La Magie Enochienne : MystĂšre & Fascination

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La Magie Enochienne : MystĂšre & Fascination par Matthieu LĂ©on. De tous les systĂšmes connus dans l’univers magique, le systĂšme dit « Ă©nochien » est certainement le plus original sur plus d’un point. Cette originalitĂ© est sans doute responsable de la fascination qu’exerce sa pratique sur les Ă©sotĂ©ristes modernes. Plusieurs de ses spĂ©cificitĂ©s sont Ă  Ă©tudier afin de pouvoir se retrouver en terre Ă©nochienne, souvent mĂȘlĂ©e de maniĂšre indistincte Ă  celle des autres systĂšmes magiques connus.

I) GenĂšse du systĂšme

Tout d’abord, il est Ă  noter que toutes les bases du systĂšme magique Ă©nochien ont Ă©tĂ© Ă©tablies par deux personnes au cours de cĂ©rĂ©monies dont le but Ă©tait l’établissement d’un contact direct entre les opĂ©rateurs et l’Éternel en personne. Ces deux chercheurs Ă©taient le mathĂ©maticien et astrologue de la Reine Élizabeth, John Dee (1527-1608), et le clerc de notaire (vĂ©reux mais clairvoyant) Edward Talbot, dit Kelley ou Kelly (1555-1595).

John Dee Ă©tait sans doute l’un des plus importants cerveaux europĂ©ens de son temps. À dix-huit ans, par exemple, il enseignait la gĂ©omĂ©trie d’Euclide Ă  la Sorbonne ; ami du gĂ©ographe GĂ©rard Mercator, il avait inventĂ© plusieurs instruments de mesure de navigation, encore conservĂ©s au British Museum.

Il avait constituĂ© l’une des plus importantes bibliothĂšques de son Ă©poque : son catalogue recensait quatre mille volumes dans tous les domaines de la connaissance, on trouve par exemple dans ses rayons religieux la Bible Catholique Romaine Ă  cĂŽtĂ© de celle de Luther, du Coran… Dee connaissait Ă©galement les grimoires et toute la tradition Magique. Il possĂ©dait les trois Ă©crits majeurs (pour l’occultiste) de l’AbbĂ© Jean TrithĂšme : la Poligraphiae, imprimĂ©e Ă  l’époque, la StĂ©ganographie, encore manuscrite mais dĂ©jĂ  cĂ©lĂšbre, et le petit TraitĂ© des Causes Secondes. Dee se dĂ©fendait, sans doute en toute honnĂȘtetĂ© et non pour se protĂ©ger de l’intolĂ©rance rĂ©gnante, d’exercer la magie.

Pour lui, son but Ă©tait religieux ; seulement, insatisfait de puiser le savoir dans les livres, il voulait, comme Énoch qui vit Dieu face Ă  face (et qui ne revint pas prĂ©cise la lĂ©gende), Ă©tablir un contact direct sans intermĂ©diaire, avec le CrĂ©ateur. Pour ce, Dee utilisait un procĂ©dĂ© magique assez classique qui trouvera sa forme la plus dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e dans le spiritisme : l’opĂ©rateur fait des priĂšres et des invocations et un mĂ©dium se concentre sur un cristal entourĂ© de symboles permettant en principe de garder un contrĂŽle sur la direction donnĂ©e au travail. John Dee expĂ©rimentait dans ce domaine en compagnie de divers mĂ©diums avec plus ou moins de succĂšs jusqu’au jour oĂč se prĂ©senta chez lui, Ă  Mortlake, le 10 mars 1582, un certain Edward Kelly. Ils se mirent au travail et immĂ©diatement des rĂ©sultats se produisirent : le jour mĂȘme l’archange Uriel commença ses rĂ©vĂ©lations. La rĂ©ussite eut de graves consĂ©quences depuis ce jour jusqu’à la mort prĂ©maturĂ©e de Kelly, les deux hommes devront travailler sans relĂąche malgrĂ© les difficultĂ©s croissantes et une relation orageuse, due au tempĂ©rament du mĂ©dium.

Edward Kelly s’appelait en fait Talbot. Ses dĂ©mĂȘlĂ©s avec la justice lui valurent d’avoir les oreilles coupĂ©es, ce qui ne l’empĂȘchĂąt point d’entendre les communications cĂ©lestes… et il prĂ©fĂ©ra alors changer de nom. Waite, dans sa prĂ©face aux Ă©crits de Kelly, raconte comment ce dernier avait trouvĂ© dans l’église de Saint Dustan des textes alchimiques accompagnĂ©s de deux flacons de poudre, l’une rouge et l’autre blanche, permettant la transmutation d’une assez grosse quantitĂ© d’or. Il n’est pas impossible qu’il y ait une certaine rĂ©alitĂ© dans cette histoire. D’ailleurs, l’emprisonnement de Kelly Ă  Prague par le souverain Rodolphe – il dĂ©cĂ©dera au cours de la chute qui conclut sa tentative d’évasion – est en relation avec ses prĂ©tentions Ă  la rĂ©alisation de l’Oeuvre, sans pouvoir les Ă©tayer de preuves. Kelly semble ĂȘtre le type mĂȘme du mystĂ©rieux initiĂ© fascinateur, hĂ©ros et scĂ©lĂ©rat que l’on retrouvera dans les siĂšcles qui suivront, au mĂȘme titre que St Germain ou Cagliostro.

Dans l’association de ce vieux sage qu’était le docteur Dee et de ce jeune mystificateur mais rĂ©el mĂ©dium (techniquement parlant, c’est peut-ĂȘtre l’un des plus grands Ă  ce jour) qu’était Kelly, il est remarquable que les nombreuses tensions n’aient pas Ă©tĂ© plus nuisibles au travail entrepris. En fait de travail entrepris, il faudrait plutĂŽt parler de travail entreprenant, car il ne semble pas que les « ĂȘtres » du systĂšme Ă©nochien aient laissĂ© de repos Ă  leurs interlocuteurs jusqu’à leur mise hors d’état de travailler (la mort brutale pour Kelly, la dĂ©chĂ©ance politique et sociale pour Dee).

Heureusement pour la postĂ©ritĂ©, Dee Ă©tait un homme mĂ©thodique et toutes les sĂ©ances furent mĂ©ticuleusement consignĂ©es : il ne nous reste pas seulement les textes et figures du systĂšme mais aussi la dĂ©marche des opĂ©rateurs, la succession des expĂ©riences et les anecdotes de leurs vies. Les journaux magiques et intimes de Dee disparurent Ă  la mort de ce dernier, son fils Arthur passe pour avoir oeuvrĂ© Ă  l’Alchimie mais aucune trace ne nous permet de penser qu’il ait continuĂ© le travail magique de son pĂšre. Or, en 1662, le pĂšre de la maçonnerie anglaise, Elias Ashmole (1617-1692), entre en possession des manuscrits miraculeusement conservĂ©s dans le tiroir secret d’un coffre de cĂšdre, lequel survĂ©cut par chance au grand incendie de Londres. Le propriĂ©taire les Ă©changea Ă  Ashmole contre des documents de l’Ordre de la JarretiĂšre. TrĂšs curieux de cet aspect de Dee alors inconnu (mis Ă  part le livre du Dr Rudd A treatise on Angel Magic et la publication, critique mais d’importance majeure par Meric Casaubon en 1659, des journaux des derniĂšres annĂ©es de travail s’intitulant A true and faithfull relation of what passed for many years between John Dee… and some spirits), Ashmole Ă©tudia les textes et les recopia, mais il ne semble pas s’en ĂȘtre servi dans l’établissement des rites maçonniques qu’il Ă©laborait et dirigeait.

AprĂšs Ashmole, une tradition Ă  sensibilitĂ© rosicrucienne se dessine en Angleterre (Dee ayant vĂ©cu avant la pĂ©riode historiquement connue de ce courant, on ne peut raisonnablement le qualifier de participant Ă  cette aventure quoique son travail, notamment son livre La Monade HiĂ©roglyphique – Anvers, 1562 – ait certainement inspirĂ© les auteurs des trois manifestes R+C), elle comptera entre autres Francis Barrett, FrĂ©dĂ©rick Hoackley et Kenneth Mc Kenzie. Mais pas plus dans le Magus de Barrett (paru en 1801) que dans les journaux magiques de Hoackley (lequel utilisait une technique trĂšs proche de celle de Dee) ou mĂȘme dans les Ă©crits de Mc Kenzie on ne trouve trace du systĂšme angĂ©lique ou du langage « Ă©nochien ». Il est donc possible que l’originalitĂ© et la complexitĂ© du matĂ©riel – Ă  moins que ce ne soit la violence des rĂ©sultats – aient rebutĂ© ces praticiens.

Pour conclure cette partie, signalons l’excellente Ă©tude de l’épopĂ©e de Dee et Kelly qu’a faite Gustav Meyrink dans son roman L’Ange Ă  la fenĂȘtre d’Occident. Meyrink semble avoir eu connaissance des Journaux de Dee par l’intermĂ©diaire de son correspondant londonien William Wynn Westcott dont il est question dans la partie suivante. L’étude de Meyrink semble avoir beaucoup influencĂ© le principal auteur sĂ©rieux sur la magie Ă©nochienne en France : GĂ©rard Heym (voir « Le systĂšme magique de John Dee » in La Tour Saint Jacques no 11 & 12, 1957, ou dans le Cahier de l’Herne consacrĂ© Ă  Meyrink oĂč cet article se trouve reproduit). GĂ©rard Heym qui aurait Ă©tĂ© pressenti pour succĂ©der au collaborateur de Westcott : « McGregor » Mathers, dans son temple Ahathoor no 4 Ă  Paris.

II) La redécouverte et le travail de la Golden Dawn

En 1888, trois Ă©minents maçons issus de la Societas Rosicruciana In Anglia (S.R.I.A.) fondĂšrent, Ă  partir d’inspiration spirituelle d’une part et de faux documents d’autre part, un ordre qui, pour avoir la lourdeur d’une sociĂ©tĂ© secrĂšte traditionnelle, a le mĂ©rite d’avoir Ă©tabli un systĂšme pratique permettant l’étude de la magie et, dans le meilleur des cas, une auto-initiation authentique (non prĂ©vue dans le curriculum et donc gratuite…). Le symbolisme servant de base aux rites de l’ordre est d’inspiration rosicrucienne (j’entends par ceci les trois manifestes historiques : La Fama Fraternitatis Chymique de 1616, la Confessio Fraternitatis de 1615, les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz de 1615, et quelques textes trĂšs proches comme l’Amphithéùtre de l’Éternelle Sagesse de Henri Kunrath de 1609, ou la Monade HiĂ©roglyphique de Dee justement) avec Ă©galement quelques influences de la ThĂ©osophie.

Ces trois maçons étaient :

Le Dr Woodman – mourant en 1891, il laissa sa place vacante dans la symbolique trinitĂ© hiĂ©rarchique.

Le mage suprĂȘme de la S.R.I.A. W.W. Westcott (1848-1925).

Le jeune praticien Samuel Mathers (1854-1918). Mathers est responsable par son travail opĂ©ratif de l’établissement du matĂ©riel Ă  partir de bribes de rituels venant peut-ĂȘtre de McKenzie, l’élĂšve impĂ©tueux de Hoackley et membre de la S.R.I.A. lui aussi. L’ordre Ă©tait divisĂ© en deux : l’Ordre HermĂ©tique de l’Aube DorĂ©e (« The Hermetic Order of the Golden Dawn ») ou ordre extĂ©rieur, et l’Ordre de la Rose Rouge et de la Croix d’Or (« RosĂŠ RubĂŠ & AurĂŠ Crucis »), l’ordre intĂ©rieur.

C’est pour cet ordre intĂ©rieur qu’un gros travail d’adaptation fut rĂ©alisĂ© Ă  partir des manuscrits de Dee alors au British Museum. Nous n’avons pas de preuves que ce travail existait avant son introduction dans la G. D. et il semble que soit Mathers soit Westcott en soient responsables. Waite, Ă©galement membre de la sociĂ©tĂ©, dans sa prĂ©face aux Ă©crits alchimiques d’Edward Kelly, nous dit que c’est Westcott qui se chargea du travail, les habitudes et les techniques de Mathers pourraient faire penser qu’il en Ă©tait plus Ă  mĂȘme ; mais peu importe, ce qui est remarquable c’est l’incroyable « GoldenDawnisation » du matĂ©riel original. Le systĂšme rĂ©novĂ© a au moins le mĂ©rite de proposer une application possible pour l’étudiant, des dĂ©veloppements Ă©ventuels, et finalement de permettre au chercheur une analyse plus Ă©clairĂ©e des textes de base. Le matĂ©riel original se compose des Ă©lĂ©ments suivants :

La Sainte Table,

Le Sigillum Dei Æmeth,

Le Liber LogĂŠth,

Les 48 appels,

La Table de l’Esprit Nalvage,

L’Heptarchie Mystique,

et le Liber ScientiĂŠ Auxilii et VictoriĂŠ Terrestris.

De cela, la G. D. n’a principalement retenu (d’aprĂšs ce que nous savons de l’ordre original) que les quatre tablettes du Liber LogĂŠth (cinq en fait), le Sigillum Dei Æmeth (qui fournit les noms des quatre Rois Ă©lĂ©mentaires), la Sainte Table et les 48 clĂ©s ou Appels permettant les invocations. Il semble que les successeurs de l’ordre original aient abordĂ© d’autres aspects, c’est en tout cas le sujet du livre de Pat Zalewski : Golden Dawn Enochian Magic, mais Aleister Crowley Ă©tait dĂ©jĂ  passĂ© par lĂ …

Aleister Crowley (1875-1947) est un personnage complexe, mĂ©lange de la pompe traditionaliste (dans l’emploi systĂ©matique de noms initiatiques suivis des numĂ©ros des grades auxquels il se rĂ©fĂšre, par exemple) et de la fougue rĂ©volutionnaire d’un explorateur soucieux de son authentique libertĂ©. Il fut alpiniste, poĂšte, peintre, Ă©crivain et surtout magicien. L’opinion qui en gĂ©nĂ©ral ne retient que ce qui peut faire scandale a Ă©tĂ© comblĂ©e avec la BĂȘte 666 : il mena une recherche systĂ©matique dans les domaines de l’amour et du sexe, et ses investigations quant aux drogues, trĂšs en vogue dans l’Angleterre d’alors, permirent de faire le point sur leur emploi, les possibilitĂ©s qu’elles offrent et leurs dangers. Nous ne connaissons d’ailleurs aucun magicien membre d’une quelconque branche survivante de la G. D. qui ne les ait utilisĂ©es.

Crowley, aprĂšs la lecture de La NuĂ©e sur le Sanctuaire d’Eckharthausen, Ă©tait Ă  la recherche de cette sociĂ©tĂ© secrĂšte d’initiĂ©s connaissant les anciens mystĂšres & co que dĂ©crit le petit livre. Cette sociĂ©tĂ© se matĂ©rialisera pour lui en 1898 sous les traits de la G. D. ÉlĂšve trĂšs douĂ©, on lui accorde rapidement les grades Ă©lĂ©mentaires de l’ordre extĂ©rieur et Allan Bennett, alors une lĂ©gende vivante, se charge de son entraĂźnement magique. Lorsqu’en 1900 Ă©clate un schisme entre Mathers – alors parisien – et le reste du groupe Ă  Londres, Crowley prend le parti de Mathers, vient Ă  Paris et reçoit le grade d’introduction dans l’ordre intĂ©rieur. Allan Bennett malade quitte Londres pour Ceylan grĂące Ă  l’aide de son disciple et lui laisse son matĂ©riel G.D.. Crowley commence Ă  acquĂ©rir de l’indĂ©pendance et en 1904, au cours d’une invocation, il reçoit un texte extraordinaire nommĂ© Liber Al vel Legis, ou Livre de la Loi. Aleister, devenu prophĂšte du nouvel Éon, dit d’Horus, dĂ©cide de voler de ses propres ailes, de ne plus compter que sur ses propres expĂ©riences et contacts intimes, et rompt avec Mathers. En 1909, assistĂ© d’un de ses disciples, Crowley entreprend un important travail sur le systĂšme Ă©nochien : il tente un « voyage dans l’esprit » (un « skrying » comme on dit en anglais) dirigĂ© vers chacune des trente rĂ©gions des cieux Ă©nochiens. Il avait, plusieurs annĂ©es auparavant au Mexique, dĂ©jĂ  tentĂ© cette expĂ©rience, mais avait assez vite Ă©chouĂ©.

Dans le Sahara en 1909, ce fut une nouvelle comprĂ©hension de l’emploi de la sexualitĂ© dans la magie qui lui permit d’aboutir. Cette expĂ©rience est relatĂ©e dans son Liber 418 : « The Vision and the Voice » (La Vision et la Voix).

Dans les annĂ©es 1910, il fit paraĂźtre sa revue maintenant lĂ©gendaire  The Equinox dans laquelle il publiera une part importante du matĂ©riel G.·. D.·. Ainsi y trouve-t-on un texte intitulĂ© « A brief representation of the universe derived by Dr John Dee through the skrying of sir Edward Kelly » (une brĂšve reprĂ©sentation de l’univers provenant du Dr Dee Ă  travers la vision – dans l’esprit – de sir Edward Kelly), parts I & II, rĂ©vĂ©lant ainsi pour la premiĂšre fois la conception que cette sociĂ©tĂ© avait du systĂšme Ă©nochien.

Crowley, qui maĂźtrisait les langues avec une remarquable aisance, traduisit en Ă©nochien les textes d’invocations et de renvois des esprits du grimoire qu’il avait restaurĂ© : la GoĂ«tie (la premiĂšre des cinq parties du LĂ©mĂ©getton) et fit une traduction/interprĂ©tation analytique du langage barbare d’un exorcisme grĂ©co-Ă©gyptien dans son Liber Samekh. Son affinitĂ© avec le personnage d’Edward Kelly lui fit dire qu’il en Ă©tait la rĂ©incarnation, ce qui pourrait se justifier par leur similitude Ă  certains Ă©gards.

L’étudiant moderne doit Ă  Aleister Crowley son pragmatisme, son indĂ©pendance et sa libertĂ©, ce qui explique qu’aujourd’hui il soit en mesure d’explorer sa psychĂ© en crĂ©ant un nouveau systĂšme magique, une nouvelle loi, un nouveau langage.

III) La fascination actuelle

De cette indĂ©pendance qu’ont les chercheurs post-crowlĂ©yens et de l’influence majeure qu’a le problĂšme du langage magique et du systĂšme Ă©nochiens est nĂ©e une sorte de fascination Ă  l’égard de cette branche de la thĂ©urgie.

En fait, dans cet intĂ©rĂȘt, il faut compter avec la rĂ©action, peut-ĂȘtre quelque peu juvĂ©nile, contre ce qui est considĂ©rĂ© comme vieux, dĂ©passĂ©, bref, ce qui est passĂ© de mode.

Plusieurs systĂšmes liĂ©s Ă  ce courant ont vu le jour, citons le culte du Zos-Kia du peintre ex-disciple de Crowley, Austin Osman Spare (1886-1956) et toute la Chaos Magick (le k final caractĂ©rise l’influence de la BĂȘte qui innova cette orthographe avec son maĂźtre-livre : Magick), sans parler bien sĂ»r de l’inĂ©narrable NĂ©cronomicon, pseudo-grimoire imaginĂ© Ă  partir des romans de Lovecraft et que certains n’hĂ©sitent pas Ă  attribuer Ă  John Dee lui-mĂȘme ! (Voir l’introduction du NĂ©cronomicon aux Ă©ditions Belfond).

Mais revenons Ă  la magie Ă©nochienne proprement dite. Les successeurs de la G. D. rĂ©organisent aujourd’hui son systĂšme et Schueler dans son Enochian Magic donne le matĂ©riel et les rituels « step by step » (« pas Ă  pas »). Les amĂ©ricains (et nous aussi) aiment pratiquer si c’est simple et impressionnant… L’investigation par la magie Ă©nochienne donne gĂ©nĂ©ralement des rĂ©sultats, on ne peut pas vraiment dire qu’ils soient contrĂŽlables puisqu’ils ne correspondent Ă  aucun standard d’expĂ©riences qu’auraient dĂ©jĂ  vĂ©cues les initiateurs de cette pratique.

En cela, le but le plus honorable (s’il peut ĂȘtre question d’honneur) est la rĂ©ussite de l’expĂ©rience dite de la « Connaissance et Conversation du Saint Ange Gardien », soit le contact avec son vrai vouloir, dĂ©nuĂ© d’intention, autrement dit son coeur. Mais elle s’applique aussi Ă  rĂ©gler les diffĂ©rents problĂšmes de la vie. AprĂšs tout, une magie n’est blanche ou noire que d’aprĂšs l’emploi qui en est fait… Disons que l’on est quand mĂȘme loin du religieux John Dee. En fait non, car si les buts et mĂ©thodes conscients de Dee Ă©taient fort Ă©loignĂ©s de ceux de nos contemporains, est-ce que finalement les aventures et mĂ©saventures de sa vie, le problĂšme de sa relation avec Kelly culminant Ă©videmment dans l’échange rituellement ordonnĂ© qu’ils firent de leurs femmes, ne seraient pas des indications que cette pratique commençait Ă  faire fermenter les Ă©lĂ©ments de leurs consciences afin de faire apparaĂźtre une quintessence non-conformiste ? Aujourd’hui on ne peut plus rĂ©pondre, manquant des points de repĂšres d’une moralitĂ© conventionnelle n’existant plus dans le coeur du magicien moderne.

Mais que reste-t-il ? Sur quoi nous fonder si notre pratique ne nous a pas encore permis un contact non ambigu avec notre coeur, si notre formation magique nous laisse errer dans l’imaginaire que nous avons façonnĂ© ? Car si la mystique que nous possĂ©dons gĂ©nĂ©ralement vient de l’histoire qui nous a fait ce que nous sommes : Vikings, SĂ©mites, Celtes, etc… la magie Ă©nochienne, d’oĂč vient-elle ? Certes, il y a des influences de la Qabalah (le Sigillum Dei Aemeth, les communications d’Uriel, MichaĂ«l…) mais ce n’est pas lĂ  l’originalitĂ© et la force du systĂšme. Certains praticiens de la magie Ă©nochienne ont dit qu’elle Ă©tait une Qabale (quand j’entends une qabale, j’ai tendance Ă  Ă©crire cabale, comme au théùtre) qui mettait en action le monde d’Atziluth, le plus haut des quatre de la Qabal classique. Il est assez difficile de le vĂ©rifier…

Quoi qu’il en soit, l’énochien, cette langue avec sa grammaire et sa syntaxe, ce systĂšme magique et sa ThĂ©ogonie originale, reste un mystĂšre qu’il ne convient pas de prendre pour une simple variante de tel ou tel systĂšme traditionnel dĂ©jĂ  connu. Il est donc utile, en l’abordant, de maĂźtriser les Ă©lĂ©ments fondamentaux qui servent Ă  son emploi sans pour autant s’infĂ©oder aux rituels des pentagrammes et hexagrammes, Ă  leurs signes, aux notions de Qabal de la G. D., etc…

Ceci permettra de distinguer dans l’énochien ce qui est original de ce qui est emprunt, et ce que l’on peut penser de tel ou tel dĂ©veloppement contemporain. Une culture qui donnera quelques points de repĂšre dans notre sociĂ©tĂ© de consommation oĂč la pratique de la magie a beaucoup en commun avec les jeux vidĂ©o ou la sĂ©ance quotidienne de tĂ©lĂ©vision.

Plus sur le sujet :

La Magie Enochienne : MystÚre & Fascination, Matthieu Léon, 2002.

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