Le retour de Sa Grandeur Fabré-Palaprat par Tau Héliogabale.
Le petit monde du templarisme dâopĂ©rette â tendance dĂ©lirante â semble sâagiter en cette fin dâannĂ©e 2018.
Le retour de Sa Grandeur FabrĂ©-Palaprat est d’actualitĂ©. Certains se lancent dans des dĂ©clarations Ă©tonnantes de reconnaissances de territorialitĂ©s, se fondant sur une prĂ©tendue «ârefondation Ă©tatiqueâ». Je passerai sur les thĂšses abracadabrantes soutenant cette croyance, car tout le monde a, effectivement, le droit de dĂ©clarer sa micronation virtuelleâ; ça ne mange pas de pain et tant que lâon ne tombe pas dans le sectarisme, rien ne peut nous alarmer. On passera aussi sur la mĂ©connaissance historique de ce quâĂ©tait lâOrdre du Temple originel, sur sa suspension, et sur la disparition de toute filiation possible entre le 14e siĂšcle et notre Ă©poque. Non pas que je nâaime pas les lĂ©gendes et les mythes, ils sont fondateurs de rĂ©alitĂ©s alternatives qui ont mes faveurs. Mais diantre, sâil suffisait de se retrouver dans une improbable gĂ©nĂ©alogie de la petite noblesse pour rĂ©clamer un hĂ©ritage chevaleresque lointain et des filiations fumeuse, Ă ce compte je suis dont empereur de Rome et prince dâEmpire (celui de NapolĂ©on of course).
Câest un peu comme cet autre «âpatriarche orthodoxe occidentalâ» qui se rĂ©clame de la directe succession de FabrĂ©-Palaprat parce quâil habite dans sa maison natale â oĂč lâhomme, rappelons-le, nây aura passĂ© que son enfance, sans jamais y remettre les pieds. Ă ce compte, ayant vĂ©cu dans la maison ayant abritĂ© un cannibale, je suis moi-mĂȘme un mangeur de chair humaine de plein droitâ! Par charitĂ©, je tairai ces manuscrits secrets et poussiĂ©reux dĂ©couverts dans la cave de la maison natale de FabrĂ©-Palaprat. On comprend le dĂ©sir mytho-logique.
Et justement, notre bon FabrĂ©-Palaprat semble bien agiter les esprits de nos templiers secrets, Ă©tatiques, alchimiques et comiques contemporains. Car il est voulu comme pierre angulaire dâun montage moderne au centre des activitĂ©s dâune certaine Ă©glise «âloi 1905â» comptant pour seuls fidĂšles ses Ă©vĂȘques. Mais lĂ oĂč le bĂąt blesse, câest que notre bonhomme Ă©tait maçon, falsificateur de titres de noblesse et de chevalerie et prĂ©tendu pape chrĂ©tien de Saint-Jean : «âEh bien, je puis parler ouvertement. Oui, je suis pape. Vous me direz que le pape est Ă Rome. Mais sachez que le pape qui est Ă Rome nâest pape que selon lâordre de Saint-Pierre, et que moi, je suis pape selon lâOrdre de Saint-Jean. Que Saint-Pierre nâa pas reçu la haute initiation, voilĂ pourquoi les papes qui descendent de lui nâont enseignĂ© que lâerreur. Saint Jean, au contraire, saint Jean seul a Ă©tĂ© initiĂ© par JĂ©sus, son maĂźtre, qui lui-mĂȘme avait Ă©tĂ© initiĂ© par les sophes dâĂgypteâ», Ă©crit-il dans une envolĂ©e lyrique que je lui envie tant.
ArrĂȘtons-nous un instant sur la portĂ©e de cette dĂ©claration (historique car extraite de sa correspondance). Donc JĂ©sus nâest quâun initiĂ© des «âsophesâ» Ă©gyptiens, pas Dieu et Fils de Dieu nĂ© de Marie, Homme et Dieu, ainsi que nous lâenseigne lâorthodoxie chrĂ©tienne depuis 2â000 ans. Le Pape de Rome nâest quâun succĂ©danĂ©, un simple successeur de Saint-Pierre, le simple petit chef spirituel de plus dâun milliard dâĂąmes⊠Il nâa pas lâinitiation de Saint-Jean, le pauvre⊠On laissera Ă cette orthodoxie occidentale et Ă son expression Ă©tatique le soin dâexpliquer cela aux cardinaux romains quâils courtisent et au Pape quâune de leur dĂ©lĂ©gation sâen est allĂ©e rencontrer lors dâune audience publique. Nous savons dĂ©jĂ que lâon nous rĂ©pondra que les tractations diplomatiques secrĂštes ne nous regardent en rien, et nous les remercions effectivement de nous Ă©pargner cette peine.
Plus loin, on nous explique encore que FabrĂ©-Palaprat nâa rien Ă voir avec la franc-maçonnerie. Pardonâ? Aurais-je mal luâ? On rappellera que dĂšs 1798, il sâest affiliĂ© Ă la maçonnerie au sein de la loge des Chevaliers de la Croix, dont il sera un temps le VĂ©nĂ©rable, et quâil devient, en 1801, le dĂ©putĂ© du Grand-Orient de la loge des «âSincĂšres Amisâ». Pour un mec qui nâa rien Ă voir avec la franc-maçonnerie, ce nâest pas rien⊠On va nous rĂ©torquer quâil sâagissait sans doute dâune infiltration, ou dâune Ćuvre exotĂ©rique, et que lâordre nĂ©o-templier de FabrĂ©-Palaprat nâavait rien Ă voir avec la franc-maçonnerie. Je renverrai alors nos bons templiers secrets Ă la SociĂ©tĂ© de lâAloyau⊠Et, en fin de compte, FabrĂ©-Palaprat aura laissĂ© aussi peu de traces dans la maçonnerie que dans le templarisme : sauf en ce concerne les excommunications et autres exclusions dont les conventicules occultes sont friands.
Dans la mĂȘme veine, on nous dit que FabrĂ©-Palaprat nâa pas transmis la chevalerie maçonnique qui nâest que «âspĂ©culativeâ», mais la rĂ©elle chevalerie de Saint-Louis. Si lâon peut ĂȘtre quelque peu dâaccord sur le premier terme de lâaffirmation, nous sommes Ă©tonnĂ©s de la seconde. En effet, FabrĂ©-Palaprat nâĂ©tait ni noble ni anobli. Alors soit FabrĂ© est dĂ©positaire dâune chevalerie opĂ©rative «âfamilialeâ» â mais nâĂ©tant pas noble, on ne sait dâoĂč il aurait pu la tirer â soit il a reçu un adoubement de la «âlignĂ©e de Saint-Louisâ» et il nâen a jamais fait mention â nous mettons au dĂ©fi nos contradicteurs de publier une piĂšce historique allant dans leur sens. Quant Ă cette chevalerie de Saint-Louis, nous laisserons le bĂ©nĂ©fice du doute Ă ceux qui sâemparent du symbole dâun individu canonisĂ© par une Ă©glise dont ils ne se rĂ©clament pas et qui fut sans aucun doute responsable des malheurs de deux communautĂ©s dont ils voudraient patronner le droit dâexister, Ă savoir les Juifs et les musulmans. Nous nâen sommes plus aux premiĂšres contradictions, mĂȘme si lâon aurait prĂ©fĂ©rĂ© une rĂ©fĂ©rence plus explicite au roi Arthur.
On pourrait aussi vouloir nous signifier que FabrĂ©-Palaprat nâĂ©tait ni vĂ©ritable maçon ni vrai chevalier validement adoubĂ©. Mais on comprend alors mal le but recherchĂ©â; sauf Ă brouiller les pistes qui toutes mĂšnent Ă la conclusion Ă©vidente que lâordre nĂ©o-templier de FabrĂ©-Palaprat et son Ă©glise avec nâĂ©taient que des constructions alambiquĂ©es. Et nous ne pouvons nous attendre Ă mieux venant dâhistoriens du dimanche, comme la suite va nous le prouver.
Selon les mĂȘmes, FabrĂ©-Palaprat Ă©tait un Ă©vĂȘque valide issu du clergĂ© constitutionnel et possĂ©dant une vĂ©ritable succession apostolique venant du Pape BenoĂźt XIII. DĂ©jĂ , ailleurs, nous avons rĂ©pondu Ă ces assertions quant Ă la validitĂ© de la filiation apostolique passant par Mauviel : «âPalaprat nâa jamais Ă©tĂ© consacrĂ© par Royer, mais par dâArnal et selon le rit templier⊠quant Ă une consĂ©cration par Mauviel, nous avons rĂ©pondu (âŠ)â», Mauviel nâa jamais imposĂ© les mains sur la tĂȘte de FabrĂ©-Palaprat. «âSacrĂ© Grand-MaĂźtre sous condition le 29 juillet 1810 par lâĂ©vĂȘque constitutionnel Mauviel, alors Primat de lâĂglise johannite, et Mgr. Salamon, Ă©vĂȘque in partibus dâOrthose (Louis-Siffrein-Joseph Foncrose de Salamon, futur Ă©vĂȘque de Saint-Flour). Ce dernier fut un adversaire du gallicanisme, des constitutionnels et fut mĂȘme nommĂ© administrateur apostolique par le Pape Pie VII, et internonce durant la Terreur. Son nom apparaĂźt bien dans le Manuel des chevaliers de lâOrdre du Temple de 1825, on ne peut douter donc quâil fit bien partie de lâOrdre, mais cela signifie-t-il quâil donna le sacre Ă©piscopal Ă FabrĂ©-Palapratâ? On ne peut quâen douter.â» Notons Ă©galement que FabrĂ©-Palaprat nâapparaĂźt dans aucun registre ecclĂ©siastique de lâĂ©glise constitutionnelle comme prĂȘtre ordonnĂ© et encore moins en tant quâĂ©vĂȘque. On comprendrait dâailleurs mal un Ă©vĂȘque sans territoire et sans paroisse ni paroissiens. On va nous ressortir lâargument du secret qui doit ĂȘtre gardĂ© jalousement pour Ă©viter que les cochons que nous sommes ne sâen emparent pour⊠Pour quoi dâailleursâ?
Revenons-en au bon Pape BenoĂźt XIII dont se rĂ©clament tous les nĂ©o-templiers actuels. Pour mĂ©moire, voici la lignĂ©e de succession «âBenoĂźt XIIIâ» qui fait consensus au sein des petites Ă©glises : BenoĂźt XIII, Ă©lu pape en 1724, 245e successeur de Saint-Pierre, consacre Ă©vĂȘque Mgr. De Polignac en 1735â; qui consacre Mgr. De Grammont II Ă©vĂȘque en 1744â; qui consacre Mgr. Von Baldenstein Ă©vĂȘque en 1759â; qui consacre Mgr. De Montenach Ă©vĂȘque en 1772â; qui consacre Mgr. Gobel Ă©vĂȘque en 1791â; qui consacre Mgr. Lamourette Ă©vĂȘque en 1791â; qui consacre Mgr. Jean-Baptiste Royer Ă©vĂȘque constitutionnel en 1800â; qui consacre Mgr. Guillaume Mauviel Ă©vĂȘque constitutionnel en 1800 et enfin, selon la lĂ©gende nĂ©o-templiĂšre, M. Bernard Raymond FabrĂ©-Palaprat est «âsacré⻠évĂȘque, grand-maĂźtre et pape le 29 juillet 1810 par Mgr. Mauviel. Cette lignĂ©e est la lignĂ©e apostolique et romaine utilisĂ©e par les nĂ©o-templiers pour valider leur succession apostolique secrĂšte du MaĂźtre JĂ©sus-Christ â souvenez-vous, les «âsophesâ» Ă©gyptiens ont initiĂ© JĂ©sus qui nâa initiĂ© que Saint-Jean, Saint-Pierre nâĂ©tant quâun dĂ©positaire des enseignements Ă©sotĂ©riques.
On pourrait ici se questionner sur lâintĂ©rĂȘt de se rattacher Ă Saint-Pierre pour des «âinitiĂ©sâ» cherchant Ă se revĂȘtir de lâessence spirituelle des enseignements johannites. Mais on nâen est plus Ă un embarras prĂšs. A moins que nos bons nĂ©o-templiers ne cherchent Ă brouiller les pistes afin de se rĂ©clamer de lâantipape BenoĂźt XIII, Pedro de la Luna, du 15e siĂšcle⊠Et cela semble ĂȘtre le cas, car une erreur aussi grossiĂšre que de confondre les deux BenoĂźt serait vraiment trop Ă©vidente.
Cela dit, soit notre bon FabrĂ©-Palaprat est un Ă©vĂȘque valide, car issu du clergĂ© constitutionnel, soit il est valide parce quâil se rattache Ă la lignĂ©e secrĂšte de lâantipape Pedro de la Luna. On comprendrait mal quel serait la bĂ©nĂ©fice de se rĂ©clamer dâune filiation issue de Saint-Pierre, et donc purement «âexotĂ©riqueâ» et sans intĂ©rĂȘt pour les recherches hautement spirituelles de nos bons templiers. Avouons que lâon sây perd, et ne doutons pas que lâon nous rĂ©pondra que câest le but de ce bricolage malhabile.
Mais restons un instant avec notre antipape Pedro de la Luna. Celui-ci donc fut Ă©lu en Avignon le 28 septembre 1394. Il sera lâun des trois papes Ă rĂ©clamer la primautĂ© dans ce que lâon a appelĂ© le Grand Schisme dâOccident qui fut clos par le sacre de Martin V. Pedro de la Luna Ă©tait soutenu par le comte Jean IV dâArmagnac. La fuite de BenoĂźt XIII en Aragon suite Ă son refus de reconnaĂźtre lâĂ©lection du Pape Martin V signe le dĂ©but de la lĂ©gende de la «âlignĂ©e secrĂšte de lâĂ©glise dâAvignonâ» dont la vie tumultueuse la fera passer par Rennes-le ChĂąteau et les belles pages de GĂ©rard de SĂšde.
Nous tombons ici dans la domaine du roman de gare Ă la Dan Brown, car cette Ă©glise secrĂšte serait selon ses fans la seule Ă avoir conservĂ© le legs de Saint-Pierre. Oublions les dĂ©lires quant Ă une pseudo-Ă©glise Ă©sotĂ©rique dâAvignon, Ă©glise dâalchimistes ou de souffleurs, cĂ©nacle dâinitiĂ©s hautement spirituels⊠à la vĂ©ritĂ©, on comprend mal, Ă nouveau, pourquoi chercher Ă se rattacher Ă une Ă©glise secrĂšte qui dĂ©tiendrait les enseignements de Saint-Pierre qui, selon nos nĂ©o-templiers, ne valent rien face Ă ceux plus Ă©sotĂ©riques de Saint-Jean⊠Mais Rennes-le-ChĂąteau fait vendre surtout si on lâaccouple aux templiers et aux grands secrets gnostiques. MĂȘme si une pincĂ©e de sĂ©dĂ©vacantisme rend le plat un peu indigeste.
LâĂ©glise dâAvignon nâa jamais rien eu dâune Ă©glise secrĂšte ou Ă©sotĂ©rique. Rappelons quâelle fut fondĂ©e par les agissements politiques de Philippe le Bel qui installa le pape ClĂ©ment V Ă Avignon afin de garder la papautĂ© sous sa coupe. Rappelons que ClĂ©ment V sera le fossoyeur de lâOrdre du Temple, son successeur direct, Jean XII, sera cependant considĂ©rĂ© comme un alchimiste, initiĂ© par les templiers si lâon en croit Roger Caroâ; on imagine mal cela comme autre chose quâune lĂ©gende, car il est connu que ce pape participa Ă©galement Ă la mise au tombeau de lâOrdre du Temple.
Mais notre bon pape dâau-delĂ de la mer â câest la devise de Pedro de la Luna dans les prophĂ©ties de Malachie â est nĂ©cessaire Ă lâĂ©dification du roman que lâon veut nous vendre, car il permet de faire le lien avec la maison des comtes dâArmagnac qui permet de remonter aux templiers (!). En effet, dans la charte dite de «âLarmeniusâ» (nous renvoyons le lecteur Ă notre article sur le sujet), dans la liste des successeurs de Jacques de Molay â dernier grand maĂźtre de lâordre du Temple â on retrouve Jean IV dâArmagnac qui fut un des dĂ©fenseurs de la papautĂ© de BenoĂźt XIII. Et comme de bien entendu, on saute immĂ©diatement sur ce nom afin dâĂ©tablir une filiation templiĂšre «âindiscutableâ». Mais câest oublier lâhistoire, la vraie pas celle fantasmĂ©e pour Ă©tonner le badaud, et celle-ci est trĂšs prĂ©cise : la premiĂšre maison dâArmagnac sâĂ©teint dĂ©finitivement en 1497 et passe Ă la maison dâAlençon avant de passer Ă celle dâAlbret et de lĂ Ă Henri IV qui rĂ©unit le comtĂ© au domaine royal. Ă nouveau, je ne doute pas que lâon nous sorte des gĂ©nĂ©alogies fantasques oĂč des enfants cachĂ©s (une Pucelle peut-ĂȘtreâ?), adultĂ©rins ou autogĂšnes feront des maisons dâArmagnac comme chĂąteaux en Espagne.
On voit donc mal comment une maison Ă©teinte aurait pu confĂ©rer une filiation templiĂšre indiscutable Ă FabrĂ©-Palaprat, sauf Ă en faire un rejeton issu dâune branche bĂątarde (ce dont on peut douter) ou Ă puiser dans la Charte Larmenius pour valider des prĂ©misses fausses. Le problĂšme Ă©tant ici que nos nĂ©o-templiers ne sont pas dâaccord entre eux : certains y vouent une foi sans borne, dâautres la rĂ©futent comme nâĂ©tant quâun document maçonnique, un faux destinĂ© Ă voler lâhĂ©ritage des «âvrais templiersâ»â; dâautres, enfin, veulent nous faire croire quâil sâagirait dâun document codĂ© dissimulant en son sein une lignĂ©e sacerdotale secrĂšte qui nâest communiquĂ©e quâaux seuls initiĂ©s vĂ©ritables (avec le petit cachet qui va bien avec). On comprend dâailleurs encore moins comment, aujourdâhui, certains osent signer, sans aucune vergogne, du «âcomte dâArmagnacâ».
Selon la lĂ©gende, cette Charta Transmissionis, ou Tabula Aurea Larmenii, proviendrait de Jacques de Molay, dernier grand-maĂźtre de lâOrdre du Temple, brĂ»lĂ© sur lâĂźle aux Juifs Ă Paris le 18 mars 1314. Celui-ci voyant sa fin proche aurait transmis sa charge â et les secrets qui en dĂ©coulent â Ă Johannes Marcus Larmenius (Jean-Marc LarmĂ©nius), un illustre inconnu pour les historiens, mais commandeur de JĂ©rusalem pour la bonne cause (pour rappel, Ă cette date, JĂ©rusalem Ă©tait depuis longtemps aux mains des Mamelouks). Celui-ci, Ă son tour, aurait transmis la grande maĂźtrise Ă François-Thomas-ThĂ©obald dâAlexandrie, le 13 fĂ©vrier 1324, en lui remettant Ă©galement la fumeuse charte qui se transmettra ainsi de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, pour arriver, aprĂšs ĂȘtre passĂ©e par les mains de Ledru, entre celles de Bernard Raymond en 1804 («âLa charte Larmeniusâ», Tau HĂ©liogabale, https://www.esoblogs.net/9191/la-charte-larmenius/). Ce document a Ă©tĂ© analysĂ© par bien plus savant que nous, et toutes les conclusions vont dans le mĂȘme sens : un faux grossier fabriquĂ© dans les milieux maçonniques afin de valider des lignĂ©es pseudohistoriques.
Cette Charte est actuellement exposĂ©e dans le musĂ©e de la Franc-Maçonnerie de la Grande Loge Unie dâAngleterre. Aucun des ordres nĂ©o-templiers sâen rĂ©clamant ne dispose dâun original ou dâune copie de lâĂ©poque. On se demande donc : primo, comment ils peuvent dĂ©tenir le secret dâun document quâils ne possĂšdent pasâ; deuxio, comment ils arrivent Ă faire avaler Ă leur branche Ă©tatique catholique que lâĂ©glise qui les patronne soit basĂ©e spirituellement sur un document qui voudrait prouver que lâĂ©glise de Rome nâest pas la vĂ©ritable Ă©glise du Christ. Ca donne le tournis.
Lâargument massue du «âvous ne pouvez pas savoir, car câest secret et rĂ©servĂ© Ă nos initiĂ©sâ» est fallacieux et miteuxâ; un hĂ©ritage de cet occultisme dont la date de pĂ©remption est largement dĂ©passĂ©e aujourdâhui.
Pour parfaire lâĂ©difice mytho-logique on va nous servir des manuscrits oubliĂ©s, des lignĂ©es monastiques secrĂštes, des grimoires dissimulĂ©s, des secrets et encore des secretsâ; on va nous invoquer la pratique de lâalchimie par les bĂ©nĂ©dictinsâ; des calices Ă quatre sous transmis par de grandes familles nobles Ă©teintes depuis 500 ansâ; on va nous illustrer tout cela avec des sceaux tirĂ©s des manuscrits de goĂ©tie du moyen-ĂągeâŠ
Toute cette mĂ©lasse de roman Ă deux sous est une odieuse parodie des ouvrages de GĂ©rard de SĂšde â qui avait un certain talent lui. On va encore nous accuser dâĂȘtre grossier et jaloux, de ne rien savoir des arcanes de groupes Ă©sotĂ©riques auxquels je nâappartiens pas. Soit, mais que dire de prĂ©tentions alambiquĂ©es et fumeuses qui embrouillent les cherchants honnĂȘtes dans des historiettes oĂč la faribole et le merveilleux le combattent aux incohĂ©rences historiques les plus Ă©lĂ©mentairesâ? Alors oui, je dis les choses telles quâelles sont et de maniĂšre crue. Je nâai aucun business Ă dĂ©fendre et ma morale et mon honnĂȘtetĂ© sont mes seuls guides en la matiĂšre.
Nous sommes Ă lâaube dâune Ă©poque intĂ©ressante qui nâest pas trĂšs diffĂ©rente de celle de notre bon FabrĂ©-Palaprat : on se crĂ©e des titres de patriarche orthodoxe dâOccidentâ; on se fait comte de ceci ou prince de celaâ; on sâapproprie des noms illustresâ; on se rĂ©clame de rĂ©surgence dâĂ©tats qui nâont jamais existĂ©â; on en appelle aux cours de justice, Ă lâONUâ; on sâaffiche dans des selfies avec le pape de Rome que lâon voudrait remplacer⊠Je ne doute pas du succĂšs de lâentreprise : lâhumain est malheureusement crĂ©dule et si on lui sert une lĂ©gende brillante de mille feux des ors de la renommĂ©e dâordres dĂ©funts il va abandonner la proie pour lâombre.
Alors messieurs les nĂ©o-templiers, Ă lâavenir, si vous voulez nous faire avaler vos couleuvres, tĂąchez au moins de les rendre un minimum crĂ©dibleâ; vous nâavez les dons ni dâun Roger Caro, ni dâun de SĂšde, ni mĂȘme dâun Dan Brown.
Le retour de Sa Grandeur Fabré-Palaprat par Tau Héliogabale, ep. gn. vag.
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