Dogme de la Kabbale par Aleister Crowley.
Texte publié dans Collected Works, Volume I, 1905.
LâĂvolution des Choses est ainsi dĂ©crite par les Kabbalistes.
Au dĂ©part, Rien est, ou lâAbsence de Choses, ŚŚŚ, qui ne signifie pas & ne peut signifier Existence NĂ©gative (si une telle IdĂ©e peut vouloir dire quelque chose), ainsi que le prĂ©tend S. Liddell MacGregor Mathers, qui a mal lu le Texte & a ridiculisĂ© le Commentaire par la LumiĂšre de sa propre Ignorance de lâhĂ©breu et de la philosophie, dans sa traduction de Rosenroth.
Ensuite, est le Sans Limite, Ś’Ś ŚĄŚŚŁ, lâEspace Infini.
Ceci est le primordial Dualisme de lâInfini ; lâinfiniment petit & lâinfiniment grand. Le Choc de ceux-ci produit une IdĂ©e Positive Finie qui se rĂ©vĂšle ĂȘtre la LumiĂšre, ŚŚŚš (voir ŚŚšŚŚ©’ŚȘ pour une Ă©tude plus avancĂ©e). Ce mot ŚŚŚšÂ est des plus importante. Il symbolise lâUnivers qui est immĂ©diatement aprĂšs le Chaos, la Confusion ou le Choc des OpposĂ©s Infinis. ŚÂ est lâOeuf de la MatiĂšre ; ŚÂ est â le Taureau, lâEnergie-Mouvement ; & ŚšÂ est le â, Soleil ou de SystĂšme de lâOrbe mouvant & organisĂ©. Ces trois lettres ŚŚŚšÂ rĂ©pĂštent ainsi les Trois IdĂ©es. La Nature de ŚŚŚšÂ est ainsi analysĂ©e sous la lumiĂšre des Dix Nombres & des Vingt-deux Lettres qui, ensembles, composent ce que les Rosicruciens ont reprĂ©sentĂ© sous forme de diagramme sous le nom de Minutum Mundum. On notera que chaque Nombre & chaque Lettre a sa « Correspondance » dans les IdĂ©es ; afin que chaque Objet donnĂ© puisse ĂȘtre analysĂ© dans les Termes des Trente-deux Sentiers. Si je vois une Ătoile Bleue, je dois la considĂ©rer comme une Manifestation de Hessed, de lâEau, de la Lune, du Sel Alchimique, du Sagittaire, de par son aspect bleu & dois me rĂ©fĂ©rer Ă la XVIIe ClĂ© du Tarot par rapport Ă son statut dâĂtoile.
Lâutilisation de ces Attributions est vaste & variĂ©e, je ne peux mây attarder mais je donnerai ici un exemple.
Si je dĂ©sire visiter la SphĂšre de Guebourah, jâutilise les Couleurs & les Forces appropriĂ©es ; jây vais, si les Objets qui mâapparaissent alors dans ma Vision Spirituelle sont harmonieux. Cela est un test de leur VĂ©racitĂ©.
Il en est ainsi pour construire un Talisman ou pour invoquer un Esprit.
Les méthodes de la découverte du Dogme des Mots Sacrés sont également nombreuses & importante. Je peux mentionner :
(a) La Doctrine des Sympathies : tirĂ©e de la NumĂ©ration totale dâun Mot, si celle-ci est identique, ou un multiple ou un sous-multiple de, ou une mĂ©tathĂšse de celle dâun autre Mot.
(b) La MĂ©thode de la Petite Valeur dâun Mot en additionnant les chiffres de la NumĂ©ration dâun Mot, & en se rĂ©fĂ©rant Ă la ClĂ© correspondante du Tarot afin de retirer la signification de ce Mot.
(c) La Méthode Analogique tirée de la Forme des Lettres.
(d) La Méthode de Déduction tirée de la Signification & de la Correspondance des Lettres.
(e) La MĂ©thode des Acrostiches tirĂ©e des Lettres. Cette MĂ©thode nâest valable que pour les Adeptes des plus hauts grades, & dans des conditions assez exceptionnelles & rares.
(f) La Méthode de la Transposition & de la Transmutation des Lettres suggérant des analogies.
Toutes ces MĂ©thodes & leurs variantes & leurs combinaisons, avec quelques autres plus absconses ou moins importantes, peuvent ĂȘtre utilisĂ©es afin de rĂ©vĂ©ler les Secrets dâun Mot.
Bien sĂ»r, avec des Pouvoirs aussi Ă©tendus, il est aisĂ© pour un ĂȘtre partial de trouver SA propre signification favorite dans nâimporte quel mot. MĂȘme la preuve formelle 0 = 1 = 2 = 3 = 4 = 5 = ⊠= n est possible.
Mais, lâAdepte qui a rĂ©solu ce ThĂ©orĂšme, avec lâIntention prĂ©cise de discrĂ©diter la MĂ©thode de Recherche Kabbalistique, est soudainement abasourdi par le fait quâil a trĂ©buchĂ© sur la Preuve Kabbalistique du PanthĂ©isme ou du MonothĂ©isme.
Ce qui se passe rĂ©ellement câest que lâAdepte sâassied la plupart du temps & opĂšre tout un tas de tours sur les Chiffres, sans aucun rĂ©sultat.
Soudainement, la LumiÚre se fait, & le problÚme est alors résolu.
La rationaliste explique cela par lâInspiration, lâhomme superstitieux par les mathĂ©matiques.
Je donne un exemple de la maniĂšre dont cela fonctionne. Prenons IAO, un des « Noms Barbares de lâĂvocation » que ceux qui ont dĂ©sirĂ© voiler leur Gloire en adoptant lâAutoritĂ© de Zarathoustra ont dit que dans les CĂ©rĂ©monies il possĂšde une Puissance ineffable.
Mais quelle sorte de Puissance ? Par la Kabbale, on peut découvrir la Force du Nom IAO.
Nous pouvons Ă©peler ce mot en hĂ©breu : ‘ŚŚ ou ‘ŚŚą. La Kabbale va mĂȘme nous renseigner sur la maniĂšre correcte de lâĂ©peler. Supposons cependant que ce soit ‘ŚŚ. Cela nous donne 17.
Mais ce qui nous frappe de prime abord câest que I, A & O sont les trois lettres associĂ©es avec les trois lettres Ś dans le Grand Nom de Six Lettres ŚŚ’ŚŚŚ qui combine ŚŚ’Ś &’ŚŚŚ, le Macroprosope & le Microprosope. Maintenant, ces lettres fĂ©minines Ś cachent les « Trois MĂšres » de lâalphabet Ś Ś & Ś©. Remplaçons celles-ci, nous obtenons ŚŚ©’ŚŚŚ, qui donne 358, le Nombre identique Ă Ś ŚŚ©, le Serpent de la GenĂšse, & ŚŚ©’Ś, le Messie. Nous devons donc chercher la Puissance RĂ©demptrice dans IAO & Ă©galement lâAspect Masculin de cette Puissance.
A prĂ©sent, nous verrons comment cette Puissance fonctionne. Nous avons un curieux dictionnaire qui a Ă©tĂ© Ă©crit par un homme trĂšs instruit, dans lequel les Nombres de 1 Ă 10 000 remplissent la colonne de gauche & en face dâeux, dans la colonne de droite, sont inscrits tous les mots sacrĂ©s ou importants relatifs Ă chaque Nombre [il sâagit en fait du propre Sepher Sephiroth de Crowley].
Nous prenons ce livre & regardons Ă 17. Nous trouvons que 17 est le nombre de CarrĂ©s dans la Svastika qui est le Cercle Tourbillonnant ou la Foudre. Et il y a aussi ŚŚŚ, un Cercle ou lâorbite ; ŚŚšŚ bouillir ; & quelques autres mots qui nous nĂ©gligerons dans cet exemple, bien que nous ne devrions pas faire cela si nous voulons essayer de dĂ©couvrir la Chose que nous ignorons. Afin dâaider notre dĂ©duction au sujet de la RĂ©demption, nous trouvons ŚŚŚ faire briller ou rendre content.
Nous travaillons Ă©galement sur un autre chemin. I est la Ligne Droite ou le Pilier Central du Temple de la Vie ; câest Ă©galement le signe de lâUnitĂ© & de la Force GĂ©nĂ©ratrice. A est le Pentagramme qui signifie la VolontĂ© de lâHomme oeuvrant Ă la rĂ©demption. O est le Cercle dont tout est issu, le Rien & la Femelle qui absorbe le MĂąle. La progression du Nom nous montre la Voie manant de la Vie au Nirvana par le moyen de la VolontĂ© & quâil est un hiĂ©roglyphe du Grand Ćuvre.
Regardez toutes ces significations ! Chacune dâentre elles nous montre que le Nom, sâil a la moindre puissance, a le pouvoir de nous donner la rĂ©demption par lâAmour de la Vie qui est la Cause de la Vie, par ses Tourbillons & de nous rendre joyeux & de nous mener dans le Giron de la Grande MĂšre, la Mort.
Avant ce que nous connaissons comme lâĂquinoxe des Dieux, il y a peu, il y avait une Formule initiatique qui exprimait ces IdĂ©es aux Sages. Comme ces Formules sont abrogĂ©es, il nây a aucune consĂ©quence si je les rĂ©vĂšle. La VĂ©ritĂ© nâest pas Ă©ternelle, pas plus que Dieu ; & dieu serait bien mĂ©diocre sâIl ne pouvait modifier ses Voies selon Son Plaisir.
Cette formule Ă©tait utilisĂ©e afin dâouvrir le Tombeau de la Montagne Mystique dâAbiegnus, au sein de laquelle repose (ainsi que la CĂ©rĂ©monie dâInitiation) le Corps de notre PĂšre Christian Rosencreuz, qui doit ĂȘtre dĂ©couverte par les FrĂšres & le postulant comme cela est dit dans le Livre Fama Fraternitatis.
Il y a trois Officiers & ils rĂ©pĂštent lâAnalyse du Mot comme suit :
Chef : Analysons le Mot â I
Second : N
TroisiĂšme : R
Tous : I
————–
Chef : Yod ‘
Second : Noun Ś
TroisiĂšme : Resh Śš
Tous : Yod ‘
————–
Chef : Virgo â Isis, MĂšre SacrĂ©e
Second : Scorpio â Apophis, Destructeur
TroisiĂšme : Sol â Osiris, abattu & relevĂ©
Tous : Isis, Apophis, Osiris, IAO.
Tous étendent leurs Bras comme sur une Croix & disent :
Le Signe dâOsiris abattu !
Le Chef penche sa TĂȘte vers la gauche, lĂšve son bras droit & abaisse le gauche, gardant le coude Ă angle droit, formant ainsi la lettre (et aussi le Svastika).
Le Signe de dâIsis en Deuil.
Le Second lĂšve la tĂȘte, Ă©lĂšve ses bras afin de former un V (mais en rĂ©alitĂ© il forme la Triple Langue de Feu, lâEsprit) & dit :
Le Signe dâApophis & Typhon.
Le TroisiĂšme baisse la tĂȘte & croise ses bras sur sa poitrine (afin de former un pentagramme) & dit :
Le Signe dâOsiris RelevĂ©.
Tous donnent le Signe de la Croix & disent :
L.V.X.
Ensuite ils donnent le Signe dâOsiris RelevĂ© & disent :
Lux, la LumiĂšre de la Croix.
Cette Formule, sur laquelle on peut mĂ©diter pendant des annĂ©es sans en Ă©puiser ses magnifiques harmoniques, donne une idĂ©e excellente de la Voie dans laquelle lâAnalyse Kabbalistique est conduite.
Tout dâabord, les Lettres ont Ă©tĂ© Ă©crites en caractĂšres hĂ©breux.
Ensuite, leurs Attributions dans le Zodiaque & dans les PlanÚtes sont données & les Noms des Dieux égyptiens qui leur sont relatifs sont invoqués.
LâIdĂ©e chrĂ©tienne dâI.N.R.I. est confirmĂ©e par ceux-ci [les Dieux], alors que leurs initiales forment le Mot SacrĂ© des Gnostiques. Câest-Ă -dire IAO. De lâEssence de ces DivinitĂ©s & de leurs fonctions ont dĂ©duit leur Signe & ceux-ci signalent le Mot LVX (ŚŚŚš) qui est lui-mĂȘme contenu dans la Croix.
Une Ă©tude minutieuse de ces IdĂ©es & de la Table de Correspondance, quâun de nos FrĂšre prĂ©pare en ce moment, lui permettra de dĂ©couvrir une grande part de la MatiĂšre Ă Penser en ces PoĂšmes quâune personne inculte ne percevrait pas.
Revenons au Dogme général des Kabbalistes.
La Figure du Minutum Mundum nous montrera comment ils supputent une QualitĂ©, dâabord Ă partir du Monde divin dâAtziluth, ensuite dans le Monde angĂ©lique de Briah, & ainsi de suite jusquâau Monde dĂ©moniaque qui nâest pas organisĂ© & tient plus de la MatiĂšre qui fut rejetĂ©e dans le Cours de lâĂvolution, comme la Boue du Serpent dont provient la Nom de Kelipoth.
Mis Ă part de stupides questions telle de savoir si lâordre des Ă©manations est confirmĂ© par la palĂ©ontologie, une question quâil est difficile Ă discuter, il nây a aucun doute que les Sephiroth sont des types dâĂ©volution opposĂ©s Ă la catastrophe & Ă la CrĂ©ation.
La grande opposition Ă la Philosophie est fondĂ©e sur ses affinitĂ©s supposĂ©es avec le rĂ©alisme scholastique. Mais cette opposition nâest pas vraie. Il nây a aucun doute quâils supposent lâexistence dâun vaste entrepĂŽt de Choses Uniques desquelles dĂ©rivent, pures ou mĂȘlĂ©es, les autres choses.
Puisque Ś, un chameau, fait rĂ©fĂ©rence Ă la Lune, ils disent que le chameau & la lune sont en sympathie & proviennent dâun principe commun & quâun chameau Ă©tant ocre, il participe de la nature terrestre, Ă laquelle cette couleur appartient.
Ils disent quâen prenant lâessence de la nature dont il est question & en la mĂ©langeant selon de justes proportions, on peut obtenir un chameau.
Mais cela nâest rien de moins que ce que disent les tenants de la ThĂ©orie Atomique.
Ils ont leurs entrepĂŽts de Carbone, dâOxygĂšne etc. & quâest-ce que la chimie organique sinon la production de composĂ©s utiles dont la nature est dĂ©duite de considĂ©rations thĂ©oriques bien avant toute production matĂ©rielle en laboratoire ?
La diffĂ©rence, direz-vous, est que les Kabbalistes maintiennent un Esprit de chaque sorte derriĂšre chaque classe de choses dâune mĂȘme nature ; mais ainsi fit Berkeley & son argument en ce sens est, comme le dĂ©montra le grand Huxley, irrĂ©fragable. Car par lâUnivers je signifie le Sensible ; toute autre nâest pas Ă connaĂźtre & le Sensible est dĂ©pendant de lâEsprit. Bien que le Sensible soit considĂ©rĂ© ĂȘtre un argument de lâunivers insensible, ce dernier devient sensible en Esprit aussitĂŽt que lâargumentation est acceptĂ©e & disparaĂźt avec son rejet.
Le Kabbaliste nâest pas non plus dĂ©pendant de son RĂ©alisme & de ses applications Ă lâĆuvre Magique â mais je dĂ©fends la philosophie quâil mâa Ă©tĂ© demandĂ© de dĂ©fendre & cela nâest pas permis.
Une grande part peut en ĂȘtre apprise par les traductions du Zohar de S. Liddell MacGregor Mathers & son introduction Ă celles-ci, bien que pour ceux qui connaissent le latin & ont quelques notions dâhĂ©breu, il est prĂ©fĂ©rable dâĂ©tudier la Kabbala Denudata de Knorr von Rosenroth ; car, le traducteur a trahi le texte & ses commentaires afin de coller Ă sa croyance en un Dieu suprĂȘme personnel & en cette forme de doctrine fĂ©ministe dĂ©gradĂ©e qui est si populaire parmi les Ă©masculĂ©s.
Les Sephiroth sont groupées de diverses maniÚres. Il y a une Triade supérieure ; une Hexade & Malkhut, la Couronne, le PÚre & la MÚre, le Fils ou le Roi & la Promise.
Ăgalement, il existe une division en Sept Palais, Sept Plans, Trois Piliers ou Colonnes etc.
LâĂpĂ©e Flamboyante suit la course des Nombres & le Serpent Nechustan ou Serpent de la Sagesse rampe vers le sommet en suivant les Sentiers afin de les relier au sein de lâArbre de Vie.
Il est important dâexpliquer la position de Daâath ou Connaissance sur lâArbre. Elle est nommĂ©e Enfant de Hokhmah & de Binah, mais ne possĂšde aucun lieu. En fait, câest vĂ©ritablement lâApex dâune Pyramide dont les trois premiers nombres sont la Base.
A prĂ©sent, lâArbre, ou Minutum Mundum, est une Figure dans un Plan de lâUnivers solide. Daâath, Ă©tant au-dessus de ce Plan, est par consĂ©quent une Figure dâune Force dans les Quatre Dimensions, & donc câest lâObjet du Magnum Opus. Les Trois Voies qui sont connectĂ©es avec la TrinitĂ© Primordiale sont les trois lettres perdues ou PĂšres de lâalphabet hĂ©breu.
En Daâath ont dit que se situe le Grand Serpent Naâhash ou Leviathan, appelĂ© Mal afin de cacher sa SaintetĂ© :
ŚŚŚŚŚȘ = 496 = ŚŚ©’Ś & ŚŚ’ŚȘŚ = 358 = Ś ŚšŚ©
Il est semblable Ă la Kundalini de la philosophie hindoue, au Kwan-se-on des peuples mongols, & signifie la Force dans lâHomme qui est la Force sexuelle appliquĂ©e au Cerveau, au CĆur & aux autres organes & qui le rĂ©dime.
La divulgation progressive de ces secrets magiques au poĂšte peut ĂȘtre retracĂ©e en ces volumes [Collected Works dâA. Crowley] que jâai eu le privilĂšge dâexpliquer. Il a Ă©tĂ© impossible de faire plus que de remettre entre les mains de toute personne intelligente les ClĂ©s qui lui permettront dâouvrir les nombreuses Chambres dans ces Palais et Jardins de BeautĂ© et de Plaisir.
Plus sur le sujet :
Dogme de la Kabbale, A. Crowley. Publié dans Collected Works, Volume I, 1905. Traduction française par Spartakus FreeMann, Nadir de Libertalia, avril 2005 e.v. Image par Pete Linforth de Pixabay