grimper, de sâĂ©lever afin dâatteindre des sommets dans lâillumination et la comprĂ©hension du divin. Cela signifie aussi que nous sommes capables intrinsĂšquement de remplir notre vie, de faire vivre le royaume de Dieu en nous et autour de nous. Ă ce niveau, la bĂ©nĂ©diction spirituelle ultime est possible. Mais lorsque le serpent est maudit par Dieu afin de « ramper sur son ventre et de manger la poussiĂšre de la terre » (GenĂšse 3, 14), la condition premiĂšre change drastiquement et nous sommes alors enfermĂ©s dans les formes infĂ©rieures de la passion.
Afin de comprendre ce changement profond, nous devons Ă nouveau nous tourner vers les maĂźtres de la tradition kabbalistique. La Kabbale (Zohar II, 23b et Midrash Rabba baMidbar 14, 12) enseigne en effet quâil existe quatre niveaux de comprĂ©hension et que pour faire un ĂȘtre humain intĂ©gral, lâon doit avoir quatre niveaux ou quatre Ă©lĂ©ments de la nature : lâĂ©lĂ©ment physique (terre), la nature Ă©motionnelle (eau), l’habiletĂ© intellectuelle (air) et la dimension spirituelle (feu). En ĂŽtant les jambes au serpent et en le forçant Ă ramper sur le sol, lâĂ©lĂ©ment ou la pulsion physique est confinĂ©, selon nos maĂźtres bĂ©nis, Ă la dimension terrestre et physique. Le rĂ©sultat de cette malĂ©diction est que notre Ă©nergie premiĂšre qui est de rĂ©aliser le potentiel transformatif spirituel est Ă prĂ©sent dans un Ă©tat de confinement terrestre, au sein des Ă©nergies les plus basses du corps qui sont associĂ©es Ă la sexualitĂ©, aux passions physiques et aux dĂ©sirs terrestres.
Câest la raison pour laquelle nombre de traditions dans le monde ont compris que ce stade infĂ©rieur est la source de nos obstacles Ă atteindre des niveaux de spiritualitĂ© supĂ©rieurs. Comme rĂ©sultat, le serpent a Ă©tĂ© condamnĂ© comme malĂ©fique.
Délivrer le Serpent intérieur.
Heureusement, la vision conventionnelle qui appelle Ă la suppression de lâĂ©nergie sexuelle ou serpentesque doit ĂȘtre rĂ©examinĂ©e sous les feux de la pensĂ©e kabbalistique. La Torah nous donne une vision trĂšs puissante de ce que peut ĂȘtre notre Ă©nergie primale si nous pouvons la faire sâĂ©lever Ă nouveau et la canaliser dans la bonne direction. Relisons en ce sens la rencontre de MoĂŻse et de Dieu sous la forme du Buisson Ardent, il lui est commandĂ© de laisser tomber son bĂąton sur le sol et de lâĂ©lever Ă nouveau (Shemoth 4, 3-4).
Câest lĂ le symbole du Tikkun ou de la rĂ©paration du bris des vases qui est nĂ©cessaire Ă lâĂ©volution spirituelle vĂ©ritable. En son Ă©tat de chute, la Torah nous dit que le bĂąton Ă©tait un serpent qui faisait peur Ă MoĂŻse, mais quâune fois Ă©levĂ© il devint le bĂąton de Dieu par lequel MoĂŻse rĂ©alisa ses miracles (Zohar I, 27a). Cela nous enseigne donc que lorsque nos besoins primaires sont rĂ©primĂ©s, nous sommes sans contrĂŽle sur eux, tandis que si nous Ă©levons cette Ă©nergie primaire, les mĂȘmes passions sont Ă©levĂ©es et transformĂ©e et Dieu opĂšre ses miracles au travers de nous (Keter Shem Tov 69).
LâidĂ©e est simple, voire simpliste : en canalisant nos passions vers le haut, vers les sphĂšres spirituelles nous pouvons transformer un potentiel destructeur en une chose sainte et bonne. Cependant, nos sages, de mĂ©moire bĂ©nie, nous mettent en garde que mal dirigĂ©es nos passions mĂšnent Ă lâirresponsabilitĂ© et peuvent se rĂ©vĂ©ler dangereuses. Les passions doivent donc ĂȘtre guidĂ©es par lâĂ©lĂ©ment de lâair (intellect) avant de pouvoir se transformer et se rĂ©aliser en feu (spiritualitĂ©) par lâutilisation du modĂšle kabbalistique des quatre Ă©lĂ©ments.
La passion comme moyen de transformation.
Le Yetzer haRa – le mauvais penchant – nâest rien de plus que lâĂ©nergie rĂ©primĂ©e qui doit ĂȘtre transformĂ©e et sublimĂ©e dans son expression en une Ă©nergie spirituelle.
Le Baal Shem Tov, maĂźtre de mĂ©moire bĂ©nie et que lâhuile coule sur ses descendants, soyons dignes dâexprimer sa pensĂ©e, explique ainsi que deux lettres hĂ©braĂŻques – Resh et Ayin – Ă©pellent le mot « mal » – ra – qui inversĂ© donne le mot « er » qui signifie « ĂȘtre Ă©veillĂ© ». Le yetzer haEr serait alors lâinclinaison Ă lâĂ©veil qui repose en chacun de nous. Comme le serpent dont les yeux restent toujours ouverts, il y a une part en nous qui doit toujours rester en Ă©veil et ĂȘtre sans cesse stimulĂ©e. Par consĂ©quent, lorsque lâon ne participe pas sous une forme ou une autre Ă la spiritualisation ou Ă lâexpression spirituelle de notre intimitĂ©. Nous devons chercher une stimulation extĂ©rieure par lâĂ©tude, la danse, les chants, lâart. La Kabbale nous enseigne que la sexualitĂ© et la spiritualitĂ© sont une Ă©nergie UNE. Sous sa forme infĂ©rieure, elle se manifeste comme un instinct primaire et se manifeste par le stupre. Dans sa forme Ă©levĂ©e, elle se manifeste comme un amour intense et illimitĂ© de lâamour divin, une passion pour la vie et lâĂ©closion de la beautĂ© de lâĂȘtre intĂ©rieur. En sa forme Ă©levĂ©e de joie et de bonheur, elle nous permet dâatteindre les sphĂšres prophĂ©tiques de lâinspiration divine (Likkutei Moharan I, 24).
Nos sages, de mĂ©moire bĂ©nie, disent que lorsque deux mots hĂ©breux ont une mĂȘme valeur numĂ©rique, ils sont en fait de mĂȘme essence, mais Ă un niveau plus subtil et plus occultĂ©. Peut-ĂȘtre est-ce pour cela que les mots hĂ©breux Mashiach (messie) et Naâhash (serpent) ont la mĂȘme valeur numĂ©rique de 358. En surface, ils semblent reprĂ©senter deux forces opposĂ©es, en essence ils sont liĂ©s. La tradition nous explique que lorsque lâĂšre messianique arrivera, nos instincts primaires seront « enlevĂ©s » et que tout sera transformĂ© en bon. Cela signifie que ces instincts seront Ă©levĂ©s et ne seront plus rĂ©primĂ©s mais que la pulsion intime retournera Ă sa passion originelle de trouver sa rĂ©alisation dans la vie spirituelle de lâamour du Dieu vivant (Tikkunei Zohar 21 43a).
La vie est une cĂ©lĂ©bration qui doit ĂȘtre vĂ©cue et si lâon nie sa propre nature et ses dĂ©sirs, alors on nie sa nature divine et humaine, on nie la gloire intrinsĂšque de notre essence divine. Lâindividu spirituel a besoin dâĂ©lĂ©ments positifs pour se transformer, il utilise ses dĂ©sirs terrestres afin de les sublimer en des expressions crĂ©atrices et divines. Il Ă©lĂšve le serpent afin de reprendre la route du royaume divin qui est en nous et autour de nous.
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